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08/11/2002 | SUISSE | N°4C.389/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 08 novembre 2002, 4C.389/2001


{T 0/2}
4C.389/2001 /ech

Arrêt du 8 novembre 2002
Ire Cour civile

Les juges fédéraux Walter, président de la Cour, Corboz et Favre,
greffier Carruzzo.

X. ________ SA,
demanderesse et recourante, représentée par
Me Nicolas Saviaux, avocat, case postale 155,
1000 Lausanne 13,

contre

A.________,
défendeur et intimé, représenté par Me Jean-Daniel Théraulaz, avocat,
chemin
des Trois-Rois 4, case postale 4013,
1002 Lausanne.

action en libération de dette; contrat de travail



(recours en réforme contre le jugement de la Cour civile du Tribunal
cantonal
du canton de Vaud du 9 février 2001)
...

{T 0/2}
4C.389/2001 /ech

Arrêt du 8 novembre 2002
Ire Cour civile

Les juges fédéraux Walter, président de la Cour, Corboz et Favre,
greffier Carruzzo.

X. ________ SA,
demanderesse et recourante, représentée par
Me Nicolas Saviaux, avocat, case postale 155,
1000 Lausanne 13,

contre

A.________,
défendeur et intimé, représenté par Me Jean-Daniel Théraulaz, avocat,
chemin
des Trois-Rois 4, case postale 4013,
1002 Lausanne.

action en libération de dette; contrat de travail

(recours en réforme contre le jugement de la Cour civile du Tribunal
cantonal
du canton de Vaud du 9 février 2001)

Faits:

A.
Par contrat des 11 et 12 février 1994, X.________ SA a engagé
A.________
comme directeur moyennant une rémunération annuelle brute de 130'000
fr.,
plus un intéressement calculé en fonction du bénéfice d'exploitation.
Pour
l'année 1994, le contrat prévoyait l'attribution d'une rémunération
spéciale
de 30'000 fr., si le résultat d'exploitation était proche de zéro. Le
3 mars
1995, les parties ont analysé les comptes 1994 et consigné sur un
procès-verbal les éléments suivants :

a) Paiement du bonus de 30'000 fr. à A.________, pour l'année 1994.
b) Hausse du salaire de ce dernier de 10 %, soit à 145'000 fr., pour
l'année 1995.
c) Engagement d'un collaborateur de haut niveau pour seconder le
directeur.
d) Engagement de ce dernier, en cas de rupture de contrat de sa part,
à
observer un délai maximum de six mois pour permettre le recrutement
de son remplaçant.

Les relations se sont dégradées entre l'administrateur délégué
B.________ et
le directeur. Invoquant, le 21 décembre 1995, des critiques
injustifiées à
son égard et la volonté de son employeur de modifier son contrat sur
des
points essentiels, A.________ a résilié ce contrat dans le délai
prévu, soit
pour fin février 1996. Il a accepté de poursuivre son activité
jusqu'au 15
mars 1996, avec l'accord de son futur employeur, pour liquider des
dossiers
en cours.

Entre autres chantiers, A.________ a dirigé celui dit "...", conduit
en
association avec cinq entreprises; X.________ SA et Y.________ SA, à
Genève,
constituaient un sous-consortium, dont la comptabilité était tenue
par le
comptable de X.________ SA. A plusieurs reprises, le directeur de
celle-ci
n'a pas assisté aux séances de chantiers et Y.________ SA s'est
plainte de la
manière dont était assurée la direction commerciale, en particulier la
comptabilité du sous-consortium.

Le 6 février 1995, A.________, au nom de X.________ SA, et Y.________
SA ont
signé un ordre de paiement de 625'000 fr., à raison de 450'000 fr. en
faveur
de Y.________ SA et de 175'000 fr. en faveur de X.________ SA. Cette
dernière
estime avoir subi un préjudice du fait de cet ordre de paiement,
cosigné par
son directeur.

B.
Le 27 mars 1996, A.________ a fait notifier à X.________ SA un
commandement
de payer la somme de 15'000 fr., représentant la moitié du bonus 1994,
demeurée impayée, qui a été frappé d'opposition. La mainlevée a été
prononcée
le 25 septembre 1996 et X.________ SA a introduit, le 8 novembre
1996, une
action en libération de dette devant le Président du Tribunal du
district de
Morges, qui a transmis la procédure le 21 janvier 1997 à la Cour
civile du
Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Le défendeur a conclu au rejet de l'action en libération de dette et
à la
levée définitive de l'opposition au commandement de payer précité. Il
a pris,
en outre, des conclusions reconventionnelles tendant au paiement de
10'430
fr.35 à titre de salaire, de frais de représentation, d'allocations
familiales et de solde de vacances 1995/1996.

Dans ses dernières conclusions, la demanderesse a conclu à sa
libération de
l'obligation de payer les sommes de 15'000 fr. et de 10'430 fr.35, au
maintien de son opposition au commandement de payer à concurrence de
15'000
fr. et à la condamnation du défendeur à lui payer la somme de 50'000
fr., à
titre de dommages-intérêts. De son côté, le défendeur a pris des
conclusions
strictement inverses.

Par jugement du 9 février 2001, la Cour civile a condamné la
demanderesse à
payer au défendeur la somme de 15'000 fr., avec intérêt à 5 % l'an
dès le 28
mars 1996, levé définitivement l'opposition faite au commandement de
payer
et condamné la demanderesse à payer en plus le montant de 10'430
fr.35 avec
intérêt à 5 % l'an dès le 16 mars 1996. Elle a retenu que la
demanderesse
devait payer au défendeur la seconde moitié de la rémunération
spéciale
convenue le 3 mars 1995, soit 15'000 fr., et la somme de 10'430 fr.35,
sus-indiquée. La cour cantonale a jugé que la demanderesse n'avait
pas pu
établir sa créance en dommages-intérêts, fondée sur la prétendue
mauvaise
gestion du chantier "..." par le défendeur. En se basant sur une
expertise
comptable, une expertise technique et sur le ralliement de
l'expert-comptable
aux conclusions de l'expert technique, elle a estimé que le défendeur
n'avait
pas commis une faute grave au détriment de son employeur en signant
le bon de
paiement du 6 février 1995. L'existence d'un dommage n'était de plus
pas
établie, dès lors que le compte courant du consortium présentait un
solde
actif de 147'969 fr.60, suffisant pour couvrir le coût des travaux du
chantier "...".

C.
Parallèlement à un recours de droit public, qui a été déclaré
irrecevable par
arrêt séparé de ce jour, la demanderesse interjette un recours en
réforme.
Elle conclut principalement à l'annulation du jugement attaqué et au
renvoi
de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision.
Subsidiairement, la
demanderesse conclut à la réforme dudit jugement en ce sens qu'elle
est
libérée de l'obligation de payer au défendeur les sommes de 15'000
fr. et
10'435 fr. (sic), avec les intérêts y afférents, et que le défendeur
est
condamné à lui verser la somme de 50'000 fr., plus intérêts. La
demanderesse
invoque la violation des art. 64 OJ,
subsidiairement 63 OJ, et 321e CO. Selon elle, en raison de sa
négligence
grave, le défendeur aurait violé ses obligations de directeur et
devrait
répondre "de l'entier du dommage, qui ascende (sic) à 107'961 fr.".

Le défendeur propose le rejet du recours.

La demanderesse a encore recouru en nullité devant la Chambre des
recours du
Tribunal cantonal vaudois, ensuite de quoi la procédure du recours de
droit
public a été suspendue, par ordonnance présidentielle du 16 janvier
2002,
jusqu'à droit connu sur le recours cantonal. Par arrêt du 6 mars 2002,
l'autorité cantonale a rejeté le recours en nullité et maintenu le
jugement
attaqué.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Interjeté par la partie demanderesse qui a succombé dans ses
conclusions
libératoires et en paiement de 50'000 fr., le recours en réforme, qui
est
dirigé contre un jugement final rendu en dernière instance cantonale
par un
tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur une contestation civile
dont la
valeur litigieuse dépasse le seuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ), est en
principe
recevable, puisqu'il a été déposé en temps utile (art. 54 al. 1 OJ)
dans les
formes requises (art. 55 OJ).

1.2 Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral,
mais
non pour violation directe d'un droit de rang constitutionnel (art.
43 al. 1
OJ) ou pour violation du droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c;
126 III
189 consid. 2a, 370 consid. 5).

Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son
raisonnement sur la base des faits contenus dans la décision
attaquée, à
moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été
violées, qu'il y ait lieu à rectification de constatations reposant
sur une
inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter
les
constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu
compte
de faits pertinents, régulièrement allégués et clairement établis
(art. 64
OJ; ATF 127 III 248 consid. 2c; 126 III 59 consid. 2a). Dans la
mesure où une
partie recourante présente un état de fait qui s'écarte de celui
contenu dans
la décision attaquée sans se prévaloir avec précision de l'une des
exceptions
qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possible d'en tenir
compte (ATF
127 III 248 consid. 2c). Il ne peut être présenté de griefs contre les
constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux
(art. 55
al. 1 let. c OJ). Le recours n'est pas ouvert pour remettre en cause
l'appréciation des preuves et les constatations de fait qui en
découlent (ATF
127 III 547 consid. 2c; 126 III 189 consid. 2a; 125 III 78 consid.
3a).

Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des
parties, mais
il n'est pas lié par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al. 1
OJ), ni par
l'argumentation juridique retenue par la cour cantonale (art. 63 al.
3 OJ;
ATF 128 III 22 consid. 2e/cc; 127 III 248 consid. 2c; 126 III 59
consid. 2a).

1.3 Malgré ses conclusions, la demanderesse ne discute ni ne conteste,
d'aucune manière, le jugement cantonal emportant sa condamnation à
payer au
défendeur les sommes de 15'000 fr., respectivement 10'430 fr.35. Le
recours
en réforme est donc irrecevable, pour défaut de motivation (art. 55
al. 1
let. c OJ), en ce qui concerne ces deux chefs de la demande; il ne
porte en
réalité que sur le refus de la Cour civile d'allouer les 50'000 fr.
que la
demanderesse réclame au défendeur à titre de dommages-intérêts, après
compensation d'une partie de sa créance avec les deux sommes
précitées.

2.
2.1Selon l'art. 321e al. 1 CO, le travailleur répond du dommage qu'il
cause à
l'employeur intentionnellement ou par négligence. En vertu de l'art.
321e al.
2 CO, la mesure de la diligence incombant au travailleur se détermine
par le
contrat, compte tenu du risque professionnel, de l'instruction ou des
connaissances techniques nécessaires pour accomplir le travail
promis, ainsi
que des aptitudes et qualités du travailleur que l'employeur
connaissait ou
aurait dû connaître. Ces circonstances peuvent être prises en
considération
pour déterminer l'étendue de la réparation (art. 99 al. 3, 42 à 44
CO).
D'après la jurisprudence, le juge dispose en la matière d'un large
pouvoir
d'appréciation (ATF 110 II 344 consid. 6b et l'arrêt cité).

Ainsi, sous l'angle de l'art. 321e al. 1 CO, la responsabilité civile
du
travailleur est engagée selon les principes généraux applicables en
matière
de responsabilité contractuelle (art. 97 al. 1 CO), atténuée en ce qui
concerne l'appréciation de la mesure de la diligence incombant au
travailleur, dans le sens rappelé ci-dessus (Rémy Wyler, Droit du
travail,
Berne 2002, p. 101/102). L'employeur doit en conséquence prouver
l'existence
du dommage, la violation par l'employé de ses obligations
contractuelles et
le rapport de causalité naturelle entre celle-ci et celui-là. De son
côté, le
travailleur peut apporter la preuve libératoire de son absence de
faute.

2.2 En l'espèce, la demanderesse ne critique pas le jugement
entrepris, en ce
qu'il constate que le compte courant du sous-consortium, constitué
d'elle-même et de Y.________ SA, présentait un solde actif de 147'969
fr.60,
suffisant pour régler sa créance résiduelle de 107'961 fr., telle
qu'elle
ressort des rapports principal et complémentaire de
l'expert-comptable, ainsi
que le reliquat de 11'007 fr. dû à Y.________ SA. Il appert du
dossier,
singulièrement de l'expertise comptable et de son complément, que le
solde
positif du compte courant du sous-consortium couvrait largement les
factures
impayées des travaux du chantier (...), de sorte que la demanderesse
n'a pas
subi le dommage allégué, qu'elle ne pouvait donc pas établir. Dans ces
circonstances, la responsabilité contractuelle du travailleur selon
l'art.
321e al. 1 CO ne saurait être engagée, ce qui entraîne le rejet de la
conclusion de la demanderesse en paiement de la somme de 50'000 fr.,
et avec
lui, celui du recours en réforme, dans la mesure où il est recevable.

2.3 Par surabondance de motifs, il faut également relever que la cour
cantonale a retenu à juste titre que le défendeur n'avait pas commis
de faute
grave au détriment de son employeur, en ce qui concerne le bon de
paiement du
6 février 1995. Le dossier est à cet égard complet. Le premier rapport
d'expertise comptable, du 22 février 1999, avait été prévu dans la
perspective du rapport technique, et pour en tenir compte. Ceci a
conduit
l'expert comptable à faire par la suite divers amendements à son
rapport
principal, avant de se rallier aux conclusions de l'expert technique.
Concernant l'ordre de paiement du 6 février 1995, et le litige entre
les deux
membres du sous-consortium à son sujet, l'expert comptable a relevé
que "le
décompte final n'a effectivement pas pu être réglé en raison du
désaccord
entre Y.________ SA et X.________ SA au sujet du grappin et du
surcoût lié à
l'utilisation de doubles obturateurs", situation dont l'influence sur
l'ordre
de paiement du 6 février 1995 n'a pas été établie. Et ceci, d'autant
plus que
l'ordre de paiement en cause portait sur les factures présentées et
non
contestées, ce qui excluait les prétentions litigieuses, à savoir le
surcoût
lié à l'utilisation de doubles obturateurs et la valeur du grappin
perdu en
raison d'un accident de chantier. Les expertises figurant au dossier
cantonal
ont ainsi permis
de constater l'absence de faute du défendeur, auquel
aucune
négligence ne peut être imputée, de sorte que sa responsabilité n'est
pas
engagée. La seule référence au rapport initial d'expertise comptable,
du 22
février 1999, qui était dépassé et qui ne reflétait pas la situation
financière réelle, telle qu'elle a été corrigée dans les rapports
ultérieurs,
est impropre à justifier une quelconque responsabilité du défendeur.
La cour
cantonale devait statuer sur le dossier dans son intégralité, sans se
borner
à des constatations lacunaires ou partielles, ne traitant que d'un
aspect du
litige, au risque de violer l'art. 64 OJ, grief que lui adresse à
tort la
demanderesse. Pour cette raison également, le recours en réforme doit
être
écarté.

3.
Vu l'issue du litige, les frais et dépens de la procédure fédérale
seront mis
à la charge de la demanderesse, qui succombe (art. 156 al. 1 et 159
al. 1
OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours en réforme est rejeté, dans la mesure où il est recevable,
et le
jugement attaqué est confirmé.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la
recourante.

3.
La recourante versera à l'intimé une indemnité de 2'500 fr. à titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiquée en copie aux mandataires des parties
et à la
Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 8 novembre 2002

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.389/2001
Date de la décision : 08/11/2002
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-11-08;4c.389.2001 ?
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