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14/11/2002 | SUISSE | N°4C.347/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 14 novembre 2002, 4C.347/2001


{T 0/2}
4C.347/2001 /ech

Arrêt du 14 novembre 2002
Ire Cour civile

Les juges fédéraux Walter, président de la Cour, Corboz, Klett,
Rottenberg
Liatowitsch et Favre,
greffière Michellod

Banque A.________,
demanderesse et recourante, représentée par Me Denys Gilliéron,
avocat, rue
Neuve 6, 1260 Nyon,

contre

1. B.________,

2. C.________,

3. D.________,

4. E.________,

5. F.________,
défendeurs et intimés,
tous représentés par Me Pierre Math

yer, avenue des Mousquines 20, case
postale 31, 1000 Lausanne 5.

occupation de locaux appartenant à une succession répudiée

(recour...

{T 0/2}
4C.347/2001 /ech

Arrêt du 14 novembre 2002
Ire Cour civile

Les juges fédéraux Walter, président de la Cour, Corboz, Klett,
Rottenberg
Liatowitsch et Favre,
greffière Michellod

Banque A.________,
demanderesse et recourante, représentée par Me Denys Gilliéron,
avocat, rue
Neuve 6, 1260 Nyon,

contre

1. B.________,

2. C.________,

3. D.________,

4. E.________,

5. F.________,
défendeurs et intimés,
tous représentés par Me Pierre Mathyer, avenue des Mousquines 20, case
postale 31, 1000 Lausanne 5.

occupation de locaux appartenant à une succession répudiée

(recours en réforme contre le jugement de la Cour civile du Tribunal
cantonal
du canton de Vaud du 29 mai 2001).

Faits:

A.
X. ________ était propriétaire d'une villa comportant un petit et un
grand
appartement. Par contrat de bail à loyer, il a remis en location le
grand
appartement à Y.________ pour une durée de cinq ans, soit du 1er
septembre
1987 au 31 août 1992. Le loyer mensuel, charges comprises, était fixé
à 6'500
fr.

Depuis le 1er septembre 1987 jusqu'à la vente de l'immeuble le 24
mars 1998,
de nombreuses familles ou personnes individuelles se sont succédées
ou ont
cohabité dans l'appartement susmentionné. Toutes ces personnes, y
compris
X.________ et sa famille, partageaient une même conviction religieuse
ou
spirituelle conforme à l'esprit de l'Association S.________, dont
elles
firent partie à un moment ou à un autre. Les occupants du logement à
l'époque
du bail conclu par Y.________ lui versaient une contribution pour
couvrir les
frais d'entretien et d'électricité de l'immeuble, en fonction de leurs
possibilités financières et de l'importance des locaux occupés.

X. ________ est décédé le 1er juillet 1993. Sa succession, répudiée,
a été
déclarée en faillite le 30 mai 1997.

L'épouse du défunt a continué d'habiter la maison en cause quelques
mois
après le décès de son mari, puis est partie définitivement
s'installer en
Allemagne. Quant aux défendeurs, ils sont restés dans la villa
litigieuse,
payant les charges d'entretien et les charges courantes. Aucune
personne ou
autorité ne leur a demandé, avant l'ouverture de la faillite de la
succession, de signer un contrat de bail ou de verser une indemnité
d'occupation. Par ailleurs, il n'a pas été établi qu'à la fin du bail
conclu
entre X.________ et Y.________, un autre contrat de bail aurait été
conclu
entre les occupants de la villa et son propriétaire, ou sa veuve. On
ignore
également si, au jour du décès de X.________ et par la suite, les
occupants
de la villa lui versaient - respectivement à sa veuve - un montant du
fait de
leur habitation.

Par lettre du 30 juin 1997, le substitut de l'Office des faillites de
l'arrondissement de Nyon a proposé aux défendeurs de verser, dès le
1er juin
1997 et jusqu'à la date correspondant aux trente jours suivant la
vente de
l'immeuble, un montant mensuel de 5'000 fr., d'assumer toutes les
charges
ainsi que l'entretien de la propriété. Il leur a par ailleurs indiqué
que les
droits résultant de la période d'occupation des locaux avant la
faillite
demeuraient réservés. Les défendeurs se sont acquittés d'une indemnité
mensuelle de 5'000 fr. du mois de juin 1997 au mois d'avril 1998.

Le 14 août 1997, l'Office des faillites a inventorié, dans le cadre
de la
faillite de la succession répudiée X.________, une prétention de
470'000 fr.
contre l'Association S.________ et ses membres ayant occupé l'immeuble
litigieux (soit 47 mois du 1er juillet 1993 au 30 mai 1997, à raison
de
10'000 fr. par mois). Les défendeurs ont contesté cette créance par
lettre du
19 août 1997. En revanche aucune plainte n'a été introduite par les
défendeurs ou leur association à l'encontre de la décision
d'inventorier la
prétention en cause. De même, ils n'ont pas déposé d'action en
contestation
de l'état de collocation, publié le 22 août 1997.

L'administration de la faillite de la succession répudiée X.________
ayant
renoncé à faire valoir elle-même les droits appartenant à la masse,
l'Office
des faillites a offert aux créanciers la cession des droits de la
masse
concernant la créance inventoriée de 470'000 fr. La Banque A.________
en a
requis la cession par courrier du 25 mai 1998 et, le 12 juin 1998,
l'administration de la faillite l'a autorisée à poursuivre la
réalisation de
la créance de 470'000 fr. en lieu et place de la masse. La
demanderesse a
réclamé le 16 juillet 1998 cette somme à l'Association S.________ et
aux
défendeurs B.________, C.________ et E.________, puis après trois
rappels
infructueux, a ouvert des poursuites contre eux ainsi que contre le
défendeur
D.________. Ceux-ci ont formé opposition totale.

B.
La Banque A.________ a ouvert action le 27 mai 1999 devant la Cour
civile du
Tribunal cantonal vaudois et a conclu principalement au paiement par
les
défendeurs, solidairement entre eux, de la somme de 470'000 fr. avec
intérêts
à 5% l'an dès le 15 juin 1995, échéance moyenne, et à la mainlevée
définitive
des oppositions aux commandements de payer. Subsidiairement, elle a
conclu à
ce que les défendeurs soient condamnés chacun, dans la proportion que
justice
dira, au paiement de la somme de 470'000 fr avec intérêts à 5% l'an
dès le 15
juin 1995, échéance moyenne, et à ce que soit prononcée la mainlevée
définitive des oppositions aux commandements de payer.

Par jugement du 29 mai 2001, dont la motivation a été envoyée le 4
octobre
2001 aux parties, la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois a
rejeté les
conclusions de la demanderesse.

La Banque A.________ a interjeté contre ce jugement un recours en
réforme
ainsi qu' un recours de droit public au Tribunal fédéral et,
parallèlement,
un recours à la Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois. Par
ordonnance du 15 novembre 2001, le Président de la Ire Cour civile du
Tribunal fédéral a ordonné que la procédure relative au recours de
droit
public soit suspendue jusqu'à droit connu sur le recours en nullité
cantonal,
la procédure relative au recours en réforme étant suspendue de plein
droit
pour la même durée.

Par arrêt du 7 août 2002, la Chambre des recours du Tribunal cantonal
vaudois
a rejeté le recours de la demanderesse et a maintenu le jugement du
29 mai
2001.

C.
Dans le cadre du recours en réforme interjeté contre le jugement du
29 mai
2001, la demanderesse invoque la violation de l'art. 229 al. 3 LP.
Elle
conclut à la réforme du jugement attaqué en ce sens que ses
conclusions en
paiement lui sont allouées dans les termes suivants: les codéfendeurs
B.________, C.________, D.________, E.________ et F.________ sont
condamnés
conjointement et solidairement à lui payer la somme de 470'000 fr.
plus
intérêts à 5% l'an dès la date moyenne du 15 juin 1995, et les
oppositions
formées par les trois premiers défendeurs aux commandements de payer
sont
définitivement levées. Subsidiairement, les codéfendeurs précités sont
condamnés chacun dans la proportion que justice dira à lui payer le
montant
de la créance inventoriée, à concurrence de 470'000 fr. plus intérêts
à 5%
l'an dès la date moyenne du 15 juin 1995, et les oppositions aux
commandements de payer sont définitivement levées.

Invités à déposer une réponse, les défendeurs concluent avec suite de
dépens
au rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral
(art. 43 al.
1 OJ). En revanche, il ne permet pas d'invoquer la violation directe
d'un
droit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1, 2e phrase OJ) ou la
violation
du droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c).

Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral conduit son
raisonnement
juridique sur la base des faits contenus dans la décision attaquée, à
moins
que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été
violées,
qu'il faille rectifier des constatations reposant sur une inadvertance
manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou compléter les constatations de
l'autorité
cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents
et
régulièrement allégués (art. 64 OJ).

Dans la mesure où la partie recourante présente un état de fait qui
s'écarte
de celui contenu dans la décision attaquée, sans se prévaloir avec
précision
de l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas
possible
d'en tenir compte. Il ne peut être présenté de griefs contre les
constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux
(art. 55
al. 1 let. c OJ). Le recours en réforme n'est donc pas ouvert pour se
plaindre de l'appréciation des preuves et des constatations de fait
qui en
découlent.

Dans son examen du recours, le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà
des
conclusions des parties, lesquelles ne peuvent en prendre de
nouvelles (art.
55 al. 1 let. b OJ); en revanche, il n'est lié ni par les motifs que
les
parties invoquent (art. 63 al. 1 OJ), ni par l'argumentation
juridique de la
cour cantonale (art. 63 al. 3 OJ). Il peut donc admettre un recours
pour
d'autres motifs que ceux invoqués par la partie recourante et peut
également
rejeter un recours en adoptant une autre argumentation juridique que
celle
retenue par la cour cantonale (ATF 127 III 248 consid. 2c et les
références
citées).

2.
La demanderesse fait grief à la Cour civile de ne pas avoir examiné la
créance inventoriée sous l'angle de l'art. 229 al. 3 LP.

Selon cette disposition, l'administration de la faillite fixe les
conditions
auxquelles le failli et sa famille pourront rester dans leur logement
et la
durée de ce séjour, dans la mesure où le logement fait partie de la
masse en
faillite. Cet article appartient au titre septième de la loi,
consacré à la
liquidation de la faillite; il ne saurait par conséquent être
appliqué à la
période antérieure à l'ouverture de la faillite, qui survient avec le
prononcé du jugement de faillite (art. 175 al. 1 LP). En l'espèce, la
créance
litigieuse concerne exclusivement la période antérieure au prononcé
de la
faillite; les défendeurs n'appartiennent en outre pas à la famille du
propriétaire décédé. La Cour civile n'a donc nullement violé le droit
fédéral
en n'examinant pas la créance litigieuse à la lumière de l'art. 229
al. 3 LP
(Fritzsche/Walder, Schuldbetreibung und Konkurs nach schweizerischem
Recht,
vol. II, Zurich 1993, p. 229/230 n. 20).

La demanderesse ajoute que, selon la doctrine, l'administration de la
faillite pourrait exiger une indemnité d'occupation de celui à qui le
failli
avait consenti à titre gratuit le droit de jouir de locaux
d'habitation.
L'auteur cité par la demanderesse mentionne un arrêt dans lequel
l'administration de la faillite avait exigé un loyer de la part de
l'épouse
du failli alors qu'elle occupait gratuitement les locaux jusqu'à la
faillite
(Gilliéron, Poursuite pour dettes, faillite et concordat, Lausanne
1993, p.
317; ATF 117 III 63). Il s'agissait de préciser que l'art. 229 al. 3
LP ne
donne pas droit à un logement gratuit. Cette jurisprudence ne concerne
toutefois que le champ d'application de l'art. 229 al. 3 LP, soit la
période
postérieure au prononcé de la faillite. On ne saurait par conséquent
en
déduire, comme le fait la demanderesse, que l'administration de la
faillite
peut réclamer une indemnité d'occupation pour la période antérieure à
la
faillite à celui qui occupait gratuitement des locaux d'habitation
faisant
partie de la masse.

3.
La demanderesse soutient que les défendeurs ont admis la créance par
actes
concluants en ne formant pas de plainte à l'encontre de la décision de
l'administration de la faillite de porter la créance à l'inventaire
de la
masse, ni d'action en contestation de l'état de collocation lorsque
celui-ci
a été déposé.

S'agissant de l'absence de plainte à l'autorité de surveillance
contre la
décision d'inventorier la créance de 470'000 fr., il faut relever que
cette
autorité n'est pas compétente pour statuer sur les questions de droit
matériel (cf. art. 17 LP; ATF 115 III 18 consid. 3b p. 21; 113 III 2
consid.
2b p. 3, Ammon, Grundriss des Schuldbetreibungs- und Konkursrecht, 5e
éd.,
Bern 1993, par. 6 n. 3). Il en résulte qu'elle n'aurait pas pu se
prononcer
sur le bien-fondé de la créance inventoriée par l'Office des
faillites et que
l'on ne peut déduire de l'absence de plainte que les défendeurs
auraient
admis la créance portée à l'inventaire. En ce qui concerne l'état de
collocation, la demanderesse semble oublier qu'il s'agit d'un
inventaire des
passifs du failli et que n'y figure donc pas la créance litigieuse
(cf. art.
244 s. LP). Il est dès lors normal que les défendeurs n'aient
nullement
contesté l'état de collocation lorsqu'il a été déposé.

Enfin, la demanderesse soutient qu'en demeurant dans la villa malgré
le
maintien par l'Office des faillites d'une prétention pour la période
antérieure à la faillite, les défendeurs ont reconnu la créance
litigieuse,
puisqu'ils avaient affirmé ne pas vouloir rester dans la villa si
l'Office ne
renonçait pas définitivement à leur réclamer une indemnité pour cette
période.

Contrairement à ce que soutient la demanderesse, on ne peut déduire de
l'attitude des défendeurs une reconnaissance de l'indemnité réclamée.
En
effet, tout en demeurant dans la villa, les défendeurs ont
clairement
contesté, par lettres de leur avocat des 14 et 17 août 1997, devoir un
quelconque montant pour la période précédant l'ouverture de la
faillite.

4.
La demanderesse soutient que dès l'instant où une créance fondée sur
l'art.
229 al. 3 LP a été inventoriée par l'administration de la faillite,
que cette
décision n'a pas fait l'objet d'une plainte et que l'état de
collocation n'a
pas été contesté, on doit admettre qu'elle jouit d'une présomption
quant à
son existence et à sa quotité. Ni l'administration de la faillite ni
les
créanciers cessionnaires des droits de la masse ne devraient établir,
en sus,
la réalité de la créance portée à l'inventaire. Il y aurait donc un
renversement du fardeau de la preuve et il appartiendrait aux
débiteurs de
démontrer que les montants ne sont pas dus.

Il a été exposé ci-dessus que l'art. 229 al. 3 LP ne s'appliquait pas
à la
créance litigieuse, et, par ailleurs, que l'on ne pouvait déduire de
l'absence de plainte ou de contestation de l'état de collocation une
quelconque reconnaissance de dette de la part des défendeurs. Le
raisonnement
de la demanderesse est dès lors dépourvu de tout fondement.

5.
La demanderesse considère que les défendeurs n'ont pas rapporté la
preuve de
la volonté du défunt de leur céder gratuitement l'usage de sa villa.
Elle
soutient qu'ils ont payé chaque mois un montant identique, en se
cotisant
entre eux, pour être remis au propriétaire à titre de loyer, d'abord
sur la
base d'un bail existant en bonne et due forme puis, après l'échéance
du bail,
sur une base de contribution volontaire, toujours identique. La
demanderesse
affirme que dès le décès du propriétaire, les défendeurs ont cessé
cette
pratique de collecte interne de couverture du loyer initialement
prévu. Elle
soutient également qu'il était abusif de retenir que les défendeurs
occupaient la villa avec l'accord de la veuve du propriétaire et
qu'ils
étaient des occupants paisibles et de bonne foi. Enfin, la
demanderesse
considère que la Cour civile ne pouvait présumer d'animus donandi de
la part
du propriétaire en faveur des occupants.

Par ces critiques, la demanderesse s'en prend de manière irrecevable
à l'état
de fait retenu par l'autorité cantonale, dès lors qu'il n'a pas été
établi
que les défendeurs ont continué à verser un loyer ou une indemnité
pour
occupation au propriétaire après l'échéance du contrat de bail le 31
août
1992, ni que sa veuve s'est opposée à ce qu'ils demeurent dans la
villa après
le 1er juillet 1993 (cf. supra, consid. 1).

6.
Pour le surplus, le jugement attaqué ne viole pas, dans son résultat,
le
droit fédéral. La demanderesse n'invoque d'ailleurs pas d'autres
dispositions
que l'art. 229 al. 3 LP.

S'agissant du raisonnement de la Cour civile, il convient cependant de
préciser que selon une partie de la doctrine, une succession répudiée
constitue "un patrimoine sans maître non occupable" tant que la
faillite
n'est pas liquidée (Piotet, Droit successoral, Traité de droit privé
suisse,
Fribourg 1975, p. 563, Escher, Commentaire zurichois, 1960, n. 14 ad
art. 573
CC). Il en résulte que, contrairement à ce qu'a retenu l'autorité
cantonale,
la veuve du propriétaire n'était pas la titulaire d'une éventuelle
créance en
paiement d'une indemnité et qu'elle n'était pas non plus en mesure
d'autoriser les défendeurs à habiter dans la villa. Son comportement
n'était
par conséquent pas pertinent pour déterminer si ceux-ci occupaient
illicitement l'immeuble appartenant à la succession.

Le résultat auquel est parvenu la Cour civile ne viole toutefois ni
l'art. 41
CO ni l'art. 62 CO; la première disposition suppose l'existence d'un
acte
illicite, or c'est avec l'accord du propriétaire que les défendeurs
ont
occupé la villa jusqu'à son décès. Par la suite, personne ne leur a
demandé
de quitter les lieux, ni le juge de paix, ni l'Office des faillites,
ni les
créanciers du propriétaire défunt, aucun de ces protagonistes n'étant
au
demeurant propriétaire de l'immeuble. On ne peut donc retenir aucun
acte
illicite à la charge des défendeurs. En ce qui concerne l'art. 62 CO,
une
créance fondée sur cette disposition suppose tout d'abord un
enrichissement.
On peut sérieusement douter qu'en l'espèce les défendeurs se soient
enrichis,
puisqu'il n'a pas été constaté qu'ils versaient un quelconque montant
à titre
de loyer au propriétaire entre la fin du contrat de bail le 31 août
1992 et
son décès le 1er juillet 1993. En continuant d'habiter la villa sans
verser
de loyer ou d'indemnité, les défendeurs n'ont donc pas "fait
l'économie d'un
loyer", contrairement à ce qu'affirme la demanderesse, et ne se sont
donc pas
enrichis. A supposer toutefois que tel soit le cas, cet
enrichissement ne
pourrait être qualifié d'illégitime. Aucune autorité n'a en effet
exigé des
défendeurs, entre le décès du propriétaire le 1er juillet 1993 et le
prononcé
de la faillite le 30 mai 1997, la signature d'un bail ou le versement
d'une
indemnité pour occupation.

Le résultat est identique si l'on considère qu'une succession
répudiée ne
constitue pas un patrimoine sans maître, parce que les héritiers
deviennent,
malgré leur répudiation, propriétaires des biens du défunt. Dans ce
cas de
figure, les défendeurs n'ont pas commis d'acte illicite puisque
l'épouse du
propriétaire décédé ne leur a pas demandé de quitter la villa.
S'agissant de
l'art. 62 CO et à supposer qu'ils se soient enrichis, cette non
augmentation
du passif n'est pas illégitime dès lors que la veuve ne leur a pas
réclamé de
loyer.

Quel que soit le raisonnement adopté, c'est en accord avec le droit
fédéral
que la Cour civile a débouté la demanderesse.

7.
Le recours en réforme sera par conséquent rejeté dans la mesure de sa
recevabilité et le jugement attaqué confirmé. Il appartiendra à la
demanderesse, qui succombe, d'assumer les frais judiciaires et les
dépens de
la procédure fédérale (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable et le
jugement
attaqué est confirmé.

2.
Un émolument judiciaire de 7'500 fr. est mis à la charge de la
demanderesse.

3.
La demanderesse versera aux défendeurs une indemnité de 8'500 fr. à
titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 14 novembre 2002

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.347/2001
Date de la décision : 14/11/2002
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-11-14;4c.347.2001 ?
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