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12/11/2002 | SUISSE | N°4P.128/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 12 novembre 2002, 4P.128/2002


{T 0/2}
4P.128/2002 /ech

Arrêt du 12 novembre 2002
Ire Cour civile

Les juges fédéraux Walter, président, Corboz et Favre,
greffière de Montmollin

V.________,
W.________,
X.________,
recourants,
tous trois représentés par Me Daniel Guggenheim, avocat, rue des
Granges 5,
1204 Genève,

contre

C.________ SA,
intimée, représentée par Me Pierre-Louis Manfrini, avocat, avenue de
Champel
8C, case postale 385, 1211 Genève 12,
Chambre civile de la Cour de justice du canton d

e Genève, case
postale 3108,
1211 Genève 3.

art. 9 et art. 29 al. 2 Cst. (appréciation des preuves; droit d'être
ente...

{T 0/2}
4P.128/2002 /ech

Arrêt du 12 novembre 2002
Ire Cour civile

Les juges fédéraux Walter, président, Corboz et Favre,
greffière de Montmollin

V.________,
W.________,
X.________,
recourants,
tous trois représentés par Me Daniel Guggenheim, avocat, rue des
Granges 5,
1204 Genève,

contre

C.________ SA,
intimée, représentée par Me Pierre-Louis Manfrini, avocat, avenue de
Champel
8C, case postale 385, 1211 Genève 12,
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, case
postale 3108,
1211 Genève 3.

art. 9 et art. 29 al. 2 Cst. (appréciation des preuves; droit d'être
entendu)

(recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre civile de
la Cour de justice du canton de Genève du 22 mars 2002)

Faits:

A.
Y. ________, domicilié à Istanbul et décédé le 27 septembre 2000,
était
client de A.________, devenue B.________ avant d'être reprise par
fusion par
la C.________ SA (ci-après: la banque). En février 1976, il s'est
porté
caution envers la banque à concurrence de 5 000 000 DM des dettes de
la
société D.________ GmbH (ci-après: D.________), dont le siège était à
Munich.
En avril 1976, il avait ouvert un compte auprès de la banque, et
signé un
acte de nantissement en sa faveur. La correspondance relative au
compte
devait être gardée "banque restante".

Se fondant sur les conditions générales signées par Y.________, la
banque a
mis en oeuvre le cautionnement, suite à la carence de D.________, et a
compensé, selon deux avis de débit datés du 17 octobre 1994, sa
créance
dérivée de celui-ci avec les avoirs de son client, s'élevant à 1 230
733,42
DM et 6059,71 US$.

B.
Dès le 1er juin 1984, Z.________, avocate à Genève, a défendu les
intérêts de
Y.________ à l'égard de la banque. Le 24 janvier 1991, elle a adressé
une
note d'honoraires de 95 430 fr.75 à son client, demeurée impayée.
L'avocate a
ensuite obtenu le séquestre des avoirs de Y.________ auprès de divers
établissements à Genève, dont la banque. Statuant sur une action en
validation de séquestre le 11 mai 1994, le Tribunal de première
instance de
Genève a condamné Y.________ à payer à Z.________ la somme réclamée
avec
frais et dépens, décision devenue définitive et exécutoire. Le 25
octobre
1996, l'Office des poursuites Arve-Lac a remis à l'encaissement à
Z.________
la créance de Y.________ contre la banque, d'un montant inconnu, en
impartissant à celle-là un délai d'un mois pour poursuivre ou agir en
justice. Le 21 novembre 1996, l'avocate a poursuivi la banque pour
divers
montants; cette dernière a fait opposition au commandement de payer.
Le 27 novembre 1997, l'avocate a assigné la banque en paiement de 1
025 201
fr. et de 7590 fr.15, respectivement contre-valeur de 1 230 733,42 DM
et
6059,71 US$, avec intérêts à 5% dès le 17 octobre 1994, soit le solde
de deux
comptes de Y.________. Parallèlement à cette procédure, les parties
ont
cherché un accord, qui s'est concrétisé le 7 septembre 1999. Par
jugement du
16 septembre 1999, le Tribunal de première instance a donné acte à
Z.________
du retrait de sa demande avec désistement, les dépens étant compensés.
Notifié le 23 septembre 1999, le jugement est devenu définitif.

C.
Le 27 février 2001, les trois héritiers de Y.________, V.________,
W.________
et X.________ ont assigné la banque en paiement des deux sommes
susmentionnées avec intérêts à 5% dès le 17 octobre 1994. La banque a
soulevé
une exception de défaut de légitimation active, respectivement de
qualité
pour agir, en se fondant sur la transaction du 7 septembre 1999 entre
Z.________ et elle-même, opposable aux héritiers de son ancien client.
Ceux-là ont conclu au rejet de l'exception, tout en réduisant leur
demande de
95 000 fr.

Par jugement du 16 août 2001, le Tribunal de première instance du
canton de
Genève a rejeté le moyen, en relevant que la transaction n'était
opposable
aux hoirs Y.________ qu'à concurrence du montant des honoraires à
recouvrer
par l'avocate, mais qu'au-delà ils étaient en droit de faire valoir en
justice leur créance.

Sur appel de la banque, la Cour de justice a annulé le jugement
entrepris
dans un arrêt du 22 mars 2002. L'autorité cantonale a considéré qu'à
teneur
de l'art. 131 al. 2 LP, la transaction du 7 septembre 1999 n'avait en
principe pas de rapport avec le montant des honoraires dus à
l'avocate, qui
pouvait transiger librement, à ses risques et périls, en fonction de
l'évolution de l'instruction de la demande qu'elle avait introduite.
En
particulier, la banque n'était pas obligée de produire ou de dévoiler
les
termes de cette transaction, entérinée par le Tribunal de première
instance
le 16 septembre 1999, que cette juridiction n'avait pas la compétence
de
revoir dans le cadre de l'action intentée par les hoirs Y.________ le
27
février 2001.

D.
Agissant par la voie du recours de droit public, les hoirs Y.________
concluent à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la
procédure à la
Cour de justice pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
Ils se
plaignent en substance de la violation de leur droit d'être entendus
en
raison du défaut d'instruction sur la transaction du 7 septembre 1999,
nécessaire pour juger de sa validité au regard de l'art. 20 CO, et par
conséquent pour statuer sur la question de la légitimation active et
de la
qualité pour agir. La décision de la Cour serait de surcroît
arbitraire car
elle priverait les hoirs Y.________ d'un moyen de preuve essentiel, et
mettrait à leur charge une indemnité de dépens d'un montant
grossièrement
disproportionné.

La banque conclut au rejet du recours.

La Cour de justice se réfère à son arrêt.

E.
Parallèlement, les hoirs Y.________ ont également saisi le Tribunal
fédéral
d'un recours en réforme contre l'arrêt du 22 mars 2002.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Conformément à la règle générale, il convient d'examiner le recours
de droit
public en premier lieu (art. 57 al. 5 OJ)
2.Les recourants invoquent la violation de leur droit d'être entendus
au sens
de la garantie minimale tirée de l'art. 29 al. 2 Cst., que le Tribunal
fédéral examine librement (ATF 126 I 15 consid. 2a p. 16 et les arrêts
cités). Toutefois, le droit d'être entendu ne peut être exercé que
sur les
éléments qui sont pertinents pour l'issue du litige. Ces derniers sont
déterminés par le droit matériel fédéral applicable à l'espèce, et
non par le
droit cantonal de procédure (ATF 108 II 337 consid. 2b p. 339 et les
références; ATF 112 II 172 consid. I/2c p. 181 et les références).

En l'occurrence, les recourants, dans leur recours de droit public
fondé sur
l'art. 29 al. 2 Cst., invoquent la violation de l'art. 131 al. 2 LP,
respectivement celle de l'art. 20 CO. Ces moyens peuvent être
examinés en
instance de réforme, lorsque, comme en l'espèce, cette voie de droit
est
ouverte. Ainsi, lorsque l'autorité cantonale se fonde à tort sur un
état de
fait non déterminant pour l'issue du litige, elle commet une
violation du
droit fédéral. En faisant valoir une atteinte à leur droit d'être
entendus,
au regard de l'application des art. 131 al. 2 LP, et éventuellement
20 CO,
les recourants se plaignent de la constatation incomplète des faits
par la
cour cantonale, au sens de l'art. 64 al. 1 OJ, puisque le Tribunal
fédéral
peut éliminer ce vice en annulant, le cas échéant, la décision
attaquée et en
renvoyant la procédure à la cour cantonale pour compléter le dossier
et
statuer à nouveau, sous réserve de sa compétence de le faire lui-même
sur des
points purement secondaires (art. 64 al. 2 OJ).

Dans le cas présent, au terme d'une l'interprétation de l'art. 131
al. 2 LP
s'alignant sur l'art. 260 LP, la Cour de justice a retenu que le
créancier
"cessionnaire" pouvait faire valoir les prétentions saisies en son
nom, à son
compte et à ses risques et périls, ce qui incluait la possibilité de
disposer
de la créance par transaction, retrait d'instance ou désistement. Ceci
rendait sans pertinence, de l'avis de la Cour de justice, la
production de la
transaction extrajudiciaire entre le créancier "cessionnaire" et le
débiteur
du poursuivi. Or, la question de l'application de l'art. 131 al. 2 LP
relève
du recours en réforme, de sorte que les moyens présentés dans le
recours de
droit public, d'atteinte au droit d'être entendu et d'arbitraire,
peuvent
être pris en considération dans le recours en réforme. Partant, ils
sont
irrecevables dans le cadre du recours de droit public, en raison de la
subsidiarité absolue de ce dernier (art. 84 al. 2 OJ).

3.
A l'opposé, le recours est recevable en ce qui concerne le grief de
l'application arbitraire du droit cantonal de procédure (art. 184
LPC/GE) à
propos de la fixa-tion de l'indemnité judiciaire accordée à l'intimée,
indemnité que les recourants trouvent totalement disproportionnée.

3.1 Selon la jurisprudence, une décision est arbitraire lorsqu'elle
est
manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un
principe
juridique clair et indiscuté, ou encore heurte de manière choquante le
sentiment de la justice et de l'équité. Il ne suffit pas que sa
motivation
soit insoutenable; encore faut-il que la décision apparaisse
arbitraire dans
son résultat. A cet égard, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la
solution
retenue que si celle-ci apparaît insoutenable, en contradiction
manifeste
avec la situation effective, adoptée sans motif objectif et en
violation d'un
droit certain. Il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une autre
solution
paraît également concevable, voire même préférable (ATF 127 I 54
consid. 2b,
60 consid. 5a et les arrêts cités).

3.2 Conformément à la jurisprudence, la Cour de justice n'a pas
motivé la
décision par laquelle elle a condamné les recourants aux dépens de
première
instance et d'appel de leur partie adverse, lesquels comprenaient une
indemnité de procédure de 50 000 fr. à titre de participation aux
honoraires
d'avocat de l'intimée (ATF 111 Ia 1 consid. 2a et les arrêts cités).
Cette
détermination est toutefois soumise à l'interdiction de l'arbitraire,
qui est
respectée dans la mesure où le juge s'en tient aux critères fixés à
l'art.
181 al. 3 LPC/GE et où il ne tombe pas dans l'excès du libre pouvoir
d'appréciation que lui reconnaissent la jurisprudence et la doctrine
cantonales (Bertossa/Gaillard/Guyet, Commentaire de la loi de
procédure
civile genevoise, n.4 ad art. 181 et les références). L'idée majeure
est
qu'il existe entre rémunération de l'avocat d'une part, prestations
fournies
et responsabilité encourue d'autre part, un rapport raisonnable, la
valeur
litigieuse entrant en ligne de compte, ainsi que le résultat obtenu,
l'ensemble ne devant pas rendre onéreux à l'excès le recours à
l'avocat
(arrêt du Tribunal fédéral P.287/1981, in SJ 1982 p. 294). A titre
indicatif,
dans sa jurisprudence, la Cour de justice a relevé que l'indemnité de
dépens
peut être généralement fixée entre 5 et 10 % du montant litigieux
dans les
causes ordinaires; cette règle n'est cependant pas absolue; elle est
modulable en fonction des autres critères mentionnés plus haut (SJ
1986 p.
200 consid. 3b et c), énumérés de façon non exhaustive par l'art. 181
al. 3
LPC/GE.

3.3 Dans le cas présent, la valeur litigieuse est de 1 230 733,42 DM
et 6
059,71 US$, soit légèrement supérieure à 1 000 000 CHF. La procédure
s'est
déroulée sur deux instances, et même si elle n'a pas appelé de grands
développements, surtout en appel, elle ne peut toutefois être
qualifiée de
simple, en raison des questions traitées. Certes, le montant de 50
000 fr.
est élevé au regard de l'ensemble des circonstances, mais il demeure
encore
soutenable et ne viole pas l'interdiction de l'arbitraire.
Le recours de droit public doit en conséquence être rejeté, dans la
mesure où
il est recevable.

4.
Vu l'issue du litige, les recourants, solidairement entre eux,
supporteront
les frais de justice et verseront une indemnité de dépens à l'intimée
(art.
156 al. 1 et 7, 159 al. 1 et 5 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 15 000 fr. est mis à la charge des
recourants,
solidairement entre eux.

3.
Les recourants, débiteurs solidaires, verseront à l'intimée une
indemnité de
17 000 fr. à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 12 novembre 2002

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.128/2002
Date de la décision : 12/11/2002
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-11-12;4p.128.2002 ?
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