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12/11/2002 | SUISSE | N°2P.112/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 12 novembre 2002, 2P.112/2002


2P.112/2002 elo
{T 0/2}

Arrêt du 12 novembre 2002
IIe Cour de droit public

Les juges fédéraux Wurzburger, président,
Hungerbühler et Müller
greffier Langone.

X. ________, recourant,

contre

1. A.________, 2. B.________, 3. C.________, 4. D.________, 5.
E.________, 6.
F.________, 7. G.________, 8. H.________, 9. I.________,
intimés,
tous représentés par Me Martine Lang, avocate, chemin de la Gare 27,
case
postale 1, 2900 Porrentruy 1,

Parlement de la République et Canton

du Jura,
rue du 24-Septembre 2, 2800 Delémont,

Gouvernement de la République et Canton du Jura,
rue du 24-Septembr...

2P.112/2002 elo
{T 0/2}

Arrêt du 12 novembre 2002
IIe Cour de droit public

Les juges fédéraux Wurzburger, président,
Hungerbühler et Müller
greffier Langone.

X. ________, recourant,

contre

1. A.________, 2. B.________, 3. C.________, 4. D.________, 5.
E.________, 6.
F.________, 7. G.________, 8. H.________, 9. I.________,
intimés,
tous représentés par Me Martine Lang, avocate, chemin de la Gare 27,
case
postale 1, 2900 Porrentruy 1,

Parlement de la République et Canton du Jura,
rue du 24-Septembre 2, 2800 Delémont,

Gouvernement de la République et Canton du Jura,
rue du 24-Septembre 2, 2800 Delémont,

Cour constitutionnelle du Tribunal cantonal de la République et
Canton du
Jura Jura, Le Château, 2900 Porrentruy.

art. 9 Cst. (loi du 21 novembre 2001 sur la profession d'architecte),

recours de droit public contre l'arrêt de la Cour constitutionnelle du
Tribunal cantonal du canton du Jura du 11 avril 2002.

Faits:

A.
Le 21 novembre 2001, le Parlement jurassien a adopté une loi sur la
profession d'architecte (ci-après: LPArch./JU), qui a été publiée au
Journal
officiel du 28 novembre 2001.

Cette loi a pour but de garantir, dans l'intérêt public, la
qualification
professionnelle des personnes appelées à établir ou à faire exécuter
des
plans (art. 1er al. 2 LPArch./JU). Seuls les architectes qualifiés
sont
habilités à effectuer les prestations d'architecte relatives aux
travaux de
construction tels que constructions et bâtiments subventionnés dès 25%
relevant de la législation sur les marchés publics (art. 3
LPArch./JU). Aux
termes de l'art. 4 LPA/JU, sont réputés architectes qualifiés les
personnes
inscrites dans les registres A et B des architectes tenus par la
Fondations
des registres suisses des ingénieurs, des architectes et des
techniciens
(REG) (al. 1); les porteurs du diplôme en architecture décerné par
les Ecoles
polytechniques fédérales, l'Institut d'architecture de l'Université
de Genève
ou une autre école d'architecture suisse de niveau universitaire ou
encore
d'un diplôme reconnu comme tel (al. 2); les porteurs du diplôme en
architecture des Ecoles techniques supérieures (ETS) et des Hautes
Ecoles
spécialisées (al. 3). Quant à l'art. 6 LPArch./JU, il prévoit que
l'utilisation publique du titre d'architecte et par assimilation
celui de
cabinet, bureau, atelier, etc., d'architecture, est réservé aux
architectes
qui possèdent les qualifications reconnues au sens de l'article 4.

B.
Exerçant la profession d'architecte sans toutefois disposer des
qualifications requises par l'art. 4 LPArch./JU, A.________ et huit
consorts
ont formé en temps utile auprès de la Cour constitutionnelle du
Tribunal
cantonal de la République et Canton du Jura une requête tendant à
faire
constater l'annulation des dispositions précitées de la loi du 21
novembre
2001 sur la profession d'architecte pour cause
d'inconstitutionnalité. Par
arrêt du 11 avril 2002, la Cour constitutionnelle a prononcé la
nullité
entière de la loi en question, après avoir constaté en particulier
que l'art.
3 LPArch./JU était contraire à la Constitution fédérale et à la
Constitution
cantonale.

C.
Agissant par la voie du recours de droit public pour violation de
l'art. 9
Cst. (prohibition de l'arbitraire), X.________, porteur d'un diplôme
en
architecture décerné par l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne,
demande
au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt de la Cour constitutionnelle du
11
avril 2002, de constater la validité de la loi sur la profession
d'architecte
et d'ordonner la publication du jugement sous une forme appropriée à
dire de
justice.
La Cour constitutionnelle conclut à l'irrecevabilité du recours. Les
intimés,
soit A.________ et huit consorts, proposent principalement de
déclarer le
recours irrecevable et, subsidiairement, de le rejeter. Le
Gouvernement
cantonal a renoncé à déposer une réponse, tout en recommandant
l'admission du
recours dans la mesure où il est recevable.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des
recours
qui lui sont soumis (ATF 128 I 46 consid. 1a; 128 II 13 consid. 1a, 46
consid. 2a et les arrêts cités).

2.
2.1Au regard de l'art. 84 OJ, la voie du recours de droit public n'est
ouverte que si l'acte attaqué émane d'une autorité cantonale agissant
en
vertu de la puissance publique et qui affecte d'une façon quelconque
la
situation de l'individu, en lui imposant une obligation de faire, de
s'abstenir ou de tolérer, ou qui règle d'une autre manière
obligatoire ses
rapports avec l'État, soit sous la forme d'un arrêté de portée
générale, soit
sous celle d'une décision particulière (ATF 125 I 119 consid. 2a p.
121; 121
I 42 consid. 2a p. 45, 173 consid. 2a; 119 Ia 214 consid. 2a p. 217
et les
arrêts cités).

2.2 En l'occurrence, il n'est pas contesté que la loi sur la
profession
d'architecte adoptée le 21 novembre 2001 par le Parlement jurassien a
été
déclarée nulle par la Cour constitutionnelle. Or celle-ci est
habilitée, en
vertu de l'art. 104 al. 1 de la Constitution jurassienne du 20 mars
1977 (RS
131.235), à contrôler, sur requête et avant la mise en vigueur, la
constitutionnalité des lois (cf. aussi art. 177 à 189 du Code de
procédure
administrative jurassienne du 30 novembre 1978 [ci-après: CPA/JU]). Le
contrôle abstrait des normes par la Cour constitutionnelle est
seulement
possible avant la mise en vigueur de la loi et avant un éventuel
référendum
(art. 177 et 181 CPA/JU). Lorsque la Cour constitutionnelle déclare
la loi
attaquée contraire au droit fédéral ou à la Constitution cantonale,
la loi
est nulle et non avenue (art. 188 al. 1 CPA/JU). Il s'ensuit que la
loi
incriminée - qui n'est pas arrivée au terme du processus d'adoption
des lois
selon le droit cantonal - n'est pas applicable. On ne voit donc pas
en quoi
l'arrêt attaqué créerait des obligations ou des droits qui
affecteraient la
situation du recourant, qui en réalité se trouve dans la même
position que si
le Parlement avait de lui-même renoncé à adopter la loi en question.
Par
ailleurs, n'est pas réalisée ici l'hypothèse exceptionnelle où la
voie du
recours de droit public serait ouverte à l'encontre de l'inaction du
législateur (sur ces conditions de recevabilité particulières, cf.
Walter
Kälin, Das Verfahren der staatsrechtlichen Beschwerde, 2ème éd.,
Berne 1994,
p. 149). L'arrêt querellé ne pouvant donc constituer une décision
attaquable
au sens de l'art. 84 al. 1 OJ, le présent recours est irrecevable.

3.
Même si l'on voulait voir dans l'arrêt de la Cour constitutionnelle
du 11
avril 2002 une décision attaquable au sens de l'art. 84 al. 1 OJ, le
Tribunal
fédéral ne pourrait pas entrer en matière sur le recours, faute de
qualité
pour agir.

3.1 Selon l'art. 88 OJ, le recours de droit public est ouvert
uniquement à
celui qui est atteint par l'acte attaqué dans ses intérêts personnels
et
juridiquement protégés. Le recours formé pour sauvegarder l'intérêt
général
ou ne visant qu'à préserver des intérêts de fait est en revanche
irrecevable.
Sont des intérêts personnels et juridiquement protégés ceux qui
découlent
d'une règle de droit fédéral ou cantonal ou directement d'une garantie
constitutionnelle spécifique pour autant que les intérêts en cause
relèvent
du domaine que couvre ce droit fondamental. La protection contre
l'arbitraire
inscrite à l'art. 9 Cst. ne confère pas à elle seule la qualité pour
agir au
sens de l'art. 88 OJ (ATF 126 I 81 consid. 3b p. 85 s. et les arrêts
cités).

3.2 C'est à juste titre que le recourant ne prétend pas être atteint
dans ses
intérêts juridiquement protégés par l'annulation des dispositions de
loi
incriminée. Le recourant ne pourrait en particulier pas se prévaloir
de la
liberté économique garantie par l'art. 27 Cst., étant donné que
celle-ci ne
fonde aucun droit à être protégé de la concurrence (ATF 123 II 376
consid.
6). En prévoyant que seuls les architectes qualifiés étaient
habilités à
effectuer des prestations d'architecte concernant des bâtiments
publics ou
subventionnés par les pouvoirs publics, la réglementation de la loi
en cause
(qui a été annulée) voulait instaurer des mesures de police assurant
notamment la sécurité des constructions, la bonne foi dans les
affaires, ou
éventuellement aussi un mesure d'intérêt public, soit l'utilisation
parcimonieuse des deniers publics. Or l'art. 27 Cst. n'accorde pas de
droit à
la mise en oeuvre de telles mesures. Le recourant se borne à taxer la
décision attaquée d'arbitraire. Mais, comme on l'a vu plus haut, la
protection contre l'arbitraire ne confère pas à elle seule la qualité
pour
agir au sens de l'art. 88 OJ. Le recourant ne peut déduire aucun
intérêt
juridiquement protégé des dispositions légales en cause, dont
l'annulation
par la Cour constitutionnelle est contestée, puisque celles-ci n'ont
pas été
définitivement adoptées, partant ne sont pas entrées en vigueur. Le
présent
recours de droit public est donc irrecevable faute de qualité pour
agir. A
noter que le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de juger que la
qualité
pour former un recours de droit public selon l'art. 88 OJ contre une
décision
de la Cour constitutionnelle jurassienne déclarant un acte législatif
nul
devait être déniée aux citoyens (arrêt P.1311/1986 du 25 février 1987,
consid. 2b; cf. aussi Jean Moritz, La juridiction constitutionnelle
dans le
Canton du Jura, Porrentruy 1993, p. 70 s.; Gabriel Boinay, La
procédure
administrative et constitutionnelle du canton du Jura, Porrentruy
1993, p.
325 s.).

4.
Vu ce qui précède, le présent recours doit être déclaré irrecevable,
sous
suite de frais à la charge du recourant (art. 156 al. 1 OJ). Le
recourant
devra en outre verser une indemnité à titre de dépens aux parties
intimées
(art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est irrecevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le recourant versera une indemnité de 2'000 fr. à titre de dépens aux
intimés, solidairement entre eux.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au recourant, à la
mandataire des
intimés, ainsi qu'au Parlement, au Gouvernement et à la Cour
constitutionnelle du Tribunal cantonal de la République et Canton du
Jura.

Lausanne, le 12 novembre 2002

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2P.112/2002
Date de la décision : 12/11/2002
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-11-12;2p.112.2002 ?
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