La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/11/2002 | SUISSE | N°H.392/01

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 08 novembre 2002, H.392/01


{T 7}
H 392/01

Arrêt du 8 novembre 2002
IVe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et Ferrari.
Greffier : M.
Beauverd

V.________, recourant, représenté par l'OFISA, Société fiduciaire et
de
conseil, chemin des Charmettes 7, 1002 Lausanne,

contre

Caisse de compensation AVS/AI/APG de la Chambre vaudoise du commerce
et de
l'industrie - Association des industries vaudoises, avenue d'Ouchy
47bis,
1006 Lausanne, intimée,

Tribunal cantonal du canton de Vaud, L

ausanne

(Prononcé du 11 octobre 2001)

Faits :

A.
Par deux décisions du 25 avril 2001, la Caisse de compe...

{T 7}
H 392/01

Arrêt du 8 novembre 2002
IVe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et Ferrari.
Greffier : M.
Beauverd

V.________, recourant, représenté par l'OFISA, Société fiduciaire et
de
conseil, chemin des Charmettes 7, 1002 Lausanne,

contre

Caisse de compensation AVS/AI/APG de la Chambre vaudoise du commerce
et de
l'industrie - Association des industries vaudoises, avenue d'Ouchy
47bis,
1006 Lausanne, intimée,

Tribunal cantonal du canton de Vaud, Lausanne

(Prononcé du 11 octobre 2001)

Faits :

A.
Par deux décisions du 25 avril 2001, la Caisse de compensation
AVS/AI/APG de
la Chambre vaudoise du commerce et de l'industrie (ci-après: la
caisse) a
réclamé à V.________ et G.________, en leur qualité d'administrateur,
respectivement de directeur de la société X.________, en faillite, le
paiement de 7820 fr. 10, somme représentant les cotisations
AVS/AI/APG/AC et
les cotisations au régime des allocations familiales de droit
cantonal,
encore dues, frais administratifs et de sommation compris. Les
destinataires
de ces décisions ont formé opposition.

B.
Par écriture du 20 juin 2001, la caisse a saisi le Tribunal des
assurances du
canton de Vaud en concluant à la condamnation des deux opposants au
paiement
d'un montant de 6575 fr. 95, somme représentant la part patronale des
cotisations AVS/AC, frais administratifs et de sommation compris.

Le 3 octobre 2001, la caisse a retiré la demande dirigée contre
G.________,
tout en maintenant ses conclusions contre V.________.

Par prononcé du 11 octobre 2001, le tribunal des assurances a «pris
acte du
retrait de la demande dirigée contre G.________, lequel est ainsi
hors de
cause et de procès».

C.
V.________ interjette recours de droit administratif contre ce
prononcé, dont
il requiert l'annulation, en concluant, sous suite de frais, au
renvoi de la
cause à la juridiction cantonale pour instruction complémentaire et
nouvelle
décision.

La caisse intimée conclut implicitement au rejet du recours. Invité à
se
déterminer en qualité d'intéressé, G.________ propose
l'irrecevabilité,
subsidiairement le rejet du recours. Le recourant s'est prononcé sur
cette
détermination par écriture du 20 juin 2002. L'Office fédéral des
assurances
sociales a renoncé à présenter un préavis.

Considérant en droit :

1.
Aux termes de l'art. 103 let. a OJ, a qualité pour recourir quiconque
est
atteint par la décision attaquée et a un intérêt digne de protection
à ce
qu'elle soit annulée ou modifiée. La jurisprudence considère comme
intérêt
digne de protection, au sens de cette disposition, tout intérêt
pratique ou
juridique à demander la modification ou l'annulation de la décision
attaquée
que peut faire valoir une personne atteinte par cette dernière.
L'intérêt
digne de protection consiste ainsi en l'utilité pratique que
l'admission du
recours apporterait au recourant ou, en d'autres termes, dans le fait
d'éviter un préjudice de nature économique, idéale, matérielle ou
autre que
la décision attaquée lui occasionnerait. L'intérêt doit être direct et
concret; en particulier, la personne doit se trouver dans un rapport
suffisamment étroit avec la décision; tel n'est pas le cas de celui
qui n'est
atteint que de manière indirecte ou médiate (ATF 127 V 3 consid. 1b,
82
consid. 3a/aa, 125 V 342 consid. 4a et les références).

En l'occurrence, même si, comme on le verra, la décision de radiation
attaquée n'a pas force de chose jugée quant à l'effet libératoire en
ce qui
concerne G.________ (cf. consid. 5.1), le recourant a un intérêt
digne de
protection à ce qu'elle soit annulée, dès lors qu'il existe pour lui
une
utilité pratique à ce que le prénommé ne soit pas écarté d'un procès,
à
l'issue duquel il aurait pu être condamné solidairement. Le recours
est dès
lors recevable.

2.
La décision litigieuse n'ayant pas pour objet l'octroi ou le refus de
prestations d'assurance, le Tribunal fédéral des assurances doit se
borner à
examiner si les premiers juges ont violé le droit fédéral, y compris
par
l'excès ou par l'abus de leur pouvoir d'appréciation, ou si les faits
pertinents ont été constatés d'une manière manifestement inexacte ou
incomplète, ou s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles
de
procédure (art. 132 en corrélation avec les art. 104 let. a et b et
105 al. 2
OJ).

3.
3.1Aux termes de l'art. 52 LAVS, l'employeur qui, intentionnellement
ou par
négligence grave, n'observe pas des prescriptions et cause ainsi un
dommage à
la caisse de compensation est tenu à réparation.

Selon l'art. 81 RAVS, la caisse de compensation décide de la
réparation d'un
dommage causé par l'employeur; cette décision, notifiée par lettre
recommandée, rend l'employeur expressément attentif à la possibilité
de
former opposition (al. 1). Si la caisse de compensation maintient sa
décision
en réparation du dommage, elle doit, dans les trente jours à compter
du
moment où elle a eu connaissance de l'opposition, sous peine de
déchéance de
ses droits, porter le cas par écrit devant l'autorité de recours du
canton
dans lequel l'employeur a son domicile (al. 3).

3.2 D'après la jurisprudence constante relative aux art. 52 LAVS et
81 al. 1
RAVS, qui consacrent une responsabilité pour faute résultant du droit
public
(ATF 108 V 193 consid. 2b), il incombe uniquement à la caisse de
compensation
de décider si elle attaquera un employeur pour lui demander la
réparation du
dommage subi. S'il existe une pluralité de responsables, elle jouit
d'un
concours d'actions et le rapport interne entre les coresponsables ne
la
concerne pas; si elle ne peut prétendre qu'une seule fois la
réparation,
chacun des débiteurs répond solidairement envers elle de
l'intégralité du
dommage et il lui est loisible de rechercher tous les débiteurs,
quelques-uns
ou un seul d'entre eux, à son choix (Turtè Baer, Die Streiterledigung
durch
Vergleich im Schadenersatzverfahren nach Art. 52 AHVG, in : RSAS 2002
p.
439). Cependant, cette jurisprudence ne vise que les rapports
juridiques qui
existent entre la caisse de compensation et l'employeur : elle ne
restreint
en aucune manière le droit de ce dernier d'intenter, le cas échéant,
une
action récursoire contre un tiers qui n'a pas été mis en cause selon
la
procédure prévue par l'art. 81 RAVS (ATF 119 V 87 consid. 5a et les
arrêts
cités).

3.3 La faculté de la caisse de rechercher le ou les débiteurs de son
choix
n'est toutefois pas illimitée. La jurisprudence a restreint cette
faculté en
ce qui concerne le droit de la caisse de conclure une transaction
avec un
débiteur. En effet, le juge administratif appelé à se prononcer sur
une telle
transaction doit contrôler, dans le cadre du pouvoir d'examen dont il
dispose, la conformité de la convention avec l'état de fait et la
loi. Il
n'est pas nécessaire que sa ratification fasse l'objet d'un jugement
au fond,
mais une décision de radiation du rôle suffit. Cette décision, qui a
les
mêmes effets juridiques qu'un jugement, ne peut être attaquée par les
parties
à la transaction que pour vice de procédure ou de la volonté, dès
lors qu'un
recours sur le fond serait contraire au principe de la bonne foi. Des
tiers
peuvent également attaquer la transaction sur le fond par la voie du
recours
de droit administratif (VSI 1999 p. 214 s. consid. 2b et c, et les
arrêts
cités; Turtè Baer, op. cit., p. 433 s.).

Le Tribunal fédéral des assurances a encore précisé que le résultat du
contrôle effectué par le juge appelé à ratifier une transaction doit
ressortir de sa décision. Il faut donc que celle-ci contienne au moins
l'indication que rien ne s'oppose à la ratification de la
transaction, cette
indication minimale ayant toutefois plus de poids lorsque le résultat
du
contrôle de la conformité de la transaction avec l'état de fait et la
loi y
est mentionné. En revanche, il ne suffit pas que le juge prenne acte
d'une
transaction conclue entre les parties et qu'il radie l'affaire du
rôle, motif
pris que cette transaction a mis fin au litige (SVR 2000 AHV n° 23 p.
73
consid. 2a; VSI 1999 p. 215 s. consid. 3a et b; cf. aussi Turtè Baer,
op.
cit., p. 434 s.).

Cette jurisprudence repose sur l'idée que l'administration ne peut pas
librement conclure avec des administrés des arrangements portant
notamment
sur une obligation fiscale ou une créance en réparation du dommage au
sens de
l'art. 52 LAVS, lorsque la remise ou la réduction de la dette fiscale
ou
encore la réduction des dommages-intérêts ne sont pas compensées par
une
prétention au moins équivalente de l'administré (cf. Grisel, Traité
de droit
administratif, Neuchâtel 1984, p. 451; Häfelin/Müller, Grundriss des
allgemeinen Verwaltungsrechts, 3ème éd., Zurich 1998, n. 876 p. 223).
D'ailleurs, conformément à une jurisprudence qui n'a plus cours, le
Tribunal
fédéral des assurances a exclu, à défaut d'une base légale, la
possibilité
pour les caisses de réduire leur prétention en réparation du dommage
en
raison d'une faute dont elles répondent (VSI 1994 p. 108 consid. 6 et
les
arrêts cités). A l'arrêt ATF 122 V 185, il a toutefois admis une
exception à
cette règle, en ce sens que l'obligation de l'employeur de réparer le
dommage
peut être réduite, en vertu des art. 4 LRCF et 44 al. 1 CO,
applicables par
analogie, si et dans la mesure où la survenance du dommage, ou son
aggravation, est en relation de causalité adéquate avec une violation
grave,
par l'administration, des obligations qui lui incombent.

4.
En l'espèce, la déclaration de retrait de la demande dirigée contre
G.________ ne reposait pas sur une transaction conclue par la caisse
et
l'intéressé. A l'appui de ce désistement d'instance, la caisse
indiquait
qu'au terme d'un échange de correspondance avec le conseil de
G.________, les
informations recueillies révélaient «le décalage dans le temps
existant entre
la démission (du prénommé) et la base salariale qui a engendré la
perte subie
par notre caisse». En d'autres termes, elle renonçait à poursuivre le
prénommé parce qu'elle considérait, à l'issue d'un complément
d'instruction,
que les conditions du droit à réparation du dommage n'étaient pas
réalisées
en ce qui concerne l'intéressé.

En retirant sa demande en justice, la caisse renonçait donc à
poursuivre un
procès qu'elle estimait dénué de chances de succès. En cela, le
retrait de la
demande diffère essentiellement d'une transaction portant sur la
remise ou la
réduction des dommages-intérêts. Dans cette seconde éventualité, la
caisse
n'exclut pas la responsabilité de la personne recherchée mais
renonce, en
tout ou en partie, à une créance à laquelle elle ne doute pas d'avoir
droit.
En revanche, le retrait de la demande dirigée contre G.________ est
comparable aux situations dans lesquelles la caisse renonce, au motif
que les
conditions du droit à réparation ne sont pas réalisées, à rendre une
décision
en réparation du dommage concernant l'intéressé ou à porter l'affaire
devant
la juridiction compétente si celui-ci fait opposition. A la
différence du cas
où le désistement d'instance est fondé sur une transaction passée
entre la
caisse et un débiteur, le juge n'a donc pas à contrôler si la cause du
retrait est conforme à l'état de fait ou à la loi. Il ne peut d'aucune
manière obliger la demanderesse à poursuivre le procès ni influencer
sa
décision de retrait. Il doit rayer l'affaire du rôle en ce qui
concerne
l'intéressé.

5.
5.1Le recourant reproche à la juridiction cantonale d'avoir violé son
droit
d'être entendu au motif qu'elle ne lui a pas communiqué l'écriture du
3
octobre 2001 par laquelle la caisse a déclaré retirer la demande
dirigée
contre G.________, ni la lettre du 5 octobre suivant par laquelle le
conseil
du prénommé a indiqué renoncer à réclamer une indemnité de dépens. Par
ailleurs, il fait valoir que la décision attaquée repose sur un état
de fait
inexact et incomplet. En particulier, il reproche à la juridiction
cantonale
de n'avoir pas tenu compte des allégations contenues dans son
opposition du
23 mai 2001, selon lesquelles G.________ avait bel et bien la qualité
d'organe durant la période déterminante. Soutenant qu'en raison de sa
force
de chose jugée, la décision attaquée a un effet libératoire pour
G.________,
le recourant fait valoir que, même s'il n'est pas lié par les
conclusions du
juge des assurances sociales sur ce point, le juge civil prendra
nécessairement cet élément en considération pour apprécier la
situation
juridique dans le cadre de l'action récursoire.

A l'appui de son argumentation, le recourant invoque l'arrêt ATF 119
V 86.
Cette jurisprudence concerne cependant une autre éventualité: celle
où la
caisse de compensation a dirigé son action contre plusieurs débiteurs
et que
la juridiction cantonale a admis la responsabilité d'un seul d'entre
eux.
Dans ce cas, il est vrai que le jugement de première instance aura,
en raison
de sa force de chose jugée quant à ce point précis, un effet
libératoire pour
les organes de l'employeur dont les premiers juges ont admis qu'ils ne
répondaient pas du dommage causé à la caisse de compensation, élément
que le
juge civil saisi d'une action récursoire prendra nécessairement en
considération pour apprécier la situation juridique (ATF 119 V 88
consid.
5b). La présente affaire est cependant différente
du cas évoqué par le
recourant. La décision attaquée ne constitue pas un jugement par
lequel la
juridiction cantonale aurait admis la responsabilité d'un seul des
débiteurs
recherchés par la caisse de compensation. Cette décision n'a pas
force de
chose jugée quant à l'effet libératoire en ce qui concerne
G.________. Le
juge civil ne peut donc rien déduire d'une telle décision pour
apprécier la
situation juridique dans le cadre de l'action récursoire. A cet
égard, la
situation est comparable à celle où la caisse de compensation a
renoncé à
maintenir sa décision en réparation du dommage (cf. art. 81 al. 3
RAVS)
contre un débiteur et s'est abstenue de porter le cas devant le juge
compétent. De ce point de vue, la décision de radiation du rôle
consécutive
au retrait de la demande peut être comparée à une autre éventualité
évoquée à
l'arrêt ATF 119 V 86, déjà cité: celle où l'un des débiteurs dont la
juridiction cantonale a admis la responsabilité solidaire a déféré ce
jugement devant le Tribunal fédéral des assurances, alors que
l'autre, en
cours de procédure, a versé le montant total requis solidairement à
titre de
réparation du dommage. Dans ce cas, le litige devient sans objet et
l'affaire
doit être rayée du rôle, le recourant n'ayant pas un intérêt digne de
protection à ce que le juge fédéral des assurances sociales statue
sur la
culpabilité d'autres débiteurs mis en cause par la caisse, en vue
d'une
éventuelle action récursoire intentée devant le juge civil (ATF 119 V
87 s.
consid. 5b).

5.2 Vu ce qui précède, la juridiction cantonale ne pouvait que
prendre acte
du retrait de la demande dirigée contre G.________ et rayer l'affaire
du rôle
en ce qui concerne l'intéressé. Dès lors, les arguments éventuels que
le
recourant aurait pu faire valoir en ce qui concerne la culpabilité du
prénommé n'avaient eu aucune incidence sur le classement de l'affaire
et la
juridiction cantonale pouvait se dispenser d'entendre l'intéressé à
ce sujet.
Le jugement attaqué n'est dès lors pas critiquable et le recours se
révèle
mal fondé.

6.
Le litige ne concernant pas l'octroi de prestations d'assurance, la
procédure
n'est pas gratuite (art. 134 OJ a contrario). Le recourant, qui
succombe,
supportera les frais de justice (art. 156 al. 1 en relation avec
l'art. 135
OJ).

Dans la mesure où l'intéressé G.________ est représenté par un avocat
et
qu'il est directement concerné par l'issue de la procédure, il a
droit à une
indemnité de dépens pour l'instance fédérale, à la charge du
recourant qui
succombe.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais de justice, d'un montant de 500 fr., sont mis à la charge du
recourant et sont compensés par l'avance de frais qu'il a effectuée.

3.
Le recourant versera à G.________ la somme de 1500 fr. à titre de
dépens (y
compris la taxe sur la valeur ajoutée) pour la procédure fédérale.

4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des
assurances du
canton de Vaud, à G.________ et à l'Office fédéral des assurances
sociales.

Lucerne, le 8 novembre 2002
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la IVe Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : H.392/01
Date de la décision : 08/11/2002
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-11-08;h.392.01 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award