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31/10/2002 | SUISSE | N°1P.354/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 31 octobre 2002, 1P.354/2002


{T 0/2}
1P.354/2002/col

Arrêt du 31 octobre 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Féraud, Fonjallaz,
greffier Parmelin.

Municipalité de X.________,
recourante, représentée par Me Renaud Lattion, avocat, rue des
Remparts 9,
1400 Yverdon-les-Bains,

contre

les hoirs de Y.________, soit A.________, B.________, et C.________,
intimés, représentés par Me Paul-Arthur Treyvaud, avocat,
rue du Casin

o 1, case postale 367, 1400 Yverdon-les-Bains,

D.________, représenté par Me Philippe Conod, avocat, galerie
Saint-Fr...

{T 0/2}
1P.354/2002/col

Arrêt du 31 octobre 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Féraud, Fonjallaz,
greffier Parmelin.

Municipalité de X.________,
recourante, représentée par Me Renaud Lattion, avocat, rue des
Remparts 9,
1400 Yverdon-les-Bains,

contre

les hoirs de Y.________, soit A.________, B.________, et C.________,
intimés, représentés par Me Paul-Arthur Treyvaud, avocat,
rue du Casino 1, case postale 367, 1400 Yverdon-les-Bains,

D.________, représenté par Me Philippe Conod, avocat, galerie
Saint-François
A, case postale 3473, 1002 Lausanne,
Tribunal administratif du canton de Vaud, avenue Eugène-Rambert 15,
1014
Lausanne.

art. 9 et 50 Cst.; autonomie communale; permis de construire

recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal administratif du
canton de
Vaud du 22 mai 2002.

Faits:

A.
Les hoirs de Y.________, à savoir A.________, B.________ et
C.________,
étaient propriétaires de la parcelle n° 89 de la commune de X.________
jusqu'au 25 janvier 2002, date à laquelle A.________ en est devenue
seule
propriétaire. D'une surface de 574 mètres carrés, ce bien-fonds
supporte un
bâtiment de 175 mètres carrés composé d'une ancienne maison
villageoise
flanquée d'une annexe plus récente, le long de la rue de la Rive. Le
corps
principal accueille deux logements de trois et quatre pièces
réparties sur
deux niveaux; quant à l'annexe, elle abrite une chambre à coucher au
rez-de-chaussée, rattachée à l'appartement de quatre pièces, et un
local
indépendant à l'étage, auquel on accède par un escalier extérieur,
faisant
office de débarras, qui était utilisé comme atelier de polissage,
puis comme
bureaux par la Compagnie E.________, devenue par la suite la société
F.________, jusqu'au début des années 80. La parcelle n° 89 est
classée en
zone du village ancien selon le règlement communal sur le plan
d'extension et
la police des constructions (RPE) approuvé par le Conseil d'Etat du
canton de
Vaud le 3 septembre 1980.
Le 1er mai 2001, A.________ a requis l'autorisation de réaliser un
appartement avec mezzanine dans l'ancien atelier de polissage. Elle
demandait
en outre à être dispensée de l'obligation de créer des places de parc
sur son
fonds en raison de l'atteinte que celle-ci porterait à l'esthétique du
village par la disparition d'un mur en pierre érigé en limite de
propriété.
Soumis à l'enquête publique du 12 juin au 2 juillet 2001, ce projet de
transformation a suscité l'opposition du propriétaire de l'immeuble
mitoyen,
D.________, qui invoquait l'absence de places de parc et la création
non
autorisée de vue droite et oblique sur sa propriété.
Par courrier du 24 août 2001, la Municipalité de X.________ a informé
la
mandataire de A.________ qu'elle avait décidé, dans sa séance du 20
août
2001, d'exiger, pour la délivrance du permis de construire, la
création de
deux places de parc pour l'aménagement du réduit et de deux places de
parc
pour les logements existants, conformément à l'art. 70 RPE.
Le 18 septembre 2001, les hoirs de Y.________, représentés par
A.________,
ont recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif du
canton
de Vaud (ci-après: le Tribunal administratif ou la cour cantonale).
Dans le
délai imparti pour ce faire par le juge instructeur, leur conseil a
désigné
nommément chacun des membres de l'hoirie et produit une procuration
autorisant A.________ à agir en leur nom.
Statuant par arrêt du 22 mai 2002, le Tribunal administratif a admis
le
recours formé par les hoirs de Y.________, annulé la décision
attaquée et
invité la Municipalité de X.________ à délivrer le permis de
construire
sollicité sans exiger la création de places de stationnement. Il a
admis la
recevabilité du recours formé par les hoirs de Y.________,
représentés par
A.________, quand bien même les autres membres de l'hoirie n'étaient
pas
nommément désignés dans le mémoire de recours et n'avaient pas
délivré une
procuration à A.________ l'habilitant à agir en leur nom, car le vice
avait
été réparé en cours de procédure. Il n'a pas vu matière à refuser
l'autorisation de construire requise dans le fait que la demande de
permis
était signée non pas par tous les héritiers, mais par A.________
uniquement,
car celle-ci était devenue l'unique propriétaire de la parcelle dans
l'intervalle. Sur le fond, il a retenu que les transformations
projetées
n'augmentaient pas le déficit en places de parc par rapport à la
situation
existant à l'entrée en vigueur de l'art. 70 RPE tant pour les
appartements
existants que pour le nouveau logement, car ce dernier remplaçait en
fait un
ancien atelier de polissage, et que la Municipalité de X.________
n'était pas
habilitée à subordonner la délivrance du permis à l'aménagement de
places de
parc sur la parcelle n° 89. Il a par ailleurs tenu pour excessive
l'obligation faite aux requérants de réaliser deux places de parc
pour le
nouveau logement, d'une surface brute utile de plancher d'environ 60
mètres
carrés, au regard de la norme SN 640'290 de l'Union suisse des
professionnels
de la route, qui exige une case de stationnement pour 80 à 100 mètres
carrés
de surface brute de plancher, mais au minimum une case par
appartement. Il
relevait enfin que l'aménagement de places de parc dans le jardin
porterait
préjudice à l'aspect des lieux dans la mesure où il impliquerait la
démolition partielle d'un mur de jardin ancien, qui prolonge vers
l'ouest la
perspective de la rue de la Rive et contribue à conférer à cet
endroit un
certain cachet.

B.
Agissant par la voie du recours de droit public pour violation des
art. 9 et
50 Cst., la Commune de X.________ demande au Tribunal fédéral
d'annuler cet
arrêt. Elle reproche au Tribunal administratif d'avoir violé son
autonomie en
s'écartant du texte clair de son règlement exigeant au minimum une
place de
parc par logement et en retenant qu'elle avait abusé de son pouvoir
d'appréciation en imposant deux places de stationnement pour répondre
aux
besoins du nouvel appartement; selon elle, les intimés ne
bénéficieraient
d'aucune situation acquise protégée qui les dispenserait de
l'obligation
d'aménager des places de parc sur leurs fonds. La cour cantonale
aurait par
ailleurs fait preuve d'arbitraire en considérant que la désignation
incomplète des hoirs de Y.________ dans l'acte de recours constituait
une
irrégularité formelle susceptible d'être réparée en cours de
procédure,
respectivement en refusant de tenir compte de ce vice sur la quotité
des
frais et des dépens alloués aux intimés. De même, elle aurait
arbitrairement
omis de voir un motif de refuser l'autorisation de construire
sollicitée dans
le fait que la demande de permis n'était pas signée par tous les
membres de
l'hoirie, mais par A.________ uniquement.
Invités à se déterminer, le Tribunal administratif et D.________ ont
renoncé
à déposer des observations. Les hoirs de Y.________ concluent au
rejet du
recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des
recours
qui lui sont soumis (ATF 128 I 46 consid. 1a p. 48; 128 II 66 consid.
1 p.
67).

1.1 En vertu de l'art. 34 al. 1 et 3 LAT, seule la voie du recours de
droit
public est ouverte contre l'octroi d'un permis de construire en zone
à bâtir
dans la mesure où la recourante fait essentiellement valoir des
griefs tirés
du droit de l'aménagement du territoire et de la violation de règles
cantonales de procédure (cf. ATF 123 II 88 consid. 1a/cc p. 92 et les
arrêts
cités).

1.2 Une commune a qualité pour agir par la voie du recours de droit
public en
invoquant une violation de son autonomie garantie à l'art. 189 al. 1
let. b
Cst. lorsque la décision attaquée l'atteint en tant que détentrice de
la
puissance publique. C'est en cette qualité que la Commune de
X.________ a
pris, par l'intermédiaire de sa Municipalité, la décision du 24 août
2001
annulée par le Tribunal administratif. Le recours est donc recevable
à cet
égard. Au demeurant, déterminer si, dans un domaine juridique
particulier,
une commune jouit effectivement d'une autonomie n'est pas une
question de
recevabilité, mais constitue l'objet d'une appréciation au fond (ATF
128 I 3
consid. 1c p. 7).

1.3 Le Tribunal administratif n'a pas accordé lui-même l'autorisation
litigieuse, mais il a invité la Municipalité de X.________ à le
faire. Cette
autorité ne dispose plus d'aucun pouvoir de décision et doit se
borner à
exécuter la mesure qui lui est ordonnée; ledit prononcé est donc une
décision
finale au sens de l'art. 87 OJ (ATF 120 Ia 369 consid. 1b p. 372; 116
Ia 442
consid. 1b p. 445/446). Au demeurant, une commune peut de toute façon
se
prévaloir d'un préjudice irréparable et exercer le recours de droit
public
contre une décision qui lui renvoie une affaire pour nouveau prononcé,
lorsqu'elle tient cette décision pour contraire à son autonomie (ATF
116 Ia
41 consid. 1b p. 44, 221 consid. 1d/aa p. 225). Le recours est donc
recevable
sous l'angle de l'art. 87 OJ. Les autres conditions de recevabilité
des art.
84 ss OJ sont au surplus réunies, de sorte qu'il convient d'entrer en
matière
sur le fond.

1.4 Selon l'art. 90 al. 1 let. b OJ, l'acte de recours doit, à peine
d'irrecevabilité, contenir un exposé succinct des droits
constitutionnels ou
des principes juridiques violés et préciser en quoi consiste la
violation.
Lorsqu'il est saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral
n'a
donc pas à vérifier de lui-même si l'arrêt attaqué est en tout point
conforme
au droit et à l'équité. Il n'examine que les griefs d'ordre
constitutionnel
invoqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours (ATF 127 I 38
consid.
3c p. 43). Une commune ne peut ainsi se contenter d'invoquer son
autonomie en
laissant au Tribunal fédéral le soin d'examiner lui-même le fondement
éventuel de ce droit; elle doit expliquer en détail en quoi consiste
son
autonomie dans le domaine particulier (ATF 119 Ia 197 consid. 1d p.
201; 114
Ia 80 consid. 1b p. 82, 315 consid. 1b p. 316; ZBl 89/1988, p. 330).
En
outre, dans un recours pour arbitraire fondé sur l'art. 9 Cst., la
recourante
ne peut se contenter de critiquer l'arrêt attaqué comme elle le
ferait dans
une procédure d'appel où l'autorité de recours revoit librement
l'application
du droit (ATF 117 Ia 412 consid. 1c p. 414). Elle doit préciser en
quoi
l'arrêt attaqué serait arbitraire, ne reposant sur aucun motif
sérieux et
objectif, apparaissant insoutenable ou heurtant gravement le sens de
la
justice (ATF 110 Ia 1 consid. 2a p. 3/4).
C'est à la lumière de ces principes qu'il convient d'examiner les
griefs de
la recourante.

2.
L'art. 50 al. 1 Cst. garantit l'autonomie communale dans les limites
du droit
cantonal. Selon la jurisprudence encore valable depuis l'entrée en
vigueur de
la nouvelle Constitution fédérale (cf. ATF 128 I 3 consid. 2a p. 8),
une
commune bénéficie de la protection de son autonomie dans les domaines
que le
droit cantonal ne règle pas de façon exhaustive, mais qu'il laisse en
tout ou
partie dans la sphère communale, conférant par là aux autorités
municipales
une liberté de décision appréciable (ATF 126 I 133 consid. 2 p. 136;
124 I
223 consid. 2b p. 226/227; 122 I 279 consid. 8b p. 290 et les arrêts
cités).
Il suffit que cette liberté puisse s'exercer, non pas dans un domaine
entièrement réservé à la commune, mais dans l'accomplissement des
tâches
particulières qui sont en cause, quelle que soit leur base juridique.
L'existence et l'étendue de l'autonomie communale dans une matière
concrète
sont déterminées essentiellement par la constitution et la législation
cantonales, voire exceptionnellement par le droit cantonal non écrit
et
coutumier (cf. ATF 122 I 279 consid. 8b p. 290; 116 Ia 285 consid. 3a
p. 287;
115 Ia 42 consid. 3 p. 44; 114 Ia 80 consid. 2b p. 83, 168 consid. 2b
p.
170). Lorsqu'elle est reconnue autonome dans un domaine spécifique,
une
commune peut dénoncer tant les excès de compétence d'une autorité
cantonale
de contrôle ou de recours que la violation par celle-ci des règles du
droit
fédéral, cantonal ou communal qui régissent la matière (ATF 128 I 3
consid.
2b p. 9). La commune est aussi habilitée à se plaindre d'arbitraire,
dans la
mesure où ce grief est étroitement lié à celui de violation de son
autonomie
(ATF 121 I 155 consid. 4 p. 159; 116 Ia 221 consid. 1c p. 224). Le
Tribunal
fédéral examine librement l'interprétation du droit constitutionnel;
en
revanche, il vérifie l'application de règles de rang inférieur à la
constitution cantonale sous l'angle restreint de l'arbitraire (ATF
128 I 3
consid. 2b p. 9 et la jurisprudence citée).
En droit vaudois, dans sa teneur en vigueur lors du dépôt du recours,
le
principe de l'autonomie communale découle de l'art. 80 de la
Constitution du
canton de Vaud du 1er mars 1885, dont l'alinéa 3 dispose que les
communes
jouissent de toute l'indépendance compatible avec le bien de l'Etat,
son
unité et la bonne administration des communes elles-mêmes. Tout en
reconnaissant une certaine autonomie aux communes, cette disposition
n'en
délimite pas l'étendue. Celle-ci est fixée par la loi vaudoise du 28
février
1956 sur les communes (LC), notamment par son art. 2 qui détermine les
attributions
et les tâches propres des autorités communales. Ces
dernières
sont autonomes en matière de droit des constructions, notamment pour
édicter,
dans leurs plans et règlements d'affectation, des prescriptions
relatives à
la création de places de stationnement (art. 45 al. 1 et 47 ch. 6 de
la loi
vaudoise du 4 décembre 1985 sur l'aménagement du territoire et les
constructions (LATC) et art. 40a de son règlement d'application). La
recourante a donc en principe qualité pour soutenir que le Tribunal
administratif aurait appliqué arbitrairement dans le cas d'espèce les
dispositions de son règlement communal fixant le nombre de places de
parc à
aménager sur son fonds par le constructeur (cf. ATF 108 Ia 74 consid.
2b p.
76; arrêt du Tribunal fédéral 1P.50/1988 du 8 juillet 1988, consid. 3,
concernant le versement d'une contribution compensatoire en lieu et
place de
l'obligation de réaliser des places de stationnement sur fonds privé).

3.
La Commune de X.________ reproche en premier lieu au Tribunal
administratif
de ne pas avoir déclaré d'emblée irrecevable le recours interjeté par
l'hoirie de Y.________, parce que le mémoire était signé par
A.________
uniquement et qu'il ne mentionnait pas l'identité de chacun des
membres de
l'hoirie. La cour cantonale serait tombée dans l'arbitraire en
considérant
que ces vices pouvaient être réparés en cours de procédure,
respectivement en
refusant d'en tenir compte dans la répartition des frais et dépens.
En l'espèce, le recours a été déposé au nom des "hoirs de Y.________,
pour
qui agit A.________", sans autre précision. Le Tribunal administratif
a
considéré que l'absence de désignation des autres membres de l'hoirie
dans
l'acte de recours ou d'une procuration de ces derniers en faveur de
A.________ en annexe au recours constituait une irrégularité formelle
susceptible d'être réparée; il a fait application de l'art. 35 al. 1
de la
loi vaudoise sur la juridiction et la procédure administratives
(LJPA), qui
lui permet d'octroyer à l'auteur d'un recours ne satisfaisant pas aux
exigences de forme de l'art. 31 LJPA un bref délai pour régulariser la
procédure. La recourante se borne à invoquer à l'appui de sa thèse un
arrêt
paru aux ATF 79 II 113 déclarant irrecevable une action intentée pour
le
compte d'héritiers non nommément désignés; elle ne tente en revanche
pas de
démontrer en quoi l'autorité intimée aurait fait preuve d'arbitraire
en
considérant que les vices précités constituaient des irrégularités
formelles
qui pouvaient être corrigés en vertu de l'art. 35 LJPA, conformément
d'ailleurs à une jurisprudence cantonale bien établie (RDAF 1992 p.
203). Le
recours ne répond pas sur ce point aux exigences de l'art. 90 al. 1
let. b
OJ. Au demeurant, examinée à l'aune de l'exigence de l'interdiction du
formalisme excessif (ATF 127 I 31 consid. 2a/bb p. 34; 125 I 166
consid. 3a
p. 170), la solution retenue en l'occurrence par la cour cantonale
est à tout
le moins soutenable et, partant, non arbitraire, s'agissant d'une
procédure
administrative moins formaliste, ce d'autant plus que A.________ est
devenue,
au cours de la procédure de recours cantonale, l'unique propriétaire
de la
parcelle n° 89. Pour le surplus, la recourante ne peut se prévaloir
d'un
intérêt personnel juridiquement protégé à faire constater une
éventuelle
violation des règles relatives à la répartition des frais et dépens,
dans la
mesure où elle n'est pas la débitrice de ces sommes (cf. ATF 117 Ia
341
consid. 2b p. 344; 114 Ia 20 consid. 1 p. 21/22; 113 Ia 94 consid.
1a/aa p.
95 et les arrêts cités). Le recours est donc irrecevable sur ce point.

4.
La recourante voit également un vice qui aurait dû amener la cour
cantonale à
refuser l'autorisation de construire sollicitée dans le fait que la
demande
de permis et les plans qui l'accompagnaient n'étaient signés que par
A.________, alors que l'hoirie était propriétaire de la parcelle.
Comme l'a relevé à juste titre la cour cantonale, l'attitude de la
recourante
n'est à cet égard guère compatible avec les règles de la bonne foi,
qui
doivent prévaloir dans les relations entre les autorités et les
particuliers
(cf. ATF 126 II 97 consid. 4b p. 104/105 et les références citées),
dès lors
qu'elle n'a formulé aucune remarque ou réserve à ce sujet dans le
cadre de la
décision prise le 24 août 2001, mais qu'elle se déclarait prête à
délivrer le
permis de construire à la condition que la requérante aménage quatre
places
de parc sur son fonds. Quoi qu'il en soit, le Tribunal administratif
n'a pas
débouté la Commune de X.________ pour ce motif, mais il a considéré
que le
vice dont elle se prévalait avait été réparé en cours de procédure,
étant
donné que A.________ était devenue seule propriétaire de la parcelle
n° 89,
et qu'une ratification a posteriori par les autres membres de l'hoirie
n'était dès lors pas nécessaire. Or, la recourante se limite à
contester la
possibilité de tenir ce vice pour réparé sans chercher à démontrer en
quoi
les motifs retenus pour admettre le contraire seraient insoutenables;
son
recours ne répond pas sur ce point aux exigences de l'art. 90 al. 1
let. b
OJ. La solution retenue aurait de toute manière résisté au grief
d'arbitraire
au regard des exigences déduites de l'interdiction du formalisme
excessif.
Enfin, pour les raisons évoquées au considérant précédent, la Commune
de
X.________ n'est pas légitimée à dénoncer une violation des règles de
répartition des frais et dépens.

5.
La recourante reproche au Tribunal administratif d'avoir violé l'art.
70 RPE
en libérant les intimés de l'obligation de réaliser sur leur fonds
quatre
places de parc pour satisfaire les besoins de ses occupants actuels et
futurs. Elle conteste la possibilité de les mettre au bénéfice de la
protection de la situation acquise eu égard à l'évolution des
conditions de
circulation et des besoins accrus en places de stationnement depuis
l'adoption de son règlement communal. Elle prétend enfin que
l'exigence de
quatre places de parc pour trois appartements ne serait pas excessive
et
pourrait être exécutée sans inconvénients majeurs.

5.1 L'art. 70 RPE, dont la violation est alléguée, prévoit que la
Municipalité fixe le nombre des places de stationnement ou de garages
pour
véhicules automobiles dont l'aménagement sur propriété privée incombe
exclusivement au propriétaire; elle décide en fonction de
l'importance et de
la destination des constructions (al. 1). Il est exigé au minimum une
place
de stationnement ou un garage par logement; les emplacements doivent
être
placés en retrait des alignements (al. 2).

5.2 En l'espèce, le Tribunal administratif a considéré que, dans la
mesure où
ils n'augmentaient pas le déficit en places de stationnement, les
travaux
litigieux étaient couverts par la protection de la situation acquise
et qu'en
l'absence d'un problème de stationnement aigu dans cette partie de la
localité, la Commune de X.________ n'était pas fondée à exiger des
intimés
l'aménagement de quatre places de parc sur la parcelle n° 89.
Nul ne conteste que le bâtiment des intimés n'est pas conforme à
l'art. 70
al. 1 RPE en tant qu'il ne dispose pas de places de parc sur fonds
privé pour
les besoins des deux logements existants. La possibilité de procéder
à des
travaux de transformation d'un bâtiment non réglementaire en zone à
bâtir
dépend en premier lieu du droit cantonal, sous réserve des exigences
découlant de l'art. 22 LAT (ATF 113 Ia 119 consid. 2a p. 122). La
liberté des
cantons dans ce domaine est toutefois limitée. La jurisprudence a en
effet
déduit de la garantie de la propriété et du principe de la
non-rétroactivité
des lois une protection de la situation acquise, laquelle postule que
de
nouvelles dispositions restrictives ne puissent être appliquées à des
constructions autorisées conformément à l'ancien droit que si un
intérêt
public important l'exige et si le principe de la proportionnalité est
respecté. Cette protection ne constitue qu'un minimum et les cantons
peuvent
la garantir dans une mesure plus étendue, pour autant que les
exigences
majeures de l'aménagement du territoire soient respectées (ATF 117 Ib
243
consid. 3c p. 247; 113 Ia 119 consid. 2a p. 122).
En droit vaudois, la question est réglée à l'art. 80 al. 2 LATC, qui
permet
au propriétaire d'un bâtiment existant non conforme aux règles de la
zone à
bâtir de procéder à des transformations dans les limites des volumes
existants pour autant qu'il n'en résulte pas une atteinte sensible au
développement, au caractère ou à la destination de la zone et que les
travaux
n'aggravent pas l'atteinte à la réglementation en vigueur ou les
inconvénients qui en résultent pour le voisinage. Le droit cantonal
accorde
ainsi aux propriétaires de constructions existantes non
réglementaires une
protection de la situation acquise plus étendue que celle consacrée
par la
jurisprudence déduite de l'art. 26 Cst. en autorisant les travaux de
transformation, sous certaines conditions dont nul ne conteste
qu'elles
seraient réalisées s'agissant des deux appartements existants.
On cherche en vain une disposition cantonale ou communale qui, à
l'instar de
l'art. 16 al. 2 de la loi bernoise sur les constructions du 9 juin
1985 ou du
§ 243 al. 2 de la loi zurichoise sur l'aménagement du territoire et
les
constructions du 7 septembre 1975, autoriserait la Commune de
X.________ à
imposer ultérieurement, et indépendamment d'un projet concret, aux
propriétaires de constructions ou d'installations existantes
l'obligation
d'aménager un nombre suffisant de places de stationnement; en
l'absence d'une
telle disposition, la recourante ne pourrait contraindre les intimés à
réaliser des places de parc sur leur fonds pour se conformer à l'art.
70 RPE
que si cette mesure répondait à un intérêt public important ou
s'imposait en
vertu du principe de la proportionnalité (ATF 117 Ib 243 consid. 3c
p. 247;
113 Ia 119 consid. 2a p. 322).
En l'espèce, le Tribunal administratif a répondu à cette question par
la
négative après avoir procédé à une vision locale. Il a alors constaté
que
vingt-six places de parc avaient récemment été aménagées en face de la
parcelle n° 89 et que la voie publique présentait à cet endroit une
largeur
suffisante pour permettre le stationnement de plusieurs véhicules
sans gêner
la circulation; il a également relevé la présence d'une parcelle
communale
susceptible de servir de parking en cas de besoin, quelques dizaines
de
mètres plus à l'ouest, le long de la rue de la Rive; il a estimé en
conséquence que la Commune de X.________ n'avait pas rendu
vraisemblable
l'existence d'un problème de stationnement aigu dans cette partie de
la
localité et, partant, la nécessité de faire respecter l'art. 70 al. 1
RPE.
La recourante ne prétend pas que les faits ainsi constatés seraient
inexacts,
mais elle critique les conséquences que la cour cantonale en a tirées,
s'agissant des problèmes de parcage rencontrés sur le territoire
communal;
selon elle, les places de parc édifiées sur la voie publique sont
destinées à
répondre aux besoins en place de parc causés par l'aménagement du
nouveau
port de plaisance et du bord du lac, à la suite des travaux de la
ligne de
chemin de fer reliant Yverdon à Neuchâtel. Elle craint que ces places
ne
suffisent plus à assurer la desserte de ces installations si elles
devaient
également être utilisées pour les besoins privés des habitants du
quartier.
L'obligation faite aux propriétaires de logement d'aménager des
places de
parc sur leur fonds répond à un intérêt public évident, dans la
mesure où
elle tend à éviter le stationnement de véhicules sur la voie publique
et les
trottoirs et à assurer la fluidité et la sécurité du trafic (ATF 112
Ia 88
consid. 1b p. 90; 107 Ia 72 consid. 2a p. 75; 98 IV 264 consid. 4 p.
269; 97
I 792 consid. 4a p. 797; 85 I 225 consid. 2 p. 234; Aldo Zaugg,
Kommentar zum
Baugesetz des Kantons Bern vom 9. Juni 1985, Berne 1995, 2ème éd., n.
3 ad
Art. 16-18, p. 168). Encore faut-il que le parcage sauvage constitue
réellement un problème pour qu'une telle obligation puisse être
imposée aux
propriétaires de logements existants, en l'absence d'une base légale
en ce
sens (cf. Franz Scheibler, Die Erstellung von Garagen, Parkplätzen und
Kinderspielplätzen als Baubedingung, thèse Zurich 1958, p. 72/73). La
Commune
de X.________ prétend que la situation du parcage serait tendue en
fin de
semaine et même le soir en semaine, malgré les places de parc
récemment
créées; elle ajoute que si ces places devaient être affectées à
d'autres
fins, il existerait un risque important d'être rapidement confronté à
une
pénurie aiguë de places de parc publiques. Les autorités communales
sont
certes en principe les mieux placées pour évaluer les problèmes de
parcage
rencontrés sur leur territoire. La Commune de X.________ a cependant
toléré
depuis plus de vingt ans que les occupants de l'immeuble érigé sur la
parcelle n° 89 se parquent sur la voie publique. En outre, le Tribunal
administratif n'a pas méconnu l'existence de problème ponctuel de
parcage
durant l'été, en cas de forte fréquentation de la plage et du port;
il a
toutefois constaté, sans être contredit sur ce point, que les intimés
pouvaient, en cas de nécessité, occuper l'espace sis devant leur
bâtiment
pour garer leur véhicule sans gêner le trafic automobile, voire une
parcelle
communale quelques dizaines de mètres plus à l'ouest, le long de la
rue de la
Rive. Dans ces conditions,
celui-ci pouvait sans arbitraire admettre
que le
problème du parcage ne se posait pas dans des conditions telles qu'il
permettait à la recourante d'astreindre les intimés à réaliser sur
leur fonds
deux places de parc pour les appartements existants (cf. Ernst
Kistler/René
Müller, Baugesetz des Kantons Aargau, Lenzburg 2002, 2ème éd., n. 5
ad § 55;
voir aussi Alain Griffel, Bauen im Spannungsfeld zwischen
Eigentumsgarantie
und Bauvorschriften, ZBl 103/2002 p. 182, et Fritz Frey, Die
Erstellungspflicht von Abstellplätzen für Motorfahrzeuge nach
zürcherischem
Recht, thèse Zurich 1987, p. 33/34, pour qui seuls des problèmes
aigus de
sécurité routière permettraient une application immédiate des
dispositions
nouvelles). Le recours est donc mal fondé en tant qu'il a trait aux
appartements existants.
La question est en revanche plus délicate, s'agissant du nouveau
logement que
les intimés entendent réaliser à l'étage de l'annexe. Le Tribunal
administratif a estimé que la protection de la situation acquise
s'étendait
également à cet aspect du projet, car ce local abritait autrefois un
atelier
de polissage, puis des bureaux jusqu'au début des années 80, qui
auraient
également nécessité l'aménagement de places de parc sur fonds privé.
La
création d'un logement dans un local qui accueillait autrefois des
activités
artisanales ou industrielles également génératrices d'un besoin en
places de
stationnement n'aggraverait par conséquent pas l'atteinte portée à
l'art. 70
RPE.
Ce faisant, la cour cantonale perd de vue que seule une affectation
effective
et sans interruption notable du local litigieux à de telles activités
pourrait permettre à son propriétaire de bénéficier de la garantie de
la
situation acquise (arrêt du Tribunal fédéral 1P.162/1993 du 13 août
1993,
consid. 3c, paru à la JAB 1994 p. 111). Or, tel n'est pas le cas,
selon les
faits retenus, du local situé à l'étage de l'annexe, qui a servi
d'atelier de
polissage, puis de bureau jusqu'au début des années 80, avant d'être
utilisé
comme débarras. Dans ces conditions, il n'est pas possible de mettre
la
propriétaire actuelle des lieux au bénéfice de la protection de la
situation
acquise en ce qui concerne cet aspect du projet. L'arrêt attaqué est
donc
arbitraire en tant qu'il libère pour ce motif A.________ de
l'obligation
d'aménager des places de parc sur sa parcelle en relation avec le
nouveau
logement. Cela n'entraîne pas encore l'admission du recours. Sans en
faire un
motif de rejet du recours, le Tribunal administratif a en effet
observé que
l'aménagement de places de parc sur la parcelle n° 89, pour autant
qu'elles
soient accessibles, porterait préjudice à l'aspect des lieux, dans la
mesure
où il impliquerait la démolition partielle d'un mur de jardin ancien,
qui
contribue à conférer un certain cachet à cet endroit, et une
diminution des
possibilités de parcage sur le domaine public devant la maison des
intimés.
Il n'est donc pas exclu que l'application de l'art. 70 RPE puisse être
écartée pour cette raison, s'agissant du nouveau logement prévu à
l'étage de
l'annexe. Dans ces conditions, il convient d'annuler l'arrêt attaqué
et de
renvoyer la cause au Tribunal administratif pour qu'il tranche
clairement
cette question et, le cas échéant, qu'il détermine le nombre de
places de
parc à réaliser sur fonds privé, compte tenu des critiques formulées
à ce
sujet par la Commune de X.________ à l'appui du présent recours.

6.
Le recours doit par conséquent être admis au sens des considérants,
dans la
mesure où il est recevable. La recourante, qui n'obtient que
partiellement
gain de cause, est dispensée des frais judiciaires (art. 159 al. 2
OJ). En
revanche, les intimés, qui succombent partiellement, s'acquitteront
d'un
émolument judiciaire réduit, solidairement entre eux (art. 156 al. 1,
3 et 7
OJ). Les dépens, auxquels la Commune de X.________ et les hoirs de
Y.________
ont en principe droit, sont compensés (art. 159 al. 3 OJ). Il n'y a
pas lieu
de mettre des frais à la charge de D.________, qui s'en est remis à
justice,
ni de lui allouer des dépens.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis au sens des considérants, dans la mesure où il
est
recevable; l'arrêt attaqué est annulé.

2.
Un émolument judiciaire de 1'000 fr. est mis à la charge des hoirs de
Y.________, solidairement entre eux.

3.
Les dépens dus à la recourante par les hoirs de Y.________, d'une
part, et
aux hoirs de Y.________ par la recourante, d'autre part, sont
compensés.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et de
D.________, ainsi qu'au Tribunal administratif du canton de Vaud.

Lausanne, le 31 octobre 2002

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.354/2002
Date de la décision : 31/10/2002
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-10-31;1p.354.2002 ?
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