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05/11/2002 | SUISSE | N°C.10/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 05 novembre 2002, C.10/02


{T 7}
C 10/02

Arrêt du 5 novembre 2002
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Kernen et Geiser, suppléant.
Greffier : M. Berthoud

L.________, recourante, représentée par Me Jean-Luc Addor, avocat,
avenue de
Tourbillon 3, 1951 Sion,

contre

Caisse publique cantonale valaisanne de chômage, place du Midi 40,
1951 Sion,
intimée

Commission cantonale de recours en matière de chômage, Sion

(Jugement du 8 novembre 2001)

Faits :

A.
L. ________ a dema

ndé le versement d'indemnités de chômage à compter
du 1er
mai 2000. Dans sa requête, elle a indiqué qu'elle avait été au
service...

{T 7}
C 10/02

Arrêt du 5 novembre 2002
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Kernen et Geiser, suppléant.
Greffier : M. Berthoud

L.________, recourante, représentée par Me Jean-Luc Addor, avocat,
avenue de
Tourbillon 3, 1951 Sion,

contre

Caisse publique cantonale valaisanne de chômage, place du Midi 40,
1951 Sion,
intimée

Commission cantonale de recours en matière de chômage, Sion

(Jugement du 8 novembre 2001)

Faits :

A.
L. ________ a demandé le versement d'indemnités de chômage à compter
du 1er
mai 2000. Dans sa requête, elle a indiqué qu'elle avait été au
service de son
frère A.________, pépiniériste à B.________, du 1er avril 1999 au 30
avril
2000; elle se trouvait au chômage à partir de cette date, car son
employeur
l'avait licenciée pour des motifs économiques. L.________ a en outre
précisé
que ses rémunérations avaient toujours été versées de main à main,
qu'elle
avait été occupée à 50 % jusqu'au 31 octobre 1999 en raison d'une
incapacité
partielle de travailler, pour un salaire mensuel brut de 1816 fr.,
puis à
plein temps pour un salaire de 3633 fr.

Eu égard aux relations de parenté liant les parties à ce contrat de
travail,
la Caisse publique cantonale valaisanne de chômage (ci-après : la
caisse) a
estimé que la déclaration auprès de l'AVS et les fiches de salaires
signées
par L.________ et A.________ ne constituaient pas des justificatifs
suffisants permettant d'établir que les salaires déclarés avaient
réellement
été payés. La caisse a dès lors requis de L.________ la preuve du
paiement
effectif des salaires annoncés (cf. lettre du 5 juin 2000).
L'intéressée
ayant répondu qu'elle n'avait jamais eu de compte bancaire ou autre et
qu'elle subvenait à ses besoins au seul moyen de son salaire (cf.
écritures
des 9, 16 et 21 juin 2000), la caisse s'est adressée à A.________ pour
obtenir une copie des comptes d'exploitation de son entreprise et de
sa
taxation fiscale (cf. écriture du 10 juillet 2000). L'employeur a
produit des
décomptes de salaires qu'il avait co-signés avec sa soeur. Par
ailleurs, la
caisse a requis de celle-ci sa dernière taxation fiscale, celle de son
employeur, les comptes d'exploitation et bilans de l'entreprise de
A.________
ainsi que tout autre document établissant l'exercice d'une activité
lucrative
et la preuve du paiement des salaires (cf. lettre du 7 août 2000).
L.________
a déposé une décision de taxation fiscale 1999-2000 la concernant.
Comme la
caisse ne pouvait obtenir d'autres justificatifs de l'intéressée,
elle lui a
imparti un délai échéant le 31 août 2000 pour s'exécuter, sous peine
d'extinction du droit aux prestations prétendues (cf. lettre du 17
août
2000).

Ce délai échu, la caisse a encore requis des prénommés des précisions
sur la
nature de l'activité exercée par L.________ dans l'entreprise de son
frère
A.________, ainsi que sur son affiliation en matière de LPP et
d'allocations
familiales (écritures des 1er et 22 septembre 2000). L'administration
a par
ailleurs demandé divers renseignements auprès de la municipalité de
B.________, de l'institution supplétive LPP ainsi que de la Caisse
cantonale
valaisanne de compensation (cf. trois lettres du 29 septembre 2000).
Le 16
octobre 2000, cette a dernière lui a répondu que A.________ avait
déclaré
pour sa soeur des « salaires agricoles » de 8606 fr. pour la période
du 1er
juin au 31 décembre 1998, et de 21 780 fr. pour celle du 1er avril et
le 31
décembre 1999. Quant au fisc valaisan, il a communiqué à la caisse un
procès-verbal de taxation d'office d'A.________ pour la période
1999-2000.

Par décision du 1er décembre 2000, la caisse a nié le droit de
L.________ à
l'indemnité dès le 1er mai 2000, au motif qu'il n'était pas établi à
satisfaction que la prénommée avait effectivement exercé une activité
salariée ni qu'un salaire lui avait réellement été versé. Elle a
considéré
que L.________ devait être assimilée à une agricultrice indépendante.

B.
L.________ a déféré cette décision à la Commission cantonale
valaisanne de
recours en matière de chômage, qui l'a déboutée par jugement du 8
novembre
2001.

C.
L.________ interjette recours de droit administratif contre ce
jugement dont
elle demande l'annulation, sous suite de dépens, en concluant au
renvoi de la
cause à la caisse de chômage pour nouvelle décision.

La caisse intimée et le Secrétariat d'Etat à l'économie ont renoncé à
se
déterminer. La commission de recours a produit des observations sur
lesquelles la recourante s'est exprimée.

Considérant en droit :

1.
Le litige porte sur le droit de la recourante à des prestations de
l'assurance-chômage. Singulièrement, il s'agit de déterminer si elle
remplit
les conditions, relatives à la période de cotisation, pour pouvoir
prétendre
l'indemnité de chômage à compter du 1er mai 2000.

2.
2.1Selon la loi, pour avoir droit à l'indemnité de chômage, l'assuré
doit,
entre autres conditions, remplir celles relatives à la période de
cotisation
(art. 8 al. 1 let. e LACI). Aux termes de l'article 13 al. 1, première
phrase, LACI, celui qui, dans les limites du délai cadre (art. 9 al.
3 LACI)
a exercé durant six mois au moins, une activité soumise à cotisation
remplit
les conditions relatives à la période de cotisation. Le délai-cadre
applicable à la période de cotisation commence à courir deux ans
avant le
premier jour où l'assuré remplit toutes les conditions dont dépend le
droit à
l'indemnité (art. 9 al. 3 en relation avec l'al. 2 LACI).

2.2 Par activité soumise à cotisation, il faut entendre toute
activité de
l'assuré, destinée à l'obtention d'un revenu soumis à cotisations
pendant la
durée d'un rapport de travail (Gerhards, Kommentar zum
Arbeitslosenversicherungsgesetz [AVIG], tome I, note 8 ad art. 13
LACI, p.
170). Ainsi que l'a précisé la Cour de céans dans un arrêt Z. du 9
mai 2001
(DTA 2001 n° 27 p. 225), l'exercice effectif d'une activité salariée
suffisamment contrôlable, comme exigence qui doit être satisfaite pour
admettre que les conditions relatives à la période de cotisation sont
remplies (ATF 113 V 352; DTA 1999 n° 18 p. 101 consid. 2a et la
référence;
Thomas Nussbaumer, in : Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR],
Arbeitslosenversicherung, p. 64, ch. m. 161 et les notes n° 325 et
326),
implique également qu'un salaire soit réellement versé au travailleur
(DTA
1988 n° 1 p. 19 sv. consid. 3b/c non publié aux ATF 113 V 352).

Outre qu'elle découle de l'interprétation de la loi, l'exigence d'un
salaire
effectif - pour admettre que les conditions relatives à la période de
cotisation sont réunies (art. 8 al. 1 let. e et 13 LACI) - présente
également
l'avantage de prévenir les abus qui pourraient résulter en cas
d'accord
fictif entre un employeur et un travailleur au sujet du salaire que le
premier s'engage contractuellement à verser au second (surtout lorsque
l'employeur et le travailleur ne font en réalité qu'une seule et même
personne). A cet égard, les principes jurisprudentiels développés à
propos de
l'art. 23 al. 1 LACI peuvent être transposés mutatis mutandis : un
salaire
contractuellement prévu ne sera dès lors pris en considération, sous
l'angle
de l'art. 13 al. 1 LACI, que s'il a réellement été perçu par le
travailleur
durant une période prolongée et qu'il n'a jamais fait l'objet d'une
contestation (DTA 1995 n° 15 p. 79 ss; voir aussi DTA 1999 n° 7 p. 28
consid.
1; arrêt A. du 31 août 2001, C 354/00, consid. 2c).

3.
3.1Dans le domaine des assurances sociales, le juge fonde sa
décision, sauf
disposition contraire de la loi, sur les faits qui, faute d'être
établis de
manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables,
c'est-à-dire
qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit
donc pas
qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse
possible.
Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge
doit, le
cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF
126 V
360 consid. 5b, 125 V 195 consid. 2 et les références). Aussi
n'existe-t-il
pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel
l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur
de
l'assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

Par ailleurs, la procédure est régie par le principe inquisitoire,
selon
lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés
d'office par
le juge. Mais ce principe n'est pas absolu. Sa portée est restreinte
par le
devoir des parties de collaborer à l'instruction de l'affaire.
Celui-ci
comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la
mesure
où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves
commandées par
la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles
risquent de
devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 125 V
195
consid. 2 et les références).

3.2 En l'occurrence, les pièces obtenues dans le cadre de
l'instruction du
cas ne permettent pas un contrôle suffisant de l'exercice effectif
par la
recourante d'une activité salariée soumise à cotisation durant la
période à
considérer. Les procès-verbaux de la taxation fiscale pour 1999-2000
de
L.________ et de son frère A.________ sont fondés sur les revenus
réalisés en
1997-1998 alors que l'activité en cause concerne la période allant de
début
avril 1999 à fin avril 2000. Ces pièces ne constituent donc pas des
preuves
idoines. Par ailleurs, le dépôt de l'attestation d'employeur auprès
de la
caisse de compensation dans un temps très proche de la fin des
rapports de
travail rendent sujettes à caution les déclarations des parties au
contrat de
travail. De plus, les comptes d'exploitation de l'employeur n'ont pas
pu être
obtenus et la recourante déclare ne disposer d'aucun compte bancaire
ou
postal. Selon toute probabilité, il ne sera pas possible de recueillir
d'autres éléments dont l'existence remonterait à une période
antérieure à la
survenance du litige qui oppose la recourante à l'intimée,
susceptibles
d'établir à satisfaction le bien-fondé des prétentions de la
recourante.
Cette dernière a, quoi qu'il en soit, disposé à réitérées reprises,
sans en
faire usage, de l'occasion de produire de telles preuves si elles
existent ou
d'en requérir l'édition, de sorte qu'il n'y a pas lieu de procéder à
un
complément d'instruction.

3.3 Pour le surplus, les griefs que la recourante adresse aux
premiers juges
(§ 21 à 25 du recours) sont infondés. On précisera, en particulier,
que la
demande de l'intimée de produire des documents qui n'auraient jamais
existé
ne constitue pas - comme la recourante le soutient à tort - un excès
de
formalisme ou un abus du pouvoir d'appréciation, mais que de telles
requêtes
entrent dans le cadre des actes que l'administration peut être
appelée à
accomplir pour appliquer sainement le droit de l'assurance-chômage. En
l'occurrence, il s'agissait de recueillir la preuve de l'exercice
effectif
d'une activité salariée suffisamment contrôlable.

Le grief de motivation insuffisante est par ailleurs infondé; en
effet, la
juridiction cantonale a clairement exposé qu'elle avait confirmé la
décision
administrative au motif que l'existence d'une activité effective
soumise à
cotisation n'avait ni été prouvée ni même rendue vraisemblable. Quant
à la
prétendue violation du principe de la maxime inquisitoriale, il n'a
pas
davantage de fondement; il suffit, pour s'en convaincre, de relire
toute la
correspondance que les parties ont échangée et singulièrement les
écritures
dans lesquelles l'intimée a vainement tenté, à de nombreuses reprises,
d'obtenir les éléments nécessaires à la reconnaissance du droit de la
recourante à l'indemnité de chômage. Enfin le grief de violation du
principe
de la proportionnalité tombe aussi à faux, car l'intimée n'a pas
rejeté la
demande de prestations pour le seul motif que la recourante aurait
manqué à
son obligation de collaborer à l'instruction de la cause, comme elle
l'allègue, mais parce que la preuve de l'exercice effectif d'une
activité
salariée suffisamment contrôlable n'avait pas été rapportée.

4.
Cela étant, le jugement entrepris n'est pas critiquable et le recours
se
révèle mal fondé.

Vu la nature du litige, la procédure est gratuite (art. 134 OJ). Par
ailleurs, la recourante, qui succombe, ne peut prétendre de dépens
(art. 159
al. 1 OJ a contrario).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la Commission
cantonale
valaisanne de recours en matière de chômage, à l'Office régional de
placement
de Martigny, à l'Office cantonal valaisan du travail et au
Secrétariat d'Etat
à l'économie.

Lucerne, le 5 novembre 2002
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIIe Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.10/02
Date de la décision : 05/11/2002
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-11-05;c.10.02 ?
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