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25/11/2002 | SUISSE | N°1P.449/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 25 novembre 2002, 1P.449/2002


{T 0/2}
1P.449/2002 /col

Arrêt du 25 novembre 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Féraud, Fonjallaz,
greffier Thélin.

X. ________,
recourant, représenté par Me Philippe Rossy, avocat,
rue de Bourg 8, case postale 3712, 1002 Lausanne,

contre

Procureur général du canton de Vaud, rue de l'Université 24, case
postale,
1014 Lausanne,
Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de cassation péna

le, 1014
Lausanne.

imputation des frais judiciaires pénaux

recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal can...

{T 0/2}
1P.449/2002 /col

Arrêt du 25 novembre 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Féraud, Fonjallaz,
greffier Thélin.

X. ________,
recourant, représenté par Me Philippe Rossy, avocat,
rue de Bourg 8, case postale 3712, 1002 Lausanne,

contre

Procureur général du canton de Vaud, rue de l'Université 24, case
postale,
1014 Lausanne,
Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de cassation pénale, 1014
Lausanne.

imputation des frais judiciaires pénaux

recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal cantonal du
30 mai 2002.

Faits:

A.
Y. ________, née le 7 mars 1985, a présenté dès l'âge d'environ onze
ans un
comportement gravement perturbé, lié à des troubles de l'identité; en
outre,
sa mère souffrait d'une maladie grave dont elle est par la suite
décédée.
Cette situation a entraîné le retrait du droit de garde des parents,
par une
décision de l'autorité tutélaire prise en avril 2001, et
l'attribution de ce
droit au service de protection de la jeunesse du canton de Vaud, qui
préconisait un placement de l'enfant mineure dans une institution.
Elle
devait y recevoir l'encadrement qui lui manquait, ainsi qu'une
formation.
Y.________ ne s'est cependant pas conformée au projet du service;
elle a, au
contraire, entrepris de vivre maritalement avec X.________, au
domicile de ce
dernier. Elle avait fait sa connaissance dès novembre 2000, alors
qu'elle
n'avait pas encore seize ans. Selon un rapport du service daté du 7
février
2002, le rôle de X.________ était néfaste, parce qu'il favorisait le
refus
opposé par l'adolescente à son placement en foyer.

B.
Le père de Y.________ ayant déposé plainte, une enquête pénale a été
ouverte
et a abouti au renvoi de X.________ devant le Tribunal correctionnel
de
l'arrondissement de la Côte; il était accusé d'actes d'ordre sexuel
commis
sur un enfant, ou sur une personne incapable de discernement.

Statuant le 13 février 2002, le tribunal saisi a acquitté X.________
au motif
qu'un doute subsistait au sujet du commencement de ses relations
sexuelles
avec Y.________, avant ou après que celle-ci avait atteint l'âge de
seize
ans; la prévention fondée sur l'art. 187 CP n'était pas donc établie.
Par
ailleurs, l'adolescente n'était pas une victime inapte à se défendre
sur le
plan sexuel, de sorte que l'infraction réprimée par l'art. 191 CP
n'était pas
non plus réalisée. Le Tribunal correctionnel a toutefois jugé
l'attitude de
X.________, qui n'envisageait pas de renoncer à vivre avec
l'adolescente,
"absolument choquante, voire révoltante", et "civilement
répréhensible"; il a
ainsi décidé de lui imputer les frais de la cause pénale, par 3'225
fr.

Sans succès, X.________ a recouru contre sa condamnation à supporter
les
frais. La Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal, par arrêt du
30 mai
2002, a confirmé qu'en hébergeant l'adolescente, le recourant avait
contrevenu à la décision de l'autorité tutélaire et s'était placé en
position
d'illicéité "au plan civil, voire même au plan pénal (art. 220 CP)";
les
premiers juges avaient donc correctement appliqué les règles
déterminantes en
la matière.

C.
Agissant par la voie du pourvoi en nullité, pour violation de l'art.
220 CP,
et du recours de droit public, pour violation des art. 9 et 32 al. 1
Cst.,
X.________ requiert le Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt de la Cour
de
cassation pénale. Il se plaint, essentiellement, d'une application
arbitraire
des dispositions prévoyant l'imputation des frais au prévenu acquitté.
Invités à répondre, le Ministère public cantonal propose le rejet des
recours; la Cour de cassation pénale a renoncé à déposer des
observations.

D.
Par décision du 10 septembre 2002, le Tribunal fédéral a accordé au
recourant
l'assistance judiciaire et a désigné Me Philippe Rossy en qualité
d'avocat
d'office.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le litige relatif à l'imputation des frais ne met en cause que le
droit
cantonal de procédure, alors même que la juridiction intimée se réfère
notamment, pour évaluer le comportement du recourant, à l'art. 320
CP. Le
pourvoi en nullité, ouvert seulement pour violation du droit pénal
fédéral
(art. 247, 269 al. 1 PPF), est ainsi exclu.

2.
La décision contestée est intervenue en application de l'art. 158 CPP
vaud.,
prévoyant que le prévenu acquitté ne peut être condamné à tout ou
partie des
frais que si l'équité l'exige, notamment s'il a donné lieu à
l'ouverture de
l'action pénale ou s'il en a compliqué l'instruction.

2.1 Lorsque le juge fonde sa décision sur le comportement du prévenu
acquitté, le refus d'une indemnité demandée par celui-ci, pour
réparation du
préjudice causé par le procès pénal, ou sa condamnation à supporter
les frais
de ce procès, sont des mesures étroitement analogues; elles doivent
l'une et
l'autre respecter les principes exposés ci-après, qui, selon la
jurisprudence, dérivent des droits fondamentaux garantis au prévenu
(ATF 112
Ib 446 consid. 4c p. 456). La présomption d'innocence consacrée par
les art.
32 al. 1 Cst. et 6 par. 2 CEDH interdit de prendre une décision
défavorable
au prévenu acquitté en laissant entendre que celui-ci semble coupable
de
l'infraction qui lui était reprochée. En outre, la condamnation aux
frais ou
le refus de l'indemnité ne sont tenus pour compatibles avec
l'interdiction de
l'arbitraire (art. 9 Cst.) que si l'intéressé a provoqué l'ouverture
de la
procédure pénale dirigée contre lui, ou s'il en a entravé le cours; à
cet
égard, dans le cas ordinaire d'un prévenu capable de discernement,
seul un
comportement fautif et contraire à une règle juridique, qui soit en
relation
de causalité avec les frais imputés, peut être déterminant (ATF 116
Ia 162;
voir aussi ATF 119 Ia 332; 114 Ia 299; CourEDH Leutscher c. Pays-Bas
du 26
mars 1996, Rec. 1996 p. 427, ch. 29 et ss). Le juge doit se référer
aux
principes généraux de la responsabilité délictuelle (ATF 116 Ia 162
consid.
2c p. 169) et fonder son prononcé sur des faits incontestés ou déjà
clairement établis (ATF 112 Ia 371 consid. 2a in fine p. 374).
Les critères ainsi définis n'interdisent pas au juge de constater,
sans
violer la présomption d'innocence, que le comportement du prévenu
acquitté
constitue objectivement tout ou partie des éléments constitutifs de
l'infraction qui lui était reprochée, alors que toutes les conditions
de la
punissabilité ne sont pas remplies (ATF 116 Ia 162 consid. 2d/bb p.
173/174,
109 Ia 160 consid. 4b in fine p. 165). D'une façon générale, le juge
peut
prendre en considération toute règle juridique, appartenant au droit
fédéral
ou cantonal, public, privé ou pénal, écrit ou non écrit, pour
déterminer si
le comportement en cause est propre à justifier l'imputation des
frais ou le
refus d'une indemnité (ATF 116 Ia 162 consid. 2c p. 169 in medio). La
relation de causalité est réalisée lorsque selon le cours ordinaire
des
choses et l'expérience de la vie, le comportement de la personne
concernée
était de nature à provoquer l'ouverture du procès pénal et le dommage
ou les
frais que celui-ci a lui-même entraînés (cf. ATF 128 III 22 consid.
2d p. 26;
126 V 353 consid. 5c p. 361).

2.2 Dans la présente affaire, il n'est pas contesté qu'en hébergeant
Y.________, le recourant a favorisé le refus opposé par elle à son
placement
en foyer. Ainsi, il a fait obstacle à l'exécution d'une décision de
l'autorité tutélaire prise en application de l'art. 310 al. 1 CC. Son
comportement, qui était illicite au regard de cette disposition, peut
lui
être imputé à faute, compte tenu que la situation personnelle et
familiale de
l'adolescente lui était bien connue. Ce dernier élément ressort, en
particulier, de son attitude aux débats devant le Tribunal
correctionnel, où
il a ouvertement déclaré qu'il ne renoncerait pas à vivre avec elle.
En
raison du jeune âge et du manque d'équilibre de l'intéressée, cette
vie
commune était propre à entraîner la suspicion d'abus sexuels, de
sorte que la
poursuite pénale ouverte contre lui peut être reconnue comme une
conséquence
ordinaire et normalement prévisible de son comportement. Il en
résulte que le
recourant n'est pas fondé à se plaindre d'une application arbitraire
de
l'art. 158 CPP vaud., ou contraire à la présomption d'innocence, en
tant
qu'il est condamné à supporter les frais de cette poursuite; le
recours de
droit public doit ainsi être rejeté.

3.
Bénéficiant de l'assistance judiciaire, le recourant qui succombe ne
doit ni
acquitter l'émolument judiciaire, ni rétribuer son avocat d'office.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le pourvoi en nullité est irrecevable.

2.
Le recours de droit public est rejeté.

3.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

4.
La caisse du Tribunal fédéral versera une indemnité de 800 fr. à Me
Rossy à
titre d'honoraires.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant,
au
Procureur général et au Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 25 novembre 2002

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.449/2002
Date de la décision : 25/11/2002
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-11-25;1p.449.2002 ?
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