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19/11/2002 | SUISSE | N°5P.323/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 19 novembre 2002, 5P.323/2002


{T 0/2}
5P.323/2002 /frs

Arrêt du 19 novembre 2002
IIe Cour civile

Les juges fédéraux Bianchi, président,
Nordmann, Hohl,
greffier Abrecht.

Z. ________,
recourant, représenté par Me Claire-Lise Oswald-Binggeli, avocate,
rue de
l'Evole 15, case postale 1107, 2001 Neuchâtel 1,

contre

dame Z.________, agissant au nom de son fils mineur E.________ et en
son nom
personnel,
intimée, représentée par Me Yves Grandjean, avocat, case postale
2273, 2001
Neuchâtel 1,
Autorité

tutélaire de surveillance du canton de Neuchâtel, rue du
Pommier 1,
case postale 1161, 2001 Neuchâtel 1.

art. 9 et 30 ...

{T 0/2}
5P.323/2002 /frs

Arrêt du 19 novembre 2002
IIe Cour civile

Les juges fédéraux Bianchi, président,
Nordmann, Hohl,
greffier Abrecht.

Z. ________,
recourant, représenté par Me Claire-Lise Oswald-Binggeli, avocate,
rue de
l'Evole 15, case postale 1107, 2001 Neuchâtel 1,

contre

dame Z.________, agissant au nom de son fils mineur E.________ et en
son nom
personnel,
intimée, représentée par Me Yves Grandjean, avocat, case postale
2273, 2001
Neuchâtel 1,
Autorité tutélaire de surveillance du canton de Neuchâtel, rue du
Pommier 1,
case postale 1161, 2001 Neuchâtel 1.

art. 9 et 30 Cst., art. 6 § 1 CEDH (décision d'ordonner une expertise
médico-légale),

recours de droit public contre l'arrêt de l'autorité tutélaire de
surveillance du canton de Neuchâtel du 23 juillet 2002.

Faits:

A.
Z. ________ et dame Z.________ se sont mariés en 1987. E.________, né
le 22
novembre 1991, a été inscrit dans les registres de l'état civil comme
l'enfant du couple. Les époux se sont séparés au mois de février 1995
et sont
actuellement en instance de divorce. E.________ est sous la garde de
sa mère.

Le 6 juillet 2000, Z.________ a ouvert action en désaveu de paternité
contre
dame Z.________ et E.________. Le 25 août 2000, l'autorité tutélaire
du
district de Boudry a instauré une curatelle ad hoc en faveur de
E.________ et
désigné l'avocat Gilles de Reynier en qualité de curateur chargé de
représenter l'enfant dans la procédure en désaveu. Par jugement du 29
juin
2001, la IIe Cour civile du Tribunal cantonal neuchâtelois a rejeté la
demande. Elle a retenu en substance que Z.________ avait appris
ensuite
d'examens médicaux effectués en juin et septembre 1998 qu'il était
probablement stérile, de sorte que son action, intentée tardivement
sans
raison excusable, était périmée (art. 256c CC).

B.
Le 12 septembre 2001, Z.________ a adressé au président de l'autorité
tutélaire une requête tendant à étendre la curatelle en faveur de
l'enfant
E.________, afin de permettre au curateur ad hoc d'introduire une
action en
désaveu de paternité au nom de son pupille. Il faisait valoir en
substance
que E.________avait été mis au courant par sa mère des démarches
qu'il avait
entreprises pour contester sa paternité, que l'enfant avait
interprété ces
démarches comme une énorme trahison et qu'il refusait pour cette
raison de le
voir depuis de longs mois. Le requérant estimait impératif, pour que
E.________puisse construire sa personnalité, qu'il connaisse
l'identité
réelle de son père biologique.

Le président de l'autorité tutélaire a requis des observations du
curateur ad
hoc, qui a proposé de soumettre l'enfant à une expertise
pédo-psychiatrique
pour déterminer si son développement était menacé par les doutes au
sujet de
son origine, auquel cas il conviendrait d'autoriser une action en
désaveu de
paternité. La curatrice de l'enfant au sens de l'art. 308 CC a quant
à elle
proposé d'étendre le mandat de curatelle ad hoc dans le sens
sollicité par
Z.________. Dame Z.________ a conclu à l'irrecevabilité de la requête
et
s'est également opposée à la mise en oeuvre d'une expertise
pédo-psychiatrique.

C.
Par ordonnance du 8 mai 2002, le président de l'autorité tutélaire a
ordonné
l'expertise médico-légale de E.________ et a désigné en qualité
d'expert le
pédo-psychiatre Raymond Traube, qu'il a chargé de déterminer si
l'enfant se
trouvait actuellement menacé dans son développement, notamment s'il
exprimait
des signes de souffrances quant aux doutes exprimés par Z.________ au
sujet de sa filiation, et si l'intérêt de l'enfant imposait la mise
en oeuvre
d'une expertise hérédo-biologique pour vérifier la réalité de ces
doutes.

Se référant aux avis émis par le curateur ad hoc et par la curatrice
au sens
de l'art. 308 CC, le président de l'autorité tutélaire a estimé qu'il
était
nécessaire de déterminer si le développement de l'enfant était
menacé, vu sa
connaissance des doutes émis par Z.________ et de la rupture des
relations
personnelles avec ce dernier. Il a précisé que l'examen envisagé
permettrait
de préparer une décision quant à l'éventualité de l'introduction par
l'enfant
mineur d'une action en désaveu de paternité.

D.
Statuant sur recours de dame Z.________, l'autorité tutélaire de
surveillance
du canton de Neuchâtel a annulé l'ordonnance d'expertise du 8 mai
2002 par
arrêt du 23 juillet 2002. Elle a considéré en substance que
l'expertise
médico-légale ordonnée par le président de l'autorité tutélaire dans
un
contexte familial particulièrement conflictuel n'était pas anodine et
pourrait en elle-même être source de perturbation pour l'enfant, dont
le
développement ne semblait pas menacé actuellement sur le vu du
dossier.
Envisagée comme le moyen de préparer une décision quant à une
éventuelle
ouverture d'action en désaveu de paternité au nom de l'enfant mineur,
la
décision du président de l'autorité tutélaire apparaissait selon les
juges
cantonaux comme une mesure arbitraire, car une telle action ne
saurait être
conforme à l'intérêt de l'enfant; en effet, si une action en désaveu
était
déclarée bien fondée, l'enfant se trouverait dépourvu de père légal
sans
qu'aucune perspective n'existât d'établir un lien de filiation
juridique avec
un tiers, dès lors que la mère contestait que son mari ne fût pas le
père de
E.________et ne désignait donc aucun tiers comme étant le père
biologique.

E.
Contre l'arrêt de l'autorité tutélaire de surveillance, Z.________
interjette
parallèlement un recours en réforme et un recours de droit public au
Tribunal
fédéral, tendant tous deux à l'annulation de cet arrêt avec suite de
frais et
dépens. Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures. Par arrêt de ce
jour,
la Cour de céans a déclaré le recours en réforme irrecevable.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et avec une pleine cognition la
recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 127 III 41 consid.
2a; 126
III 274 consid. 1 et les arrêts cités).

1.1 Aux termes de l'art. 87 OJ, le recours de droit public est
recevable
contre les décisions préjudicielles et incidentes sur la compétence
et sur
les demandes de récusation, prises séparément (al. 1), ainsi que
contre
d'autres décisions préjudicielles et incidentes prises séparément
s'il peut
en résulter un préjudice irréparable (al. 2); lorsque le recours de
droit
public n'est pas recevable en vertu de l'al. 2 ou qu'il n'a pas été
utilisé,
les décisions préjudicielles et incidentes peuvent être attaquées
avec la
décision finale (al. 3). Est une décision finale au sens de cette
disposition
celle qui met un point final à la procédure, qu'il s'agisse d'une
décision
sur le fond ou d'une décision qui clôt l'affaire en raison d'un motif
tiré
des règles de la procédure; est en revanche une décision incidente
celle qui
est prise pendant le cours de la procédure et ne représente qu'une
étape vers
la décision finale; elle peut avoir pour objet une question formelle
ou
matérielle, jugée préalablement à la décision finale (ATF 123 I 325
consid.
3b; 122 I 39 consid. 1a/aa; 120 III 143 consid. 1a; 117 Ia 251
consid. 1a,
396 consid. 1 et les arrêts cités).

1.2 La décision d'ordonner l'expertise médico-légale d'un enfant aux
fins de
déterminer si celui-ci est menacé dans son développement (cf. art.
307 al. 1
CC) par des doutes au sujet de sa filiation, et si son intérêt impose
la mise
en oeuvre d'une expertise hérédo-biologique pour vérifier la réalité
de ces
doutes, constitue une mesure d'instruction visant à éclaircir une
situation
de fait. Il ne s'agit pas d'une décision finale (cf. Breitschmid,
Basler
Kommentar, Zivilgesetzbuch I, 2e éd. 2002, n. 16 et 26 ad art. 307
CC), mais
d'une étape sur la voie d'une éventuelle décision par laquelle
l'autorité
tutélaire ordonnerait (ou non) des mesures protectrices (art. 307
CC), ou par
laquelle elle instituerait (ou non) une curatelle de représentation
en vue de
l'ouverture d'une action en désaveu de paternité au nom de l'enfant
(cf.
Hegnauer/Meier, Droit suisse de la filiation, 4e éd. 1998, § 6.07 et
les
références citées).

Dès lors que la décision de l'autorité tutélaire de surveillance
annulant
l'ordonnance d'expertise du 8 mai 2002 ne constitue ainsi pas une
décision
finale, le recours de droit public ne peut être recevable que si les
conditions prévues à l'art. 87 al. 1 ou 2 OJ sont remplies.

1.3 Le recourant invoque en premier lieu le droit à un tribunal
impartial
(art. 30 al. 1 Cst. et 6 § 1 CEDH) et se plaint d'une violation de
l'art. 67
CPC/NE, aux termes duquel "[l]e juge est inhabile à fonctionner et
doit se
récuser d'office [...] c) s'il a précédemment agi dans la même cause
à un
autre titre, soit comme membre d'une autorité administrative ou
judiciaire,
soit comme conseil, mandataire, avocat ou notaire d'une partie, soit
comme
expert ou témoin". Or le recourant expose que deux des trois membres
composant l'autorité tutélaire de surveillance qui a rendu l'arrêt
attaqué
avaient précédemment statué comme juges de la IIe Cour civile du
Tribunal
cantonal, lorsque celle-ci avait rejeté l'action en désaveu de
paternité du
recourant par jugement du 29 juin 2001.

Le recourant perd toutefois de vue que les conséquences de
l'inhabilité sont
réglées par l'art. 69 CPC/NE, qui dispose que "les actes de procédure
et les
jugements auxquels a participé un juge inhabile peuvent être annulés
par
l'autorité de récusation (al. 1); la demande d'annulation est
formulée dans
les trente jours qui suivent la découverte du cas d'inhabilité, mais
au plus
tard un an après le prononcé du jugement". Le recours de droit public
se
révèle ainsi irrecevable à cet égard, faute d'épuisement préalable
des moyens
de droit cantonal (art. 86 al. 1 OJ).

1.4 Pour le surplus, le recourant critique la décision attaquée dans
sa
substance en invoquant la prohibition de l'arbitraire (art. 9 Cst.).
Sous cet
angle, l'arrêt entrepris ne peut faire l'objet d'un recours de droit
public
que s'il peut en résulter un préjudice irréparable (art. 87 al. 2 OJ;
sur
cette notion, voir ATF 127 I 92 consid. 1c et les arrêts cités). Il
appartient au recourant d'alléguer et d'établir la possibilité que la
décision incidente lui cause un dommage irréparable, à moins que
celui-ci ne
fasse d'emblée aucun doute (ATF 116 II 80 consid. 2c in fine). Or en
l'espèce, le recourant n'a pas même allégué que la décision attaquée
soit
susceptible de lui causer un préjudice irréparable, de sorte qu'il
n'y a pas
lieu d'entrer en matière.

1.5 Il convient enfin de relever que selon la jurisprudence relative
à
l'art. 88 OJ, le recours de droit public est ouvert seulement à la
personne
atteinte par l'acte attaqué dans ses intérêts personnels et
juridiquement
protégés (ATF 123 I 41 consid. 5b; 122 I 44 consid. 2b, 109 consid 1b
et les
arrêts cités); l'interdiction générale de l'arbitraire découlant de
l'art. 9
Cst. (art. 4 aCst.) ne confère pas, à elle seule, une position
juridique
protégée au sens de l'art. 88 OJ lorsque le recourant se plaint d'une
mauvaise application du droit (ATF 126 I 81). Or en l'espèce, il est
pour le
moins douteux que le recourant puisse se voir reconnaître un intérêt
juridiquement protégé à obtenir l'ouverture d'une action en désaveu de
paternité au nom de l'enfant, attendu qu'il disposait d'une action
propre
(art. 256 al. 1 ch. 2 CC) qu'il a laissée se périmer sans raison
excusable
(art. 256c CC) selon le jugement rendu le 29 juin 2001 par la IIe
Cour civile
du Tribunal cantonal neuchâtelois.

2.
Il résulte de ce qui précède que le recours de droit public interjeté
par
Z.________ doit être déclaré irrecevable, avec suite de frais pour
son auteur
(art. 156 al. 1 CC).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est irrecevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à
l'autorité tutélaire de surveillance du canton de Neuchâtel.

Lausanne, le 19 novembre 2002

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5P.323/2002
Date de la décision : 19/11/2002
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-11-19;5p.323.2002 ?
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