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14/11/2002 | SUISSE | N°C.53/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 14 novembre 2002, C.53/02


{T 7}
C 53/02

Arrêt du 14 novembre 2002
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Meyer et Kernen. Greffière: Mme
Moser-Szeless

Caisse de chômage SIB, Werdstrasse 62, 8004 Zürich, recourante,

contre

P.________, intimé, représenté par Me Henri Nanchen, avocat,
boulevard des
Philosophes 14, 1205 Genève,

et

Office cantonal de l'emploi, groupe réclamations, rue des
Glacis-de-Rive 4-6,
1207 Genève, intimé

Commission cantonale de recours en matière d'assurance-

chômage, Genève

(Jugement du 1er novembre 2001)

Faits :

A.
Du 1er octobre 1998 au 4 mai 2000, P.________ a perçu...

{T 7}
C 53/02

Arrêt du 14 novembre 2002
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Meyer et Kernen. Greffière: Mme
Moser-Szeless

Caisse de chômage SIB, Werdstrasse 62, 8004 Zürich, recourante,

contre

P.________, intimé, représenté par Me Henri Nanchen, avocat,
boulevard des
Philosophes 14, 1205 Genève,

et

Office cantonal de l'emploi, groupe réclamations, rue des
Glacis-de-Rive 4-6,
1207 Genève, intimé

Commission cantonale de recours en matière d'assurance-chômage, Genève

(Jugement du 1er novembre 2001)

Faits :

A.
Du 1er octobre 1998 au 4 mai 2000, P.________ a perçu des indemnités
de
chômage qui lui ont été versées par la Caisse de chômage du syndicat
industrie & bâtiment SIB (ci-après: la caisse de chômage) avec effet
rétroactif au 5 mai 1998. Le 12 septembre 1997, il avait déposé une
demande
de prestations auprès de l'Office cantonal de l'assurance-invalidité
(ci-après: l'office AI).

Dans un projet de décision du 26 octobre 2000, repris ensuite dans une
décision du 3 avril 2001, l'office AI a communiqué au prénommé qu'il
envisageait de lui allouer une demi-rente d'invalidité à partir du 2
septembre 1997, fondée sur un degré d'invalidité de 57 %.

Par décision du 19 février 2001, la caisse de chômage a exigé de
P.________
la restitution d'une somme de 74 566 fr. 20, dont 31 031 fr. étaient
directement compensés avec les prestations de l'assurance-invalidité
et 43
535 fr. 20 devaient lui être remboursés par l'assuré directement. Ce
montant
correspondait aux prestations que celui-ci avait, selon elle, perçues
en trop
de l'assurance-chômage du 5 mai 1998 au 4 mai 2000. Le montant soumis
à
restitution était proportionnel au degré de l'incapacité de gain
retenu par
l'assurance-invalidité (57 %). Le même jour, elle a requis de la
caisse de
compensation AVS de la Société suisse des entrepreneurs la
compensation du
montant de 31 031 fr. pour la période du 5 mai 1998 au 4 mai 2000.

B.
B.aLe 18 mai 2001, l'Office cantonal genevois de l'emploi, groupe
réclamations, (ci-après: l'OPE) a admis la réclamation formée par
P.________
contre la décision du 19 février 2001.

B.b
Par jugement du 1er novembre 2001, la Commission cantonale de recours
en
matière d'assurance-chômage a rejeté le recours formé par la caisse de
chômage contre la décision de l'OPE. En bref, elle a considéré que
l'assuré
n'a pas touché indûment les prestations de chômage, dès lors qu'il a
toujours
été apte au placement pendant le délai-cadre d'indemnisation et n'a
subi
aucune diminution de sa capacité à exercer une activité à plein temps.

C.
La caisse de chômage interjette recours de droit administratif contre
ce
jugement dont il demande l'annulation. Elle conclut à ce que le
montant de sa
demande en restitution soit corrigé en ce sens que doit être pris en
compte
un gain assuré de 43 920 fr. correspondant au revenu avec invalidité
retenu
par l'office AI.

L'OPE et P.________ concluent au rejet du recours, tandis que le
Secrétariat
d'Etat à l'économie (seco) a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit :

1.
1.1
Le litige porte sur l'obligation du recourant de restituer la somme
de 43 535
fr. 20 qui lui est réclamée au titre des indemnités de chômage
perçues entre
le 5 mai 1998 et le 4 mai 2000, à la suite de l'octroi avec effet
rétroactif
d'une demi-rente de l'assurance-invalidité. En revanche, le montant
que la
caisse de chômage a requis de la caisse de compensation AVS de la
Société
suisse des entrepreneurs par voie de compensation n'est pas en cause
ici.

1.2 Dans la procédure de recours concernant l'octroi ou le refus de
prestations d'assurance, le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral des
assurances n'est pas limité à la violation du droit fédéral - y
compris
l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation - mais s'étend également à
l'opportunité de la décision attaquée. Le tribunal n'est alors pas
lié par
l'état de fait constaté par la juridiction inférieure, et il peut
s'écarter
des conclusions des parties à l'avantage ou au détriment de celles-ci
(art.
132 OJ).

Le Tribunal fédéral des assurances n'étant pas lié par les motifs que
les
parties invoquent (art. 114 al. 1 en corrélation avec l'art. 132 OJ),
il
examine d'office si le jugement attaqué viole des normes de droit
public
fédéral ou si la juridiction de première instance a commis un excès
ou un
abus de son pouvoir d'appréciation (art. 104 let. a OJ). Il peut ainsi
admettre ou rejeter un recours sans égard aux griefs soulevés par le
recourant ou aux raisons retenues par le premier juge (ATF 125 V 500
consid.
1, 124 V 340 consid. 1b et les références).

2.
2.1Selon l'art. 8 al. 1 let. f LACI, l'assuré a droit à l'indemnité de
chômage s'il est apte au placement. Aux termes de l'art. 15 al. 2
LACI, le
handicapé physique ou mental est réputé apte à être placé lorsque,
compte
tenu de son infirmité et dans l'hypothèse d'une situation équilibrée
sur le
marché de l'emploi, un travail convenable pourrait lui être procuré
sur ce
marché; le Conseil fédéral règle la coordination avec
l'assurance-invalidité.
D'après l'art. 15 al. 3, première phrase, OACI, lorsque dans
l'hypothèse
d'une situation équilibrée sur le marché du travail, un handicapé
n'est pas
manifestement inapte au placement et qu'il s'est annoncé à
l'assurance-invalidité ou à une autre assurance selon le deuxième
alinéa, il
est réputé apte au placement jusqu'à la décision de l'autre assurance.
La présomption légale instituée par cette réglementation entraîne,
pour
l'assurance-chômage, une obligation d'avancer les prestations à
l'assuré,
cela par rapport aux autres assurances sociales. Il s'agit d'un cas
de prise
en charge provisoire ou (préalable) des prestations. Quand l'assuré au
chômage s'annonce à l'assurance-invalidité, cette prise en charge
provisoire
vise à éviter qu'il se trouve privé de prestations d'assurance
pendant la
période de carence d'une année selon l'art. 29 al. 1 let. b LAI et
plus
généralement pendant le temps nécessaire à l'assurance-invalidité pour
statuer sur la demande dont elle est saisie (ATF 127 V 486 consid. 2a
et les
références).

2.2 Lorsque, par la suite, l'autre assureur social requis octroie des
prestations, la correction intervient selon les art. 94 al. 2 LACI
(compensation) et 95 LACI (restitution des prestations). Ainsi,
l'assuré qui
reçoit des indemnités de chômage pour une certaine période et qui,
ultérieurement, est mis au bénéfice d'une rente de
l'assurance-invalidité
pour la même période est tenu de restituer les indemnités perçues;
lorsque
l'assuré, malgré le versement d'une rente, disposait d'une capacité
résiduelle de gain susceptible d'être mise à profit, le montant
soumis à
restitution est proportionnel au degré de l'incapacité de gain (ATF
127 V 486
consid. 2b; DTA 1999 n° 39 p. 230 consid. 2a, 1998 n° 15 p. 82
consid. 5,
1988 n° 5 p. 38 consid. 4c et d).

La restitution s'opère, en tout ou partie, par compensation avec des
arriérés
de rentes de l'assurance-invalidité. A cet égard, l'art. 124 OACI
prévoit en
effet que lorsqu'une caisse verse des indemnités de chômage et
qu'ultérieurement une autre assurance sociale fournisse, pour la même
période, des prestations qui ont pour effet d'entraîner le
remboursement de
l'indemnité de chômage, la caisse exige la compensation en
s'adressant à
l'assureur compétent. Si la créance en restitution n'est pas
entièrement
éteinte par la compensation, la caisse de chômage est fondée à rendre
à
l'endroit de l'assuré une décision de restitution pour le solde, aux
conditions de l'art. 95 al. 1 LACI et sous réserve d'une remise
prévue à
l'art. 95 al. 2 LACI (ATF 127 V 487 consid. 2b).

D'après la jurisprudence rendue à propos de l'art. 47 al. 1 LAVS,
dont le
Tribunal fédéral des assurances a jugé qu'elle s'appliquait par
analogie à la
restitution d'indemnités indûment perçues dans l'assurance-chômage
(cf. ATF
122 V 368 consid. 3, 110 V 179 consid. 2a et les références), une
prestation
accordée sur la base d'une décision formellement passée en force et
sur
laquelle une autorité judiciaire ne s'est pas prononcée sous l'angle
matériel
ne peut être répétée que lorsque les conditions qui président à la
révocation, par son auteur, d'une décision administrative, sont en
l'occurrence réalisées.
A cet égard, la jurisprudence constante distingue la révision d'une
décision
entrée en force formelle, à laquelle l'administration est tenue de
procéder
lorsque sont découverts des faits nouveaux ou de nouveaux moyens de
preuve
susceptibles de conduire à une appréciation juridique différente,
d'avec la
reconsidération d'une décision formellement passée en force de chose
jugée et
sur laquelle une autorité judiciaire ne s'est pas prononcée quant au
fond, à
laquelle l'administration peut procéder pour autant que la décision
soit sans
nul doute erronée et que sa rectification revête une importance
notable (ATF
126 V 24 consid. 4b et les arrêts cités). Ces principes sont aussi
applicables lorsque des prestations sont accordées sans avoir fait
l'objet
d'une décision formelle et que leur versement, néanmoins, a acquis
force de
chose décidée (ATF 126 V consid. 4b, 122 V 369 consid. 3).

3.
Les considérants de la commission de recours, relatifs à la
jurisprudence que
le Tribunal fédéral des assurances aurait rendue en matière de
versement
rétroactif d'une rente AI - dont les premiers juges se sont dispensés
d'indiquer toute référence qui permettrait de l'identifier -, de même
que les
moyens de l'intimé touchant à l'aptitude au placement méconnaissent la
jurisprudence exposée précédemment. Dénués de toute pertinence pour la
solution du litige, ils ne seront pas exposés plus avant dans le
présent
arrêt.

4.
4.1En l'espèce, l'intimé - dont il est incontesté qu'il est apte au
placement
et remplit les autres conditions mises en principe à l'octroi des
prestations
de l'assurance-chômage - a requis l'allocation d'indemnités de chômage
quelque temps après avoir déposé une demande de prestations auprès de
l'assurance-invalidité. Dès lors, conformément à l'art. 15 al. 3
OACI, les
indemnités de chômage versées depuis le 5 mai 1998 doivent être
considérées
comme des avances de la caisse de chômage jusqu'à droit connu sur la
demande
de prestations de l'assurance-invalidité. A la suite du projet de
décision de
l'office AI du 26 octobre 2000 envisageant de reconnaître à l'assuré
un taux
d'invalidité de 57% et portant effet rétroactif au 1er septembre
1997, la
caisse recourante a demandé, le 19 février 2001, la restitution à due
concurrence des prestations qu'elle avait avancées. L'intimé a, par
décision
de l'office AI du 3 avril 2001, effectivement été mis au bénéfice
d'une
demi-rente de l'assurance-invalidité, fondée sur un taux d'invalidité
de 57 %
à partir du 1er septembre 1997. Ce fait nouveau constitue un motif de
révision de la décision (matérielle) d'octroi des prestations
d'assurance-chômage. Si l'intimé est certes, comme il l'invoque dans
son
écriture, apte au placement - et qu'il a de ce fait effectué des gains
intermédiaires pendant la période de chômage - il n'en demeure pas
moins
qu'il a subi, en raison de son changement professionnel motivé par des
raisons de santé (cf. le certificat médical du docteur A.________ du
22 juin
1998) une atteinte à sa capacité de gain de 57 % suffisante pour lui
ouvrir
le droit à une demi-rente d'invalidité. Sa situation est donc celle
d'un
assuré qui, malgré le versement d'une rente, dispose d'une capacité
résiduelle de gain susceptible d'être mise à profit. Dès lors, c'est
à juste
titre que la caisse recourante a demandé la restitution des
prestations
versées proportionnellement au degré d'invalidité qu'il présentait
durant la
période considérée, conformément à ce que prévoit la jurisprudence
dans une
telle situation.

La restitution des indemnités litigieuses, proportionnellement au
degré
d'invalidité de 57 % que présentait l'intimé durant la période de
chômage
considérée, est donc pleinement justifiée dans son principe.

4.2 Quant à son étendue, elle n'est pas contestée et n'apparaît du
reste pas
sujet à discussion; il en va de même en ce qui concerne les modalités
de la
compensation (voir à ce sujet DTA 1999 n° 39 p. 227). On ne voit pas,
à cet
égard, pourquoi il conviendrait, comme le voudrait la recourante -
dont
l'argumentation est au demeurant formulée de façon peu claire -, de
reprendre
le calcul des indemnités de chômage dues à l'intimé en prenant comme
gain
assuré le gain après invalidité retenu par l'assurance-invalidité. En
effet,
l'application correcte qu'elle a faite de la jurisprudence permet
d'obtenir
un résultat identique, sous réserve de la prise en compte de valeurs
arrondies. Du point de vue mathématique, il revient au même de
calculer les
indemnités dues à l'assuré en prenant le salaire avant invalidité
réduit
proportionnellement au taux d'invalidité ou de se fonder sur le
salaire après
invalidité.

C'est dire, en conclusion que l'intimé est tenu de restituer le solde
d'un
montant total de 74 566 fr. 20 moins la somme de 31 031 fr. compensée
avec
les rentes de l'assurance-invalidité, soit 43 535 fr. 20. Comme l'a
indiqué
la recourante dans la décision litigieuse, l'intimé a la faculté de
demander
la remise de son obligation.

Le recours de droit administratif
est dès lors bien fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Le recours est admis et le jugement de la Commission cantonale de
recours en
matière d'assurance-chômage du canton de Genève du 1er novembre 2001,
ainsi
que la décision sur réclamation de l'Office cantonal genevois de
l'emploi du
18 mai 2001 sont annulés.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la Commission
cantonale de
recours en matière d'assurance-chômage du canton de Genève, ainsi
qu'au
Secrétariat d'Etat à l'économie.

Lucerne, le 14 novembre 2002
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIIe Chambre: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.53/02
Date de la décision : 14/11/2002
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-11-14;c.53.02 ?
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