La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/12/2002 | SUISSE | N°U.388/01

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 02 décembre 2002, U.388/01


{T 7}
U 388/01

Arrêt du 2 décembre 2002
IVe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et Ferrari.
Greffier : M. Métral

C.________, recourant, représenté par Me Pierre Bauer, avocat, avenue
Léopold-Robert 88, 2300 La Chaux-de-Fonds,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Service
juridique,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, intimée

Tribunal administratif du canton de Neuchâtel, Neuchâtel

(Jugement du 19 octobre 2001)

Faits :


A.
C. ________, de nationalité française, travaillait en Suisse comme
frontalier, lorsqu'un accident de travail lui cau...

{T 7}
U 388/01

Arrêt du 2 décembre 2002
IVe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et Ferrari.
Greffier : M. Métral

C.________, recourant, représenté par Me Pierre Bauer, avocat, avenue
Léopold-Robert 88, 2300 La Chaux-de-Fonds,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Service
juridique,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, intimée

Tribunal administratif du canton de Neuchâtel, Neuchâtel

(Jugement du 19 octobre 2001)

Faits :

A.
C. ________, de nationalité française, travaillait en Suisse comme
frontalier, lorsqu'un accident de travail lui causa une fracture de
la rotule
du genou gauche, en 1988. La Caisse nationale suisse d'assurance en
cas
d'accidents (ci-après : CNA) prit en charge le cas en allouant des
indemnités
journalières et en assumant les frais de traitement. Ces prestations
furent
également allouées à la suite de plusieurs rechutes, dont la dernière
fut
annoncée le 29 juin 1999 par l'employeur de l'assuré. Ce dernier
présentait
une arthrose fémoro-patellaire entraînant des douleurs dans le genou
gauche,
notamment s'il devait marcher de manière prolongée, monter ou
descendre des
escaliers. Selon le docteur A.________, médecin d'arrondissement de
la CNA,
il devait abandonner le métier de maçon, exercé jusqu'alors, mais
bénéficiait
encore d'une pleine capacité de travail dans une activité sédentaire
et
légère, lui permettant de se dégourdir régulièrement (rapports des 2
juillet
1999, 6 septembre 1999 et 8 février 1999).

Sur la base de ces constatations, la CNA alloua à C.________ une
indemnité de
8160 fr. pour une atteinte à l'intégrité fixée à 10 %, ainsi qu'une
rente
correspondant à un taux d'invalidité de 25 %, dès le 1er mars 2000
(décision
du 29 août 2000). Elle considéra, en se fondant notamment sur cinq
descriptions de postes de travail (ci-après : DPT) dans des
entreprises de la
région de Y.________, où l'assuré travaillait précédemment, que
celui-ci
pouvait encore réaliser un salaire de 3500 fr. par mois dans une
activité
adaptée, alors qu'il aurait obtenu dans le même temps un revenu de
4550 fr.
s'il avait continué à exercer son activité de maçon. L'opposition
formée par
l'assuré contre cette décision fut levée par décision du 16 janvier
2001.

B.
C.________ saisit le Tribunal administratif du canton de Neuchâtel
d'un
recours contre cette décision sur opposition, en concluant, sous
suite de
dépens, à l'octroi d'une rente fondée sur un taux d'invalidité de 50
% dès le
1er mars 2000. La CNA conclut au rejet du recours, en s'appuyant sur
trois
nouvelles DPT.

Par jugement du 19 octobre 2001, le Tribunal administratif du canton
de
Neuchâtel rejeta le recours.

C.
L'assuré interjette un recours de droit administratif contre ce
jugement,
dont il demande l'annulation; en substance, il prend des conclusions
identiques à celles formulées devant la juridiction cantonale.
L'intimé
conclut au rejet du recours, alors que l'Office fédéral des assurances
sociales ne s'est pas déterminé.

Considérant en droit :

1.
Le litige porte sur le droit du recourant au versement d'une rente
d'invalidité par la CNA. Partant, le pouvoir d'examen du Tribunal
fédéral des
assurances n'est pas limité à la violation du droit fédéral - y
compris
l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation - mais s'étend également à
l'opportunité de la décision attaquée. Le tribunal n'est pas lié par
l'état
de fait constaté par la juridiction inférieure, et il peut s'écarter
des
conclusions des parties à l'avantage ou au détriment de celles-ci
(art. 132
OJ). Il peut également admettre ou rejeter un recours sans égard aux
griefs
soulevés par le recourant ou aux raisons retenues par le premier juge
(art.
114 al. 1 en corrélation avec l'art. 132 OJ; ATF 125 V 500 consid. 1,
124 V
340 consid. 1b et les références).

2.
2.1La notion d'invalidité est, en principe, identique en matière
d'assurance-accidents, d'assurance militaire et
d'assurance-invalidité. Dans
ces trois domaines, elle représente la diminution permanente ou de
longue
durée, résultant d'une atteinte à la santé assurée, des possibilités
de gain
sur le marché du travail équilibré qui entre en ligne de compte pour
l'assuré
(ATF 119 V 470 consid. 2b, 116 V 249 consid. 1b et les arrêts cités).
Aussi
convient-il, pour l'évaluation de l'invalidité, de comparer le revenu
du
travail que l'assuré pourrait obtenir en exerçant l'activité qu'on
peut
raisonnablement attendre de lui, après exécution éventuelle de
mesures de
réadaptation et compte tenu d'une situation équilibrée du marché du
travail
(revenu d'invalidité), à celui qu'il pourrait obtenir s'il n'était pas
atteint dans sa santé (revenu sans invalidité; cf. art. 18 al. 2
LAA), au
moment de l'ouverture d'un éventuel droit à une rente (arrêt D. du 23
mai
2002 [U 234/00] destiné à la publication, consid. 4a).

2.2 Savoir si on peut exiger raisonnablement d'un assuré qu'il exerce
une
activité lucrative et, si oui, laquelle, dépend de l'ensemble des
circonstances concrètes, en particulier de ses capacités physiques et
psychiques, ainsi que de sa situation professionnelle et sociale,
considérées
de manière objective (ATF 113 V 28 consid. 4a, 109 V 28; Maeschi,
Kommentar
zum Bundesgesetz über die Militärversicherung [MVG] vom 19. Juni
1992, n° 38
ss p. 320). Néanmoins, l'assurance-accidents, l'assurance militaire ou
l'assurance-invalidité n'ont pas à répondre d'une diminution de la
capacité
de gain due essentiellement à d'autres facteurs qu'à une atteinte à
la santé,
tels que le manque de formation professionnelle, des difficultés
d'ordre
linguistique ou l'âge (facteurs étrangers à l'invalidité; cf. ATF 107
V 21
consid. 2c; VSI 1999 p. 247 consid. 1; Hardy Landolt, Das
Zumutbarkeitsprinzip im schweizerischen Sozialversicherungsrecht,
Thèse 1995
Zurich, p. 276 ss; Béatrice Breitenmoser, Invalidenversicherung quo
vadis ?
Die Kausalitätsprobleme der IV in : Psychische Störungen und die
Sozialversicherung - Schwerpunkt Unfallversicherung, Berne 2002, p.
144 ss).

2.3 La notion du marché équilibré du travail est une notion théorique
et
abstraite, qui sert de critère de distinction entre les cas tombant
sous le
coup de l'assurance-chômage et ceux qui relèvent de
l'assurance-invalidité,
de l'assurance-accidents ou de l'assurance militaire. Elle implique,
d'une
part, un certain équilibre entre l'offre et la demande de
main-d'oeuvre et,
d'autre part, un marché du travail structuré de telle sorte qu'il
offre un
éventail d'emplois diversifiés. D'après ces critères, on déterminera
si, dans
les circonstances concrètes du cas, l'invalide a la possibilité de
mettre à
profit sa capacité résiduelle de gain, et s'il peut ou non réaliser
un revenu
excluant le droit à une rente (ATF 110 V 276 consid. 4b; RCC 1991 p.
332
consid. 3b).

3.
La juridiction cantonale a considéré, à juste titre, au regard des
renseignements donnés par l'ancien employeur du recourant, que ce
dernier
aurait réalisé un salaire mensuel de 4550 fr. pendant l'année 2000,
s'il
avait pu continuer à exercer sa profession. Ce montant, que le
recourant ne
conteste du reste plus, peut être retenu à titre de revenu sans
invalidité.

4.
4.1Le recourant fait valoir que le revenu d'invalide retenu par les
premiers
juges, sur la base des descriptions de postes de travail figurant au
dossier,
devrait encore être réduit de 25 %. Il soutient que les emplois
décrits ne
correspondent pas réellement à ses aptitudes physiques et qu'aucune
des
entreprises consultées ne cherche à pourvoir une place de travail
vacante. Il
ajoute qu'il ne dispose plus d'une autorisation de travail en Suisse,
son
permis de frontalier lui ayant été retiré après qu'il eut cessé de
travailler
comme maçon, en raison de son atteinte à la santé.

4.2 Dans la mesure où le recourant laisse entendre qu'il ne lui
serait plus
possible d'obtenir un nouveau permis de travail en Suisse et qu'il ne
pourrait réaliser dans son pays qu'un revenu nettement inférieur à
ceux
proposés en Suisse pour une même activité, son argumentation
méconnaît la
notion d'invalidité définie par la loi. La diminution alléguée de sa
capacité
de gain devrait en effet être imputée, pour l'essentiel, à un facteur
étranger à l'invalidité, dont il n'a pas été tenu compte lors de
l'évaluation
de son revenu sans invalidité, et dont il conviendrait de faire
également
abstraction dans la détermination du revenu d'invalide (cf. consid.
2.2
supra; voir également RCC 1989 p. 485 consid. 3b). Par ailleurs,
comme l'ont
exposé à juste titre les premiers juges, le fait que les entreprises
consultées par l'intimée disposent en ce moment d'un effectif complet
ne
permet pas de nier qu'un emploi présentant les caractéristiques
décrites soit
accessible au recourant, dans un marché du travail équilibré. Enfin,
le
recourant n'expose pas en quoi son état de santé l'empêcherait
d'exercer
l'une des activités décrites dans les DPT contestées, à plein temps
et à
plein rendement. Quoi qu'il en soit, il n'est pas nécessaire
d'examiner plus
en détail le caractère adapté des emplois décrits, dès lors que même
en
faisant abstraction des DPT mises en cause, on ne saurait allouer au
recourant une rente fondée sur un taux d'invalidité supérieur à 25 %,
pour
les motifs exposés ci-après.

5.
5.1Lorsque l'assuré n'a pas repris d'activité, ou aucune activité
adaptée lui
permettant de mettre pleinement en valeur sa capacité de travail
résiduelle,
contrairement à ce qui serait raisonnablement exigible de sa part, le
revenu
d'invalide peut être évalué sur la base, notamment, des données
salariales
publiées par l'Office fédéral de la statistique (ci-après : l'OFS).
Dans ce
cas, on réduira le montant des salaires ressortant de ces données en
fonction
des empêchements propres à la personne de l'invalide, tels que le
handicap,
l'âge, les années de service, la nationalité, la catégorie
d'autorisation de
séjour ou le taux d'occupation. On procédera alors à une évaluation
globale
des effets de ces empêchements sur le revenu d'invalide, compte tenu
de
l'ensemble des circonstances du cas concret, étant précisé que la
jurisprudence n'admet pas de déduction globale supérieure à 25 % (ATF
126 V
76 sv. consid. 3b/bb, 78 ss consid. 5).

5.2 D'après L'Enquête suisse sur la structure des salaires 2000
(ci-après :
ESS), le salaire mensuel brut (valeur centrale) des hommes exerçant
une
activité simple et répétitive (niveau de qualification 4, selon la
classification utilisée par l'OFS) dans le secteur privé était de
4437 fr. en
2000 (ESS table A1, p. 31). Au regard du large éventail d'activités
de ce
type que recouvrent les secteurs de la production et des services, on
doit
convenir qu'un certain nombre d'entre elles ne nécessitent ni longs
déplacements, ni port de charges, tout en permettant de se lever
régulièrement pour se dégourdir, de sorte qu'elles sont adaptées au
handicap
présenté par le recourant. Comme les salaires bruts standardisés
tiennent
compte d'un horaire de travail de 40 heures (ESS p. 10), soit une
durée
hebdomadaire inférieure à la moyenne usuelle dans les entreprises en
2000
(41,8 heures : La Vie économique 10/2002 p. 88), il convient
d'adapter le
revenu mentionné ci-dessus, en le portant à 4637 fr. Or, même en
procédant à
un abattement maximum de 25 % - une déduction moins importante
apparaîtrait
cependant mieux appropriée - pour tenir compte des circonstances
propres à la
personne du recourant et susceptibles de limiter ses perspectives
salariales,
on obtient un revenu mensuel de 3478 fr. Celui-ci, après comparaison
avec le
revenu sans atteinte à la santé du recourant (consid. 3 supra),
conduit à un
taux d'invalidité légèrement inférieur à celui sur lequel est fondée
la rente
allouée par l'intimée.

5.3 Cela étant, le Tribunal fédéral des assurances pourrait revoir à
la
baisse la rente allouée au recourant, en procédant à une reformatio
in pejus
du jugement entrepris. Il ne s'agit toutefois que d'une faculté (ATF
119 V
249 consid. 5), dont il convient de renoncer à faire usage en
l'espèce,
compte tenu de l'ensemble des circonstances, ainsi que de la marge
d'imprécision que comporte nécessairement la détermination du taux
d'invalidité d'un assuré, quand bien même celle-ci ne justifie en
principe
pas d'arrondir le taux obtenu à l'aide des méthodes définies par la
loi et la
jurisprudence (cf. ATF 127 V 131 consid. 4a/aa, ainsi que
Meyer-Blaser, Zur
Prozentgenauigkeit in der Invaliditätsschätzung in :
Schaffhauser/Schlauri,
Rechtsfragen der Invalidität in der Sozialvericherung, Lucerne 1999,
p. 17,
25 sv.).

6.
Le recourant, qui succombe, ne peut prétendre de dépens. Par
ailleurs, la
procédure est gratuite, dès lors qu'elle porte sur l'octroi ou le
refus de
prestations d'assurances (art. 134 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal
administratif du
canton de Neuchâtel et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 2 décembre 2002
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la IVe Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : U.388/01
Date de la décision : 02/12/2002
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-12-02;u.388.01 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award