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29/11/2002 | SUISSE | N°2A.483/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 29 novembre 2002, 2A.483/2001


{T 0/2}
2A.483/2001 /svc

Arrêt du 29 novembre 2002
IIe Cour de droit public

Les juges fédéraux Wurzburger, président,
Betschart, Hungerbühler, Yersin et Merkli,
greffière Kurtoglu-Jolidon.

Les époux C.________, recourants,

contre

Administration cantonale des impôts du canton de Vaud, route de
Chavannes 37,
1014 Lausanne,
Tribunal administratif du canton de Vaud,
avenue Eugène-Rambert 15, 1014 Lausanne,

art. 9 et 49 Cst. (impôt cantonal et communal 1997-1998:
déductibilité

des
cotisations à une forme reconnue de prévoyance [OPP 3] lors du début
de
l'assujettissement),

(recours de dr...

{T 0/2}
2A.483/2001 /svc

Arrêt du 29 novembre 2002
IIe Cour de droit public

Les juges fédéraux Wurzburger, président,
Betschart, Hungerbühler, Yersin et Merkli,
greffière Kurtoglu-Jolidon.

Les époux C.________, recourants,

contre

Administration cantonale des impôts du canton de Vaud, route de
Chavannes 37,
1014 Lausanne,
Tribunal administratif du canton de Vaud,
avenue Eugène-Rambert 15, 1014 Lausanne,

art. 9 et 49 Cst. (impôt cantonal et communal 1997-1998:
déductibilité des
cotisations à une forme reconnue de prévoyance [OPP 3] lors du début
de
l'assujettissement),

(recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal
administratif du
canton de Vaud du 9 octobre 2001)

Faits:

A.
Les époux C.________, qui exercent tous deux une activité lucrative
dépendante, ont transféré leur domicile de M.________ à N.________ le
1er
janvier 1997. Ils ont alors rempli une déclaration d'impôt pour nouvel
assujetti dans le canton de Vaud pour la période fiscale 1997-1998.
Ils y
faisaient valoir la déduction maximale autorisée au titre de
cotisations
versées dans le cadre de la prévoyance individuelle liée. L'épouse a,
en
effet, payé pour une forme reconnue de prévoyance liée 5'587 fr. en
1995 et
en 1996, et 5'731 fr. en 1997 après son établissement dans le canton
de Vaud.
L'époux a fait de même en 1996 et 1997.

Par décision de taxation définitive du 16 juillet 1998, la Commission
d'impôt
de N.________ a refusé la déduction invoquée relative aux cotisations
pour la
prévoyance individuelle liée, estimant qu'il s'agissait d'une dépense
extraordinaire, et a arrêté le revenu imposable à 138'100 fr. sur le
plan
cantonal pour la période fiscale 1997-1998. L'Administration
cantonale des
impôts a rejeté la réclamation des époux C.________ par décision du
11 juin
2001. En revanche, la déduction des cotisations versées en 1995 et
1996 a été
acceptée pour l'impôt fédéral direct 1997-1998.

B.
Statuant sur recours le 14 novembre 2001, le Tribunal administratif
du canton
de Vaud (ci-après: le Tribunal administratif) a confirmé la décision
sur
réclamation. Il a considéré en substance que, lors d'un début
d'assujettissement, seuls les montants versés pour la prévoyance
individuelle
liée après l'arrivée dans le canton pouvaient être pris en
considération pour
la taxation dans le nouveau canton. Dès lors, les versements
effectués en
1995 et en 1996 n'entraient pas en ligne de compte. En outre, ces
montants
devaient être considérés comme un élément extraordinaire et, partant,
ne
pouvaient être pris en considération qu'une seule fois, soit
uniquement pour
la période de taxation suivant celle d'arrivée dans le canton (en
l'occurrence, la période de taxation 1999-2000). Ainsi, les
cotisations
versées en 1997 par les époux C.________ ne devaient pas être prises
en
compte pour la période de taxation 1997-1998.

Agissant par la voie du recours de droit administratif, les époux
C.________
demandent au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, de dire
que les
contributions versées pour leur troisième pilier A durant l'année
1997 sont
entièrement déduites de leur revenu pour l'impôt cantonal et communal
1997-1998, subsidiairement, de dire que les revenus de leurs activités
lucratives respectives en 1997 sont des revenus extraordinaires et
qu'ils ne
sont, par conséquent, pas pris en compte pour lesdits impôts.

L'Administration cantonale des impôts conclut à l'irrecevabilité du
recours,
subsidairement à son rejet, dans la mesure où il est recevable. Le
Tribunal
administratif conclut au rejet du recours dans la mesure où il est
recevable.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui
sont soumis (ATF 128 I 46 consid. 1a p. 48; 128 II 56 consid. 1 p.
58; 128 II
66 consid. 1 p. 67).

1.1 Selon l'art. 97 OJ en relation avec l'art. 5 PA, la voie du
recours
administratif est ouverte contre les décisions fondées sur le droit
public
fédéral - ou qui auraient dû l'être -, à condition qu'elles émanent
des
autorités énumérées à l'art. 98 OJ et pour autant qu'aucune des
exceptions
prévues aux art. 99 à 102 OJ ou dans la législation spéciale ne soit
réalisée
(ATF 128 I 46 consid. 1b/aa p. 49; 128 II 13 consid. 1b p. 16, 34
consid. 1a
p. 36).

Pour qu'une décision soit fondée - ou doive être fondée - sur le droit
fédéral, il ne suffit pas que, lors de l'application du droit cantonal
indépendant, une règle de droit fédéral doive être observée ou doive
être
également appliquée; encore faut-il que le droit public de la
Confédération
représente la base ou l'une des bases sur lesquelles reposent les
décisions
prises dans des cas d'espèce dans le domaine en cause (ATF 112 V 106
consid.
2d p. 113). Lorsqu'une décision est fondée, d'une part, sur le droit
cantonal
indépendant, et d'autre part, sur le droit public fédéral (droit
administratif), elle peut être attaquée par la voie du recours de
droit
administratif exclusivement dans la mesure où est en cause une
violation du
droit fédéral, alors que la violation du droit cantonal indépendant
ne peut
être invoquée que par la voie du recours de droit public. De simples
règles
de principe ou des dispositions-cadre de droit public fédéral qui,
pour être
applicables aux cas d'espèce, nécessitent des mesures d'exécution
relevant du
droit cantonal, ne constituent pas la base de la décision, de sorte
que
celle-ci ne repose pas sur des règles de droit fédéral. Si le droit
cantonal
indépendant devait violer une règle de principe ou une
disposition-cadre du
droit public fédéral, seule serait ouverte la voie du recours de
droit public
pour violation du principe de la force dérogatoire du droit fédéral.

Dans le cas particulier, l'arrêt attaqué porte sur la taxation des
recourants
du chef des impôts cantonaux et communaux 1997-1998. Si celui-ci
mentionne
l'art. 82 de la loi fédérale du 25 juin 1982 sur la prévoyance
professionnelle vieillesse, survivants, et invalidité (LPP; RS
831.40) et
l'art. 7 de l'ordonnance du 13 novembre 1985 sur les déductions
admises
fiscalement pour les cotisations versées à des formes reconnues de
prévoyance
(ci-après: OPP 3 ou l'ordonnance sur les déductions admises
fiscalement; RS
831.461.3), il repose toutefois exclusivement sur la loi vaudoise du
26
novembre 1956 sur les impôts directs cantonaux (ci-après: LI), en
vigueur
jusqu'au 31 décembre 2000 et donc applicable au présent litige. Dans
un arrêt
de principe (ATF 116 Ia 264), le Tribunal fédéral a d'ailleurs jugé
que les
art. 80 à 84 LPP constituent des règles d'harmonisation qui posent des
principes obligatoires visant à l'uniformisation du droit des impôts
directs
des cantons et des communes. A ce titre, elles représentent des
règles de
principe qui ne sont pas applicables à l'imposition des contribuables
sans
que les cantons ne les reprennent dans leur législation fiscale, de
sorte que
la base de la taxation des impôts cantonaux et communaux demeure
exclusivement le droit cantonal. Les décisions en matière d'impôts
cantonaux
et communaux prises en exécution des art. 80 et 84 LPP sont donc
fondées sur
le droit cantonal (éventuellement communal). Ainsi, que la décision
entreprise porte sur une forme de prévoyance (OPP 3) définie au
départ par le
droit fédéral n'en modifie pas la base. Fondée sur le droit cantonal,
elle ne
peut être attaquée que par la voie du recours de droit public, l'art.
73 de
la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts
directs
des cantons et des communes (LHID; RS 642.14) qui prévoit le recours
de droit
administratif pour les impôts cantonaux et communaux, n'étant pas
encore
applicable en l'espèce (ATF 128 II 56 consid. 2b p. 60 et la
jurisprudence
citée).

1.2 Irrecevable, le recours de droit administratif peut néanmoins être
converti en recours de droit public (ATF 117 Ia 107 consid. 2 p.
110/111), la
désignation erronée du recours ne nuisant pas au recourant pour
autant que
les conditions de forme légales soient respectées (ATF 126 II 506
consid. 1b
p. 509; 124 I 223 consid. 1a p. 224; 122 I 328 consid. 2d p. 333).

1.3 Sous réserve d'exceptions non réalisées en l'espèce, le recours
de droit
public est de nature purement cassatoire (ATF 128 III 50 consid. 1b
p. 53;
126 II 377 consid. 8c p. 395; 125 II 86 consid. 5a p. 96 et la
jurisprudence
citée). Dans la mesure où les recourants demandent autre chose que
l'annulation de l'arrêt attaqué, soit la déduction de leurs revenus
des
cotisations versées au troisième pilier A, subsidiairement que les
revenus de
leurs activités lucratives soient considérés comme des revenus
extraordinaires, leurs conclusions sont irrecevables.

1.4 Aux termes de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, l'acte de recours doit
contenir
un exposé des droits constitutionnels ou des principes juridiques
violés,
précisant en quoi consiste la violation. Lorsqu'il est saisi d'un
recours de
droit public, le Tribunal fédéral n'a donc pas à vérifier de lui-même
si
l'arrêt entrepris est en tous points conforme au droit et à l'équité.
Il
n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel invoqués et
suffisamment
motivés dans l'acte de recours. Le recourant ne saurait se contenter
de
soulever de vagues griefs ou de renvoyer aux actes cantonaux (ATF 128
III 50
consid. 1c p. 53; 127 I 38 consid. 4 p. 43; 127 III 279 consid. 1c p.
282 et
la jurisprudence citée). En l'occurrence, tel qu'ils ont formulé
leurs griefs
à l'appui du recours de droit administratif, les recourants invoquent
implicitement une violation du principe de la primauté du droit
fédéral et de
l'interdiction de l'arbitraire. En outre, la motivation succincte du
recours
répond de manière suffisante à ces exigences.

1.5 Au surplus, déposé en temps utile contre une décision finale
prise en
dernière instance cantonale et qui touche les recourants dans leurs
intérêts
juridiquement protégés, le présent recours est recevable au regard
des art.
84 ss OJ.

2.
Les recourants soutiennent en substance que le refus, par
l'administration
cantonale des impôts du canton de Vaud, de déduire les cotisations
versées à
une forme reconnue de prévoyance au début de leur assujettissement
dans ledit
canton violerait le principe de la primauté du droit fédéral, soit en
l'occurrence l'art. 7 OPP 3. Ils invoquent implicitement l'art. 49
Cst.

2.1 Selon l'art. 49 al. 1 Cst., qui a remplacé la règle déduite de
l'art. 2
Disp. trans. aCst., le droit fédéral prime le droit cantonal qui lui
est
contraire. Cela signifie que les cantons ne sont pas autorisés à
légiférer
dans les domaines exhaustivement réglementés par le droit fédéral
(ATF 128 I
46 consid. 5a p. 54; 127 I 60 consid. 4a p. 68 et les arrêts cités;
Ulrich
Häfelin/Walter Haller, Schweizerisches Bundesstaatsrecht, Die neue
Bundesverfassung, 2001, no 1185 à 1187, p. 335/336). Dans les autres
domaines, les cantons peuvent édicter des règles de droit qui ne
violent ni
le sens ni l'esprit du droit fédéral, et qui n'en compromettent pas la
réalisation (ATF 128 I 46 consid. 5a p. 54; 127 I 60 consid. 4 p. 68;
126 I
76 consid. 1 p. 77; 125 I 474 consid. 2a p. 480; 125 II 56 consid. 2b
p. 58
et les arrêts cités). Les règles fédérales et cantonales ne peuvent
toutefois
coexister qu'en l'absence de conflit (Andreas Auer/Giorgio
Malinverni/Michel
Hottelier, Droit constitutionnel suisse, vol I, no 1037 et 1040, p.
367/368).
Le Tribunal fédéral examine librement la conformité d'une règle de
droit
cantonal au droit fédéral lorsqu'il est appelé à examiner cette
question au
regard du grief de violation de l'art. 49 al. 1 Cst. (ATF 128 I 46
consid. 5a
p. 54; 125 I 474 consid. 2a p. 480 et les arrêts cités).

2.2 Aux termes de l'art. 82 LPP, les salariés et les indépendants
peuvent
déduire les cotisations affectées exclusivement et irrévocablement à
d'autres
formes reconnues de prévoyance assimilées à la prévoyance
professionnelle
(al. 1); le Conseil fédéral détermine, avec la collaboration des
cantons,
quelles formes de prévoyance peuvent être prises en considération et
décide
dans quelle mesure de telles déductions sont admises pour les
cotisations
(al. 2).

Fondé sur le mandat que lui confère ce dernier alinéa, le Conseil
fédéral, en
collaboration avec les cantons, a adopté l'ordonnance sur les
déductions
admises fiscalement. Cette dernière institue deux formes reconnues de
prévoyance (art. 1 al. 1 OPP 3) qui constituent, dans le système des
trois
piliers de la prévoyance, le troisième pilier A. L'art. 7 de ladite
ordonnance prévoit la mesure dans laquelle les cotisations versées à
l'une
des formes de prévoyance peuvent être déduites (ATF 119 Ia 241
consid. 4a p.
244). Ses alinéas 1 et 2 ont la teneur suivante:
"1 Les salariés et les indépendants peuvent déduire de leur revenu, en
matière d'impôts directs de la Confédération, des cantons et des
communes,
leurs cotisations versées à des formes reconnues de prévoyance dans
la mesure
suivante:

a. Par année, jusqu'à 8 pour cent du montant-limite supérieur fixé à
l'article 8, 1er alinéa, LPP, s'ils sont affiliés à une institution de
prévoyance au sens de l'art. 80 LPP;

b. Par année, jusqu'à 20 pour cent du revenu provenant d'une activité
lucrative, mais au maximum jusqu'à 40 pour cent du montant-limite
supérieur
fixé à l'art.
8, 1er alinéa, LPP, s'ils ne sont pas affiliés à une
institution de prévoyance au sens de l'article 80 LPP.

2 Lorsque les deux époux exercent une activité lucrative et versent
des
cotisations à une forme reconnue de prévoyance, ils peuvent prétendre
ces
déductions pour chacun d'eux."
Comme le Tribunal fédéral l'a déjà relevé (ATF 119 Ia 241; 116 Ia 264
et les
arrêts cités), les dispositions fiscales de la loi fédérale sur la
prévoyance
professionnelle vieillesse, survivants et invalidité, auxquelles il
faut
ajouter celles de l'ordonnance sur les déductions fiscales admises
fiscalement prise en vertu de la délégation de l'art. 82 al. 2 LPP,
contiennent des principes obligatoires et visent dans cette mesure à
une
uniformisation du droit des impôts directs des cantons et des
communes.
Ainsi, l'art. 7 OPP 3 définit précisément les déductions admises pour
le
troisième pilier A. Celles-ci s'imposent tant pour les impôts directs
des
cantons et des communes que pour ceux de la Confédération. Les
cantons ne
peuvent donc pas, par exemple, prévoir des déductions plus modestes
ou plus
généreuses que celles de l'art. 7 OPP 3. Toutefois, si cette
disposition
prévoit que les cotisations versées à des formes reconnues de
prévoyance sont
déductibles dans certaines limites, elle ne règle pas leur calcul
dans le
temps. Celui-ci est ainsi laissé à la compétence des cantons. Cette
solution
tient compte du fait que l'imposition dans le temps diffère d'un
canton à
l'autre: certains ont adopté le système postnumerando annuel,
d'autres le
système praenumerando, soit annuel, soit bisannuel. Ainsi, chaque
canton doit
pouvoir adapter le calcul de la déduction des cotisations au
troisième pilier
A au système qui est le sien, tout en respectant les principes de
base de
l'ordonnance sur les déductions admises fiscalement. Par ailleurs, la
loi
fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des
communes,
qui laisse un délai de huit ans aux cantons pour adapter leur
législation
(art. 72 al. 1 LHID), n'est pas applicable en l'espèce. Il découle de
ce qui
précède qu'il appartient aux cantons de déterminer le système de
calcul dans
le temps de la déduction des cotisations au troisième pilier A, sans
altérer
ni le sens ni l'esprit du droit fédéral. C'est d'ailleurs ce que
relève la
Conférence des fonctionnaires fiscaux d'Etat lorsqu'elle mentionne
que la
diversité des législations cantonales exclut une solution uniforme
relative
au calcul dans le temps de la déduction des montants et primes versés
dans le
cadre de la prévoyance liée (Conférence des fonctionnaires fiscaux
d'Etat,
Prévoyance professionnelle et impôts, Berne 1992, p. 156). Il en va
de même
de l'imposition des prestations du troisième pilier A dont les
modalités
divergent fortement d'un canton à l'autre. Les cantons ont en effet
interprété de façon différente les prescriptions de la législation
fédérale
en matière de prévoyance professionnelle qui ne font qu'énoncer un
principe
(l'imposition des prestations provenant de la prévoyance
professionnelle
liée; art. 83 LPP) qui doit être repris de manière détaillée par
ceux-ci. Ils
jouissent d'une grande liberté dans l'établissement des modalités
d'imposition des prestations (Jean-Blaise Paschoud, Le traitement
fiscal du
troisième pilier, in : Prévoyance professionnelle et fiscalité,
Lausanne 1987
p. 87 ss, p. 91).

Le canton de Vaud a adopté l'art. 23 al. 1 let. i bis LI qui prévoit
que sont
déduits du revenu les montants, primes et cotisations versés pour la
constitution d'une forme reconnue de prévoyance individuelle liée,
dont les
prestations sont imposables selon l'art. 20 al. 2 let. f bis LI, dans
les
limites autorisées par la législation fédérale sur la prévoyance
professionnelle. Cette loi cantonale reprend donc les principes de
base de
l'art. 7 OPP 3. Au surplus, le canton de Vaud impose le revenu selon
le
système praenumerando bisannuel (art. 71 LI).

2.3 Le troisième pilier a pour but de compléter les prestations du
premier
(AVS, AI, etc.) et du deuxième piliers (prévoyance professionnelle).
Seules
les personnes exerçant une activité lucrative de nature dépendante ou
indépendante qui sont assujetties à l'AVS obligatoirement ou
facultativement
peuvent se constituer un troisième pilier A (Gladys Laffely Maillard,
Deuxième pilier et troisième pilier, les conséquences du divorce, in
: RDAF
97 II 349 p. 372; Jean Lampert, Quelques précisions à propos de l'OPP
3, in:
Revue fiscale 41 (1986) 463 p. 464; Jean-Blaise Paschoud, op. cit.,
p. 94;
Danielle Yersin, L'évolution du droit fiscal en matière de prévoyance
professionnelle et de prévoyance individuelle liée, in : Archives de
droit
fiscal suisse 62 129 p. 135). L'art. 7 al. 1 OPP 3 prévoit des
déductions
fiscales différentes selon que le contribuable est affilié ou non à
une
institution de prévoyance. Il s'agit de traiter de manière
équivalente, d'une
part, les travailleurs bénéficiant d'une prévoyance professionnelle -
et des
allégements fiscaux qui y sont liés (cf. art. 81 al. 2 LPP) - pour
lesquels
le troisième pilier A ne constitue qu'un complément, et, d'autre
part, ceux
qui ne possèdent pas de prévoyance professionnelle et doivent pouvoir
bénéficier de déductions fiscales plus importantes dans le cadre du
troisième
pilier A, ce dernier constituant un substitut du deuxième pilier
(Jean-Blaise
Paschoud, op. cit., p. 88).

Le troisième pilier A se distingue du deuxième pilier essentiellement
par son
caractère individuel, libre et volontaire, par opposition au
caractère, en
principe, collectif et obligatoire du deuxième pilier. Le
contribuable peut
donc opérer des versements pour sa prévoyance individuelle liée
pendant une
ou plusieurs années, puis les interrompre pour une ou plusieurs
années, et
les reprendre par la suite. Il peut également faire un ou plusieurs
versements annuels, n'importe quand dans l'année. En outre, il peut se
constituer un troisième pilier A qui n'est pas proportionnel au
produit de
son travail (cf. art. 7 al. 1 let. a OPP3; Conférence des
fonctionnaires
fiscaux d'Etat, op. cit., p. 156).

D'un point de vue fiscal, le législateur fédéral a prévu de traiter
les deux
premiers piliers et le troisième pilier A de manière analogue, ce qui
a été
réalisé puisque, dans les trois cas, les primes et montants autorisés
sont
entièrement déductibles du revenu imposable, alors que les
prestations sont
soumises à l'impôt sur le revenu dès leur exigibilité. Quant aux
droits
d'expectative, constitués par les futurs versements, ils sont
exemptés de
l'impôt sur la fortune. Cette uniformisation des déductions fiscales
et de
l'imposition des trois piliers ne signifie pas que leur imposition
dans le
temps soit identique sur les plans fédéral et cantonal, pas plus que
d'un
canton à l'autre.

2.4 En l'occurrence, les recourants ont élu domicile le 1er janvier
1997 dans
le canton de Vaud, ce qui a entraîné un nouvel assujettissement
fiscal. Dans
un tel cas, les contribuables sont imposés sur la base des éléments
réalisés
après le changement de domicile. Le point déterminant est de savoir
si leurs
cotisations au troisième pilier A versées après leur arrivée dans le
canton
doivent être considérées comme charges ordinaires ou extraordinaires,
dans le
cadre du système praenumerando bisannuel vaudois, car cela influe sur
leur
déduction en début d'assujettissement.

Sont en principe considérées comme charges ordinaires, les charges
revenant
chaque année ou tout au moins périodiquement (Der Steuerentscheid
1994 B 27.1
no 18). Les charges extraordinaires étant celles qui ne se produisent
ni
régulièrement ni de façon égale d'une période à l'autre ou qui sont
uniques
(RDAF 1992 99 consid. 3 p. 102, Walter Ryser / Bernard Rolli, Précis
de droit
fiscal suisse, p. 435), comme, par exemple, le rachat d'années
d'assurance
dans le cadre du deuxième pilier (RDAF 2001 II 138). Lors d'un début
d'assujettissement, la charge qualifiée d'ordinaire est d'emblée
comprise
dans la première période de calcul; elle est, par conséquent, prise
en compte
pour deux périodes de taxation (soit jusqu'à quatre ans dans le
système
praenumerando bisannuel). En revanche, une charge extraordinaire
n'est jamais
comprise dans la première période de taxation car elle serait déduite
pendant
plusieurs périodes, ce qui ne correspondrait pas à la véritable
capacité
contributive du contribuable. Un facteur extraordinaire ne doit donc
être
pris en compte qu'une seule fois et n'est ainsi déduit du revenu que
lors de
la période de taxation suivant celle d'arrivée dans le canton, soit
pour une
seule période de deux ans.

2.5 La qualification des primes du troisième pilier A peut varier
selon que
l'on retient certaines de leurs caractéristiques plutôt que d'autres
et elles
peuvent être considérées comme un facteur ordinaire ou extraordinaire.

Ainsi, les autorités fiscales vaudoises mettent l'accent sur le
caractère
discrétionnaire, volontaire et libre des versements dont le montant
peut en
outre varier selon les désirs ou moyens financiers du contribuable.
Elles
soulignent que ces éléments rendent imprévisible le caractère
effectif ou non
des contributions. Dans cette conception, ces primes sont comparées
au rachat
d'années d'assurance dans le cadre du deuxième pilier (Der
Steuerentscheid
1994 B 27.1 no 18) et elles sont qualifiées de charges
extraordinaires. En
conséquence, les versements effectifs dans le cadre du troisième
pilier A
faits après l'arrivée dans le canton ne sont déduits que dans la
période de
taxation suivant celle d'arrivée dans le canton, soit, en l'espèce,
pour la
période de taxation 1999-2000. L'inconvénient de cette pratique est
que,
comme dans le cas des recourants, elle ne permet pas à des
contribuables qui
ont contribué régulièrement à leur troisième pilier A de bénéficier de
déductions en début d'assujettissement. En revanche, en cas de
taxation
intermédiaire - notamment pour cessation d'activité lucrative - les
primes du
troisième pilier A pour les deux années précédant la taxation
intermédiaire
ne tombent pas dans la lacune d'imposition et peuvent donc être
déduites du
revenu (RDAF 2001 II 138 consid. 3d p. 142; Conférence des
fonctionnaires
fiscaux d'Etat, op. cit., p. 160). L'avantage de ce système est qu'il
reflète
plus justement la capacité contributive du contribuable, notamment
lorsque
les versements sont faits irrégulièrement et que leurs montants
varient.

Selon la pratique administrative fédérale, les cotisations au
troisième
pilier A sont considérées comme étant étroitement liées à l'activité
lucrative et donc comme des dépenses périodiques ordinaires
(Circulaire de
l'Administration fédérale des contributions du 31 janvier 1986:
ordonnance
sur les déductions admises fiscalement pour les cotisations versées à
des
formes reconnues de prévoyance [OPP3], in: Archives de droit fiscal
suisse 54
p. 524). Les versements entrent, par conséquent, dans le calcul du
revenu dès
la première période de taxation en cas de début d'assujettissement. Ce
raisonnement est aussi suivi en cas de taxation intermédiaire,
puisque pour
l'Administration fédérale des contributions "comme la déduction des
cotisations à des formes reconnues de prévoyance est liée à la
condition que
le contribuable exerce une activité lucrative, il est logique
d'inclure cette
déduction dans la procédure de taxation intermédiaire se rapportant
au revenu
du travail et de se fonder sur la nouvelle situation" (Jean-Blaise
Paschoud,
op. cit., p. 100). Cette qualification (de charge ordinaire) a été
reprise
dans le cadre du passage du système praenumerando au postnumerando
prévu par
la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct (LIFD;
RS
642.11). Il ressort, en effet, de l'art. 218 al. 5 let. b LIFD que
seules les
cotisations versées dans le cadre du deuxième pilier pour le rachat
d'années
de cotisations sont considérées comme des charges extraordinaires.
L'avantage
de la pratique fédérale est qu'elle permet au contribuable de déduire
ses
cotisations même en début d'assujettissement. Son inconvénient majeur
est
qu'elle peut entraîner des distorsions dans l'imposition du
contribuable
puisqu'un versement unique fait la première année d'assujettissement
peut
être déduit pendant quatre ans si l'assujettissement commence au
début d'une
période de taxation (Danielle Yersin, Prévoyance professionnelle et
pratiques
fiscales, in: Archives de droit fiscal suisse 56 p. 385 p. 408). En
outre, en
cas de taxation intermédiaire pour cessation d'activité lucrative, les
cotisations tombent dans la lacune d'imposition.

2.6 Les recourants estiment que le refus de la déduction des
cotisations en
cause serait contraire à la nature expectative de l'avoir de
prévoyance.
Toutefois, l'expectative tient au fait que le droit à des prestations
futures
constitue un actif hypothétique qu'il est difficile d'apprécier à un
moment
déterminé. Il ne constitue donc pas un élément du patrimoine, qui
serait
soumis à l'impôt sur la fortune. L'argument des recourants est dès
lors dénué
de toute pertinence puisque la déduction des versements au troisième
pilier A
intervient par rapport à l'impôt sur le revenu et non l'impôt sur la
fortune.

Les recourants se plaignent aussi d'une double imposition économique
qu'entraînerait un refus de la déduction des cotisations. La
notion
de double
imposition s'applique lorsqu'une même matière est imposée deux fois,
ce qui
n'est pas le cas ici. En outre, comme on l'a vu ci-dessus (consid.
2.2), les
art. 81 ss LPP prévoient la déduction des cotisations et l'imposition
des
prestations. Or, ces principes sont repris à bon droit dans la loi
vaudoise
sur les impôts directs. Ils ne garantissent pas toutefois que, dans
toutes
les circonstances et pour chaque cas individuel, les cotisations
puissent
effectivement être déduites et les prestations effectivement être
imposées.
En l'espèce, le fait que les versements ne sont pas déductibles tient
au
changement de souveraineté cantonale. Les circonstances jouent, en
l'occurrence, en défaveur des contribuables. Toutefois, elles peuvent
aussi
jouer en faveur des administrés. Tel est le cas lorsque le
contribuable
quitte un canton ou la Suisse à la fin de son activité pour un autre
canton
ou un pays dont l'imposition est plus légère ou inexistante pour ce
type de
prestations (cf. aussi ATF 117 Ib 358 où il a été jugé qu'un
frontalier
pouvait déduire ses cotisations au troisième pilier A de son revenu
imposable
alors même que rien ne garantissait que les prestations de ce même
pilier
puissent être imposées).

2.7 Il découle de ce qui précède que le système vaudois, comme le
système
fédéral, accepte la déduction des cotisations au troisième pilier A.
En
revanche, il prévoit une solution différente quant à la prise en
compte dans
le temps des primes audit pilier, présentant des autres avantages et
inconvénients. A cet égard, cette solution n'est ni meilleure, ni
moins bonne
que celle retenue pour l'impôt fédéral direct. Elle ne trahit donc pas
l'esprit du droit fédéral relatif à la prévoyance professionnelle;
elle est
également compatible avec celui-ci. Par conséquent, le grief tiré de
la
violation du droit fédéral est infondé.

3.
Les recourants se plaignent du caractère arbitraire de l'arrêt
entrepris en
ce qu'il retient des critères contestables pour qualifier les
cotisations en
cause de charges extraordinaires. Le canton de Vaud serait aussi le
seul à
retenir cette qualification alors que la Confédération et les autre
cantons
qui connaissent le système praenumerando considèrent ces cotisations
comme
des charges ordinaires. Au demeurant, si ces montants devaient être
qualifiés
d'extraordinaires, il devrait en être de même de leur produit du
travail qui
ne serait imposable que la période de taxation suivante.

3.1 Une décision est arbitraire lorsqu'elle viole gravement une règle
ou un
principe juridique clair et indiscuté ou lorsqu'elle contredit d'une
manière
choquante le sentiment de la justice ou de l'équité. Le Tribunal
fédéral ne
s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière
instance
que si elle est insoutenable, en contradiction évidente avec la
situation de
fait, si elle a été adoptée sans motifs objectifs ou en violation
d'un droit
certain; par ailleurs, il ne suffit pas que les motifs de la décision
attaquée soient insoutenables, encore faut-il que celle-ci soit
arbitraire
dans son résultat. Il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une autre
interprétation de la loi paraît concevable ou même préférable (ATF
127 I 60
consid. 5a p. 70; 125 I 166 consid. 2a p. 168 et les arrêts cités). La
nouvelle Constitution n'a pas amené de changement à cet égard (cf.
art. 8 et
9 Cst.; ATF 126 I 168 consid. 3a p. 170).

3.2 Comme on l'a vu ci-dessus (consid. 2.5), selon que l'on retient
certaines
caractéristiques plutôt que d'autres, la qualification des primes au
troisième pilier A peut varier. Les autorités vaudoises ont
privilégié leur
irrégularité puisque, contrairement aux cotisations des deux autres
piliers,
elles sont libres et dépendent de la volonté du contribuable. Cette
interprétation ne saurait être qualifiée d'arbitraire uniquement
parce qu'une
autre solution - telle que celle choisie par la Confédération ou
d'autres
cantons - serait également appropriée ou même préférable. Le fait que
le
canton de Vaud soit, le cas échéant, le seul à défendre une telle
interprétation n'est pas de nature à rendre celle-ci arbitraire.

Quant à l'analogie faite par les recourants entre le revenu de
l'activité
lucrative - qui résulterait également d'un engagement libre,
individuel et
volontaire - et les cotisations au troisième pilier, elle est
erronée. Si la
conclusion du contrat de travail est effectivement libre et
volontaire,
l'employé est par la suite soumis à des obligations. Il est, par
exemple,
tenu de se rendre chaque jour au lieu de son travail et d'exécuter
les tâches
qui lui sont confiées. Son revenu dépend donc de l'exécution de son
contrat.
Au surplus, le revenu de l'activité lucrative est en principe
régulier, comme
pour les recourants. Cela n'exclut pas que certaines indemnités
puissent
avoir un caractère extraordinaire. Dans le cas particulier, les
autorités
fiscales n'ont pas eu un comportement contradictoire ou arbitraire en
qualifiant d'extraordinaires les primes versées par les recourants et
d'ordinaire le produit de leur activité.

Au vu de ce qui précède, le grief est infondé et doit être rejeté.

4.
Mal fondé, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est
recevable.
Succombant, les recourants doivent supporter les frais judiciaires
(art. 156
al. 1, 153 et 153a OJ). Il n'est pas alloué de dépens aux recourants
qui
n'ont d'ailleurs pas recouru aux services d'un mandataire (art. 159
al. 1
OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours de droit administratif est irrecevable.

2.
Traité comme recours de droit public, le recours est rejeté dans la
mesure où
il est recevable.

3.
Un émolument judiciaire de 1'500 fr. est mis à la charge des
recourants,
solidairement entre eux.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux recourants, à
l'Administration
cantonale des impôts et au Tribunal administratif du canton de Vaud,
ainsi
qu'à l'Administration fédérale des contributions.

Lausanne, le 29 novembre 2002

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.483/2001
Date de la décision : 29/11/2002
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-11-29;2a.483.2001 ?
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