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15/11/2002 | SUISSE | N°2P.70/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 15 novembre 2002, 2P.70/2002


{T 0/2}
2P.70/2002

Séance du 15 novembre 2002
IIe Cour de droit public

Les juges fédéraux Wurzburger, président,
Hungerbühler, Müller, Yersin et Merkli.
greffier Addy.

1. Fédération syndicale SUD, 1000 Lausanne 9,
2.Société Vaudoise des Maîtres Secondaires,
1006 Lausanne,
3.Syndicat Général de la Fonction Publique,
1000 Lausanne 9,
4.X.________,
recourants, tous les quatre représentés par Me Christophe Tafelmacher,
avocat, rue du Valentin 20, case postale,
1000 Lausanne 17,

co

ntre

Conseil d'Etat du canton de Vaud,
Château cantonal, 1014 Lausanne.

Art. 8 et 28 Cst.: participation au pr...

{T 0/2}
2P.70/2002

Séance du 15 novembre 2002
IIe Cour de droit public

Les juges fédéraux Wurzburger, président,
Hungerbühler, Müller, Yersin et Merkli.
greffier Addy.

1. Fédération syndicale SUD, 1000 Lausanne 9,
2.Société Vaudoise des Maîtres Secondaires,
1006 Lausanne,
3.Syndicat Général de la Fonction Publique,
1000 Lausanne 9,
4.X.________,
recourants, tous les quatre représentés par Me Christophe Tafelmacher,
avocat, rue du Valentin 20, case postale,
1000 Lausanne 17,

contre

Conseil d'Etat du canton de Vaud,
Château cantonal, 1014 Lausanne.

Art. 8 et 28 Cst.: participation au processus d'élaboration des
règlements
d'application de la loi sur le personnel de l'Etat de Vaud; liberté
syndicale; égalité

(recours de droit public contre la décision du Conseil d'Etat
du canton de Vaud du 4 février 2002)

Faits:

A.
En septembre 1999, le Conseil d'Etat du canton de Vaud (ci-après: le
Conseil
d'Etat) a rendu public un texte fixant sa politique des ressources
humaines,
dans le cadre de travaux visant à moderniser la fonction publique et à
l'adapter aux évolutions de la société. Sur cette base, il a entamé
des
négociations avec les trois associations faîtières du personnel de
l'Etat de
Vaud, soit la Fédération des sociétés de fonctionnaires (ci-après:
FSF), la
Fédération syndicale SUD (ci-après: SUD) et le Syndicat des services
publics
(ci-après: SSP). Ce processus a débouché sur la signature d'un accord
le 28
janvier 2000 entre le Conseil d'Etat et la FSF; SUD a refusé de
signer cet
accord, tandis que le SSP ne s'est pas présenté à la dernière séance
de
négociations (cf. Exposé des motifs et projet de loi n° 212 sur le
personnel
de l'Etat de Vaud, in Bulletin des séances du Grand Conseil du canton
de Vaud
[ci-après: BGC] septembre 2001, p. 2212 et 2215). Intitulé «Les
grandes
options à partir desquelles l'avant-projet de loi sur le personnel de
l'Etat
de Vaud sera élaboré», l'accord se divise en dix points portant sur
des
thèmes généraux (préambule, champ d'application, temps de travail,
droits et
devoirs, politique salariale...) qui se subdivisent eux-mêmes en
alinéas en
face desquels figure, pour chaque alinéa, une indication précisant à
quel
niveau normatif son contenu sera traité: «niveau de la loi», «exposé
des
motifs» ou «niveau réglementaire».

Le 6 août 2001, le Chef du Département des finances du canton de Vaud
(ci-après: le Chef du Département) a adressé à SUD et au SSP une
lettre les
informant en particulier de la procédure prévue pour la préparation
des
règlements d'application du projet de loi sur le personnel de l'Etat
de Vaud
(ci-après: loi sur le personnel ou LPers). Pour l'essentiel, il
ressortait de
cette lettre qu'un «Comité de pilotage», composé de représentants de
l'administration cantonale (de chefs de service) et de la FSF, serait
placé
sous la responsabilité du Service du personnel et jouerait le rôle de
«véritable noyau central» pour élaborer les dispositions
réglementaires,
tandis que SUD et le SSP seraient associés à cette procédure sous la
forme
d'une consultation écrite. Par courrier du 22 août 2001, SUD a
contesté cette
procédure, car elle privilégiait la FSF par rapport aux deux autres
syndicats
concernés. Le 20 septembre 2001, le Chef du Département a adressé à
SUD la
réponse suivante:
«La structure mise en place, contre laquelle vous vous insurgez,
résulte et
fait suite à l'accord signé. Car on ne peut pas vouloir tout et son
contraire. Comment pourriez-vous négocier alors que vous avez
manifesté votre
désaccord sur de nombreux points qui font l'objet de la convention
paraphée
entre le Conseil d'Etat et la FSF et qui se retrouveront au niveau des
dispositions réglementaires ?

Tenant compte de la situation, le Conseil d'Etat a pris la décision
de vous
associer aux travaux d'élaboration des règlements d'application sous
la forme
d'une consultation écrite.
Pour aller dans votre sens, je propose de vous donner la possibilité
de faire
valoir vos remarques sur les projets de règlements sous la forme d'une
intervention orale devant le Comité de pilotage. De telle sorte, vous
serez à
même de préciser votre point de vue sur des textes élaborés avec plus
de
nuance que ne peut le refléter un texte écrit.»
Le 28 septembre 2001, SUD a recouru au Conseil d'Etat contre la
réponse du
Chef du Département du 20 septembre 2001 qu'elle a considérée comme
valant
décision, en concluant à l'annulation de celle-ci et à son inclusion
pleine
et entière dans le processus d'élaboration des règlements
d'application du
projet de loi sur le personnel.

B.
Le 12 novembre 2001, le Grand Conseil du canton de Vaud (ci-après: le
Grand
Conseil) a adopté la loi sur le personnel.

C.
Par décision du 4 février 2002, le Conseil d'Etat a rejeté le recours
de SUD.
Il a notamment retenu que le principe de l'égalité n'avait pas été
violé,
dans la mesure où la situation de la FSF, signataire de l'accord du 28
janvier 2000, était différente de celle des deux autres syndicats qui
avaient, de leur côté, refusé cet accord. Au surplus, le Chef du
Département
avait octroyé à SUD un droit de participation «non négligeable» en lui
permettant de s'exprimer oralement sur les projets de règlements en
cause
devant le Comité de pilotage.

D.
Agissant par la voie du recours de droit public, SUD, la Société
Vaudoise des
Maîtres Secondaires (ci-après: SVMS), le Syndicat Général de la
Fonction
Publique (ci-après: SGFP) et X.________ demandent au Tribunal
fédéral, sous
suite de frais et dépens, d'annuler la décision prise le 4 février
2002 par
le Conseil d'Etat. Ils se plaignent essentiellement de violation de la
liberté syndicale et du principe de l'égalité. Ils se réfèrent aux
art. 8, 9,
28 et 36 Cst., et mentionnent également l'art. 11 CEDH ainsi que les
art. 8
du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et
culturels
conclu le 16 décembre 1966 (Pacte ONU I; RS 0.103.1) et 2 - en
réalité 22 -
du Pacte international relatif aux droits civils et politiques conclu
le 16
décembre 1966 (Pacte ONU II; RS 0.103.2). SUD invoque aussi les art.
28 ss CC
dans la mesure où ils protègent la personnalité.

Le Conseil d'Etat conclut au rejet du recours sous suite de frais.

E.
Par ordonnance du 10 avril 2002, le Président de la IIe Cour de droit
public
a rejeté la requête de mesures provisoires présentée par les
recourants.

F.
Le 2 juin 2002, les citoyens vaudois ont voté l'abrogation de l'art.
63 de la
constitution du canton de Vaud du 1er mars 1885 et, par là-même, la
suppression du système de la nomination des fonctionnaires auquel
était
subordonnée l'entrée en vigueur de la loi sur le personnel (cf. art.
70 al. 2
LPers).

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des
recours
qui lui sont soumis (ATF 127 I 92 consid. 1 p. 93).

1.1 La recevabilité du recours de droit public suppose, sauf
exceptions non
réalisées en l'espèce (cf. art. 86 al. 2 OJ), l'épuisement préalable
des
moyens de droit cantonal (art. 86 al. 1 OJ).

En l'espèce, à l'exception de SUD, les recourants n'ont pas participé
à la
procédure devant le Conseil d'Etat. Déjà de ce fait, le recours est
donc
irrecevable en tant qu'il concerne la SVMS, le SGFP et X.________.

1.2 Aux termes de l'art. 88 OJ, ont qualité pour former un recours de
droit
public les particuliers ou les collectivités lésés par des arrêtés ou
décisions qui les concernent personnellement ou qui sont d'une portée
générale; cette voie de recours ne leur est ouverte que pour autant
qu'ils
puissent faire valoir leurs intérêts juridiquement protégés. Sont des
intérêts personnels et juridiquement protégés ceux qui découlent
d'une règle
de droit fédéral ou cantonal ou directement d'une garantie
constitutionnelle
spécifique pour autant que les intérêts en cause relèvent du domaine
que
couvre ce droit fondamental (ATF 126 I 81 consid. 3b p. 85 et la
jurisprudence citée).

1.3 SUD invoque en particulier une atteinte à la liberté syndicale
qui est
garantie aux travailleurs, aux employeurs et à leurs organisations
(art. 28
Cst.) ainsi que la violation du principe de l'égalité (art. 8 Cst.).
En
substance, elle fait valoir que le Conseil d'Etat a méconnu ces
dispositions
constitutionnelles en associant plus étroitement la FSF que les deux
autres
syndicats - dont elle-même - au processus d'élaboration des règlements
d'application de la loi sur le personnel.

On distingue la liberté syndicale individuelle de la liberté syndicale
collective. La liberté syndicale individuelle donne au particulier le
droit
de contribuer à la création d'un syndicat, d'adhérer à un syndicat
existant
ou de participer à son activité (liberté syndicale positive) ainsi
que celui
de ne pas y adhérer ou d'en sortir (liberté syndicale négative), sans
se
heurter à des entraves étatiques. Quant à la liberté syndicale
collective,
elle garantit au syndicat la possibilité d'exister et d'agir en tant
que tel,
c'est-à-dire de défendre les intérêts de ses membres (Manfred
Rehbinder,
Gegenwartsprobleme der Koalitionsfreiheit, Berne 1979, p. 12;
Charles-Albert
Morand, Rapports pour le Colloque International sur la liberté
syndicale des
salariés, 1978, p. 15 et 17; Pierre Garrone, La liberté syndicale, in
Droit
constitutionnel suisse, Zurich 2001, p. 795 ss, n. 7 et 9 p. 797/798;
Jörg
Paul Müller, Grundrechte in der Schweiz, 3e éd., Berne 1999, p.
350/351);
elle implique notamment le droit de participer à des négociations
collectives
et de conclure des conventions collectives (Pierre Garrone, op. cit.,
n. 10
p. 798; Jörg Paul Müller, op. cit., p. 351).

1.4 Ces considérations, valables pour le secteur privé, ne sauraient
s'appliquer telles quelles à la fonction publique, car les conditions
de
travail n'y sont pas réglées au travers de la négociation d'une
convention
collective, comme en droit privé, mais sont arrêtées dans un texte
légal à
l'issue d'un processus législatif. Il faut donc se demander si, par
analogie
avec le droit de négociation collective reconnu en droit privé, SUD
peut
déduire de la liberté syndicale le droit de participer, sous une
forme ou une
autre, à l'élaboration des règlements d'application de la loi sur le
personnel. D'un côté, il est douteux qu'on puisse tirer un tel droit
de
l'art. 29 al. 2 Cst. (art. 4 aCst.), la jurisprudence considérant,
d'une
manière générale, que les citoyens ou des associations ne peuvent pas
exciper
du droit d'être entendu celui de participer à des procédures
législatives
(cf. ATF 123 I 63 consid. 2a p. 67 et les arrêts cités). D'un autre
côté, du
fait de sa position particulière d'employeur, l'Etat ne saurait
dénier aux
organisations syndicales tout droit d'être entendues, en particulier
en
relation avec l'art. 28 Cst., lorsque sont en jeu, comme en l'espèce,
des
questions importantes concernant les conditions de travail au sein de
la
fonction publique (dans ce sens, cf. arrêt de la Cour européenne des
droits
de l'homme dans la cause Syndicat national de la police belge du 27
octobre
1975, Série A, vol. 19, par. 38/39).

Cela étant, c'est une question de fond, et non de recevabilité, que de
déterminer le contenu et l'étendue d'un droit fondamental et d'en
vérifier le
respect dans un cas particulier soit, en l'occurrence, d'examiner si
la
liberté syndicale confère à SUD le droit d'être associée et, le cas
échéant,
sous quelle forme, à l'élaboration des règlements d'application de la
loi sur
le personnel. Il convient donc d'entrer en matière sur le grief tiré
de la
violation de la liberté syndicale.

1.5 Conformément à la jurisprudence rendue à propos de l'interdiction
de
l'arbitraire (art. 9 Cst.; cf. ATF 126 I 81 consid. 2a p. 84; 123 I 41
consid. 5b p. 42; 121 I 267 consid. 2 p. 268 et les arrêts cités), le
principe de l'égalité (art. 8 Cst.) ne confère en principe pas, à lui
seul,
un intérêt juridiquement protégé au sens de l'art. 88 OJ (cf. ATF 112
Ia 174
consid. 3c p. 178; 105 Ia 271 consid. 2c p. 275; Walter Kälin, Das
Verfahren
der staatsrechtlichen Beschwerde, Berne 1994, 2e éd., p. 238). En
l'espèce,
ainsi qu'on le verra (infra consid. 5.3), l'un des aspects importants
de la
liberté syndicale est le droit, pour les syndicats de la fonction
publique,
de ne pas subir de discriminations de la part de l'Etat employeur.
Dans cette
mesure, le grief tiré de la violation de l'égalité, invoqué en
relation avec
le principe de la liberté syndicale, est également recevable (pour
comparaison, le droit à l'égalité entre concurrents directs, ATF 123
I 279
consid. 3d p. 281; 121 I 129 consid. 3d p. 134, 279 consid. 4a p.
285).

1.6 Selon la jurisprudence, une association peut agir par la voie du
recours
de droit public en vue de sauvegarder les intérêts de ses membres,
quand bien
même elle n'est pas elle-même directement touchée par l'acte
entrepris. Il
faut notamment qu'elle ait la personnalité juridique et que la
défense des
intérêts de ceux-ci figure parmi ses buts statutaires. En outre, ses
membres
doivent être personnellement touchés par l'acte litigieux, du moins en
majorité ou en grand nombre (ATF 125 I 369 consid. 1a p. 372; 124 I
145
consid. 1c p. 149; 123 I 221 consid. 2 p. 224/225 et les références
citées).

Bien que ses statuts du 7 décembre
2000 (ci-après cités: les Statuts)
ne le
disent pas expressément, SUD revêt la forme juridique de
l'association (cf.
art. 2 al. 2 des Statuts a contrario). C'est une organisation
syndicale
faîtière qui réunit «des associations de personnel régi par la
législation
cantonale» et «des associations regroupant des travailleuses et
travailleurs
du secteur parapublic subventionné» (art. 1er des Statuts). Elle a
pour but
en particulier de prendre en charge «l'action générale liée à la
défense du
service public, à la défense des intérêts des salariés/es du service
public,
notamment en ce qui concerne la loi sur le Statut» (cf. art. 2 des
Statuts).
Douée de la personnalité morale et autorisée par ses Statuts à
représenter
les intérêts de ses membres dont la plupart, sinon la totalité, sont
des
salariés de l'Etat de Vaud ou d'institutions parapubliques, SUD est
donc
recevable à agir pour se plaindre, indirectement, d'une violation de
la
liberté syndicale individuelle de ses membres.

Par ailleurs, SUD est titulaire de la liberté syndicale collective,
si bien
qu'elle dispose de la qualité pour se plaindre d'une prétendue
violation de
cette liberté qui l'atteindrait elle-même directement dans l'exercice
de son
activité, indépendamment de la situation de ses membres.

1.7 SUD a recouru alors que les règlements d'application de la loi
sur le
personnel étaient en cours d'élaboration et ceux-ci ne sont encore
pas en
vigueur à ce jour; il y a donc lieu d'admettre l'existence d'un
intérêt
actuel à l'admission du recours (cf. ATF 127 III 429 consid. 2b p.
431). Au
demeurant, la jurisprudence renonce à cette condition lorsqu'elle
ferait
obstacle au contrôle de constitutionnalité d'un acte qui, comme en
l'occurrence, peut se reproduire en tout temps dans des circonstances
semblables et qui, en raison de sa brève durée, échapperait ainsi
toujours à
la censure de la cour suprême (cf. ATF 127 I 164 consid. 1a p. 166 et
la
jurisprudence citée).

1.8 Au surplus, déposé en temps utile et dans les formes prescrites
par la
loi, le présent recours remplit les autres conditions de recevabilité
des
art. 84 ss OJ, de sorte que le Tribunal fédéral peut entrer en
matière, sous
réserve que les griefs soulevés répondent aux exigences de motivation
déduites de l'art. 90 al. 1 let. b OJ.

2.
2.1Selon l'art. 90 al. 1 let. b OJ, l'acte de recours doit - sous
peine
d'irrecevabilité - contenir «un exposé des faits essentiels et un
exposé
succinct des droits constitutionnels ou des principes juridiques
violés,
précisant en quoi consiste la violation». Lorsqu'il est saisi d'un
recours de
droit public, le Tribunal fédéral n'a donc pas à vérifier, de
lui-même, si la
décision attaquée est en tout point conforme au droit et à l'équité;
il
n'examine que les moyens de nature constitutionnelle, invoqués et
suffisamment motivés dans l'acte de recours. L'intéressé ne saurait se
contenter de soulever de vagues griefs ou de renvoyer aux actes
cantonaux
(ATF 125 I 71 consid. 1c p. 76; 122 I 168 consid. 2b p. 172/173; 115
Ia 27
consid. 4a p. 30; 114 Ia 317 consid. 2b p. 318).

2.2 A côté de la liberté syndicale et de l'égalité de traitement, SUD
invoque
la protection de sa personnalité garantie par les art. 28 ss CC, sans
toutefois développer à ce sujet d'argumentation conforme à l'art. 90
al. 1
let. b OJ. Ce grief est donc irrecevable.

La recourante mentionne également l'art. 9 Cst., mais sans dire
précisément
en quoi cette disposition serait violée dans le cas d'espèce. En
outre, si
elle se réfère à l'art. 11 CEDH ainsi qu'aux art. 8 du Pacte ONU I et
22 du
Pacte ONU II, la recourante ne développe aucune motivation topique
relative à
une prétendue violation de ces dispositions conventionnelles, son
argumentation se confondant, à cet égard, avec ce qu'elle dit à
propos des
art. 8 et 28 Cst. Les moyens qu'elle prétend tirer des dispositions
conventionnelles précitées ainsi que de l'art. 9 Cst. sont donc
irrecevables
au regard de l'art. 90 al. 1 let. b OJ.

3.
3.1La liberté syndicale est consacrée à l'art. 28 Cst., dont l'alinéa
1
dispose que les travailleurs, les employeurs et leurs organisations
ont le
droit de se syndiquer pour la défense de leurs intérêts, de créer des
associations et d'y adhérer ou non. Le message du Conseil fédéral du
20
novembre 1996 relatif à une nouvelle Constitution fédérale (in FF
1997 I 1
ss, p. 180) analyse cette disposition comme suit:
«Le 1er alinéa explicite les différentes facettes du contenu de la
liberté
syndicale. Conçue spécifiquement dans le contexte des relations
(collectives)
de travail, elle garantit le droit, pour les travailleurs et les
employeurs,
de se syndiquer et de créer des syndicats, c'est-à-dire des
associations pour
la défense de leurs intérêts et la sauvegarde de leurs conditions de
travail.
Elle comprend en outre le droit, pour les individus, de s'affilier à
un tel
syndicat (portée positive), comme celui de ne pas y adhérer ou d'en
sortir
(portée négative), ainsi que le droit de ces syndicats d'exercer
librement
leur activité et de se fédérer (...). La liberté syndicale interdit la
dissolution ou la suppression des organisations syndicales par voie
administrative.»
Le contenu de l'actuel art. 28 al. 1 Cst. n'a pas fait l'objet de
discussions
aux Chambres, l'attention des députés s'étant essentiellement portée
sur les
droits de grève et de «lock-out». En réalité, la liberté syndicale
était
reconnue avant d'être expressément garantie dans une disposition
constitutionnelle spéciale. Antérieurement, on la déduisait en effet
de la
liberté d'association garantie à l'art. 56 aCst. (cf. le message
précité du
Conseil fédéral, in FF 1997 I 179; Pierre Garrone, op. cit., n. 1 p.
795).
Les droits consacrés par cette dernière disposition en matière de
liberté
syndicale sont dorénavant garantis par l'art. 28 al. 1 Cst.

Selon la doctrine, la liberté syndicale comporte notamment, comme on
l'a vu
(supra consid. 1.3 et les références), le droit pour les syndicats de
participer à des négociations collectives et de conclure des
conventions
collectives. Un tel droit n'existe toutefois pas tel quel dans la
fonction
publique (cf. supra consid. 1.4), où les conditions de travail sont
réglées
par voie législative, ce qui a pour effet de conférer à l'Etat le
double rôle
de puissance publique (législateur) et d'employeur (sur cette
question, cf.
Peter Helbling, Gesamtarbeitsverträge [GAV] für den Staatsdienst, in
PJA 1998
p. 899 ss, 902; Jürg Brühwiler, Gesamtarbeitsvertrag im öffentlichen
Dienst,
Gedanken zum Verhandlungs- und Beitrittsanspruch der
Personalverbände, in DTA
2001, p. 171 ss; voir aussi Liberté syndicale et négociation
collective,
Etude d'ensemble des rapports sur la convention no 87 sur la liberté
syndicale et la protection du droit syndical et sur la convention no
98 sur
le droit d'organisation et de négociation collective, rapport publié
sous
l'égide du Bureau International du Travail [BIT] lors de la 81e
session de la
Conférence internationale du Travail, Genève 1994, p. 123 ss). Or, le
pouvoir
législatif est un attribut essentiel de la souveraineté de l'Etat, si
bien
que les consultations et négociations effectuées durant le processus
d'élaboration d'une loi ne sauraient lier définitivement le
législateur. Il
en va de même, quoique dans une moindre mesure, au niveau
réglementaire; en
effet, même s'il peut discuter (ou même négocier) certaines modalités
d'application de textes légaux, l'exécutif ne peut exercer ses
compétences
que dans le cadre délimité par le législateur (cf. Helbling, op.
cit., p. 903
ss, qui parle à ce sujet d'un «monopole» de l'Etat). Un accord
préalable
négocié en vue de l'établissement d'un projet de loi ou de règlement
est
ainsi dénué de force contraignante à l'égard des autorités, sans
qu'il soit
nécessaire de le préciser expressément, puisque cela découle
directement de
la souveraineté de l'Etat en matière législative et réglementaire;
toute
autre solution nécessiterait en effet que l'Etat renonce au
«monopole» dont
il jouit en cette matière (Helbling, loc. cit.). Il n'en reste pas
moins que,
sous réserve des restrictions précitées, les parties à un tel accord
doivent
respecter les principes généraux de la bonne foi et de la loyauté
(art. 5 al.
3 et art. 9 Cst.).
3.2 Que des négociations entre syndicats et pouvoirs publics ne lient
pas le
législateur ne signifie cependant pas que les syndicats de la fonction
publique ne puissent se faire entendre au sujet du statut et des
conditions
de travail de leurs membres.

Dans l'arrêt précité du 27 octobre 1975 impliquant un syndicat de
fonctionnaires communaux, la Cour européenne des droits de l'homme a
relevé
que l'art. 11 par. 1 CEDH ne garantissait pas aux syndicats, ni à
leurs
membres, un traitement précis de la part de l'Etat et notamment le
droit
d'être consultés par lui. En effet, non seulement ce dernier droit ne
se
trouvait pas mentionné à l'art. 11 par. 1 CEDH, mais on ne pouvait
affirmer
que les Etats contractants le consacraient tous en principe dans leur
législation et leur pratique internes, ni qu'il fût indispensable à
l'exercice efficace de la liberté syndicale. En revanche, en vue de la
défense de leurs intérêts, les membres d'un syndicat avaient droit à
ce que
celui-ci soit entendu. Cependant, l'art. 11 par. 1 CEDH laissait à
chaque
Etat le choix des moyens à employer à cette fin; la consultation en
constituait un, mais il en existait d'autres. La Convention
européenne des
droits de l'homme exigeait seulement que la législation nationale
permette
aux syndicats, selon des modalités non contraires à l'art. 11 CEDH,
de lutter
pour la défense des intérêts de leurs membres (arrêt de la CourEDH
dans la
cause Syndicat national de la police belge du 27 octobre 1975, Série
A, vol.
19, par. 38/39; Luzius Wildhaber, Zum Fall des «Syndicat national de
la
police belge», in Gedächtnisschrift Peter Jäggi, Fribourg 1977, p.
365 ss,
385; Arthur Haefliger, Die Europäische Menschenrechtskonvention und
die
Schweiz, 2e éd., Berne 1999, p. 311/312; Thilo Marauhn, Zur Bedeutung
von
Art. 11 EMRK für das kollektive Arbeitsrecht und das
Gesellschaftsrecht, in
Rabels Zeitschrift für ausländisches und internationales Privatrecht,
vol.
63, 1999, p. 537 ss; Gérard Cohen-Jonathan, La Convention européenne
des
droits de l'homme, Aix-en-Provence 1989, p. 509 ss, 511).

Le Tribunal fédéral a repris la substance de cet arrêt en matière de
contrat
de travail de droit privé, alors que la liberté syndicale était encore
déduite de l'art. 56 aCst. (ATF 111 II 245 consid. 4a p. 251; cf.
également
arrêt 2P.264/1992 du 19 novembre 1993 consid. 2, concernant le secteur
parapublic).

3.3 A quelques exceptions près, les auteurs n'ont pas examiné la
portée de la
liberté syndicale dans le secteur public et les moyens d'action à
disposition
des associations de personnel pour exercer cette liberté. Toutefois,
s'exprimant à une époque où l'art. 23 du statut des fonctionnaires du
30 juin
1927 (StF; RS 172.221.10) consacrait l'interdiction de la grève,
Charles-Albert Morand (op. cit., p. 51) a déclaré que l'interdiction
faite
aux fonctionnaires fédéraux de faire partie d'un syndicat qui prévoit
ou
utilise la grève des fonctionnaires était d'une constitutionnalité
douteuse:
sous l'angle du principe de la proportionnalité, le fait qu'un
syndicat eût
déclenché une grève des fonctionnaires ne justifiait pas
l'interdiction
généralisée qui leur était faite de s'y affilier. Garrone (op. cit.,
n. 7 p.
797/798) affirme pour sa part que, dans le secteur public, certaines
ingérences ne sont pas exclues de la part de l'Etat employeur. Il
considère
que, de manière générale, des restrictions à la liberté syndicale
individuelle des agents de l'Etat ne sont conformes à la Constitution
que
dans des cas exceptionnels. Quant à Brühwiler (op. cit., p. 175-177),
il
estime que les organisations syndicales de la fonction publique
bénéficient
du droit d'être reconnues comme parties à la négociation en vue de la
conclusion d'une convention collective de travail, pour autant
qu'elles
soient compétentes pour la conclusion d'une telle convention dans le
domaine
concerné et qu'elles satisfassent à certaines exigences de
représentativité
et de loyauté. Enfin, Helbling (op. cit., p. 903 ss) plaide en faveur
de la
mise en place d'un cadre légal permettant à l'Etat employeur de
passer des
conventions collectives avec les syndicats de la fonction publique,
ce qui
implique de la part de ce dernier un renoncement - du moins partiel -
à ses
prérogatives de législateur souverain.

3.4 A la lumière de la jurisprudence et de la doctrine précitées, il
faut
admettre que sous certaines conditions, tenant en particulier à la
représentativité des syndicats et à leur obligation de loyauté,
ceux-ci sont
en droit de représenter leurs membres employés de la fonction
publique; de ce
point de vue, ils apparaissent ainsi comme des interlocuteurs
valables et
«obligatoires» des pouvoirs publics. Il ne s'ensuit pas que les
syndicats
puissent tirer de l'art. 28 al. 1 Cst. le droit de participer à
l'élaboration
des projets de lois et de règlements concernant les conditions de
travail de
leurs membres; la reconnaissance d'un tel droit se heurterait en
effet à la
souveraineté de l'Etat en matière législative et réglementaire. Même
si leur
avis ne lie pas les autorités, en particulier
le législateur, les
syndicats
du secteur public ont toutefois le droit d'être entendus sous une
forme
appropriée en cas de modifications significatives - législatives ou
réglementaires - touchant le statut de leurs membres.

3.5 En l'espèce, sans y être tenu par l'art. 28 Cst., le Conseil
d'Etat a
ouvert des négociations avec trois syndicats; celles-ci ont notamment
débouché sur le texte improprement nommé en l'espèce «accord»
préalable du 28
janvier 2000 portant sur le projet de loi sur le personnel ainsi que
sur ses
règlements d'application; SUD n'a pas signé cet accord, ce qui était
son
droit. Par la suite, SUD s'est vu accorder le droit de s'exprimer par
écrit
et oralement sur les projets de règlements d'application de la loi
sur le
personnel élaborés par le Comité de pilotage. C'est dès lors à tort
qu'elle
se plaint d'une violation de l'art. 28 Cst., la liberté syndicale
garantie
par cette disposition constitutionnelle n'allant pas au-delà, quand
il s'agit
de fixer les conditions de travail dans le secteur public, de la
reconnaissance aux organisations syndicales d'un simple droit d'être
entendu
dont la mise en oeuvre et les modalités appartiennent aux cantons. Il
convient également, par conséquent, de rejeter le grief tiré de la
violation
de l'art. 36 Cst.

4.
La recourante reproche au Conseil d'Etat d'avoir adopté un
comportement
contradictoire en ceci que, d'un côté, il a reconnu dans l'accord
susmentionné du 28 janvier 2000 le droit des associations
professionnelles
faîtières de négocier la «loi sur le statut» - c'est-à-dire la loi
sur le
personnel - et ses dispositions d'application et, de l'autre côté, il
n'a
associé que la FSF, à l'exclusion de SUD et du SSP, à l'élaboration
des
projets de règlements d'application de la loi sur le personnel.
La législation vaudoise en vigueur ne reconnaît pas aux syndicats le
droit de
participer à l'élaboration de projets de textes législatifs ou
réglementaires, de sorte que les autorités cantonales jouissent de la
liberté
d'associer ou non des syndicats à ce travail et, si elles les y
associent, de
déterminer librement la forme que prendra cette participation. La
recourante
n'invoque d'ailleurs aucune disposition du droit vaudois actuel
offrant une
protection supérieure à celle qui découle de l'art. 28 Cst.

Il est vrai que des négociations entre le Conseil d'Etat et les
associations
du personnel sont prévues par la législation future, soit l'art. 13
LPers,
qui reprend sur ce point l'accord précité du 28 janvier 2000 et
dispose:

«Le Conseil d'Etat reconnaît les syndicats et les associations
faîtières du
personnel (ci-après: associations du personnel) qui représentent les
collaborateurs de l'Etat.

Il négocie avec ces représentants sur les projets de modification de
la
présente loi et ses règlements d'application, sauf dispositions
différentes.

Il leur octroie des moyens, notamment sous forme de décharges, qu'il
détermine après discussions avec elles.»
Toutefois, cette disposition - qui va plus loin que l'art. 28 Cst. -
n'est
pas encore en vigueur, de sorte que le Conseil d'Etat n'avait pas
(encore)
d'obligation légale de négocier avec les syndicats le projet de loi
sur le
personnel et ses règlements d'application.

Au surplus, la recourante ne saurait se prévaloir de l'accord du 28
janvier
2000, ne l'ayant pas signé. Elle ne fait pas valoir non plus que
l'autorité
intimée aurait promis que l'art. 13 LPers serait mis en vigueur de
façon
anticipée - ce qui aurait pu se justifier. Dès lors, le grief de la
recourante doit être écarté, car on ne saurait reprocher à l'autorité
intimée
de ne pas avoir appliqué avant son entrée en vigueur la réglementation
projetée; de plus, en l'absence de promesse relative à une mise en
vigueur
anticipée de l'art. 13 LPers, il n'y a pas non plus de violation des
règles
de la bonne foi (cf. art. 5 et 9 Cst.).

5.
La recourante voit une violation du principe de l'égalité, garanti
par l'art.
8 Cst., dans le fait que la FSF a été associée plus étroitement
qu'elle-même
et le SSP à l'élaboration des règlements d'application de la loi sur
le
personnel.

5.1 Une décision viole le principe de l'égalité lorsqu'elle établit
des
distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif
raisonnable au
regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu'elle omet de
faire des
distinctions qui s'imposent au vu des circonstances, c'est-à-dire
lorsque ce
qui est semblable n'est pas traité de manière identique et ce qui est
dissemblable ne l'est pas de manière différente. Il faut que le
traitement
différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait
importante (ATF 125 I 1 consid. 2b/aa p. 4 et la jurisprudence citée).

5.2 En l'espèce, lorsqu'il a entamé des négociations en septembre
1999, le
Conseil d'Etat a mis les trois organisations syndicales FSF, SUD et
SSP sur
un même pied. En signant, le 28 janvier 2000, l'accord formant la
base sur
laquelle allaient être élaborés le projet de loi sur le personnel et
ses
règlements d'application, la FSF a adopté une position différente de
celle
des deux autres syndicats, notamment de SUD. C'est pour ce motif que
le
Conseil d'Etat l'a associée de façon spécialement étroite à la suite
du
processus, en intégrant certains de ses représentants dans le Comité
de
pilotage chargé de préparer les projets de règlements d'application
de la loi
sur le personnel. En revanche, les deux autres syndicats, dont SUD,
n'ont été
associés à ces projets que sous la forme d'une consultation écrite;
comme SUD
a contesté cette procédure, la possibilité lui a encore été donnée de
faire
valoir ses remarques par une intervention orale devant le Comité de
pilotage.

Il apparaît ainsi que le motif retenu par le Conseil d'Etat pour
justifier sa
décision d'avoir associé les trois syndicats précités de façon
différente à
la suite du processus législatif repose sur le degré de leur
collaboration
avec l'Etat employeur et, plus précisément, sur leur adhésion - plus
ou moins
forte - aux options de celui-ci en matière de politique du personnel.
C'est
donc, en définitive, l'opinion défendue par SUD durant la phase
préalable de
négociations qui a motivé la décision du Conseil d'Etat, sinon de
l'écarter
de la suite du processus législatif, du moins de l'y faire participer
d'une
manière moins active que la FSF. Ce motif ne constitue toutefois pas
un
critère objectif et raisonnable de nature à justifier pareille
différence de
traitement.

5.3 Que SUD ait manifesté sa désapprobation avec l'accord sur la base
duquel
les projets réglementaires devaient être élaborés, en ne le signant
pas, ne
permet en effet nullement de lui faire le reproche d'avoir adopté un
comportement contraire aux règles de la bonne foi ou d'avoir pratiqué
une
politique d'obstruction.

Il est au contraire dans la nature des relations entre employeurs et
syndicats que des divergences de vues plus ou moins profondes
puissent se
manifester et séparer les partenaires sociaux, les intérêts des uns
et des
autres ne se recoupant pas nécessairement. Les syndicats tirent
d'ailleurs
précisément leur raison d'être de la qualité qui leur est reconnue de
représenter et de défendre les intérêts de leurs membres vis-à-vis
notamment
de l'employeur soit, dans le secteur public, de l'Etat. C'est donc un
corollaire essentiel de la liberté syndicale, considérée sous sa
composante
collective, que le droit pour les syndicats d'exprimer et de soutenir
librement des idées et des opinons en vue de la défense des intérêts
de leurs
membres (cf. le rapport précité du BIT, Liberté syndicale et
négociation
collective, p. 19/20).

Afin qu'un tel droit puisse effectivement être exercé dans le secteur
public,
l'Etat employeur se doit dès lors, dans ses rapports avec les
organisations
syndicales, de leur garantir non seulement l'existence, mais aussi
l'autonomie et une certaine sphère d'activité (cf. Jean-Daniel
Delley/Charles-Albert Morand, Rôle et statut constitutionnel des
centrales
syndicales en Suisse, in Recueil des travaux suisses présentés au Xe
Congrès
international de droit comparé, Bâle 1979, p. 175 ss, 187). En
particulier,
l'Etat n'a pas à favoriser l'émergence d'un monopole syndical sous la
forme
d'un «syndicat d'Etat»; la liberté syndicale présuppose au contraire
une
pluralité de syndicats (cf., à propos de l'art. 11 CEDH, Jacques
Velu, La
Convention européenne des droits de l'homme, Bruxelles 1990, p. 654).
Ce
souci est exprimé de manière assez nette par l'art. 5 de la
Convention no 151
concernant la protection du droit d'organisation et les procédures de
détermination des conditions d'emploi dans la fonction publique,
entrée en
vigueur pour la Suisse le 3 mars 1982 (RS 0.822.725.1), qui énonce
que «les
organisations d'agents publics doivent jouir d'une complète
indépendance à
l'égard des autorités publiques».

5.4 Cela étant, le procédé de l'autorité intimée, consistant à
reléguer SUD à
un rôle de second plan dans la suite du processus législatif parce
qu'elle
n'a pas ratifié l'accord signé par la FSF, revient de la part de
l'Etat à
pratiquer à son endroit une discrimination qui s'apparente, si ce
n'est à une
mesure de rétorsion, du moins à un moyen de pression inadmissible;
tout se
passe en effet comme si le droit d'être inclus au sein du Comité de
pilotage
était subordonné à la condition d'épouser les vues de l'Etat en
matière de
politique du personnel. Certes SUD devait-elle s'engager à respecter,
dans la
suite du processus, aussi bien la lettre que l'esprit de la loi sur le
personnel; elle ne pouvait ainsi pas, quelles que soient ses vues,
chercher à
remettre en cause des options clairement choisies par le législateur
souverain. En outre, conformément aux principes de la bonne foi et de
la
loyauté, elle devait également s'abstenir de revenir sur des points
déjà
décidés dans l'accord signé le 28 janvier 2000 entre l'Etat et la
FSF. Rien
ne permet toutefois de penser que la volonté de SUD était d'emprunter
ou
d'adopter un tel comportement; l'autorité intimée ne le soutient du
reste
pas.

Partant, en refusant à SUD de faire partie du Comité de pilotage et de
collaborer à l'élaboration des règlements d'application à la même
enseigne
que la FSF, le Conseil d'Etat a instauré à son préjudice une
différence de
traitement non justifiée par les circonstances. A cet égard, il sied
de
souligner que le Comité de pilotage a été conçu, selon les termes
mêmes du
Chef du Département, comme le «noyau central» du dispositif mis en
place pour
élaborer les règlements d'application; or, il n'est pas contesté que
ces
règlements devaient concrétiser et préciser des principes importants
contenus
dans la loi sur le personnel. Le fait de pouvoir participer
activement au
sein du Comité de pilotage revêtait par conséquent pour SUD une
importance
certaine qu'une consultation exercée sous la forme d'un simple droit
d'être
entendu, fût-ce oralement et par écrit, ne saurait compenser.

5.5 Mais l'inégalité de traitement en cause ne porte pas seulement
atteinte à
la liberté syndicale collective en cela qu'elle empêche la recourante
d'exercer en toute indépendance les prérogatives attachées à cette
liberté,
en particulier le droit de prendre librement position sur des
questions
importantes touchant le statut de ses membres. Une telle différence de
traitement pourrait en effet aussi avoir pour conséquence de mettre
en péril
l'existence même du syndicat lésé qui, privé du droit de participer
aussi
activement qu'une autre organisation syndicale à une étape clé du
processus
législatif, risque la désaffection d'une partie de ses membres qui, à
tout
prendre, pourront lui préférer le syndicat concurrent admis à
négocier et à
collaborer avec l'employeur. Or, le droit à l'existence est une
condition
fondamentale de la liberté syndicale collective.

5.6 De surcroît, le comportement de l'autorité intimée est également
susceptible, dans une certaine mesure, de porter indirectement
atteinte à la
composante individuelle de la liberté syndicale en limitant, de
facto, la
liberté de choix des particuliers désirant se syndiquer; en effet,
ceux qui,
en raison de leur sensibilité, voudraient adhérer à SUD ou en rester
membres,
seront placés devant un dilemme, puisqu'ils devront dans le même temps
admettre d'entrer ou de demeurer dans un syndicat ne disposant - à
tort - pas
des mêmes prérogatives vis-à-vis de l'Etat employeur que d'autres
organisations syndicales.

5.7 Par conséquent, le grief tiré de la violation de l'art. 8 Cst. (en
relation avec l'art. 28 Cst.) est bien fondé.

6.
Au vu de ce qui précède, le recours doit être admis, dans la mesure
où il est
recevable, et la décision attaquée annulée.

Le canton de Vaud, dont l'intérêt pécuniaire n'est pas en cause, n'a
pas à
supporter les frais judiciaires (art. 156 al. 2 OJ). En revanche, les
recourants Société vaudoise des Maîtres Secondaires, Syndicat Général
de la
Fonction publique et X.________ qui succombent, supporteront
solidairement
une partie de ces frais (art. 156 al. 1 et 7 OJ) et n'ont pas droit à
des
dépens (art. 159 al. 1 OJ a contrario).

Obtenant gain de cause, SUD droit à des dépens (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis, dans la mesure où il est recevable, et la
décision du
Conseil
d'Etat du canton de Vaud du 4 février 2002 est annulée.

2.
Un émolument judiciaire de 1'500 fr. est mis à la charge des
recourants
Société vaudoise des Maîtres Secondaires, Syndicat Général de la
Fonction
publique et X.________, solidairement entre eux.

3.
Le canton de Vaud versera à la Fédération syndicale SUD une indemnité
de
1'000 fr. à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire des recourants
et au
Conseil d'Etat du canton de Vaud.

Lausanne, le 15 novembre 2002

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2P.70/2002
Date de la décision : 15/11/2002
2e cour de droit public

Analyses

Art. 88 OJ; art. 8 et 28 Cst.; art. 11 CEDH; liberté syndicale dans la fonction publique; participation au processus législatif portant sur le statut du personnel; égalité entre syndicats. Qualité pour recourir d'un syndicat non admis à participer à l'élaboration des règlements d'application d'une loi sur le personnel; intérêt juridiquement protégé au sens de l'art. 88 OJ tiré de la liberté syndicale et du principe d'égalité (consid. 1). La liberté syndicale ne confère pas aux organisations syndicales de la fonction publique le droit de participer au processus législatif portant sur le statut du personnel, mais seulement celui d'être entendu sous une forme appropriée en cas de modifications législatives ou réglementaires touchant de manière significative les conditions de travail de leurs membres (consid. 3). L'Etat doit s'abstenir, comme employeur, de toute mesure de discrimination non justifiée à l'égard des syndicats, sous peine de porter atteinte à leur liberté syndicale et à celle de leurs membres. Est discriminatoire le fait d'écarter une organisation syndicale de la suite du processus législatif en raison des opinions qu'elle a défendues lors de la première phase de ce processus, tandis qu'une autre y est admise (consid. 5).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-11-15;2p.70.2002 ?
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