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29/11/2002 | SUISSE | N°I.621/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 29 novembre 2002, I.621/02


{T 7}
I 621/02

Arrêt du 29 novembre 2002
Ire Chambre

MM. les Juges Schön, Président, Borella, Lustenberger, Kernen et
Frésard.
Greffier : M. Berthoud

B.________, recourant, représenté par Me Ivan Zender, avocat, avenue
Léopold-Robert 88, 2301 La Chaux de Fonds,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 28 mars 2002)

Faits :

A.<

br> B. ________ souffre de diabète insulo-dépendant avec pied de Charcot.
Le 10
février 2000, il a subi une amputation ouverte d...

{T 7}
I 621/02

Arrêt du 29 novembre 2002
Ire Chambre

MM. les Juges Schön, Président, Borella, Lustenberger, Kernen et
Frésard.
Greffier : M. Berthoud

B.________, recourant, représenté par Me Ivan Zender, avocat, avenue
Léopold-Robert 88, 2301 La Chaux de Fonds,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 28 mars 2002)

Faits :

A.
B. ________ souffre de diabète insulo-dépendant avec pied de Charcot.
Le 10
février 2000, il a subi une amputation ouverte du cinquième orteil
avec
désarticulation méta-tarso-phalangienne et drainage de l'avant-pied
gauche.
Le 17 février 2000, il a été procédé à une nécrosectomie du dos du
pied
externe gauche et finalement, le 7 mars 2000, à une greffe de
Thiersch du dos
du pied externe gauche. Ces interventions ont été pratiquées au Centre
hospitalier X.________. Le patient a été ensuite rééduqué à la marche
avec
une chaussure basse spéciale pour pansements de type Rathgaber, d'un
coût de
139 fr. (facture du 28 mars 2000).

Par la suite, B.________ a acheté des chaussures basses spéciales de
type
Sanova munies notamment d'une barre de déroulement, de supports
plantaires
sur mesure (modèles plâtrés), pour le prix de 1055 fr. (facture du 11
août
2000). Enfin, il a fait l'acquisition d'une seconde paire de
chaussures
basses spéciales de type Sanova également, munies de supports
plantaires sur
mesure; le prix s'est élevé à 771 fr. 70 (facture du 22 septembre
2000).

Ces différentes paires de chaussures ont été prescrites par le médecin
traitant de B.________, la doctoresse A.________, médecin assistante
au
Centre hospitalier X.________. Elles ont été fournies par la maison
Y.________SA.

Le 24 août 2000, B.________ a présenté une demande de prestations de
l'assurance-invalidité tendant à la prise en charge, au titre de
moyens
auxiliaires, des chaussures prescrites par la doctoresse A.________.
Après
s'être procuré des renseignements médicaux auprès du Centre
hospitalier
X.________, l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud
a rendu
une décision, le 23 novembre 2000, par laquelle il a rejeté la
demande de
prestations de l'assuré, au motif que les chaussures basses spéciales
pour
supports plantaires et pour pansements ne sont pas à la charge de
l'assurance-invalidité, car de telles chaussures sont avant tout
nécessaires
pour permettre le port de supports plantaires.

B.
Par jugement du 28 mars 2002, le Tribunal des assurances du canton de
Vaud a
rejeté le recours formé contre cette décision par l'assuré.

C.
B.________ interjette un recours de droit administratif dans lequel il
conclut, avec suite de dépens, à l'annulation du jugement cantonal,
ainsi que
de la décision de l'office de l'assurance-invalidité, et demande au
Tribunal
fédéral des assurances de constater qu'il a droit à la prise en
charge des
factures des 28 mars 2000 (139 fr.), 11 août 2000 (1055 fr.) et 22
septembre
2000 (771 fr. 70).

L'office de l'assurance-invalidité conclut au rejet du recours. Quant
à
l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS), il ne s'est pas
déterminé à
son sujet.

Considérant en droit :

1.
Selon l'art. 21 al. 1 LAI, l'assuré a droit, d'après une liste que
dressera
le Conseil fédéral, aux moyens auxiliaires dont il a besoin pour
exercer une
activité lucrative ou accomplir ses travaux habituels, pour étudier ou
apprendre un métier ou à des fins d'accoutumance fonctionnelle. Les
frais de
prothèses dentaires, de lunettes et de supports plantaires ne sont
pris en
charge par l'assurance que si ces moyens auxiliaires sont le
complément
important de mesures médicales de réadaptation. D'après la
jurisprudence, il
importe peu qu'il s'agisse ou non d'une mesure exécutée aux frais de
l'assurance-invalidité; ce qui est déterminant, c'est que les
conditions de
prise en charge en tant que mesure médicale de l'assurance-invalidité
aient
été remplies (ATF 105 V 148 consid. 1 et les arrêts cités).
A l'art. 14 RAI, le Conseil fédéral a délégué au Département fédéral
de
l'intérieur la compétence de dresser la liste des moyens auxiliaires
et
d'édicter des prescriptions complémentaires au sens de l'art. 21 al.
4 LAI.
Ce département a édicté l'ordonnance concernant la remise des moyens
auxiliaires par l'assurance-invalidité (OMAI) avec en annexe la liste
des
moyens auxiliaires. En vertu de l'art. 2 OMAI, ont droit aux moyens
auxiliaires, dans les limites fixées par la liste en annexe, les
assurés qui
en ont besoin pour se déplacer, établir des contacts avec leur
entourage ou
développer leur autonomie personnelle (al. 1); l'assuré n'a droit aux
moyens
auxiliaires désignés dans cette liste par un astérisque (*), que s'il
en a
besoin pour exercer une activité lucrative ou accomplir ses travaux
habituels, pour étudier ou apprendre un métier ou à des fins
d'accoutumance
fonctionnelle ou encore pour exercer l'activité nommément désignée au
chiffre
correspondant de l'annexe (al. 2).

La liste contenue dans l'annexe à l'ordonnance concernant la remise
de moyens
auxiliaires par l'assurance-invalidité (OMAI) est exhaustive dans la
mesure
où elle énumère les catégories de moyens auxiliaires entrant en ligne
de
compte. En revanche, il faut examiner pour chaque catégorie si
l'énumération
des divers moyens auxiliaires faisant partie de cette catégorie est
également
exhaustive ou simplement indicative (ATF 121 V 260 consid. 2b et les
références).

2.
2.1Sous le titre «Chaussures et semelles plantaires orthopédiques», le
chiffre 4 de l'annexe à l'OMAI dispose ce qui suit :

4.01 Chaussures orthopédiques sur mesure et chaussures orthopédiques
de série, frais de fabrication inclus,
lorsqu'une remise selon les chiffres 4.02 à 4.04 ci-après n'est pas
possible. La personne assurée doit participer aux frais.

4.02 Retouches orthopédiques coûteuses/éléments orthopédiques
coûteux incorporés aux chaussures de confection ou aux chaussures
orthopédiques spéciales
4.03 Chaussures orthopédiques spéciales
La personne assurée doit participer aux frais.

4.04 Utilisation de chaussures de confection supplémentaires pour
cause d'invalidité
4.05* Semelles plantaires orthopédiques
si elles constituent le complément important de mesures médicales de
réadaptation.

2.2 Les chaussures qui ont fait l'objet de factures pour des montants
respectifs de 771 fr. 70 et 1055 fr. (type Sanova) concernent des
chaussures
confectionnées en série, conçues spécialement pour le port de semelles
amovibles et qui sont appropriées pour une adaptation orthopédique
complémentaire. Elles comportent des contreforts rigides et montants
ainsi
que la place nécessaire pour les supports plantaires. Quant aux
chaussures
qui ont fait l'objet de la facture d'un montant de 139 fr., il s'agit
de
chaussures spéciales de confection en tissu, en matière synthétique
ou en
cuir souple qui sont portées par-dessus les pansements.

Il est constant que ces chaussures ne peuvent pas être allouées au
recourant
au titre de complément important à des mesures médicales de
réadaptation au
sens de l'art. 21 LAI.

2.3 Les premiers juges se réfèrent au chiffre 4.02.2 de la circulaire
de
l'OFAS concernant la remise de moyens auxiliaires par
l'assurance-invalidité
(CMAI). Selon cette directive, les chaussures de confection
fabriquées en
série (que l'on se procure sur le marché, de même que les chaussures
de
confort, les chaussures de sport, etc.) doivent être entièrement
financées
par les assurés. Le premier juge considère à cet égard que les
chaussures
acquises par l'assuré sont des chaussures que l'on se procure sur le
marché,
de sorte que c'est à juste titre que l'office de
l'assurance-invalidité a
refusé d'en assumer le remboursement.

Dans son acception moderne et courante, l'expression «de confection»
fait
référence à un mode industriel de production en série, par opposition
à la
fabrication sur mesure. Le chiffre 4.01 de l'annexe à l'OMAI admet la
prise
en charge par l'assurance des chaussures orthopédiques de série, au
même
titre que les chaussures orthopédiques sur mesure.

Les chaussures de confection fabriquées en série que l'on se procure
sur le
marché, au sens de la directive précitée de l'OFAS, sont celles que
l'on
trouve dans le commerce de chaussures en général (par opposition à
celles que
l'on ne peut se procurer que dans des commerces spécialisés), comme
cela
ressort d'ailleurs de manière plus explicite de la version allemande
de la
directive («im freien Handel erhältlich»).

Dans le cas particulier, on ne saurait donc suivre les premiers juges
quand
ils considèrent que les chaussures en cause tombent sous le coup des
directives administratives en ce sens qu'il s'agit de chaussures que
l'on
peut se procurer dans le commerce de chaussures en général. Il
s'agit, en
effet, de chaussures spéciales, vendues et adaptées soit par des
techniciens
orthopédistes, soit par des bottiers orthopédistes et que l'on ne
trouve donc
que dans des établissements spécialisés (voir le rapport du 21
décembre 2000,
établi par le docteur B.________, chirurgien-orthopédiste et médecin
adjoint
du service d'orthopédie et de traumatologie de l'appareil moteur du
Centre
hospitalier X.________). C'est du reste à un établissement de ce
genre que le
recourant s'est adressé.

2.4 Il reste à examiner si c'est à bon droit que l'office de
l'assurance-invalidité a refusé la prise en charge des frais
litigieux au
motif que les chaussures en question sont avant tout nécessaires pour
permettre le port de supports plantaires, qui ne sont eux-mêmes pas à
la
charge de l'assurance-invalidité (sauf s'ils sont le complément
important à
une mesure médicale de réadaptation).

Les chaussures orthopédiques assument une double fonction : elles
servent à
la fois à habiller le pied et jouent un rôle orthopédique en
permettant, ou
du moins en facilitant, la marche en présence d'une pathologie ou
d'une
difformité du pied, qui ne peut, de ce fait, être enveloppé d'une
chaussure
normale (voir RCC 1989 p. 419 consid. 3b). D'après la jurisprudence,
les
chaussures orthopédiques qui remplissent la même fonction que les
supports
plantaires ne sont pas à la charge de l'assurance-invalidité, si
elles ne
constituent pas le complément important à des mesures de
réadaptation; de
telles chaussures sont assimilées à des supports plantaires (RCC 1974
p.
339).

Selon le rapport, déjà mentionné, du docteur B.________, le recourant
se
trouve dans l'incapacité de porter des chaussures normales. Il
présente un
important problème de pieds, dans le cadre soit de maux perforants
plantaires, de pied de Charcot (il s'agit d'une déformation
caractérisée par
un affaissement de la voûte plantaire avec gonflement dorsal du pied
et
épaississement de son bord interne), de status après amputation
limitée au
pied, induisant une déformation très sévère de ces organes. Selon ce
médecin
toujours, l'affection ne permet plus à l'assuré de marcher
normalement et
d'avoir une certaine indépendance sans la prescription de chaussures
orthopédiques de série avec lit plantaire incorporé pour éviter des
lésions
ultérieures ouvrant la porte à des mutilations plus sévères, donc plus
proximales.

On peut en déduire que les chaussures de type Sanova acquises par
l'assuré,
bien que comportant des supports plantaires moulés, ne remplissent pas
seulement la fonction de supports plantaires ou de semelles adaptées.
Elles
ne servent pas uniquement à alléger des points de pression anormaux
ou à
supporter le pied. Elles comportent une adaptation orthopédique
(notamment
des contreforts rigides et montants) destinée à protéger les pieds
contre
des blessures dues à des points de pression et à des ulcères
favorisés par
des déformations et par une insensibilité à la douleur; de telles
blessures
sont caractéristiques du syndrome du «pied de diabétique» (cf. Cecil,
Traité
de médecine interne, traduction de la vingtième édition américaine,
Paris
1997 p. 1275 sv.; Davidson, Médecine interne, traduit de la
dix-huitième
édition anglaise, Paris 2000, p. 503 sv.). Comme le relève le docteur
B.________, l'absence d'une telle protection peut conduire à
d'importantes
complications qui peuvent aller jusqu'à l'amputation (rapport du 19
octobre
2000). Dans ces conditions, on doit admettre qu'il s'agit de
chaussures
orthopédiques de série au sens du chiffre 4.01 de l'annexe à l'OMAI,
en
principe à la charge de l'assurance-invalidité.

S'agissant des chaussures du type Rathgaber, il y a lieu de relever
qu'elles
ont servi temporairement à la rééducation de l'assuré et sont liées à
un
handicap spécifique provisoire. Selon la pratique administrative, un
handicap
purement provisoire exclut la remise d'un dispositif auxiliaire au
titre de
moyen auxiliaire; il faut au contraire pouvoir prévoir l'usage
probable du
dispositif pendant une durée d'une année au minimum (chiffre 1007
CMAI),
condition non réalisée en l'espèce. Cette pratique administrative a
été jugée
conforme à la loi par le Tribunal fédéral des assurances (RCC 1984 p.
353
consid.1b).

Il s'ensuit que les frais d'acquisition de la chaussure en question ne
peuvent pas être remboursés par l'assurance-invalidité.


3.
Il en résulte que le recours est bien fondé quant à la prise en
charge par
l'assurance des chaussures orthopédiques de type Sanova. Il convient,
en
conséquence, d'annuler le jugement attaqué, ainsi que la décision
administrative précédente, et de renvoyer la cause à l'office de
l'assurance-invalidité pour qu'il fixe l'étendue du droit au
remboursement de
l'assuré, compte tenu notamment d'une éventuelle participation de
celui-ci,
ainsi que des conventions tarifaires conclues avec les fournisseurs de
prestations.

4.
Le recourant, qui obtient gain de cause pour l'essentiel, a droit à
une
indemnité de dépens à la charge de l'intimé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Le recours est admis en ce sens que le jugement du Tribunal des
assurances du
canton de Vaud du 28 mars 2002, ainsi que la décision de l'Office de
l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud du 23 novembre 2000,
sont
annulés, la cause étant renvoyée audit office pour une nouvelle
décision au
sens des motifs.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
L'intimé versera au recourant la somme de 2500 fr. à titre de dépens
(y
compris la taxe à la valeur ajoutée) pour l'instance fédérale.

4.
Le Tribunal des assurances du canton de Vaud statuera sur les dépens
pour la
procédure de première instance, au regard de l'issue du procès de
dernière
instance.

5.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des
assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 29 novembre 2002
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la Ire Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.621/02
Date de la décision : 29/11/2002
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-11-29;i.621.02 ?
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