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20/11/2002 | SUISSE | N°I.764/01

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 20 novembre 2002, I.764/01


{T 7}
I 764/01

Arrêt du 20 novembre 2002
IIe Chambre

MM. et Mme les Juges Schön, Président, Widmer et Frésard. Greffière :
Mme von
Zwehl

D.________, 1959, rte d'Ovronnaz 14, 1912 Leytron, recourant,
représenté par
Me Alain Viscolo, Avocat, Viscolo & Viscolo, 3962 Montana-Vermala,

contre

Office cantonal AI du Valais, avenue de la Gare 15, 1951 Sion, intimé

Tribunal cantonal des assurances, Sion

(Jugement du 7 novembre 2001)

Faits :

A.
A.a D.________, né

en 1959, travaillait comme menuisier indépendant
depuis
1988. Souffrant d'une grosse hernie discale L4-L5 médiane paramédiane
...

{T 7}
I 764/01

Arrêt du 20 novembre 2002
IIe Chambre

MM. et Mme les Juges Schön, Président, Widmer et Frésard. Greffière :
Mme von
Zwehl

D.________, 1959, rte d'Ovronnaz 14, 1912 Leytron, recourant,
représenté par
Me Alain Viscolo, Avocat, Viscolo & Viscolo, 3962 Montana-Vermala,

contre

Office cantonal AI du Valais, avenue de la Gare 15, 1951 Sion, intimé

Tribunal cantonal des assurances, Sion

(Jugement du 7 novembre 2001)

Faits :

A.
A.a D.________, né en 1959, travaillait comme menuisier indépendant
depuis
1988. Souffrant d'une grosse hernie discale L4-L5 médiane paramédiane
gauche,
il s'est trouvé en incapacité de travail dès le 1er novembre 1993. Le
17
janvier 1996, il a déposé une demande de prestations de
l'assurance-invalidité.

Sur mandat de l'Office AI du canton du Valais (ci-après : l'office
AI),
l'assuré a été examiné le 26 juin 1996 par le docteur A.________. Ce
médecin
a jugé qu'il n'était plus en mesure de poursuivre son métier de
menuisier,
mais que dans une activité adaptée, il conservait une capacité de
travail
entière; une reconversion professionnelle rapide était souhaitable
(rapport
du 1er juillet 1996). Le lendemain de cet examen, D.________ a dû se
soumettre à une résection du scaphoïde carpien gauche; cette
intervention,
pratiquée par le docteur B.________, a donné lieu à une nouvelle
incapacité
de travail jusqu'au 7 août 1997. Dans un prononcé du 17 juillet 1996,
l'Office AI a fixé le degré d'invalidité de l'assuré comme suit : 75
% du 1er
novembre 1994 au 28 février 1995, 50 % du 1er mars 1995 au 30 juin
1995, et à
nouveau 75 % à partir du 1er juillet 1995. Le 7 novembre 1996, il a
rendu
trois décisions de rente correspondantes et fixé le début du droit aux
prestations au 1er janvier 1995 compte tenu de la tardiveté de la
demande AI.

A.b L'état de santé de l'assuré s'étant stabilisé à partir du mois
d'août
1997 (cf. les rapports des docteurs B.________ et A.________,
respectivement
des 7 août et 2 septembre 1997), l'Office AI a repris l'instruction du
dossier. Par décision du 29 avril 1999, il a rejeté une demande
d'aide en
capital que D.________ avait présentée en vue d'entreprendre une
formation
dans le domaine du tournage sur bois. Le prénommé a ensuite envisagé
une
formation en géobiologie, projet qui a été rapidement abandonné en
raison de
son caractère aléatoire. L'assuré a également visité, sur la
suggestion de
son conseiller en réadaptation, le Centre de formation X.________ afin
d'examiner la possibilité d'une réorientation professionnelle;
l'office AI a
laissé le dossier en suspens. Entre-temps, le 22 février 2000,
D.________ a
dû être hospitalisé pour une hernie abdominale. Une nouvelle
hospitalisation
de quelques jours a eu lieu au mois de mai 2000 en raison d'une crise
convulsive généralisée liée à un sevrage d'alcool.

Après avoir requis des médecins ayant traité l'assuré un rapport
circonstancié de la situation et soumis le cas pour appréciation à son
médecin-conseil, l'Office AI a, par décision du 5 janvier 2001,
supprimé la
rente avec effet au premier jour du deuxième mois suivant la
notification de
cette décision, considérant que la capacité de gain de D.________
s'était
améliorée au point d'exclure désormais tout droit à une rente
d'invalidité;
il a en outre retenu que des mesures d'ordre professionnel ne se
justifiaient
pas vu le manque de motivation de l'assuré.

B.
Ce dernier a recouru contre cette décision devant le Tribunal cantonal
valaisan des assurances, qui l'a débouté par jugement du 7 novembre
2001. Les
frais d'avocat de l'assuré, par 1300 fr., ont été mis à la charge de
l'Etat
du Valais au titre de l'assistance judiciaire.

C.
D.________ interjette recours de droit administratif contre ce
jugement, dont
il requiert l'annulation. Sous suite de dépens, il conclut au
rétablissement
de la rente d'invalidité (depuis le mois de juillet 2001) et de son
droit à
des mesures de réadaptation d'ordre professionnel. Il sollicite
également le
bénéfice de l'assistance judiciaire gratuite.

L'office AI conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral
des
assurance sociale a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit :

1.
Le litige porte aussi bien sur la suppression de la rente d'invalidité
allouée à l'assuré depuis le 1er janvier 1995, que sur le droit de ce
dernier
à des mesures de réadaptation d'ordre professionnel.

2.
2.1 Il convient d'examiner le premier point litigieux d'abord.

A cet égard, le recourant fait valoir que l'office AI ne peut
s'appuyer sur
aucun motif de révision au moment où il a rendu sa décision de
suppression de
la rente (au mois de janvier 2001); s'il avait certes récupéré une
capacité
de travail entière, celle-ci existait dans la même mesure déjà à la
fin de
l'année 1997 et n'avait pas varié depuis lors, de sorte qu'aucune
modification de sa situation n'était intervenue à la date
déterminante. Il
reproche également à l'office AI de s'être fondé, dans sa décision,
sur les
données statistiques pour déterminer le revenu d'invalide, alors
qu'aux
termes d'un rapport d'enquête économique (du 2 juin 2000) réalisé par
ce même
office, les revenus qu'il pourrait obtenir en qualité d'ouvrier ou de
surveillant sont nettement inférieurs à ceux ressortant des données
d'expérience précitées; or, si l'administration avait retenu ces
derniers
montants, il aurait à tout le moins droit à un quart de rente.

2.2 Aux termes de l'art. 41 LAI, si l'invalidité d'un bénéficiaire de
rente
se modifie de manière à influencer le droit à la rente, celle-ci est,
pour
l'avenir, augmentée, réduite ou supprimée. Tout changement important
des
circonstances, propre à influencer le degré d'invalidité, donc le
droit à la
rente, peut donner lieu à une révision de celle-ci. Le point de
savoir si un
tel changement s'est produit doit être tranché en comparant les faits
tels
qu'ils se présentaient au moment de la décision initiale de rente et
les
circonstances régnant à l'époque de la décision litigieuse (ATF 109 V
265
consid. 4a, 106 V 87 consid. 1a, 105 V 30).

2.3 En l'occurrence, les divers médecins spécialistes interrogés par
l'intimé
sont unanimes à dire que D.________ est capable de travailler à 100 %
dans
une activité légère, sans port de charges, ni sollicitations
répétitives des
membres supérieurs au-dessus de l'horizontale (cf. rapports des
docteurs
A.________, B.________, C.________, E.________ et F.________); le
recourant
le reconnaît d'ailleurs de lui-même. Or, cet état de fait constitue à
n'en
pas douter une modification par rapport à la situation qui prévalait
lors de
la décision d'octroi de la rente en novembre 1996; à l'époque,
l'intéressé
avait subi une longue incapacité de travail en raison de ses troubles
dorsaux, à laquelle est venue s'ajouter une période de convalescence
de
plusieurs mois à la suite d'une opération au scaphoïde droit. Qu'une
amélioration de son état de santé existât déjà bien avant que
l'intimé ait
rendu sa décision de suppression de la rente ne fait en aucun cas
obstacle à
une procédure de révision. Est en effet seul décisif à cet égard le
fait
qu'est intervenu un changement des circonstances entre la décision
initiale
d'octroi de la rente et celle qui modifie ce droit - ce qui est
manifestement
le cas en l'espèce. C'est d'ailleurs à l'avantage du recourant que
l'intimé
ait attendu le mois de janvier 2001 pour procéder à une révision des
prestations allouées, cependant que les conditions mises à une telle
révision
étaient éventuellement déjà réunies bien plus tôt.

2.4 Quant au recours à des données statistiques pour déterminer le
revenu
d'invalide, il est conforme à la jurisprudence qui admet de s'y
référer en
l'absence d'un revenu effectivement réalisé comme c'est le cas en
l'espèce
(ATF 126 V 76 consid. 3b/aa et bb, 124 V 322 consid. 3b/aa). Il est
vrai que
calculé sur cette base, le revenu d'invalide du recourant se révèle
inférieur
à la moyenne des salaires ressortant du rapport d'enquête économique
du 2
juin 2000. Il n'y a toutefois pas lieu de s'en écarter comme il le
voudrait.
D'une part, les revenus inscrits dans ce rapport sont dépourvus de
toute
référence, de sorte qu'il est impossible d'en connaître les sources
et d'en
vérifier la fiabilité. D'autre part, ils ne concernent que trois
postes de
travail, soit un nombre insuffisant, en comparaison au large éventail
d'activités simples et répétitives que recouvre le salaire
statistique, pour
être représentatifs de ce que le recourant pourrait obtenir en tant
qu'invalide.

L'intimé a pris comme salaire statistique de référence celui auquel
peuvent
prétendre les hommes effectuant des activités simples et répétitives
dans la
région lémanique, secteurs privé et public ensemble (à savoir 4308 fr;
Enquête suisse sur la structure des salaires 1996 [ESS], TA13, p. 34).
D'après la jurisprudence citée plus haut, on doit en règle générale
se fonder
sur celui ressortant du secteur privé pour toute la Suisse (à savoir
4294
fr.; ESS 1996, TA1, p. 17). Cette légère différence ne change
toutefois pas
notablement le résultat auquel on aboutit.

Il résulte en effet de la comparaison des revenus déterminants (à
savoir 65
918 fr. pour le revenu hypothétique - non contesté - réalisable sans
invalidité et 46 155 fr. pour le revenu d'invalide compte tenu d'un
horaire
hebdomadaire de 41,9 heures, d'une indexation de 0,6 % et d'une
déduction de
15 %) un degré d'invalidité de 29,98 %, soit un taux inférieur au
seuil
ouvrant le droit à une rente (cf. art. 28 al. 1 LAI). La suppression,
par la
voie de révision, de la rente allouée à D.________ se révèle ainsi
bien-fondée. C'est également à bon droit que l'office intimé a fixé
l'effet
de la modification du droit au plus tôt le premier jour du deuxième
mois qui
suit la notification de la décision en application de l'art. 88bis
al. 2 let.
a RAI.

3.
Reste à examiner le droit du recourant à des mesures de réadaptation
d'ordre
professionnel.

3.1 Dans sa décision, l'intimé a justifié son refus d'accorder de
telles
prestations par le fait que l'assuré aurait «tergiversé» durant de
nombreux
mois et ne se serait «jamais clairement prononcé sur un projet de
réadaptation, démontrant ainsi (son) manque évident de motivation».

D. ________ conteste l'interprétation donnée par l'office AI de son
comportement; il aurait, de son côté, entrepris tout ce qui était en
son
pouvoir pour se réinsérer dans la vie professionnelle et c'est au
contraire
l'administration qui, faisant fi de ses obligations légales, ne lui
aurait à
aucun moment proposé une mesure de réadaptation concrète. Il estime
que
l'office AI aurait dû, en tout état de cause, mettre en oeuvre la
procédure
de sommation prévue par l'art. 31 al. 1er LAI avant de lui supprimer
son
droit à la rente et aux mesures de réadaptation.

3.2 Ainsi qu'on l'a vu plus haut, la suppression de la rente se
justifie par
l'existence d'un motif de révision au sens de l'art. 41 LAI, et non
pas par
le fait que le recourant aurait entravé ou empêché la réadaptation,
hypothèse
couverte par l'art. 31 al. 1er LAI. Le reproche que D.________ fait à
l'office AI de ne pas lui avoir adressé de sommation - procédure
préalable à
la suppression de la rente en vertu de la disposition précitée -
tombe donc à
faux. Cela étant, on doit lui donner raison lorsqu'il fait grief à
l'intimé
d'avoir failli à ses obligations en matière réadaptation.

Quand bien même le recourant dispose d'une capacité de travail
entière dans
une activité adaptée, sa capacité de gain résiduelle n'atteint pas 70
% de
celle dont il jouissait en tant que personne valide. Compte tenu de
l'importance de cette perte de gain, susceptible de se prolonger
durant vingt
ans encore, on ne saurait exiger de lui qu'il la compense de sa propre
initiative et sans l'intervention de l'assurance-invalidité; elle
dépasse
d'ailleurs largement le seuil minimum de 20 % environ pour ouvrir le
droit à
une mesure de reclassement (cf. 124 V 110 consid. 2b; RCC 1984 p. 95
consid.
1a). Aussi, D.________ réunit-il, en principe, les conditions mises à
l'octroi de mesures de réadaptation (art. 8 LAI).

Les motifs invoqués par l'office AI pour les lui refuser ne sont pas
convaincants. De l'échec des diverses tentatives de réinsertion
professionnelle entreprises par l'assuré, on ne peut pas conclure que
ce
dernier est, de façon générale, inapte à suivre une mesure de
réadaptation et
de la mener à son terme. Car force est de constater que l'office AI
ne l'a
pas assisté - comme il en a pourtant le devoir (cf. art. 57 al. 1
let. c LAI)
- dans l'élaboration d'un véritable projet de réadaptation adapté à
ses
intérêts et ses aptitudes, se bornant à prendre acte de ses démarches
infructueuses. On peut regretter par exemple l'absence de réaction de
l'intimé lorsque le responsable du Centre de formation X.________
s'est
montré favorable à accueillir l'assuré dans son centre de formation
professionnelle à partir du mois d'août 2000 (cf. lettre du 4 juillet
2000).
Dès lors que l'office AI n'a jamais réellement entrepris de
déterminer quelle
mesure d'ordre professionnel serait susceptible d'améliorer la
capacité de
gain du recourant, on ne saurait opposer à ce dernier un manquement à
son
devoir de collaborer à la réadaptation. Sur ce point, le recours se
révèle

bien fondé.

Il y a dès lors lieu de renvoyer à la cause à l'office AI pour qu'il
examine
quelles mesures d'ordre professionnel peuvent entrer en ligne de
compte dans
le cas du recourant, et rende une nouvelle décision à ce sujet.

4.
Le recourant, qui obtient gain de cause dans sa conclusion
subsidiaire, a
droit à une indemnité de dépens à charge de l'office intimé (art. 159
al. 1
OJ). Dans cette mesure, sa requête d'assistance judiciaire est sans
objet.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Le recours est partiellement admis. Le jugement du 7 novembre 2001 du
Tribunal cantonal valaisan des assurances et la décision du 5 janvier
2001 de
l'Office AI du canton du Valais sont annulés en tant qu'ils nient le
droit du
recourant à des mesures de réadaptation d'ordre professionnel, la
cause étant
renvoyée l'office précité pour qu'il procède conformément aux
considérants.
Il est rejeté pour le surplus.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
L'intimé versera au recourant la somme de 2500 fr. (y compris la taxe
sur la
valeur ajoutée) à titre de dépens pour l'instance fédérale.

4.
Le Tribunal cantonal valaisan des assurances statuera sur les dépens
pour la
procédure de première instance, au regard de l'issue du procès de
dernière
instance.

5.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal
valaisan
des assurances et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 20 novembre 2002
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIe Chambre: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.764/01
Date de la décision : 20/11/2002
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-11-20;i.764.01 ?
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