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28/11/2002 | SUISSE | N°U.406/01

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 28 novembre 2002, U.406/01


{T 7}
U 406/01

Arrêt du 28 novembre 2002
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Meyer et Kernen. Greffier : M.
Berthoud

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Service
juridique,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, recourante,

contre

C.________, intimé, représenté par Me Olivier Lutz, avocat, boulevard
de
Saint-Georges 72, 1205 Genève

Tribunal administratif de la République et Canton de Genève, Genève

(Jugement du 30 octobre 2001)

Faits :


A.
A partir du 1er octobre 1992, C.________ a bénéficié d'une rente
d'invalidité
de 20 % de la Caisse nationale suisse...

{T 7}
U 406/01

Arrêt du 28 novembre 2002
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Meyer et Kernen. Greffier : M.
Berthoud

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Service
juridique,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, recourante,

contre

C.________, intimé, représenté par Me Olivier Lutz, avocat, boulevard
de
Saint-Georges 72, 1205 Genève

Tribunal administratif de la République et Canton de Genève, Genève

(Jugement du 30 octobre 2001)

Faits :

A.
A partir du 1er octobre 1992, C.________ a bénéficié d'une rente
d'invalidité
de 20 % de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents
(CNA),
en raison des séquelles d'un accident survenu en 1985 (cf. décision
du 27
juillet 1993). En 2000, l'assuré a annoncé une rechute, ce qui a
conduit la
CNA à lui allouer une indemnité journalière transitoire.

Par décision du 29 juin 2000, la CNA a mis fin, avec effet au 31 mai
2000, au
paiement de l'indemnité journalière et a repris le versement de la
rente
d'invalidité de 20 % jadis allouée; elle a également refusé
d'augmenter le
taux de l'atteinte à l'intégrité précédemment reconnu (10 %).
Alléguant que
son incapacité de travail était de 50 %, l'assuré s'est opposé à cette
décision en demandant la poursuite du versement des indemnités
journalières
correspondant à ce taux. La CNA a rejeté l'opposition, par décision
du 18
décembre 2000 qu'elle a également communiquée, parmi divers
destinataires, à
l'Office cantonal genevois de l'assurance-invalidité (l'office AI).

B.
Le 16 mars 2001, C.________ a déféré cette décision au Tribunal
administratif
du canton de Genève, en concluant au versement, par la CNA, d'une
rente
d'invalidité de 50 % à partir du 1er juin 2000, ainsi qu'au paiement
d'une
indemnité pour atteinte à l'intégrité fondée sur un taux de 50 %.

Dans un rapport du 13 juin 2001, la division de réadaptation
professionnelle
de l'office AI a proposé d'allouer à C.________ une rente fondée sur
un taux
d'invalidité de 46 %. Un projet d'acceptation de rente allant dans ce
sens a
été communiqué le 26 juin 2001 à l'assuré. Par ailleurs, l'office AI a
transmis un prononcé daté du 9 octobre 2001 au Tribunal
administratif, aux
termes duquel le taux d'invalidité retenu par ses services était de
46 %
depuis le 1er mai 2000.

La juridiction cantonale a considéré que le prononcé de l'AI
constituait un
fait nouveau, dont la CNA devait tenir compte. Dès lors, par jugement
du 30
octobre 2001, le Tribunal administratif a admis partiellement le
recours et
renvoyé la cause à la CNA afin qu'elle examine s'il y avait lieu de
réviser
ses décisions antérieures à la lumière de la position de l'AI, puis
rende une
nouvelle décision.

C.
La CNA interjette recours de droit administratif contre ce jugement
dont elle
demande l'annulation, en concluant à la confirmation de sa décision,
éventuellement au renvoi de la cause aux premiers juges afin qu'ils
statuent
au fond.

L'assuré intimé conclut au rejet du recours, avec suite de dépens; il
sollicite le bénéfice de l'assistance judiciaire. L'Office fédéral des
assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit :

1.
1.1 Ainsi que le Tribunal fédéral des assurances l'a déclaré à maintes
reprises, la notion d'invalidité est, en principe, identique en
matière
d'assurance-accidents, d'assurance militaire et
d'assurance-invalidité. Dans
ces trois domaines, elle représente la diminution permanente ou de
longue
durée, résultant d'une atteinte à la santé assurée, des possibilités
de gain
sur le marché du travail équilibré qui entre en ligne de compte pour
l'assuré
(ATF 119 V 470 consid. 2b, 116 V 249 consid. 1b et les arrêts cités).

1.2 Dans un arrêt publié aux ATF 126 V 288, le Tribunal fédéral des
assurances a précisé sa jurisprudence concernant la coordination de
l'évaluation de l'invalidité dans les différentes branches de
l'assurance
sociale. Il a notamment confirmé le caractère uniforme de la notion
d'invalidité dans ces différentes branches (cf. art. 8 et art. 16 de
la Loi
fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales
[LPGA] du 6
octobre 2000), ainsi que son effet de coordination dans l'évaluation
de
l'invalidité. En revanche, il a renoncé à la pratique consistant à
accorder
en principe plus d'importance à l'évaluation effectuée par l'un des
assureurs
sociaux, indépendamment des instruments dont il dispose pour
instruire le cas
et de l'usage qu'il en a fait dans un cas concret. Certes, il faut
éviter que
des assureurs procèdent à des évaluations divergentes dans un même
cas. Mais
même si un assureur ne peut en aucune manière se contenter de
reprendre, sans
plus ample examen, le taux d'invalidité fixé par un autre assureur,
une
évaluation entérinée par une décision entrée en force ne peut pas
rester
simplement ignorée. Toutefois, il convient de s'écarter d'une telle
évaluation lorsqu'elle repose sur une erreur de droit ou sur une
appréciation
insoutenable (ATF 119 V 471 consid. 2b) ou encore lorsqu'elle résulte
d'une
simple transaction conclue avec l'assuré (ATF 112 V 175 s. consid.
2a). A ces
motifs de divergence déjà reconnus antérieurement par la
jurisprudence, il
faut ajouter des mesures d'instruction extrêmement limitées et
superficielles, ainsi qu'une évaluation pas du tout convaincante ou
entachée
d'inobjectivité (ATF 126V 288, déjà cité). Dans l'arrêt ATF 119 V
468, le
Tribunal fédéral des assurances a considéré comme insoutenable une
appréciation des organes de l'assurance-invalidité, au motif qu'elle
s'écartait largement de l'évaluation de l'assureur-accidents, laquelle
reposait sur des conclusions médicales convaincantes concernant la
capacité
de travail et l'activité exigible, ainsi que sur une comparaison des
revenus
correctement effectuée (ATF 119 V 474 consid. 4a; RAMA 2000 n° U 406
p. 402).
Enfin, un assureur social ne saurait être contraint, par le biais des
règles
de coordination de l'évaluation de l'invalidité, de répondre de
risques qu'il
n'assure pas, notamment, pour un assureur LAA, une invalidité
d'origine
maladive non-professionnelle.

Encore faut-il, pour que l'assurance-invalidité soit liée par
l'évaluation de
l'assurance-accidents, que celle-ci ait fait l'objet d'une décision
passée en
force. Tel est le cas si l'entrée en force de la décision de
l'assurance-accidents est postérieure à la décision attaquée de
l'assurance-invalidité, mais qu'elle est intervenue au cours de la
procédure
de recours (RAMA 2001 n° U 410 p. 74 consid. 3).

2.
2.1En l'espèce, on ignore si l'évaluation de l'invalidité par l'AI a
fait
l'objet d'une décision passée en force, car pareil acte administratif
ne
figure pas au dossier de la cause; les parties n'en produisent
d'ailleurs
aucune copie. A fortiori, il est douteux qu'une telle décision ait été
communiquée à la CNA, voire déjà rendue par l'office AI.

En l'état et sans autres investigations, les premiers juges n'avaient
donc
aucune raison d'admettre que le taux d'invalidité de 46 %, que l'AI se
proposait de retenir (cf. prononcé du 9 octobre 2001), liait ou
devait lier
la CNA (cf. RAMA 2001 n° U 410 p. 74 consid. 3 in fine). Dès lors,
l'annulation de la décision sur opposition litigieuse était, pour ce
seul
motif, injustifiée.

2.2 A supposer que le Tribunal administratif eût néanmoins établi
l'existence
d'une décision de l'AI, exécutoire et dûment notifiée à la CNA, il
lui eût
alors incombé d'examiner lui-même si une telle décision était bien de
nature
à lier cet assureur-accidents, à la lumière des principes
jurisprudentiels
rappelés au consid. 1.2 ci-dessus. Pareil examen eût été d'autant plus
justifié que la CNA avait soutenu, dans ses observations du 21
septembre
2001, que l'AI avait tenu compte de facteurs dont elle n'avait pas à
répondre, à l'instar d'un stress psychosocial lié à une longue
période de
chômage.

La Cour de céans peut aussi se demander si le renvoi de la cause à la
CNA,
afin d'examiner si elle devait réviser ses décisions, ne constitue
pas un
déni de justice formel prohibé par l'art. 29 al. 1 Cst., dans la
mesure où le
Tribunal administratif a en définitive renoncé à trancher le fond du
litige
alors qu'il eût été en mesure de le faire. En effet, la recourante
avait
suffisamment instruit la question de la reprise du versement d'une
rente
d'invalidité de 20 % avant de statuer, de sorte que les conditions
jurisprudentielles permettant de lui renvoyer la cause n'étaient pas
remplies
(cf. RAMA 1993 n° U 170 p. 136).

2.3 La conclusion subsidiaire du recours est dès lors bien fondée, de
sorte
que la cause sera renvoyée aux premiers juges afin qu'ils reprennent
l'instruction du dossier et statuent à nouveau sur le recours dont
l'assuré
intimé les a saisis contre la décision du 18 décembre 2000.

3.
3.1Selon la loi (art. 152 OJ) et la jurisprudence, les conditions
d'octroi de
l'assistance judiciaire gratuite sont en principe remplies si les
conclusions
ne paraissent pas vouées à l'échec, si le requérant est dans le
besoin et si
l'assistance d'un avocat est nécessaire ou du moins indiquée (ATF 125
V 202
consid. 4a, 372 consid. 5b et les références).

3.2 L'intimé, qui succombe, remplit les conditions d'octroi de
l'assistance
judiciaire pour la procédure fédérale. En fixant les honoraires de son
mandataire d'office, la Cour de céans tiendra compte du fait que ce
dernier a
développé des arguments manquant singulièrement de pertinence.
L'attention de
l'intimé est cependant attirée sur le fait qu'il devra rembourser la
caisse
du tribunal, s'il devient ultérieurement en mesure de le faire (art.
152 al.
3 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Le recours est admis. Le jugement du Tribunal administratif du canton
de
Genève du 30 octobre 2001 est annulé, la cause lui étant renvoyée
pour qu'il
procède conformément aux considérants.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
L'assistance judiciaire est accordée. Les honoraires (y compris la
taxe à la
valeur ajoutée) de Me Olivier Lutz sont fixés à 1500 fr. pour la
procédure
fédérale et seront supportés par la caisse du tribunal.

4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal
administratif du
canton de Genève et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 28 novembre 2002
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIIe Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : U.406/01
Date de la décision : 28/11/2002
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-11-28;u.406.01 ?
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