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07/11/2002 | SUISSE | N°2A.354/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 07 novembre 2002, 2A.354/2002


{T 0/2}
2A.354/2002/dxc

Arrêt du 7 novembre 2002
IIe Cour de droit public

Les juges fédéraux Wurzburger, président,
Hungerbühler, Müller, Merkli, Berthoud, juge suppléant,
greffier Langone.

Office fédéral des étrangers, 3003 Berne,
recourant,

contre

A.________, intimé,
représenté par Me Claude Aeberle, avocat, rte de Malagnou 32, 1208
Genève,
Office cantonal de la population du canton de Genève,
case postale 51, 1211 Genève 8,
Commission cantonale de recours de police des é

trangers du canton de
Genève,
boulevard Helvétique 27, 1207 Genève.

Expulsion administrative

(recours de droit...

{T 0/2}
2A.354/2002/dxc

Arrêt du 7 novembre 2002
IIe Cour de droit public

Les juges fédéraux Wurzburger, président,
Hungerbühler, Müller, Merkli, Berthoud, juge suppléant,
greffier Langone.

Office fédéral des étrangers, 3003 Berne,
recourant,

contre

A.________, intimé,
représenté par Me Claude Aeberle, avocat, rte de Malagnou 32, 1208
Genève,
Office cantonal de la population du canton de Genève,
case postale 51, 1211 Genève 8,
Commission cantonale de recours de police des étrangers du canton de
Genève,
boulevard Helvétique 27, 1207 Genève.

Expulsion administrative

(recours de droit administratif contre la décision de la Commission
cantonale
de recours de police des étrangers du canton de Genève du 14 mai 2002)

Faits:

A.
A. ________, ressortissant portugais, né le 10 février 1968, est
entré en
Suisse en 1986, au bénéfice d'une autorisation de séjour et de travail
saisonnière. Il est titulaire d'une autorisation d'établissement
depuis le 27
mars 1992.

Le 12 février 2000, l'intéressé a tué sa fiancée de dix-neuf coups de
couteau. Selon le rapport d'expertise psychiatrique de l'Institut
universitaire de médecine légale des Hôpitaux Universitaires de
Genève du 15
juin 2000, A.________ est atteint d'une maladie mentale sous forme
d'un
trouble schizoaffectif qui l'a empêché d'apprécier le caractère
illicite de
son acte, de sorte qu'il est irresponsable au sens de l'art. 10 CP.
Une
mesure de sûreté sous forme d'hospitalisation en milieu psychiatrique
est
nécessaire afin d'atténuer le danger de voir l'intéressé commettre
d'autres
actes punissables. Il compromet gravement la sécurité publique
lorsqu'il
présente un état de décompensation psychiatrique. Il ne serait
nécessaire de
l'interner, pour prévenir la mise en danger d'autrui, que si une
mesure de
traitement hospitalier stricte ne peut être mise en place.

Par ordonnance du 5 décembre 2000, la Chambre d'accusation du canton
de
Genève a prononcé un non-lieu à l'encontre d'A.________, a ordonné son
internement et a transmis la cause au Conseil de surveillance
psychiatrique
pour qu'il prenne les mesures d'exécution qui s'imposent et qu'il
contrôle le
traitement et les soins qui seront prodigués.

B.
Le 3 juillet 2001, le Département de justice et police et des
transports du
canton de Genève (ci-après: le Département cantonal) a prononcé
l'expulsion
administrative de la Confédération d'A.________ pour une durée
indéterminée,
son départ de Suisse devant intervenir sitôt l'approbation du corps
médical
obtenue.

Statuant le 14 mai 2002, la Commission cantonale de recours de police
des
étrangers du canton de Genève (ci-après: la Commission cantonale de
recours)
a admis le recours formé par l'intéressé et a annulé le prononcé du
Département cantonal du 3 juillet 2001. Elle a retenu que l'autorité
cantonale de première instance ne pouvait pas prononcer l'expulsion
d'A.________ sans se préoccuper du sort qui lui serait réservé dans
son pays
d'origine et qu'il n'était pas établi que son retour au Portugal se
fasse de
façon adéquate. Elle a en outre relevé que l'intéressé entretenait des
contacts réguliers avec trois de ses frères et soeurs domiciliés à
Genève,
que sa mère ne pourrait pas le prendre en charge au Portugal et que
son
renvoi n'était en conséquence pas exigible.

C.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, l'Office
fédéral des
étrangers demande au Tribunal fédéral d'annuler la décision de la
Commission
cantonale de recours et de lui renvoyer la cause pour complément
d'instruction. Il fait valoir que l'autorité cantonale de recours ne
devait
pas se contenter de constater qu'aucune démarche n'avait été
entreprise quant
aux possibilités de prise en charge psychiatrique de l'intéressé au
Portugal
et qu'elle aurait dû renvoyer le dossier à l'autorité de première
instance
pour complément d'instruction à ce sujet. L'office recourant soutient
également que la mesure d'expulsion prononcée respecte le principe de
la
proportionnalité.

La Commission cantonale de recours et l'Office cantonal de la
population
renoncent à formuler des observations.

A. ________ conclut au rejet du recours et requiert le bénéfice de
l'assistance judiciaire.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité
des
recours qui lui sont soumis (ATF 128 II 13 consid. 1a, 46 consid. 2a,
56
consid. 1, 66 consid. 1 et la jurisprudence citée).

1.2 D'après l'art. 103 lettre b OJ, a qualité pour déposer un recours
de
droit administratif le département compétent ou, lorsque le droit
fédéral le
prévoit, la division compétente de l'Administration fédérale, s'il
s'agit de
décisions émanant de Commissions fédérales de recours ou d'arbitrage
ou de
décisions prises en dernière instance cantonale. A teneur de l'art.
14 al. 2
de l'Ordonnance du Conseil fédéral du 17 novembre 1999 sur
l'organisation du
Département fédéral de justice et police (Org DFJP; RS 172.213.1),
l'Office
fédéral des étrangers est habilité à former des recours de droit
administratif, dans le domaine du droit des étrangers et de la
nationalité,
contre des décisions cantonales de dernière instance.
L'autorité recourante n'a en principe pas à justifier d'un intérêt
public
particulier à l'annulation de la décision attaquée; l'intérêt public à
l'application correcte du droit fédéral suffit. Encore faut-il que les
questions litigieuses soumises au Tribunal fédéral soient concrètes
et non
pas théoriques (arrêt 2A.313/2002 du 29 août 2002 destiné à la
publication,
consid. 1.1; ATF 127 II 32 consid. 1b p. 35; 125 II 633 consid. 1a p.
635 et
les références citées).

1.3 Formé contre une décision prise en dernière instance cantonale
(art. 98
lettre g OJ) et fondé sur le droit public fédéral, le présent
recours, déposé
en temps utile et dans les formes requises, est recevable en vertu
des art.
97 ss OJ. Il échappe en particulier à la clause d'irrecevabilité de
l'art.
100 al. 1 lettre b ch. 4 OJ dans la mesure où l'expulsion litigieuse
ne se
fonde pas sur l'art. 70 aCst. (actuellement art. 121 et 185 Cst.)
mais sur
l'art. 10 al. 1 de la loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et
l'établissement des étrangers (LSEE; RS 142.20; ATF 114 Ib 1 consid.
2a p.
2).

2.
Conformément à l'art. 104 lettre a OJ, le recours de droit
administratif peut
être formé pour violation du droit fédéral, y compris l'excès et
l'abus du
pouvoir d'appréciation. Le Tribunal fédéral revoit d'office
l'application du
droit fédéral, qui englobe notamment les droits constitutionnels du
citoyen
(ATF 126 V 252 consid. 1a; 125 III 209 consid. 2; 124 II 132 consid.
2a, 517
consid. 1; 123 II 16 consid 3a, 295 consid. 3, 385 consid. 3 et les
arrêts
cités). Comme il n'est pas lié par les motifs que les parties
invoquent, il
peut admettre le recours pour d'autres raisons que celles avancées
par le
recourant ou, au contraire, confirmer l'arrêt attaqué pour d'autres
motifs
que ceux retenus par l'autorité intimée (art. 114 al. 1 in fine OJ;
ATF 127
II 264 consid. 1b p. 268; 121 II 473 consid. 1b p. 477 et les arrêts
cités,
voir aussi ATF 124 II 103 consid. 2b p. 109).

En revanche, lorsque le recours est dirigé, comme en l'occurrence,
contre la
décision d'une autorité judiciaire, le Tribunal fédéral est lié par
les faits
constatés dans la décision, sauf s'ils sont manifestement inexacts ou
incomplets ou s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles
de
procédure (art. 104 lettre b et 105 al. 2 OJ; ATF 126 II 196 consid.
1 p.
198).

3.
3.1Selon l'art. 10 al. 1 lettre c LSEE, un étranger peut être expulsé
de
Suisse si, par suite de maladie mentale, il compromet l'ordre public.
Une
expulsion ne peut être prononcée que si le retour de l'expulsé dans
son pays
d'origine est possible et peut être raisonnablement exigé (art. 10
al. 2
LSEE) et si elle paraît appropriée à l'ensemble des circonstances
(art. 11
al. 3 LSEE). Pour juger de ce caractère approprié, l'autorité tiendra
notamment compte de la gravité de la faute commise par l'étranger, de
la
durée de son séjour en Suisse et du préjudice qu'il aurait à subir
avec sa
famille du fait de l'expulsion (art. 16 al. 3 du règlement
d'exécution du 1er
mars 1949 de la LSEE; RSEE: RS 142.201).

Bien qu'il ne puisse pas revoir la décision d'expulsion du point de
vue de
l'opportunité (art. 104 lettre c OJ a contrario), le Tribunal fédéral
contrôle néanmoins librement, selon l'art. 104 lettre a OJ (violation
du
droit fédéral), si les autorités cantonales ont correctement mis en
oeuvre
les critères prévus par les dispositions du droit fédéral
susmentionnées et
en particulier si, à la lumière desdits critères, l'expulsion s'avère
ou non
disproportionnée. Le Tribunal fédéral s'abstient cependant de
substituer sa
propre appréciation à celle des autorités cantonales (ATF 125 II 521
consid.
2a p. 523, 105 consid. 2a p. 107; 122 II 433 consid. 2a; 114 Ib 1
consid.
1b). Si les autorités de police des étrangers cantonales au sens des
art. 15
al. 1 et 2 et 19 al. 1 LSEE ne sont pas tenues, en vertu de l'art. 10
al. 1
LSEE ("Kann-Vorschrift"), de prononcer l'expulsion d'un étranger
quand bien
même l'un des motifs légaux serait réalisé, les autorités judiciaires
cantonales saisies d'un recours ne sauraient en revanche annuler une
mesure
d'expulsion administrative par une interprétation ou une application
inexacte
du droit fédéral (arrêt du Tribunal fédéral 2A.526/1997 du 19 juin
1998,
consid. 2b).

3.2 Il n'est pas contesté en l'espèce qu'A.________ est atteint d'une
maladie
mentale et qu'il peut compromettre gravement la sécurité publique
lorsqu'il
présente un état de décompensation psychiatrique. La Commission
cantonale de
recours a cependant estimé que le suivi thérapeutique de l'intéressé
n'était
pas assuré dans son pays d'origine et que son expulsion ne pouvait
pas être
raisonnablement exigée au sens de l'art. 10 al. 2 LSEE. Elle s'est
fondée sur
les renseignements fournis le 30 avril 2002 par le Conseil de
surveillance
psychiatrique selon lesquels celui-ci ne pouvait donner aucune
indication sur
les conditions de la poursuite de la mesure d'internement au
Portugal, sur
les conditions d'accueil et les éventuels contacts pris en ce sens,
de telles
informations ne relevant pas de sa compétence. L'Office fédéral des
étrangers
soutient à cet égard que la Commission cantonale de recours ne devait
pas se
contenter de cette prise de position mais devait retourner le dossier
à
l'autorité cantonale de première instance pour complément
d'instruction sur
le caractère exigible de la mesure d'expulsion.

3.2.1 Dans sa décision du 3 juillet 2001, le Département cantonal a
certes
prononcé le principe de l'expulsion mais a soumis son exécution à
approbation
du corps médical. Selon l'autorité cantonale de première instance, il
incombe
au Conseil de surveillance psychiatrique de prendre, le moment venu,
toute
mesure utile afin qu'A.________ soit accueilli au Portugal dans des
conditions appropriées à son état (cf. observations du 13 février
2002 dans
le cadre du recours interjeté auprès de la Commission cantonale de
recours).
En outre, le retour de l'intéressé dans son pays d'origine doit être
organisé
de concert entre le corps médical et les autorités portugaises (cf.
note de
l'Office cantonal de la population du 3 juillet 2001). Bien que cela
ne
ressorte pas expressément de la décision du 3 juillet 2001, la mesure
effective d'expulsion était donc subordonnée à la double condition
que l'état
psychiatrique d'A.________ permette son renvoi et qu'un suivi adéquat
soit
garanti dans son pays d'origine. On peut donc se demander si
l'autorité
cantonale de première instance n'a pas statué sur le seul principe de
l'expulsion, en sursoyant à l'examen des conditions de l'art. 10 al.
2 LSEE.
Dans le cadre de l'examen du recours dont elle a été saisie,
l'autorité
intimée s'est toutefois prononcée, en vertu du principe dévolutif de
la
procédure de recours et du pouvoir d'examen en opportunité que lui
confère
l'art. 4 al. 7 de la loi genevoise d'application de la LSEE du 16
juin 1988,
sur le caractère exigible de l'expulsion et sur le principe de
proportionnalité contenu à l'art. 11 al. 3 LSEE. Il convient dès lors
de
procéder à l'examen de ces deux questions.

3.2.2 La consultation du dossier de l'Office de la population révèle
certaines incertitudes quant aux compétences respectives des autorités
concernées de se prononcer sur le caractère raisonnablement exigible
du
retour d'A.________ au Portugal et quant aux démarches entreprises à
cet
effet. Dans son courrier du 6 avril 2001 à l'Office cantonal de la
population, le Service de l'application des peines et mesures du
Département
cantonal a clairement exposé que le Conseil de surveillance
psychiatrique
était la seule autorité compétente pour la gestion du dossier
d'A.________.
Interpellé par l'Office cantonal de la population, le Conseil de
surveillance
psychiatrique a expliqué le 24 avril 2001 qu'il ne disposait d'aucune
information sur les structures existant dans le pays d'origine de
l'intéressé. Il a expressément confirmé ce point de vue dans la lettre
adressée le 30 avril 2002 à la Commission cantonale de recours,
précisant
encore que cette question échappait à sa compétence. Lors
de
l'audience de la
Commission cantonale de recours du 14 avril 2002, la représentante de
l'Office cantonal de la population a déclaré que des contacts avaient
été
pris en vain avec la Représentation suisse à Lisbonne pour obtenir des
renseignements sur le sort qui serait réservé à A.________, sans
préciser si
une réponse avait même été fournie. Elle a ajouté qu'elle n'était pas
certaine de la réalité de cette intervention, dont elle n'avait
retrouvé
aucune trace dans le dossier.

Dans ces conditions, la Commission cantonale de recours était fondée à
retenir que la procédure d'examen préalable des conditions à
l'expulsion
était insuffisante et que le recours devait être admis. Elle pouvait
alors
soit retourner le dossier au Département cantonal pour qu'il procède
à un
examen sérieux des conditions de l'art. 10 al. 2 LSEE, comme l'Office
recourant le suggère, soit annuler la décision litigieuse, comme elle
l'a
fait. Dans la mesure où, comme on l'a vu (consid. 3.2.1 ci-dessus),
l'autorité cantonale de première instance avait en fait sursis à
l'examen du
caractère exigible du retour de l'intéressé au Portugal et que les
motifs
objectifs d'expulsion au sens de l'art. 10 al. 1 lettre c LSEE étaient
réalisés, une annulation pure et simple de la décision attaquée
apparaît
comme rigoureuse et un renvoi de la cause pour complément
d'instruction
aurait été plus opportun. A cet égard, les conclusions de l'Office
fédéral
des étrangers paraissent fondées. Il n'est toutefois pas nécessaire de
trancher définitivement cette question, le recours devant de toute
façon être
admis pour un autre motif.

3.3 Indépendamment du motif tiré de l'insuffisance des mesures
préparatoires
liées au retour d'A.________ dans son pays d'origine, la Commission
cantonale
de recours a annulé la décision du Département cantonal en raison de
la durée
du séjour de l'intéressé en Suisse, des contacts réguliers qu'il
entretient
avec ses frère et soeurs domiciliés dans le canton de Genève et de
l'impossibilité pour sa mère de le prendre en charge au Portugal.
Elle a donc
considéré que la mesure d'expulsion heurtait le principe de
proportionnalité.

3.3.1 Le caractère approprié, soit proportionné, d'une mesure
d'expulsion au
sens des art. 11 al. 3 LSEE et 16 al. 3 RSEE est, comme on l'a vu
plus haut,
une question de droit que le Tribunal fédéral examine librement (art.
104
lettre a OJ).

3.3.2 En mettant l'accent sur la durée du séjour en Suisse
d'A.________ et
les relations qu'il entretient avec certains membres de sa famille, la
Commission cantonale de recours a occulté le danger que l'intéressé
peut
représenter pour la sécurité publique. Actuellement, A.________ ne
compromet
certes pas l'ordre et la sécurité publics puisqu'il fait l'objet
d'une mesure
d'internement. Il est toutefois soumis tous les semestres à un bilan
de santé
destiné à évaluer les possibilités d'allégement des mesures de sûreté
médico-psychiatriques en vigueur. Lorsque de telles mesures auront été
prises, A.________ représentera un risque évident pour la sécurité
publique,
compte tenu de son incapacité à respecter les traitements
médicamenteux et
les suivis psychiatriques mis en place. L'intéressé, qui souffre de
troubles
dépressifs croissants depuis février 1991 ayant nécessité de multiples
hospitalisations en milieu psychiatrique, a régulièrement manifesté
une forte
résistance aux traitements et à la prise médicamenteuse; il les a
spontanément interrompus à deux reprises, en automne 1991 et en été
1993. En
novembre 1995, il a asséné un coup de poing à un voisin à l'occasion
d'une
dispute, sans pouvoir expliquer son geste. Dès le mois de novembre
1999,
A.________ a déclaré ouvertement vouloir mettre un terme à son
traitement
médicamenteux. Il est alors décrit comme verbalement agressif et
revendicateur. C'est dans ce contexte qu'il tuera sauvagement sa
fiancée,
sans la moindre raison.

La durée du séjour de l'intéressé en Suisse n'est pas de nature à
contrebalancer le risque qu'il présente pour la sécurité publique.
A.________
réside en Suisse au bénéfice d'une autorisation d'établissement
depuis dix
ans. Compte tenu des quatre saisons de travail accomplies
antérieurement et
des deux années passées au bénéfice d'une autorisation de séjour
annuelle, la
durée de son séjour doit être considérée comme relativement longue.
L'intéressé a cependant vécu au Portugal jusqu'à l'âge de dix-huit
ans, de
sorte qu'une réintégration dans son pays d'origine, dont il parle la
langue,
n'entraînerait pas de difficultés majeures. En outre, A.________ n'a
plus
exercé d'activité lucrative, si ce n'est dans des emplois protégés,
depuis
1991, de sorte qu'il ne peut pas se prévaloir d'une intégration
socioprofessionnelle marquée.

Pour ce qui concerne enfin le préjudice que subiraient les membres de
sa
famille en cas de retour forcé au Portugal, il suffit de rappeler
qu'A.________ n'est pas marié, qu'il n'a pas d'enfant en Suisse et
qu'il a
tué la seule personne avec laquelle il entretenait des liens affectifs
étroits. La relation qui le lie à ses frère et soeurs établis dans le
canton
de Genève ne dépasse pas l'intensité usuelle des liens unissant des
frères et
soeurs et ne saurait constituer un motif faisant obstacle à son
renvoi.

En retenant que la mesure d'expulsion d'A.________ au Portugal était
disproportionnée, partant ne pouvait pas être raisonnablement exigée,
la
Commission cantonale de recours a violé le droit fédéral. Le recours
doit dès
lors être admis pour ce motif.

3.3.3 Reste à examiner si l'exécution de la mesure d'éloignement
litigieuse
peut ou non être ordonnée et donc si le Portugal dispose des
infrastructures
médicales appropriées pour prendre en charge l'intéressé souffrant de
graves
troubles psychiques. Dans la mesure où le Tribunal fédéral ne dispose
pas de
tous les éléments nécessaires pour se prononcer en toute connaissance
de
cause sur ce point, il y a lieu d'annuler la décision attaquée et de
renvoyer
l'affaire à l'autorité cantonale de première instance pour qu'elle
examine
les conditions d'accueil et d'encadrement psychiatriques de
l'intéressé au
Portugal.

4.
A noter enfin qu'une mesure d'expulsion prononcée dans des cas tels
que celui
de l'intéressé, qui présente des risques élevés de récidive en raison
de ses
troubles psychiques, ne paraît pas exclue par l'Accord conclu le 21
juin 1999
entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté
européenne et ses
Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes
(RS
0.142.112.681), entré en vigueur le 1er juin 2002. En effet, l'art. 5
§ 1 de
l'Annexe I dudit accord (en relation avec les art. 3 et 4 de la
Directive
64/221/CEE telle que citée au § 2 de l'art. 5 de l'annexe) prévoit
que les
droits octroyés par les dispositions de l'accord peuvent être limités
par des
mesures justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité
publique et de
santé publique.

5.
Vu ce qui précède, le recours doit être admis, la décision entreprise
annulée
et le dossier renvoyé à l'autorité qui a statué en première instance
pour
complément d'instruction et nouvelle décision (art. 114 al. 2 OJ). Vu
l'issue
du litige, il se justifie de ne pas prélever de frais ni d'allouer de
dépens.

La requête d'assistance judiciaire présentée par A.________ doit être
admise,
les conditions de l'art. 152 al. 1 et 2 OJ étant réalisées. Son
mandataire
doit donc être nommé avocat d'office.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et la décision de la Commission cantonale de
recours est
annulée, la cause étant renvoyée au Département cantonal pour
instruction
complémentaire dans le sens des considérants.

2.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

3.
La demande d'assistance judiciaire d'A.________ est admise.

4.
Me Claude Aberlé, avocat à Genève, est désigné comme avocat d'office
d'A.________ et une indemnité de 750 fr. lui est versée à titre
d'honoraires
par la Caisse du Tribunal fédéral.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie à l'office recourant, au
mandataire
de l'intimé, à l'Office cantonal de la population du Département de
justice
et police et des transports et à la Commission cantonale de recours
de police
des étrangers du canton de Genève.

Lausanne, le 7 novembre 2002

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.354/2002
Date de la décision : 07/11/2002
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-11-07;2a.354.2002 ?
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