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04/11/2002 | SUISSE | N°I.195/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 04 novembre 2002, I.195/02


{T 7}
I 195/02

Arrêt du 4 novembre 2002
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Lustenberger et Kernen. Greffière:
Mme
Berset

Office de l'AI du canton du Jura, rue Bel-Air 3, 2350 Saignelégier,
recourant,

contre

S.________, intimée, agissant par son père A.________, chemin des Lys
3, 2852
Courtételle

Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Chambre des
assurances,
Porrentruy

(Arrêt du 7 mars 2002)

Faits :

A.
S. _______

_ bénéficie d'un traitement de logopédie depuis le 19 août
1996,
pris en charge par l'AI au titre de la formation scolaire spéciale,
e...

{T 7}
I 195/02

Arrêt du 4 novembre 2002
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Lustenberger et Kernen. Greffière:
Mme
Berset

Office de l'AI du canton du Jura, rue Bel-Air 3, 2350 Saignelégier,
recourant,

contre

S.________, intimée, agissant par son père A.________, chemin des Lys
3, 2852
Courtételle

Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Chambre des
assurances,
Porrentruy

(Arrêt du 7 mars 2002)

Faits :

A.
S. ________ bénéficie d'un traitement de logopédie depuis le 19 août
1996,
pris en charge par l'AI au titre de la formation scolaire spéciale,
en raison
de troubles de l'articulation, de dyslalie et d'un retard dans
l'acquisition
du langage.

Le 28 novembre 2000, les parents de l'intéressée ont demandé à
l'Office de
l'assurance-invalidité du canton du Jura (l'office) la prise en
charge d'un
traitement de psychomotricité. Par décision du 27 juin 2001, l'office
a
rejeté la demande, au motif que la thérapie ne constituait pas un
soutien
direct à la logopédie, mais un traitement de l'atteinte globale
présentée par
l'assurée.

B.
S.________, par ses parents, a recouru contre cette décision devant le
Tribunal cantonal la République et canton du Jura, Chambre des
assurances.
Par jugement du 7 mars 2002, l'instance cantonale a admis le recours,
annulé
la décision attaquée et considéré que l'assurée avait droit à la
prise en
charge du traitement de psychomotricité jusqu'au 31 août 2002.

C.
L'office interjette recours de droit administratif contre ce
jugement, en
concluant à son annulation.

L'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) propose l'admission du
recours, tandis que les parents de l'intimée concluent implicitement
à son
rejet.

Considérant en droit :

1.
L'objet du litige porte sur le droit de l'intimée à la prise en
charge d'un
traitement de psychomotricité.

2.
Le Tribunal fédéral des assurances n'étant pas lié par les motifs que
les
parties invoquent (art. 114 al. 1 en corrélation avec l'art. 132 OJ),
il
examine d'office si le jugement attaqué viole des normes de droit
public
fédéral ou si la juridiction de première instance a commis un excès
ou un
abus de son pouvoir d'appréciation (art.104 let. a OJ). Il peut ainsi
admettre ou rejeter un recours sans égard aux griefs soulevés par le
recourant ou aux raisons retenues par le premier juge (ATF 125 V 500
consid.
1, 124 V 340 consid. 1b et les références).

3.
Tandis que l'office considère que le traitement de psychomotricité ne
constitue pas un soutien direct à la logopédie, l'instance inférieure
est
d'avis que celui-ci a été requis principalement à ce titre.

4.
4.1Le juge des assurances sociales n'est pas lié par les ordonnances
administratives. Il ne doit en tenir compte que dans la mesure où
elles
permettent une application correcte des dispositions légales dans un
cas
d'espèce. Il doit en revanche s'en écarter lorsqu'elles établissent
des
normes qui ne sont pas conformes aux règles légales applicables (ATF
127 V 61
consid. 3a, 126 V 68 consid. 4b, 427 consid. 5a, 125 V 379 consid. 1c
et les
références).

4.2 La pratique administrative fondée sur les art. 12, 13 et 19 LAI a
évolué
au cours des dernières années, s'agissant de la prise en charge par
l'AI, de
la thérapie psychomotrice. Alors que l'OFAS la considérait naguère
comme une
mesure de nature pédago-thérapeutique, destinée à compléter d'autres
mesures
médicales, le ch. 1043.1 de la circulaire concernant les mesures
médicales de
réadaptation (CMRM), dans sa teneur en vigueur depuis 1er janvier
2000,
applicable en l'espèce, ne fait plus référence au caractère pédago-
thérapeutique du traitement et l'inscrit au nombre des mesures
médicales de
l'AI.

La thérapie psychomotrice a cependant toujours été considérée comme
relevant
de la thérapie pédagogique. La notion de «thérapie» fait référence en
premier
lieu au traitement d'un état de santé déficient; celle de «pédagogie»
permet
de distinguer ce genre de traitement des mesures médicales. Ainsi par
mesures
pédago-thérapeutiques, on entend l'ensemble des procédés qui ne
tendent pas
directement à dispenser des connaissances scolaires, théoriques ou
pratiques.
Leur but est d'atténuer ou de supprimer les effets de l'invalidité qui
entravent le bon déroulement de la scolarité, en améliorant certaines
fonctions physiques ou psychiques de l'assuré. A la différence de
l'école
spéciale, les mesures pédago-thérapeutiques constituent une
«prestation
particulière» de l'AI. Selon la jurisprudence, la thérapie
psychomotrice peut
ainsi représenter une mesure médicale ou une mesure de nature
pédago-thérapeutique; l'attribution à l'une ou à l'autre de ces
mesures
s'effectue en fonction des aspects prédominants, pédago-thérapeutique
ou
médicaux, des circonstances propres au cas d'espèce (ATF 121 V 14
consid. 3b
et les références).

4.3 En l'occurrence, si la prise en charge d'une thérapie
psychomotrice a été
requise sur indication médicale (rapport de la Doctoresse B.________
du 15
janvier 2001), le dossier ne permet pas de définir exactement le
cadre dans
lequel elle doit s'inscrire du point de vue de l'AI. Ainsi, les
éléments
concrets permettant de reconnaître à la thérapie psychomotrice
dispensée à
l'intimée la qualité d'une mesure médicale ou d'une mesure
pédago-thérapeutique - prédominance de l'aspect médical ou de l'aspect
pédagogique dans le cas d'espèce - ne ressortent pas des pièces au
dossier.
Or, l'intimée ne peut prétendre la prise en charge de la thérapie
psychomotrice que si celle-ci revêt le caractère d'une mesure
médicale au
sens de l'art. 12 LAI. En effet, ne fréquentant pas l'enseignement
spécialisé, mais l'école publique, elle ne peut se voir reconnaître
le droit
à la prise en charge de la thérapie sous l'angle d'une mesure de
nature
pédago-thérapeutique, dès lors que celles-ci - énumérées de manière
exhaustive à l'art. 9 al. 2 RAI (arrêts A. du 11 juin 2002, I 40/01
et K. du
29 avril 2002, I 395/00, prévus pour la publication dans le Recueil
Officiel;
VSI 2000 p. 77 consid. 3b) - ne comprennent pas la thérapie
psychomotrice. En
outre, seule une mesure médicale prévue par l'art. 12 LAI peut entrer
en
considération, l'intimée ne souffrant d'aucune infirmité congénitale
au sens
de l'art. 13 LAI.

5.
5.1Selon l'art. 12 al. 1 LAI, l'assuré a droit aux mesures médicales
qui
n'ont pas pour objet le traitement de l'affection comme telle, mais
sont
directement nécessaires à la réadaptation professionnelle et sont de
nature à
améliorer de façon durable la capacité de gain ou à la préserver d'une
diminution notable.

Par traitement de l'affection comme telle, on entend généralement les
mesures
médicales visant la guérison ou le soulagement d'une pathologie
labile. En
principe, l'AI ne prend en charge que les mesures médicales dont le
but
immédiat est de mettre un terme ou de corriger des états défectueux
ou des
pertes de fonction stables, si ces mesures permettent de prévoir un
succès
important et durable, conformément à l'art 12 al. 1 LAI (ATF 120 V
279).

Les assurés âgés de moins de 20 ans révolus qui n'exercent pas
d'activité
lucrative sont réputés invalides lorsqu'ils présentent une atteinte à
la
santé physique, ou mentale qui aura probablement pour conséquence une
incapacité de gain (art. 5 al. 2 LAI). Aussi, lorsqu'il s'agit de
jeunes
assurés, des mesures médicales peuvent déjà s'avérer utiles à la
réadaptation
professionnelle de manière prédominante et être prises en charge par
l'AI,
malgré le caractère provisoirement labile de l'affection, si
l'absence de ces
mesures risque d'entraîner une guérison défectueuse ou quelque autre
état
défectueux stable qui nuirait à la formation professionnelle,
diminuerait la
capacité de gain ou aurait ces deux effets en même temps (ATF 105 V
20).
Toutefois, il faut encore que ces mesures ne relèvent pas d'emblée de
l'assurance-maladie, parce qu'elles constituent des mesures médicales
de
durée illimitée qui servent en soi au traitement de l'affection et
n'ont dès
lors pas un caractère prépondérant de mesures de réadaptation au sens
de la
LAI (VSI 2000 p. 65 ss consid. 1 et 4b; 1984 p. 524 consid. 1 et les
références).

5.2 Selon la pratique administrative une thérapie psychomotrice peut
être
prise en charge à titre de mesure de soutien à la logopédie.
Cependant,
lorsque la thérapie est requise pour d'autres raisons et qu'elle ne
produit
qu'un effet secondaire de bienfait sur la logopédie, elle ne peut
être prise
en charge en vertu de l'art. 12 LAI (CMRM 1043.7).

L'intimée souffre de troubles de l'articulation, de dyslalie et d'un
retard
d'acquisition du langage , en raison desquels l'AI lui a accordé à
partir du
19 août 1996 la prise en charge d'un traitement de logopédie. Sur
proposition
de la Doctoresse C.________, neuropédiatre, évoquant un trouble
dépassant
celui de la parole, un traitement d'ergothérapie a instauré en été
1999,
après mise en évidence de problèmes d'organisation et de stratégies
d'action
dans l'espace et le temps face à la réalisation d'une activité, ainsi
qu'une
désorganisation de l'analyse visuo-spatiale. Les difficultés qui
subsistaient
chez la patiente fin 1999 ne pouvant être traitées dans le cadre de
l'ergothérapie, le traitement a été interrompu et la prise en charge
d'un
traitement de psychomotricité a été requis début janvier 2001. Sur ce
point,
la Doctoresse B.________ a relevé les troubles mis en évidence par le
bilan
d'ergothérapie et ajouté que l'intimée présentait des difficultés de
mémorisation; à côté du diagnostic de troubles d'apprentissage du
langage
oral et écrit, elle a retenu celui de retard de développement global,
et
précisé que le traitement de psychomotricité devrait se montrer
bénéfique à
plusieurs niveaux.

Au vu de ces éléments, il ressort que l'intimée présente d'autres
troubles
que ceux propres au langage, retard de développement global et
troubles
psycho-moteurs, motivant la mise en oeuvre d'une thérapie
psychomotrice.
L'effet de bienfait sur la logopédie, s'il est réel, apparaît dès
lors comme
secondaire, au regard des autres troubles présentés par l'intimée
justifiant
l'indication d'une thérapie psychomotrice. L'intimée ne peut ainsi
prétendre
la prise en charge de la thérapie psychomotrice comme mesure de
soutien à la
logopédie au sens de la directive de l'office.

5.3 Il ressort cependant des données médicales que l'intimée présente
d'autres troubles que ceux propres au langage. Peut-elle prétendre la
prise
en charge du traitement de psychomotricité, à titre de mesure
médicale de
réadaptation au sens rappelé plus haut (consid. 5.1), en raison de
l'existence de ces troubles mêmes, et non plus seulement comme
soutien à la
logopédie ? L'office n'a pas examiné la demande sous cet angle et le
dossier
n'est pas suffisamment instruit sur les éléments dont il y a lieu de
tenir
compte (longueur du traitement, durabilité du succès de la mesure,
prévention
d'un état défectueux stable, etc.) pour trancher la question.

Dès lors, le dossier doit être renvoyé à l'office pour qu'il reprenne
l'instruction de la demande sous cet angle, après avoir examiné à
titre
préliminaire la nature exacte au regard de l'AI du traitement de
psychomotricité prodigué dans le cas d'espèce à l'intimée.

6.
Le recours est fondé dans la mesure où le recourant reproche aux
premiers
juges d'avoir considéré le traitement en question comme un soutien
direct à
la logopédie. L'examen aurait dû porter sur le droit de l'intimée à
la prise
en charge du traitement en fonction de la loi et de la jurisprudence
et non
de directives qui n'ont pas de valeur de règle de droit (cf. consid.
3.1). Il
se justifie en conséquence d'annuler le jugement attaqué et la
décision
rendue par le recourant qui est à l'origine du litige, afin qu'il
reprenne
l'instruction et rende une nouvelle décision en se conformant aux
motifs de
l'arrêt.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Le recours est admis en ce sens que le jugement du Tribunal cantonal
de la
République et canton du Jura, Chambre des assurances du 7 mars 2002
et la
décision de l'Office de l'assurance-invalidité du canton du Jura du
27 juin
2001 sont annulés, la cause étant renvoyée audit office pour
instruction
complémentaire et nouvelle décision au sens des motifs.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice ni alloué de dépens.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal de
la
République et canton du Jura, Chambre des assurances, et à l'Office
fédéral
des assurances sociales.

Lucerne, le 4 novembre 2002
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIIe Chambre: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.195/02
Date de la décision : 04/11/2002
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-11-04;i.195.02 ?
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