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25/11/2002 | SUISSE | N°5P.319/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 25 novembre 2002, 5P.319/2002


{T 0/2}
5P.319/2002 /frs

Arrêt du 25 novembre 2002
IIe Cour civile

Les juges fédéraux Bianchi, président,
Nordmann, Hohl,
greffière Mairot.

Dame K.________ (épouse),
recourante, représentée par Me Françoise Arbex, avocate,
rue de l'Arquebuse 10, 1204 Genève,

contre

K.________ (époux),
intimé, représenté par Me Emmanuelle de Montauzon, avocate,
6, rue Bellot, 1206 Genève,
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, case
postale 3108,
1211 Genève 3.
r> art. 9 Cst. (mesures protectrices de l'union conjugale),

recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre civile de la
...

{T 0/2}
5P.319/2002 /frs

Arrêt du 25 novembre 2002
IIe Cour civile

Les juges fédéraux Bianchi, président,
Nordmann, Hohl,
greffière Mairot.

Dame K.________ (épouse),
recourante, représentée par Me Françoise Arbex, avocate,
rue de l'Arquebuse 10, 1204 Genève,

contre

K.________ (époux),
intimé, représenté par Me Emmanuelle de Montauzon, avocate,
6, rue Bellot, 1206 Genève,
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, case
postale 3108,
1211 Genève 3.

art. 9 Cst. (mesures protectrices de l'union conjugale),

recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre civile de la
Cour de
justice du canton de Genève du 11 juillet 2002.

Faits:

A.
K. ________, né le 21 janvier 1948, et dame K.________, née le 20
avril 1963,
se sont mariés à Versoix (GE) le 8 janvier 1991. Deux enfants sont
issus de
cette union, T.________, née le 22 novembre 1992, et J.________, né
le 25
novembre 1995. Les époux sont soumis au régime de la séparation de
biens.

Après quelques années de vie commune, la situation s'est dégradée
entre les
conjoints.

Le 7 mai 2001, l'épouse a formé une requête de mesures protectrices de
l'union conjugale. Lors de la comparution personnelle du 19 juin
suivant, le
mari s'est déclaré d'accord avec une séparation temporaire. Chacune
des
parties a demandé la garde des enfants.

Dans la crainte que son mari n'emmène ceux-ci à l'étranger, l'épouse
a quitté
le domicile conjugal avec les enfants le 4 septembre 2001 et s'est
réfugiée
dans un foyer. Depuis lors, elle a retrouvé un logement. Un rapport a
été
établi par le Service de protection de la jeunesse le 7 septembre
2001.

B.
Par jugement de mesures protectrices de l'union conjugale du 29
novembre
2001, le Tribunal de première instance de Genève a, notamment,
attribué
l'autorité parentale et la garde des enfants à la mère, réservé au
père un
très large droit de visite devant s'exercer, en cas de désaccord
entre les
parties, au minimum un week-end sur deux et pendant la moitié des
vacances
scolaires, enfin, instauré une curatelle d'assistance éducative et de
surveillance des relations personnelles au sens de l'art. 308 al. 1
et 2 CC.

Le mari a appelé de ce jugement, en demandant pour l'essentiel que la
garde
des enfants lui soit confiée. Lors de l'audience tenue le 14 juin
2002,
l'épouse a pris des conclusions tendant notamment à la fixation du
droit de
visite au "point de rencontre St-Victor", subsidiairement dans un lieu
protégé.

Par arrêt du 11 juillet 2002, la Cour de justice du canton de Genève a
déclaré les conclusions de l'épouse irrecevables dans la mesure où
elles
s'écartaient du dispositif du jugement de première instance, l'appel
incident
n'étant pas possible en procédure de mesures protectrices de l'union
conjugale (art. 365 de la loi de procédure civile genevoise).
Statuant sur le
fond, l'autorité cantonale a confirmé le jugement de première
instance et
débouté les parties de toutes autres conclusions.

C.
Agissant par la voie du recours de droit public au Tribunal fédéral,
l'épouse
conclut à l'annulation de l'arrêt du 11 juillet 2002. L'intimé
propose le
rejet du recours. Les deux parties requièrent l'assistance judiciaire.
L'autorité cantonale s'est référée aux considérants de son arrêt.

D.
Par ordonnance du 9 octobre 2002, le président de la cour de céans a
admis la
demande d'effet suspensif présentée par la recourante.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Les décisions de mesures protectrices de l'union conjugale ne
constituent
en principe pas des décisions finales au sens de l'art. 48 al. 1 OJ
et ne
peuvent par conséquent être entreprises par la voie du recours en
réforme
(ATF 127 III 474 consid. 2a et b p. 476 ss et les références citées).
Les
griefs soulevés par la recourante ne pouvant être soumis par un autre
moyen
de droit au Tribunal fédéral, la condition de la subsidiarité absolue
du
recours de droit public est donc satisfaite (art. 84 al. 2 OJ). Formé
en
temps utile, compte tenu de la suspension des délais prévue par
l'art. 34 al.
1 let. b OJ, contre une décision prise en dernière instance
cantonale, le
recours est également recevable au regard des art. 86 al. 1 et 89 al.
1 OJ.

1.2 La Cour de justice ayant déclaré irrecevables ses conclusions
relatives
aux modalités du droit de visite, l'épouse aurait en principe dû
déposer une
requête de mesures protectrices en ce sens, au lieu de s'adresser
directement
au Tribunal fédéral (art. 86 al. 1 OJ). Elle reproche toutefois à
l'autorité
cantonale d'avoir omis de tenir compte de faits pertinents concernant
les
relations personnelles du père avec ses enfants. Il y a donc lieu
d'entrer en
matière sur son recours, la maxime d'office étant applicable dans ce
domaine
(arrêt 5C.44/2002 du 27 juin 2002, consid. 3 destiné à la publication
et les
références; V. Bräm, Commentaire zurichois, 1998, n. 101 ad art. 176
CC).

2.
La recourante fait grief à l'autorité cantonale de ne pas avoir pris
d'office
en considération les événements graves qui se sont déroulés entre la
reddition du jugement de première instance et le moment où elle a
statué, à
savoir l'enlèvement temporaire des enfants par leur père, le 9 avril
2002, et
ses conséquences. Elle s'en prend en outre à la constatation de la
Cour de
justice, selon laquelle le rapport du Département de pédiatrie de
l'hôpital
cantonal de Genève n'aurait pas été déposé; elle se plaint sur ce
point d'une
violation de son droit d'être entendue.

2.1 Selon l'art. 176 al. 3 CC, relatif à l'organisation de la vie
séparée
(note marginale), lorsque les époux ont des enfants mineurs, le juge
ordonne
les mesures nécessaires, d'après les dispositions sur les effets de la
filiation (cf. art. 273 ss CC). Il peut notamment confier l'autorité
parentale à un seul des époux (art. 297 al. 2 CC) ou, à plus forte
raison,
lui attribuer la garde de l'enfant. En ce qui concerne les relations
personnelles entre l'enfant et le parent qui n'en a pas la garde, les
principes développés pour le divorce sont, d'après la jurisprudence
et la
doctrine, applicables par analogie (V. Bräm, op. cit., loc. cit.).
Conformément à l'art. 145 al. 1 CC, l'établissement de l'état de fait
est
ainsi soumis à la maxime inquisitoire (arrêt 5P.112/2001 du 27 août
2001,
consid. 4a). En vertu du droit fédéral, l'autorité cantonale de
recours doit
donc admettre les nova et, partant, prendre en considération les
nouveaux
faits pertinents (arrêt 5P.123/1995 du 23 juin 1995, in SJ 1996 118).

2.2 En l'occurrence, il ressort des faits de la cause que l'intimé a
enlevé
ses enfants le 9 avril 2002 et les a conduits à Annecy (France), les y
laissant seuls à proximité de la mairie afin qu'ils demandent à être
entendus
par un juge; ils ont été rapatriés le surlendemain. L'intimé a été
arrêté le
12 avril suivant. Entendu par le juge d'instruction, il a reconnu les
faits
tout en contestant sa culpabilité. Ces événements ont incité la
curatrice à
demander la suspension du droit de visite et ont conduit au placement
des
enfants dans un foyer durant quelques jours. Le 16 avril 2002, le
directeur
de cet établissement a établi un rapport d'après lequel la fille des
parties,
qui manifestait son désir d'aller vivre chez son père, semblait
manipulée par
celui-ci. Cet élément a entraîné l'admission de l'enfant pour
observation au
Département de pédiatrie de l'hôpital cantonal de Genève. Selon
l'autorité
cantonale, elle s'y trouvait encore lorsque l'arrêt attaqué a été
rendu.

Lors de l'audience d'appel, la recourante avait conclu à ce que le
droit de
visite se déroulât au "point de rencontre St-Victor" ou dans un lieu
protégé.
La Cour de justice n'est pas entrée en matière sur ce chef de
conclusions,
pour le motif que l'appel incident n'était pas admis en procédure de
mesures
protectrices de l'union conjugale. Aussi, l'arrêt attaqué ne prend-il
pas en
considération les circonstances précédemment décrites, alors même que
l'autorité cantonale, qui a ordonné l'apport des procédures pénale et
tutélaire consécutives à ces faits, a souligné que des événements
importants
s'étaient produits depuis le jugement de première instance, notamment
l'enlèvement momentané des enfants par leur père et le placement de
l'un
d'eux en observation au Département de pédiatrie de l'hôpital
cantonal. Or,
en vertu de la maxime d'office, il incombait à la cour cantonale de
déterminer si ces événements devaient ou non conduire à revoir la
réglementation du droit de visite, l'irrecevabilité des conclusions
prises
par la recourante étant à cet égard sans pertinence. Faute d'y avoir
procédé,
sa décision apparaît arbitraire et doit dès lors être annulée, sans
qu'il
soit nécessaire d'examiner les autres critiques soulevées par la
recourante.

3.
En conclusion, le recours doit être admis et l'arrêt attaqué annulé.
Vu la
situation économique de l'intimé, il convient d'accéder à sa requête
d'assistance judiciaire (art. 152 al. 1 OJ); cela ne le dispense
toutefois
pas pour autant de payer des dépens à sa partie adverse, qui
l'emporte (ATF
122 I 322 consid. 2c p. 324/325). Puisqu'il succombe, l'intimé
supportera en
outre les frais de la présente procédure (art. 156 al. 1 OJ),
lesquels seront
provisoirement pris en charge par la Caisse du Tribunal fédéral. La
requête
d'assistance judiciaire de la recourante devient ainsi sans objet.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et l'arrêt attaqué est annulé.

2.
La requête d'assistance judiciaire de l'intimé est admise et Me
Emmanuelle de
Montauzon, avocate à Genève, lui est désignée comme conseil d'office.

3.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de l'intimé,
mais il
sera provisoirement supporté par la Caisse du Tribunal fédéral.

4.
L'intimé versera à la recourante une indemnité de 2'000 fr. à titre de
dépens.

5.
La Caisse du Tribunal fédéral versera au mandataire de l'intimé une
indemnité
de 1'500 fr. à titre d'honoraires d'avocat d'office.

6.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 25 novembre 2002

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5P.319/2002
Date de la décision : 25/11/2002
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-11-25;5p.319.2002 ?
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