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13/11/2002 | SUISSE | N°4C.238/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 13 novembre 2002, 4C.238/2002


{T 0/2}
4C.238/2002 /ech

Arrêt du 13 novembre 2002
Ire Cour civile

Les juges fédéraux Walter, président , Corboz, Klett, Favre, Chaix,
juge
suppléant,
greffière de Montmollin.

les époux A.________,
demandeurs et recourants,
tous deux représentés par Me Philippe Reymond, avocat, avenue d'Ouchy
14,
case postale 155, 1000 Lausanne 13,

contre

B.________,
défendeur et intimé, représenté par Me François Chaudet, avocat, place
Benjamin-Constant 2, case postale 3673, 1002 Lausann

e.

action en libération de dette; LFors; compétence

(recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre des recours d...

{T 0/2}
4C.238/2002 /ech

Arrêt du 13 novembre 2002
Ire Cour civile

Les juges fédéraux Walter, président , Corboz, Klett, Favre, Chaix,
juge
suppléant,
greffière de Montmollin.

les époux A.________,
demandeurs et recourants,
tous deux représentés par Me Philippe Reymond, avocat, avenue d'Ouchy
14,
case postale 155, 1000 Lausanne 13,

contre

B.________,
défendeur et intimé, représenté par Me François Chaudet, avocat, place
Benjamin-Constant 2, case postale 3673, 1002 Lausanne.

action en libération de dette; LFors; compétence

(recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre des recours du
Tribunal
cantonal du canton de Vaud du 13 février 2002)

Faits:

A.
Le 28 mars 2000, les époux A.________ ont ouvert action auprès de la
Cour
civile du Tribunal cantonal vaudois contre X.________ SA, Y.________
SA et
B.________, ancien directeur général de X.________ SA. Leurs
conclusions
principales, en libération de dette, visaient à faire constater
qu'ils ne
doivent pas diverses sommes d'argent à X.________ SA et à la
condamnation de
cette société au paiement de 1'010'000 fr. A titre subsidiaire, les
époux
A.________ les époux A.________ réclamaient ce montant à Y.________
SA; Dans
des conclusions plus subsidiaires, ils prétendaient au paiement de
11'000'000
fr. soit par cette dernière société, soit, plus subsidiairement
encore, par
B.________.

Le litige qui oppose les parties a notamment trait au rôle que sieur
A.________ dit avoir joué pour le compte des défendeurs dans le cadre
de
l'acquisition des actions de la société française Z.________ lors de
sa
privatisation. La somme de 11'000'000 fr. correspondrait à la
rémunération
due pour cette activité.

B.
Le 2 juin 2000, B.________, a conclu à l'incompétence territoriale du
Tribunal cantonal vaudois et requis que les demandeurs soient
éconduits
d'instance en ce qui le concerne. Les époux A.________ se sont
opposés à ce
moyen.

Par jugement incident du 29 mai 2001, la Cour civile du Tribunal
cantonal a
admis la requête en déclinatoire de compétence et éconduit les
demandeurs de
l'instance introduite contre le troisième défendeur. La Chambre des
recours
du Tribunal cantonal vaudois a confirmé cette décision par arrêt du 13
février 2002.

C.
Les époux A.________ recourent en réforme au Tribunal fédéral contre
l'arrêt
du 13 février 2002. Leurs conclusions tendent en substance au rejet
de la
requête en déclinatoire.

B. ________ propose la confirmation de la décision attaquée. Les deux
établissements bancaires, qui n'ont pas contesté la compétence des
tribunaux
vaudois, déclarent qu'ils estiment ne pas être parties à la procédure
de
déclinatoire et s'en remettent à justice.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
L'arrêt du Tribunal cantonal vaudois constitue une décision prise
séparément
du fond par la juridiction suprême du canton au sujet de la compétence
territoriale. En tant que telle, elle peut faire l'objet d'un recours
en
réforme pour violation des prescriptions de droit fédéral sur la
compétence
(art. 49 al. 1 OJ).

2.
Selon les instances cantonales, le défendeur B.________, domicilié
dans le
canton de Glaris contrairement aux autres défendeurs, peut se
prévaloir de la
garantie générale du for du débiteur ancrée à l'art. 30 Cst. Le droit
vaudois
qui institue un for spécial au lieu du résultat s'agissant d'une
action
fondée sur l'acte illicite n'a en effet qu'une portée intracantonale;
quant à
la loi fédérale sur les fors (ci-après: LFors), qui prévoit notamment
en son
art. 7 une attraction de for en cas de consorité simple, elle est
entrée en
vigueur après le dépôt de la demande et n'a, de l'avis de la cour
cantonale,
pas d'effet rétroactif. Le recours porte sur ce dernier point.

3.
Les demandeurs reprochent à l'autorité intimée une application
erronée de
l'art. 38 LFors. Cette disposition prévoit que, pour les actions
pendantes
lors de l'entrée en vigueur de la (présente) loi, le for donné
subsiste.
Cette formulation consacre le principe de la perpetuatio fori,
applicable de
manière générale en matière civile (art. 21 PCF; Hohl, Procédure
civile, tome
II, n. 1772). La nouvelle loi est cependant muette sur la question de
savoir
si les actions pendantes lors de son entrée en vigueur lui sont
immédiatement
soumises. Se fondant sur l'avis d'un auteur isolé, Donzallaz, la cour
cantonale a tranché par la négative. Comme le Tribunal fédéral vient
de le
préciser dans un arrêt destiné à la publication (ATF 4C.327/2001 du 24
septembre 2002, consid. 1), il convient toutefois de s'écarter de la
solution
adoptée par les juridictions vaudoises pour les motifs qui suivent.

Le projet du Conseil fédéral réglait de façon plus explicite le sort
des
actions déjà introduites lors de l'entrée en vigueur de la LFors, qui
lui
étaient immédiatement soumises (art. 40 du projet, FF 1999 III 2648).
Les
auteurs du projet étaient d'avis que les demandes déjà pendantes
devaient
bénéficier du nouveau (et meilleur) droit de la compétence (FF 1999
III
2637). Ils réservaient cependant à l'art. 40 le principe de la
perpetuatio
fori en précisant que si le for, pour l'action en question,
n'existait que
sous l'ancien droit, celui-ci s'appliquait. En d'autres termes, dans
l'esprit
du Conseil fédéral, une action pendante ne pouvait être rejetée que
si la
compétence à raison du lieu ne résultait ni de l'ancien ni du nouveau
droit
(FF 1999 III 2637).

Certains auteurs, à l'avis desquels le Tribunal fédéral s'est rangé,
estiment
que la formulation actuelle de l'art. 38 LFors résulte uniquement
d'un souci
de simplification rédactionnelle, qui ne dénature pas le contenu du
projet
(Dasser in Müller/Wirth, Kommentar zum Gerichtsstandsgesetz, n. 3 ss
ad art.
38; von Werdt, in Kellerhals/von Werdt/Güngerich, Kommentar zum
Gerichtsstandsgesetz, n. 1 ss ad art. 38; Wittmann, in
Spühler/Tenchio/Infanger, Kommentar zum Schweizerischen
Zivilprozessrecht, n.
5 ad art. 38).

En effet, l'examen des travaux parlementaires démontre que le
législateur a
cherché à trouver une solution rédactionnelle plus simple que celle
utilisée
par les auteurs du projet, sans qu'il ne soit fait nulle part mention
d'un
éventuel problème concernant la rétroactivité (cf. BO CN 1999 p. 1035
et BO
CE 1999 p. 896).
En matière de procédure, les nouvelles règles sont d'application
immédiate,
sauf exceptions prévues par la loi. Ce principe est valable tant en
procédure
civile (ATF 122 III 324 consid. 7), Vogel/Spühler, Grundriss des
Zivilprozessrechts, 7e éd., p. 132 n. 104a), qu'en procédure
administrative
(Moor, Droit administratif, 2e éd., vol. I, p. 171) et pénale
(Piquerez,
Procédure pénale suisse, n. 61 ss). Dès lors, le moment décisif pour
la
détermination du for n'est pas celui du dépôt de la demande, mais
celui où le
juge statue (ATF 116 II 209 consid. 2b/bb). Sous réserve du principe
déjà
mentionné de la perpetuatio fori, il n'y a d'exceptions à cette règle
qu'en
matière de divorce ou de séparation de corps (Vogel/Spühler, op.
cit., p. 132
n. 104b). Partant, si le juge devant lequel le demandeur a déposé son
action
n'était pas compétent au moment du début de la litispendance, mais
qu'en
raison d'une modification ultérieure des circonstances il le devient
et l'est
encore lorsqu'il statue, son incompétence ne peut être admise (Hohl,
op.
cit., n. 1777).

Certes, l'art. 54 al. 1 CL prévoit une solution différente (cf. ATF
119 II
391 consid. 2). Ce mécanisme, exceptionnel en matière de droit
transitoire de
procédure, s'explique par le caractère international du texte:
l'unification
des règles de compétence à un niveau interétatique entraîne des
conséquences
autrement plus lourdes pour le justiciable que lorsque l'on raisonne à
l'intérieur d'un Etat (Schwander, Zeitlich gestaffelte Anwendbarkeit
des
Lugano-Uebereinkommens, PJA 1992 p. 1145). Par conséquent, vu les
champs
d'application différents de la CL et de la LFors ainsi que l'absence
de toute
mention de l'art. 54 CL dans les travaux préparatoires de l'art. 38
LFors, il
faut s'en tenir aux principes de droit transitoire applicables en
matière de
procédure interne, auxquels, d'ailleurs, les rédacteurs du projet se
référaient.

4.
Il suit de ce qui précède que les fors donnés par la LFors sont
valables
depuis son entrée en vigueur pour toutes les actions alors pendantes.
Au
moment où ils ont statué, le 29 mai 2001, les juges vaudois ne
pouvaient donc
décliner leur compétence à l'encontre du troisième défendeur, puisque
celle-ci résultait de l'art. 7 al. 1 LFors. Le recours doit être
admis.
L'issue de la cause commande de mettre à la charge de l'intimé Jenny
les
frais de justice ainsi qu'une indemnité de dépens en faveur des
recourants
(art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est
renvoyée à
l'instance cantonale pour nouvelle décision.

2.
Un émolument judiciaire de 20'000 fr. est mis à la charge de l'intimé.

3.
L'intimé versera aux recourants, créanciers solidaires, une indemnité
de
22'000 fr. à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 13 novembre 2002

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.238/2002
Date de la décision : 13/11/2002
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-11-13;4c.238.2002 ?
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