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08/11/2002 | SUISSE | N°4C.183/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 08 novembre 2002, 4C.183/2002


{T 0/2}
4C.183/2002 /ech

Arrêt du 8 novembre 2002
Ire Cour civile

Les juges fédéraux Walter, président de la Cour, Corboz, Klett, Favre
et
Pagan, juge suppléant,
greffier Carruzzo.

X. ________ SA,
défenderesse et recourante, représentée par Me Jean-Marie Closuit,
avocat,
place Centrale 98, case postale 212, 1920 Martigny,

contre

Banque Y.________,
demanderesse et intimée.

action en libération de dette; mandat de paiement

(recours en réforme contre le jugement de

la IIe Cour civile du
Tribunal
cantonal du canton du Valais du 2 mai 2002)

Faits:

A.
Le 19 octobre 1995, A.____...

{T 0/2}
4C.183/2002 /ech

Arrêt du 8 novembre 2002
Ire Cour civile

Les juges fédéraux Walter, président de la Cour, Corboz, Klett, Favre
et
Pagan, juge suppléant,
greffier Carruzzo.

X. ________ SA,
défenderesse et recourante, représentée par Me Jean-Marie Closuit,
avocat,
place Centrale 98, case postale 212, 1920 Martigny,

contre

Banque Y.________,
demanderesse et intimée.

action en libération de dette; mandat de paiement

(recours en réforme contre le jugement de la IIe Cour civile du
Tribunal
cantonal du canton du Valais du 2 mai 2002)

Faits:

A.
Le 19 octobre 1995, A.________AG, en qualité de maître de l'ouvrage,
et
X.________ SA, en qualité d'entrepreneur, ont signé un contrat
d'entreprise
en vue de la fabrication, de la livraison et du montage d'éléments en
béton
destinés à la construction d'une halle dans le Haut-Valais.

Débitrice de quelque 1'100'000 fr., A.________AG a versé à X.________
SA, le
6 février 1996, par le truchement de la Banque Y.________ (ci-après:
Y.________), deux acomptes représentant un total de 365'600 fr. A la
même
date, X.________ SA a informé A.________AG que les travaux en cours
seraient
interrompus à défaut de paiement d'un nouvel acompte. Le maître de
l'ouvrage
lui a alors indiqué que la somme de 300'000 fr. allait lui être
versée par
Y.________ et l'a invitée à s'adresser à celle-ci.

X. ________ SA s'est vu confirmer téléphoniquement par la banque le
prochain
versement de ladite somme. Ayant exigé une confirmation écrite, elle
a reçu,
le 9 février 1996, une télécopie ainsi libellée:
"Wir bestätigen Ihnen, dass wir Ihnen im Auftrag der A.________AG,
auf Ihr
Konto bei der Spar- und Leihkasse Bern anfangs der 7. Woche, aufgrund
eines
unterzeichneten Zahlungsauftrages der uns noch zuzustellen ist, den
Betrag
von Fr. 300'000.- überweisen werden. Wir hoffen, Ihnen mit dieser
Bestätigung
zu dienen und wir grüssen Sie freundlich."
A réception de cette télécopie, X.________ SA a repris l'exécution des
travaux.

Le 16 février 1996, Y.________ a reçu de A.________AG l'ordre de
payer les
300'000 fr. Elle a refusé de l'exécuter au motif que le compte
courant dont
le maître de l'ouvrage était titulaire auprès d'elle ne présentait
plus les
disponibilités nécessaires pour ce faire. En effet, le 12 février
1996, une
somme de 400'000 fr., créditée par erreur sur ce compte courant, en
avait été
distraite, conformément aux instructions de A.________AG, pour être
placée
sur un autre compte que cette société avait ouvert auprès de la même
banque
en vue d'y recueillir les fonds destinés à financer une augmentation
projetée
de son capital-actions.

Le 11 mars 1996, X.________ SA a adressé à A.________AG sa facture
finale
d'un montant total de 1'068'378 fr. 60. Cette somme n'a pas été payée.
Cependant, pour en garantir le paiement et éviter l'inscription d'une
hypothèque légale des artisans et entrepreneurs, A.________AG a remis
au
mandataire de X.________ SA une obligation hypothécaire au porteur en
premier
rang de plus de 700'000 fr., en exécution d'une convention passée
entre elles
les 4 et 5 juin 1996.
Le 28 avril 1998, X.________ SA a fait notifier à Y.________ un
commandement
de payer la somme de 300'000 fr., plus intérêts, ainsi que 3'000 fr.
pour les
frais d'encaissement. La poursuivie y a fait opposition. Par arrêt du
9
septembre 1998, la Cour de cassation civile du Tribunal cantonal du
canton du
Valais, après avoir annulé la décision contraire du juge de district,
a
prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition à concurrence de
300'000
fr., avec intérêts à 5% l'an dès le 15 février 1996, et mis à la
charge de
Y.________ les frais de mainlevée (510 fr.) et de pourvoi en nullité
(800
fr.) de même qu'une indemnité de 500 fr. pour les dépens de la
recourante.

B.
Le 24 septembre 1998, Y.________ a ouvert action en libération de
dette afin
de faire constater qu'elle n'est pas débitrice de la somme et des
intérêts
formant l'objet du commandement de payer frappé d'opposition.
Ultérieurement,
la demanderesse a encore pris une conclusion subsidiaire tendant à ce
que
l'obligation hypothécaire au porteur remise en garantie à la
défenderesse lui
soit transférée, après division, au cas où sa conclusion principale
viendrait
à être rejetée.

X. ________ SA a conclu au rejet de l'action et à la levée définitive
de
l'opposition, le tout sous suite de frais et dépens, y compris ceux
de la
mainlevée et de la procédure de recours devant la Cour de cassation
civile.

Par jugement du 2 mai 2002, la IIe Cour civile du Tribunal cantonal
valaisan
a admis l'action en libération de dette. Elle a considéré, en
substance,
qu'en délivrant l'attestation du 9 février 1996, la banque n'avait
nullement
manifesté l'intention de s'engager personnellement, aux côtés de
A.________AG, à payer le solde du prix de l'ouvrage; que cette
attestation ne
pouvait pas davantage être assimilée à une acceptation de l'assigné,
au sens
de l'art. 468 al. 1 CO, puisqu'elle avait été délivrée avant l'envoi
de
l'ordre de paiement et, de surcroît, sous la condition - non réalisée
- de
l'existence d'une couverture suffisante; enfin, que les art. 41 ss CO
n'étaient pas applicables en l'espèce, la banque n'ayant pas adopté un
comportement fautif à l'endroit de la défenderesse et l'existence d'un
préjudice n'étant pas établie.

C.
Agissant par la voie du recours en réforme, X.________ SA demande au
Tribunal
fédéral d'annuler le jugement attaqué, de rejeter l'action en
libération de
dette et de prononcer la mainlevée définitive de l'opposition au
commandement
de payer susmentionné. Elle requiert, en outre, que tous les frais et
dépens
de la procédure de mainlevée provisoire et de la procédure au fond
soient mis
à la charge de Y.________. A l'appui de son recours, la défenderesse
reproche
aux juges cantonaux d'avoir violé les art. 407 et 468 CO.

La demanderesse et intimée, qui n'est pas assistée d'un avocat,
conclut au
rejet du recours. Elle ne reprend pas, dans sa réponse, la conclusion
subsidiaire qu'elle avait soumise aux juges cantonaux.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Interjeté pour violation du droit fédéral, contre une décision finale
ne
pouvant pas être l'objet d'un recours ordinaire de droit cantonal
(art. 48
al. 1 OJ), dans une contestation civile portant sur des droits de
nature
pécuniaire dont la valeur litigieuse dépasse 8'000 fr. (art. 46 OJ),
le
présent recours, qui a été déposé dans le délai (art. 54 al. 1 OJ) et
la
forme (art. 55 OJ) prescrits, est recevable.

2.
Le différend soumis à l'examen de la juridiction fédérale de réforme
a trait
à une action en libération de dette. Dans une telle action,
caractérisée par
la transposition du rôle des parties - le créancier étant défendeur
au lieu
d'être demandeur -, la répartition du fardeau de la preuve s'opère
selon les
règles régissant l'action constatatoire négative. La partie
défenderesse, qui
conclut au rejet des conclusions libératoires prises par la partie
demanderesse, doit établir les faits dont elle déduit l'existence et
l'exigibilité de la créance pour laquelle elle a obtenu la mainlevée
provisoire de l'opposition au commandement de payer y relatif (ATF
100 II 153
consid. b p. 156; 95 II 617 consid. 2 p. 623 et les arrêts cités).

Dans le cas concret, la défenderesse soutient qu'elle est créancière
de la
demanderesse à concurrence de 300'000 fr. plus intérêts. Aussi lui
incombait-il de prouver les faits générateurs de sa créance, laquelle
ne
saurait avoir pour fondement le contrat d'entreprise que la
défenderesse a
conclu avec A.________AG le 19 octobre 1995, puisque ce contrat est
une res
inter alios acta pour la demanderesse. L'existence de la prétention
en cause
suppose donc un engagement propre de la demanderesse envers la
défenderesse.
Selon cette dernière, semblable engagement résulterait de la
télécopie que la
banque lui a envoyée le 9 février 1996.

Le texte de cette télécopie, reproduit plus haut, évoque
effectivement la
figure de l'assignation, au sens des art. 466 ss CO, à savoir un acte
juridique par lequel l'assignant autorise l'assigné à remettre à
l'assignataire une somme d'argent, notamment, que l'assignataire est
autorisé
par le même assignant à recevoir chez l'assigné (ATF 121 III 109
consid. 2 p.
111 et l'auteur cité; voir aussi: Tercier, Les contrats spéciaux, 2e
éd., n.
4565 ss). Concrètement, pour exécuter son obligation de payer le prix
de
l'ouvrage, telle qu'elle découle du contrat d'entreprise la liant à la
défenderesse (rapport de valeur), A.________AG a invité la banque
demanderesse à exécuter son obligation de lui restituer les fonds
déposés sur
le compte courant ouvert dans ses livres (rapport de provision ou de
couverture) en remettant à la défenderesse la somme de 300'000 fr.
via la
Spar- und Leihkasse de Berne, établissement bancaire choisi par
l'assignataire comme domicile de paiement. Il ne s'ensuit pas pour
autant que
la défenderesse serait en droit de rechercher directement la
demanderesse de
ce seul fait. Encore faut-il que ce soit établi entre elles ce qu'il
est
convenu d'appeler un rapport d'assignation ou de prestation. Il y a
lieu
d'examiner si l'assignée et l'assignataire ont noué en l'espèce un
tel lien
juridique.

3.
3.1Aux termes de l'art. 468 al. 2 CO, si l'assigné est débiteur de
l'assignant, il est tenu de payer l'assignataire jusqu'à concurrence
du
montant de sa dette lorsque ce paiement n'est pas plus onéreux pour
lui que
celui qu'il ferait à l'assignant. Cette disposition peut induire en
erreur en
ce sens qu'elle paraît accorder à l'assignataire la faculté de s'en
prendre
directement à l'assigné, du seul fait de l'existence du rapport de
couverture, alors qu'elle ne confère de droits qu'au seul assignant
(cf.
Engel, Contrats de droit suisse, 2e éd., p. 580; Thomas Koller,
Commentaire
bâlois, n. 11 ad art. 468 CO).

En réalité, c'est l'art. 468 al. 1 CO qui détermine à quelles
conditions une
relation directe - le rapport d'assignation ou de prestation -
s'établit
entre l'assigné et l'assignataire. Selon cette disposition, l'assigné
qui a
notifié son acceptation à l'assignataire sans faire de réserves est
tenu de
le payer et ne peut lui opposer que les exceptions résultant de leurs
rapports personnels ou du contenu de l'assignation, à l'exclusion de
celles
qui dérivent de ses relations avec l'assignant. L'acceptation de
l'assigné
est une manifestation de volonté adressée à l'assignataire; elle n'a
pas
besoin de revêtir une forme spéciale et peut résulter d'actes
concluants. Il
faut cependant que l'assignataire puisse croire de bonne foi, en se
fondant
sur la manifestation de volonté, que l'assigné a l'intention de
s'engager
envers lui. L'acceptation pure et simple a pour effet de créer une
dette
nouvelle, qualifiée d'«abstraite», qui lie directement l'assigné et
l'assignataire. Dans ce cas, l'assigné ne peut plus opposer à
l'assignataire
les exceptions dérivant des rapports de provision ou de valeur (ATF
127 III
553 consid. 2e/bb et les arrêts cités). Telle est la conséquence d'une
assignation exempte de réserves. Ce n'est pas dire que l'assignation
ne
puisse pas être assortie de réserves, de conditions ou de délais dont
l'assigné pourra se prévaloir ultérieurement, le cas échéant, en
formulant
des exceptions ou des objections (ATF 121 III 109 consid. 3b; Koller,
op.
cit., n. 7 ad art. 468 CO; Gautschi, Commentaire bernois, n. 5a ad
art. 468
CO; Staudinger/Marburger, Kommentar zum Bürgerlichen Gesetzbuch, 13e
éd., n.
4 et 11b ad § 784 BGB). En effet, l'assignation peut être "causale";
il en va
notamment ainsi lorsqu'elle est subordonnée à l'existence d'une
couverture
suffisante ou d'une prétention valable de l'assignataire envers
l'assignant
(cf. à ce sujet: Koller, ibid.; Gautschi, op. cit., n. 5b ad art. 468
CO).

3.2 En l'occurrence, l'acceptation alléguée réside dans la
déclaration que la
demanderesse a faite par télécopie du 9 février 1996, dont le texte
allemand
a été reproduit plus haut. Dans cet écrit, Y.________ a confirmé à
X.________
SA que, sur mandat de A.________AG, elle transférerait sur son compte
auprès
de la Spar- und Leihkasse de Berne, au début de la septième semaine,
la somme
de 300'000 fr. après réception d'un ordre de paiement dûment signé.
L'ordre
de paiement a été adressé le 15 février 1996 à la banque, qui l'a
reçu le
lendemain au plus tôt.

Les circonstances dans lesquelles l'assignation litigieuse a été
établie
soulèvent deux questions distinctes: premièrement, une assignation
peut-elle
être acceptée avant d'avoir été notifiée à l'assigné? Secondement, et
dans
l'affirmative, la réserve de la délivrance d'une assignation
implique-t-elle
aussi la réserve d'une couverture suffisante dans le rapport de
provision? Il
y a lieu de répondre successivement à ces deux questions.

3.2.1 En droit, l'acceptation de l'assignation implique à la fois la
constitution d'une dette abstraite de l'assigné envers
l'assignataire, qui
naît indépendamment de toute relation causale préexistante entre ces
parties
(ATF 121 III 109 consid. 3a; von Tuhr/Peter, Allgemeiner Teil des
Schweizerischen Obligationenrechts, vol. I, p. 269; Koller, op. cit.,
n. 6 ad
art. 468 CO, Gautschi, op. cit., n. 1c ad art. 468 CO; Tercier, op.
cit., n.

4600; Staudinger/Marburger, op. cit., n. 9 ad § 784 BGB), et une
reprise
cumulative - mais non accessoire - de la dette de l'assignant
(Koller, op.
cit., n. 5 ad art. 468 CO; Gautschi, op. cit., n. 1d ad art. 468 CO).
A
l'instar de toute reprise de dette, qui peut intervenir même avant
que la
dette principale ait pris naissance, l'acceptation peut être notifiée
à
l'assignataire sans égard à la date de délivrance de l'assignation par
l'assignant.

Il suit de là que l'acceptation - anticipée - notifiée le 9 février
1996 par
la demanderesse (l'assignée) à la défenderesse (l'assignataire), sous
la
condition suspensive de la délivrance annoncée d'une assignation par
l'assignante (A.________AG), est valable et lie son auteur.

3.2.2 La seconde question est plus difficile à résoudre. Selon la
jurisprudence, lorsque l'assignation a pour but d'éteindre une dette
de
l'assigné envers l'assignant (Anweisung auf Schuld), comme en
l'espèce,
l'acceptation comporte toujours la réserve implicite de l'existence
de cette
dette, de sorte que si celle-ci n'existe pas, l'assigné peut opposer,
de ce
chef, à l'assignataire qui le recherche une exception fondée sur le
rapport
de provision, tel le défaut de couverture dans le contrat bancaire
(cf. ATF
92 II 335 consid. 4; 73 II 43; dans le même sens: Honsell,
Schweizerisches
Obligationenrecht, Besonderer Teil, 6e éd., p. 365; critiques:
Koller, op.
cit., n. 8 ad art. 468 CO; Thomas Koller/Christa Kissling, Anweisung
und
Dokumentenakkreditiv im Zahlungsverkehr, in Rechtliche Probleme des
Zahlungsverkehrs, Berne 2000, p. 36 note de pied 25; Engel, op. cit.,
p. 581;
Gautschi, op. cit., n. 5b ad art. 468 CO, fait état d'un usage
bancaire quant
à la réserve d'une couverture suffisante au jour de l'exécution). La
jurisprudence récente est toutefois plus réticente à reconnaître
l'existence
de réserves implicites fondées sur les rapports de couverture ou de
valeur
(ATF 122 III 337 consid. 3c; cf. Koller/Kissling, op. cit., p. 35 s.).
En définitive, la solution du problème réside dans l'application du
principe
de la confiance (cf. ATF 127 III 444 consid. 1b). Conformément à ce
principe,
il y a lieu de rechercher quel sens l'assignataire pouvait et devait
donner,
selon les règles de la bonne foi, à la manifestation de volonté de
l'assigné.
A cet égard et en règle générale, le destinataire d'une déclaration
du type
de celle qui a été faite par la demanderesse dans sa télécopie du 9
février
1996 doit normalement admettre que la banque n'accepte la future
assignation
qu'à la condition qu'elle-même soit couverte au jour où elle devra
s'exécuter, c'est-à-dire uniquement pour le cas où elle sera alors
débitrice
de l'assignant d'un montant équivalent à celui faisant l'objet de
l'assignation. Cette condition implicite découle logiquement de la
réserve
formulée quant à la réception d'un ordre de paiement du client de la
banque.
Aussi bien, le destinataire d'une déclaration comportant une telle
réserve ne
peut, en principe, pas partir de l'idée que l'assigné, à l'égal de
celui qui
souscrit une garantie autonome, renonce d'ores et déjà à se prévaloir
ultérieurement de l'éventuelle absence d'une couverture suffisante.

Cela étant, les circonstances particulières de la cause en litige
justifient
de faire une exception à la règle dans le cas concret. Il ressort, en
effet,
des constatations de la cour cantonale que l'entreprise défenderesse
avait
interrompu ses travaux et qu'elle en avait subordonné la poursuite au
paiement d'acomptes supplémentaires par le maître de l'ouvrage. La
banque,
mise au courant de la situation, avait alors délivré l'attestation
litigieuse
à la défenderesse, qui avait repris immédiatement les travaux sur la
foi de
la promesse de paiement contenue dans cet écrit. Force est
d'admettre, dans
ces conditions, que la défenderesse, à qui la demanderesse avait
laissé
entendre qu'elle disposait d'une couverture suffisante, pouvait
considérer de
bonne foi que la seule réserve dont était assortie l'acceptation de
l'assignation par la banque assignée résidait dans l'ordre de
paiement que
cette dernière devait encore recevoir de l'assignante. Ainsi, par
exception à
la règle générale, la réserve d'une couverture suffisante aurait dû
être
formulée de manière claire et expresse dans la télécopie du 9 février
1996
pour être opposable à l'assignataire, ce qui fait de la présente
cause un cas
d'espèce.

3.3 Le 16 février 1996, la demanderesse a reçu de A.________AG
l'ordre de
paiement concernant les 300'000 fr. sur lesquels portait
l'assignation. Cette
formalité - elle constituait, en l'occurrence, la seule réserve
paralysant
momentanément les effets de l'acceptation conditionnelle de
l'assignée -
ayant été accomplie, la défenderesse était fondée à exiger de la
banque le
versement de la somme en question. En optant pour la solution
contraire, la
cour cantonale a donc violé le droit fédéral. Son jugement sera dès
lors
annulé et l'action en libération de dette rejetée. Les frais de
poursuite,
incluant tous les frais de la procédure de mainlevée tels qu'ils ont
été
arrêtés sous chiffres 3 et 4 du jugement rendu le 9 septembre 1998
par la
Cour de cassation du Tribunal cantonal valaisan, sont à la charge de
la
banque débitrice (art. 68 al. 1 LP). Enfin, la cause sera renvoyée
aux juges
précédents pour qu'ils statuent à nouveau sur les frais et dépens de
la
procédure cantonale ayant abouti au jugement annulé.

4.
Les frais et dépens afférents à la procédure de recours fédérale
seront
supportés par la demanderesse, qui succombe (art. 156 al. 1 et 159
al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et le jugement attaqué est annulé.

2.
L'action en libération de dette ouverte par la Banque Y.________ est
rejetée
et l'opposition faite par la demanderesse à la poursuite n° ... de
l'Office
des poursuites de Sion est définitivement levée à concurrence de
300'000 fr.
avec intérêts à 5% l'an dès le 15 février 1996.

3.
Les frais de poursuite, incluant tous les frais de la procédure de
mainlevée,
sont mis à la charge de la demanderesse.

4.
La cause est renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision sur
les
frais et dépens de la procédure cantonale.

5.
Un émolument judiciaire de 6'500 fr. est mis à la charge de la
demanderesse.

6.
La demanderesse versera à la défenderesse une indemnité de 7'500 fr.
à titre
de dépens.

7.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la IIe Cour
civile
du Tribunal cantonal du canton du Valais.

Lausanne, le 8 novembre 2002

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.183/2002
Date de la décision : 08/11/2002
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-11-08;4c.183.2002 ?
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