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13/11/2002 | SUISSE | N°U.219/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 13 novembre 2002, U.219/02


{T 7}
U 219/02

Arrêt du 13 novembre 2002
IVe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et Ferrari.
Greffière : Mme
Moser-Szeless

La Vaudoise Générale, Compagnie d'assurances SA, place de Milan, 1007
Lausanne, recourante,

contre

P.________, intimée

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 20 décembre 2001)

Faits:

A.
La Fédération X.________, actuellement P.________, a conclu le 19
octobre
1983 une convention

avec un pool d'assureurs dont la Vaudoise
Assurances
(ci-après: la Vaudoise) était la compagnie gérante. Cette convention
prévoya...

{T 7}
U 219/02

Arrêt du 13 novembre 2002
IVe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et Ferrari.
Greffière : Mme
Moser-Szeless

La Vaudoise Générale, Compagnie d'assurances SA, place de Milan, 1007
Lausanne, recourante,

contre

P.________, intimée

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 20 décembre 2001)

Faits:

A.
La Fédération X.________, actuellement P.________, a conclu le 19
octobre
1983 une convention avec un pool d'assureurs dont la Vaudoise
Assurances
(ci-après: la Vaudoise) était la compagnie gérante. Cette convention
prévoyait la conclusion de deux contrats d'assurance-accidents
couvrant aussi
bien les travailleurs agricoles ou viticoles, assujettis ou non à la
LAA, au
service d'un employeur membre de la Fédération X.________. La
Fédération
X.________ était chargée d'encaisser les primes auprès de ses
adhérents et de
les reverser à la Vaudoise. Celle-ci s'engageait à gérer les problèmes
juridiques, comptables, statistiques ou administratifs avec la
Fédération
X.________.

B.
D. ________ travaillait au rythme saisonnier comme employé viticole
chez
G.________, à A.________. Après que son contrat de travail eut pris
fin le 30
novembre 1993, il a été victime d'un accident de circulation le 17
février
1994.

Par jugement du 12 décembre 1995, le Tribunal des assurances du
canton de
Vaud a astreint la Vaudoise à prendre en charge les suites de cet
accident.
Selon les juges cantonaux, la Vaudoise avait omis de veiller à ce que
la
Fédération X.________ transmette à ses membres les renseignements
relatifs
notamment à la possibilité pour le travailleur de prolonger la
couverture
d'assurance pendant 180 jours au plus.

C.
La Vaudoise a réclamé, par décision du 21 janvier 1999, à P.________
le
paiement de la somme de 467'361 fr. 30, montant correspondant aux
prestations
octroyées à D.________, ainsi qu'à la valeur de sa rente capitalisée.
Elle
considérait qu'une violation du devoir d'information de l'assuré était
imputable à P.________, de sorte que l'association était tenue de lui
rembourser la totalité des prestations déjà versées et celles à
allouer pour
l'avenir à D.________. A la suite de l'opposition de P.________, la
Vaudoise
a confirmé ses prétentions, par décision sur opposition du 28 avril
1999.

D.
Par jugement du 20 décembre 2001, le Tribunal des assurances du
canton de
Vaud a admis le recours déposé par P.________ et annulé la décision
entreprise. Le juge unique a considéré que la Vaudoise n'était pas en
droit
de rendre une décision dès lors qu'elle entendait faire valoir une
créance de
droit privé; elle devait donc agir devant les tribunaux civils.

E.
La Vaudoise interjette recours de droit administratif contre ce
jugement dont
elle demande l'annulation.

P. ________ a conclu au rejet du recours de même que l'Office fédéral
des
assurances sociales dans ses observations.

Considérant en droit:

1.
La décision litigieuse n'ayant pas pour objet l'octroi ou le refus de
prestations d'assurance, le Tribunal fédéral des assurances doit se
borner à
examiner si les premiers juges ont violé le droit fédéral, y compris
par
l'excès ou par l'abus de leur pouvoir d'appréciation, ou si les faits
pertinents ont été constatés d'une manière manifestement inexacte ou
incomplète, ou s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles
de
procédure (art. 132 en corrélation avec les art. 104 let. a et b et
105 al. 2
OJ).

2.
Selon l'art. 99 al. 1 1ère phrase LAA, les assureurs doivent rendre
une
décision écrite quant aux prestations et aux créances qui ont une
portée
importante ou que l'intéressé conteste. Ces décisions concernent en
particulier l'octroi, le refus, la réduction ou la restitution de
prestations
d'assurance, la révision, le classement initial d'une entreprise dans
les
classes et degrés du tarif des primes et la modification de ce
classement, le
degré des primes et leur fixation lorsque l'employeur n'a pas fourni
les
données requises (art. 124 OLAA).

L'énumération de décisions au sens de la LAA faite à l'art. 124 OLAA
n'est
qu'exemplative (cf. Maurer, Schweizerisches Unfallversicherungsrecht,
p.
603). Il convient dès lors d'examiner si l'interprétation restrictive
de
l'art. 99 LAA donnée par le premier juge viole le droit fédéral.

3.
3.1La compétence de prendre des décisions au sens technique du terme,
soit de
pouvoir définir concrètement un régime juridique affectant les droits
et
obligations de tiers de manière unilatérale, est un privilège et un
monopole
de la puissance publique. Pour que des personnes juridiques autres
que l'Etat
y soient habilitées, il faut une base légale formelle; seul le
législateur
peut procéder à cette délégation. Il l'a fait pour les caisses et
institutions d'assurances sociales chargées de l'exécution de tâches
de droit
public, à l'exclusion des institutions de prévoyance professionnelle
(cf.
Häfelin/Müller, Grundriss des Allgemeinen Verwaltungsrechts, n° 1193
p. 305).

3.2 Dans le message du Conseil fédéral à l'appui d'un projet de loi
fédérale
sur l'assurance-accidents du 18 août 1976, les explications suivantes
ont été
données au sujet de l'art. 99 du projet de loi qui donne compétence de
décision à l'assureur (FF 1976 III 225) :
«Dès qu'ils ont procédé aux constatations nécessaires, les assureurs
doivent
rendre une décision sur les prétentions aux prestations assurées.
(...) Cette
décision ne prendra la forme prescrite par la LPA que lorsque des
prestations
qui ont une portée importante sont en cause (par ex. allocation,
réduction ou
refus de rentes ou d'indemnités en capital) ou lorsque l'intéressé
n'est pas
d'accord avec l'assureur. Les assureurs doivent faire valoir de la
même
manière leurs créances (en particulier créances de primes, répétition
de
prestations d'assurances)».
L'art. 99 LAA qui n'a pas fait l'objet de discussions dans les
commissions
parlementaires a été adopté, également sans discussion, par les
Chambres. On
doit ainsi constater que, selon la volonté du législateur, deux
catégories de
décisions ont été envisagées, soit celles rendues à l'égard de
l'assuré au
sujet de prestations et, d'autre part, celles rendues à l'égard de
l'employeur au sujet de primes. Ce sont d'ailleurs ces catégories de
décisions qui font l'objet de l'énoncé à l'art. 124 OLAA.

3.3 Au regard de ces éléments, le premier juge était fondé, sans
violer le
droit fédéral, à considérer que l'art. 99 LAA n'était pas applicable
lorsqu'est en cause une demande en réparation d'un dommage subi ou le
remboursement de prestations sociales dues, fondée sur la
responsabilité de
la partie au contrat d'assurance à laquelle il est reproché une
violation du
devoir d'information. En effet, cette compétence de décision ratione
materiae
ne découle clairement ni de la loi ni de l'ordonnance; elle ne
ressort pas
davantage de la volonté du législateur. Par ailleurs, on ne voit pas
que,
dans ce cas, l'assureur dispose du droit de décider unilatéralement
de la
responsabilité encourue à son égard. En effet, dès lors que cette
compétence
est un privilège de la puissance publique, une interprétation
restrictive
fondée notamment sur le texte légal et niant l'existence d'une
délégation à
cet effet se justifie. Enfin, les parties à l'assurance-accidents,
telles que
définies par la LAA sont les assureurs-accidents, les assurés et les
employeurs, ces derniers comme chargés de la mise en oeuvre de la
loi. Or sur
ce dernier point, il est douteux que par la convention passée avec la
recourante, l'intimée ait acquis cette qualité au sens strict que lui
donne
la LAA. Vu ce qui précède, cette question peut cependant demeurer
indécise.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais de justice, d'un montant de 2'000 fr., sont mis à la charge
de la
recourante et sont couverts par l'avance de frais de 10'000 fr.
qu'elle a
versée; la différence, d'un montant de 8'000 fr., lui est restituée.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des
assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 13 novembre 2002
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la IVe Chambre: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : U.219/02
Date de la décision : 13/11/2002
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-11-13;u.219.02 ?
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