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30/10/2002 | SUISSE | N°4P.134/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 30 octobre 2002, 4P.134/2002


{T 0/2}
4P.134/2002 /ech

Arrêt du 30 octobre 2002
Ire Cour civile

Les juges fédéraux Walter, président de la Cour, Corboz et Favre,
greffière de Montmollin

A.________ Société Fiduciaire SA,
recourante, représentée par Me Bertrand Reich, avocat, boulevard
St-Georges
72, 1205 Genève,

contre

X.________,
intimé, représenté par Me Michel Bosshard, avocat, rue de Candolle
16, 1205
Genève,
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, case
postale 3108,
1211 Ge

nève 3.

appréciation arbitraire des preuves en procédure civile

(recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre ...

{T 0/2}
4P.134/2002 /ech

Arrêt du 30 octobre 2002
Ire Cour civile

Les juges fédéraux Walter, président de la Cour, Corboz et Favre,
greffière de Montmollin

A.________ Société Fiduciaire SA,
recourante, représentée par Me Bertrand Reich, avocat, boulevard
St-Georges
72, 1205 Genève,

contre

X.________,
intimé, représenté par Me Michel Bosshard, avocat, rue de Candolle
16, 1205
Genève,
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, case
postale 3108,
1211 Genève 3.

appréciation arbitraire des preuves en procédure civile

(recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre civile de la
Cour de
justice du canton de Genève du 19 avril 2002)

Faits:

A.
A. ________ Société Fiduciaire SA (ci-après: A.________) assumait la
gestion
d'environ 500 sociétés, parmi lesquelles des sociétés belges,
anglaises,
espagnoles et panaméennes dont l'ayant droit économique était
Z.________,
promoteur immobilier belge. Y.________, administrateur et président du
conseil d'administration de A.________, simultanément l'un de ses
principaux
actionnaires, travaillait pratiquement à plein temps pour ce
promoteur et ses
sociétés. Le 6 mai 1987, X.________, retraité néerlandais, a acquis
de l'une
d'elles, C.________ Ltd (ci-après: C.________), dont Y.________ était
administrateur-président, la nue-propriété d'un bungalow en Espagne
ainsi que
divers droits réels et personnels contre paiement de 159 800 florins
hollandais (ci-après: NLG), versés en trois fois sur le compte de
C.________
auprès de D.________ Genève. Devant la carence de son cocontractant,
X.________a demandé à "retirer le capital investi", ce qui a donné
lieu à une
multitude de démarches aboutissant le 30 novembre 1992 à la signature
d'une
convention destinée à le dédommager. Cet accord portait sur la vente
d'un
appartement payé par compensation avec le montant encaissé dans le
cadre de
la promotion C.________, immeuble que la société venderesse devait
ensuite
aliéner pour le compte de X.________. L'acte de vente a été
finalement passé
le 10 septembre 1993, pour le prix de 490 000 Pts déjà payé.
X.________ne
s'est cependant vu proposer aucun acquéreur, la seule offre reçue
étant une
location qu'il a refusée.

Y. ________ a quitté sa fonction d'administrateur de A.________ au
début
décembre 1991, la radiation de ses pouvoirs ayant été publiée dans la
FOSC du
18 décembre 1991. Il a continué à travailler encore plusieurs années
pour
Z.________ dans des locaux sous-loués à A.________. C.________,
devenue
B.________ Ltd (ci-après: B.________), a été liquidée et radiée.
Z.________ a
été assassiné en Espagne en décembre 1998. Le détail de l'état de fait
susmentionné, connu des parties, ressort de l'arrêt rendu entre elles
par le
Tribunal de céans le 30 mai 2001 (4C.6/2001, p. 2 à 6).

B.
S'estimant lésé par la transaction des 30 novembre 1992-10 septembre
1993,
X.________a introduit des poursuites contre A.________, qui a ouvert
action à
son endroit pour faire constater qu'elle n'était pas sa débitrice
(art. 85a
LP). Reconventionnellement, X.________a conclu au paiement par
A.________ de
558 480 NLG, avec intérêts à 6% dès le 1er janvier 1998, montant
porté en
cours d'instance à 564 480 NLG avec intérêts, sous imputation de 30
411 fr.
(valeur moyenne du bungalow acquis en 1992-1993). Par jugement du 6
septembre
1999, le Tribunal de première instance de Genève a condamné
A.________ à
payer à X.________159 800 NLG, plus intérêts, sous imputation de 43
796 NLG,
ce dernier montant représentant la valeur du second bungalow, acquis
suite au
contrat des 30 novembre 1992-10 septembre 1993. Sur appel de
A.________, et
appel incident de X.________, la Cour de justice a annulé le jugement
de
première instance par arrêt du 10 novembre 2000. Elle a estimé que le
rapport
de causalité adéquate entre l'acte illicite susceptible d'être
reproché à
A.________ dans le cadre du premier contrat litigieux, de mai 1987,
et le
dommage allégué avait été rompu par le comportement dolosif de
Z.________,
"et, vraisemblablement, (de) W.________ ainsi que (de) Y.________",
lors de
la signature de la convention du 30 novembre 1992, qui reléguait à
l'arrière-plan les agissements antérieurs susceptibles d'être
reprochés à
A.________.

C.
X.________a recouru en réforme au Tribunal fédéral en concluant au
paiement,
par A.________, de 370 480 NLG, avec intérêts.

Statuant le 30 mai 2001, le tribunal de céans a renvoyé la cause à la
cour
cantonale pour examiner le caractère illicite et fautif des actes
reprochés à
A.________ en 1987 ainsi que la portée de la convention du 30
novembre 1992
sur la dette de A.________. Dans l'hypothèse d'une responsabilité de
cette
dernière, la cour devait procéder au calcul du préjudice subi par
X.________.

D.
Par arrêt du 19 avril 2002, la Cour de justice a condamné A.________
à payer
à X.________la somme de 278 013 fr. (contre-valeur de 370 684 NLG),
portant
intérêts à 5% dès le 8 janvier 1998; elle a prononcé la mainlevée
définitive
de l'opposition formée par A.________ au commandement de payer
correspondant.

En substance, la cour cantonale a retenu un cas de
"Doppelorganschaft",
jugeant que les faits produits entre mars 1987 et le 10 septembre 1993
constituaient un dol intentionnel de la part de Y.________, et
engageaient la
responsabilité de A.________ dans le cadre de l'exécution du mandat de
gestion que cette dernière lui avait confié pour l'administration de
C.________/B.________. Sans la tromperie dont il avait été victime,
X.________aurait pu placer son capital de 159 800 NLG à 14%,
affirmation non
contredite par A.________, de sorte que son dommage ascendait à 414
480 NLG,
sous déduction des 43 796 NLG représentant la valeur du second
bungalow,
acquis suite au contrat du 30 novembre 1992-10 septembre 1993, selon
l'estimation d'un expert privé espagnol, ingénieur de formation. Le
montant
du dommage était en définitive de 370 684 NLG, avec intérêts à 5% dès
le 8
janvier 1998. Le rapport de causalité naturelle et adéquate entre
l'acte
illicite de 1987 et le dommage était établi et non interrompu. Aucune
faute
concomitante ne pouvait être imputée à X.________, qui avait, à
l'époque, été
dissuadé de faire des vérifications au vu de la publicité efficace et
richement illustrée; de même A.________ ne pouvait faire grief à
X.________d'avoir refusé l'offre de louer le second bungalow,
proposition non
établie et de plus susceptible de faire obstacle à la vente dudit
immeuble.
Par surabondance de motifs, la cour a retenu que Y.________ et
A.________
s'étaient aussi rendus coupables de culpa in contrahendo envers
X.________,
lui causant de ce fait un dommage d'un montant identique.

E.
Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt mentionné ci-dessus. Invoquant
l'art. 9
Cst., la recourante reproche à la cour cantonale d'avoir fixé à 43
796 NLG le
prix du bungalow acquis en 1992/1993 en se fondant sur une expertise
privée, sans valeur procédurale, alors qu'il incombait à l'intimé
d'établir
le montant de son préjudice en vertu des art. 126, 186 et 222 de la
loi de
procédure civile genevoise, du 10 avril 1987 (LPC/GE). De même, la
Cour de
justice aurait procédé à des constatations de fait arbitraires en ce
qui
concerne l'influence, la conviction et l'intention de Y.________.

L'intimé conclut au rejet du recours et sollicite l'assistance
judiciaire.

La cour cantonale se réfère à son arrêt.

F.
Parallèlement, la recourante a déposé un recours en réforme contre
l'arrêt
cantonal.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Conformément à la règle générale (art. 57 al. 5 OJ), il convient
d'examiner
le recours de droit public en premier lieu.

2.
Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine que
les
griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans
l'acte
de recours (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 128 III 50 consid. 1c et les
arrêts
cités, p. 53/54).

3.
Selon la jurisprudence, une décision est arbitraire lorsqu'elle est
manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un
principe
juridique clair et indiscuté, ou encore heurte de manière choquante le
sentiment de la justice et de l'équité, ce qu'il appartient au
recourant
d'établir (ATF 125 I 492 consid. 1b p. 495 et les arrêts cités). Il
ne suffit
pas que sa motivation soit insoutenable; encore faut-il que la
décision
apparaisse arbitraire dans son résultat. A cet égard, le Tribunal
fédéral ne
s'écarte de la solution retenue que si celle-ci apparaît
insoutenable, en
contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans
motif
objectif et en violation d'un droit certain. Il n'y a pas arbitraire
du seul
fait qu'une autre solution paraît également concevable, voire même
préférable
(ATF 128 I 81 consid. 2 p. 86, 177 consid. 2.1 p. 182; II 259 consid.
5 p.
280; 127 I 54 consid. 2b p. 56, 60 consid. 5a p. 70 et les arrêts
cités),
étant souligné que le juge cantonal dispose d'un large pouvoir
d'appréciation
en ce qui concerne l'appréciation des preuves (ATF 127 I 38 consid.
2a p. 41;
124 I 208 consid. 4 p. 211; 120 Ia 31 consid. 2d p. 37/38; 118 Ia 28
consid.
1b p. 30 et les arrêts cités).

4.
La recourante fait tout d'abord grief à la Cour de justice d'avoir
arbitrairement admis l'allégué de l'intimé selon lequel la valeur de
l'immeuble qui lui a été vendu à la suite de la convention du 30
novembre
1993 avait une valeur inférieure au montant de 159 800 NLG versé en
1987.
Elle reproche à la cour cantonale de s'être fondée sur une expertise
privée
contestée et le témoignage d'un tiers alors que tant la jurisprudence
que la
doctrine cantonales dénient toute valeur probante à une expertise
privée et
interdisent à un témoin de procéder à des estimations techniques, la
procédure n'imposant pas aux parties de motiver leur contestation.

4.1 L'art. 186 al. 1 LPC/GE met le fardeau de la preuve à la charge
de la
partie qui allègue un fait, pour en déduire soit un droit, soit sa
libération. L'art. 126 LPC/GE, traitant des faits offerts en preuve,
prescrit
que la partie qui se prévaut desdits faits est tenue de les articuler
avec
précision, et celle à laquelle ils sont opposés de reconnaître ou
dénier
chacun des faits catégoriquement (art. 126 al. 2 LPC/GE). D'après la
jurisprudence cantonale, citée par les commentateurs, "contrairement
à une
pratique trop répandue, une simple contestation globale est
insuffisante".
Une certaine souplesse est admise en faveur de la partie qui articule
les
faits en premier, car "seule la partie qui s'exprime en dernier est
en mesure
de contester, avec la précision utile, les allégués de son adversaire"
(Bertossa/Gaillard/Guyet, Commentaire de la LPC/GE n. 3 ad art. 126).

4.2 En l'espèce, l'intimé a fixé son dommage, en dernier lieu, au
montant
versé en 1987, soit 159 800 NLG, sous imputation de la valeur de la
maison
reçue en 1993, qu'il estimait au plus à 44 000 NLG, alors que la
recourante
estime que cet immeuble avait une valeur de l'ordre de 120 000 fr.

S'il appartenait à l'intimé d'établir le montant du dommage qu'il
allègue, la
recourante devait aussi prouver, ou à tout le moins contribuer à
prouver le
fait libératoire qu'elle avançait, soit que l'immeuble cédé en 1993
valait
environ 120 000 fr. Il ne suffisait pas d'alléguer que la valeur de
l'immeuble s'élève à cette dernière somme, tout simplement parce que
l'intimé
avait payé en 1987 159 800 NLG et qu'il n'avait pas immédiatement
envisagé
l'annulation du contrat des 30 novembre 1992 - 10 septembre 1993.
D'ailleurs,
dans ses conclusions motivées après enquêtes au Tribunal de première
instance, du 21 mai 1999, la recourante se plaint uniquement du
caractère non
contradictoire de la fixation de la valeur de cette propriété et non
pas de
l'estimation, qu'elle conteste globalement. A ce propos, la
recourante relève
que l'intimé avait d'abord arrêté cette valeur à 490 000 Pts, avant
de se
référer à une expertise privée établissant celle-ci à 3 318 000 Pts,
sans
toutefois en tirer aucun moyen, ni aucune conclusion. Dans son mémoire
d'appel à la Cour de justice, du 25 octobre 1999, la recourante
conclut au
déboutement de l'intimé, mais pas formellement à ce que la Cour de
justice
ordonne une expertise judiciaire du bien-fonds acquis en 1992/1993, ou
qu'elle renvoie la cause au Tribunal de première instance dans ce
sens. La
recourante, alors appelante, mentionne seulement, en p. 27 de son
écriture,
que la détermination de la valeur actuelle de la propriété
immobilière de
l'intimé constitue une question de fait qui requiert l'avis d'un
spécialiste,
aux termes de l'art. 255 LPC/GE et que, "si une telle expertise
devait être
ordonnée" il incomberait à l'intimé d'en avancer les frais.

En renonçant à ordonner une telle expertise judiciaire, ou à renvoyer
la
procédure au Tribunal de première instance, pour que ce dernier
conduise
lui-même la procédure d'expertise, la Cour de justice a procédé à une
appréciation anticipée des preuves. Il est possible de la sorte de
renoncer à
l'administration de certaines preuves offertes lorsque le fait à
établir est
sans importance pour la solution du cas, qu'il résulte déjà de
constatations
ressortant du dossier ou lorsque le moyen
de preuve avancé est
impropre à
fournir les éclaircissements nécessaires. Le juge peut ainsi
s'abstenir
d'administrer les nouvelles preuves requises, lorsque leur inutilité
lui
apparaît au vu du dossier, sur la base duquel il a déjà pu forger sa
conviction. Une telle appréciation anticipée des preuves n'est pas
contraire
au droit d'être entendu de la recourante, moyen que celle-ci n'invoque
d'ailleurs pas (sur la notion d'appréciation anticipée des preuves:
ATF 119
Ib 492 consid. 5b/bb p. 505/506 et les arrêts cités; 122 V 157
consid. 1d p.
162; 122 III 219 consid. 3c p. 223/224; 124 I 274 consid. 5b p. 285;
127 III
519 consid. 2a p. 522 i.i, et les références).

Ainsi, la cour cantonale pouvait sans arbitraire retenir l'estimation
à
laquelle était parvenu l'expert privé au terme d'une étude
"approfondie",
confirmée ensuite par la déposition d'un témoin, qui l'ont renseignée
suffisamment sur la valeur de l'immeuble acquis en 1992/1993 par
l'intimé -
quand bien même, la cour l'a expressément souligné, l'expertise ne
revêtait
pas la valeur probante d'une expertise judiciaire et qu'un témoin doit
s'exprimer sur des faits. Ce faisant, la Cour de justice n'a pas vidé
de leur
substance les dispositions cantonales invoquées par la recourante,
mais a
fait usage de sa faculté d'apprécier par anticipation les preuves
d'une
manière qui résiste au grief d'arbitraire, compte tenu du large
pouvoir
d'appréciation qui lui est reconnu en cette matière (ATF 115 Ib 446
consid.
3a p. 450 in fine).

5.
La recourante soutient que la Cour de justice a arbitrairement retenu
l'influence, les convictions, puis l'intention de dissimulation de
Y.________
à l'égard de l'intimé, éléments dans lesquels la juridiction
cantonale a vu
une culpa in contrahendo.

5.1 Il ressort des constatations de fait non critiquées des juges
cantonaux
que Y.________, en sa qualité d'administrateur-président de
C.________/B.________, travaillait presque à plein temps comme
conseiller
financier, juridique et fiscal, et recevait toute la correspondance
concernant les sociétés de Z.________. Les sociétés dont Z.________
était
l'ayant droit n'avaient pas de bureau à leur siège, qui n'était
qu'une simple
domiciliation. Ces sociétés n'employaient pas d'autre personnel que
Y.________ et l'infrastructure de A.________ mise à leur disposition.
La
publicité diffusée dès 1985 mettait l'accent sur le contrôle de
C.________
par un bureau suisse de comptables, membre de la Chambre suisse
d'experts-comptables, en mentionnant l'adresse genevoise du centre
administratif de C.________, qui était celle de A.________, et en
indiquant
le nom de ses administrateurs, par ailleurs tous organes de cette
dernière,
dont le nom n'était toutefois pas cité. Ce centre administratif
jouait ainsi
un rôle important aux yeux des acquéreurs éventuels de bungalows dans
le
cadre d'un projet immobilier présenté comme étant de grande envergure.

De plus, en sa qualité d'administrateur-président de
C.________/B.________,
Y.________ était informé des difficultés rencontrées par les
promotions de
Z.________, et notamment de l'impossibilité de tenir les engagements
esquissés dans la publicité et pris par le contrat du 6 mai 1987, dès
lors
que les bâtiments ne pouvaient être achevés cette année-là,
puisqu'aucun
permis de construire n'avait été délivré ni aucun crédit de
construction
octroyé. Pareillement, le rendement de l'investissement promis par
contrat du
6 mai 1987, à raison de 10% pendant les dix premières années
d'exploitation,
dès le 1er janvier 1988, était d'autant plus illusoire qu'aucune
réalisation
n'était effectuée sur le terrain, sous réserve du tracé de voies
d'accès. En
constatant ces faits, qui ressortent de divers documents du dossier
et de
témoignages, et en remarquant que l'intimé, qui n'avait pas été
informé de
ces retards et de ces difficultés, était resté persuadé que les
qualités
promises dans le contrat du 6 mai 1987 étaient effectives, la Cour de
justice
n'a pas violé le large pouvoir d'appréciation des preuves qui lui est
reconnu
par la jurisprudence citée plus haut.

Cette appréciation n'est pas remise en cause par le fait que la
recourante
soutienne que Y.________ et l'intimé ne se sont jamais rencontrés,
étant
toutefois rappelé qu'ils sont les signataires du contrat litigieux du
6 mai
1987. Fondée sur l'ensemble des faits constatés dans le dossier, la
juridiction cantonale pouvait sans arbitraire écarter le témoignage de
Y.________, dans la mesure où la conviction de ce dernier que le
projet
contesté se réaliserait, malgré un certain retard qui ne serait pas
de nature
à diminuer le rendement moyen promis, était contredite par d'autres
témoignages. Elle a aussi pris en considération, de manière
soutenable, des
éléments rendant peu crédibles la déposition de Y.________ relatant
ses
estimations prospectives, tels l'absence de permis de construire et
le défaut
de crédit de construction. De par sa position
d'administrateur-président de
C.________, en homme d'affaires expérimenté et faisant valoir le
sérieux et
la notoriété du "Bureau suisse de comptables" dont il était également
administrateur, lequel assumait le contrôle et la revision de
C.________,
Y.________ se trouvait dans la position idoine pour savoir que la
plupart des
stipulations du contrat du 6 mai 1987 ne seraient jamais accomplies et
exécutées à la date promise du 1er janvier 1988. Les espérances qu'il
nourrissait à l'égard de ce projet ne changent rien à cette
situation, et
auraient à tout le moins exigé de lui qu'il informât les acquéreurs
éventuels
d'un ajournement des délais prévus, avec les conséquences de ce fait
sur
l'exploitation du Club et le rendement promis. Et ceci, avec ou sans
entretien personnel, de vive voix, entre les amateurs concernés et
lui-même.

Comme l'appréciation des preuves effectuée par la Cour de justice
échappe
également sur ce point au grief d'arbitraire, le recours de droit
public doit
être rejeté.

6.
La recourante, qui succombe, sera condamnée aux frais judiciaires et
au
paiement d'une indemnité de dépens en faveur de l'intimé. Ce dernier a
sollicité l'assistance judiciaire. Celle-ci permettrait, pour autant
que la
requête soit admise, de faire supporter les honoraires de son avocat
par la
caisse du Tribunal fédéral pour le cas où les dépens ne pourraient
être
recouvrés (art. 152 al. 2 OJ). En l'occurrence toutefois, force est de
constater que la condition de l'indigence n'est pas, ou plus,
réalisée. Le
requérant et son épouse, qui ont certes des revenus dérisoires,
disposent en
effet d'une fortune immobilière équivalant à 718 000 FF, soit environ
171 000
fr., à laquelle s'ajoute une fortune mobilière d'à peu près 48 400
fr., à
savoir un total de 219 000 fr. représentant un montant par personne
d'approximativement 109 000 fr. (sans compter les montants que la
recourante
devra leur verser ensuite du rejet de ses recours devant le Tribunal
fédéral). Cette somme est supérieure à la "réserve de secours", limite
inférieure en dessous de laquelle la fortune ne peut pas être prise en
considération pour l'octroi éventuel de l'assistance judiciaire, et
qui,
selon les circonstances concrètes du cas, varie de 20 000 fr. à 40
000 fr.
pour une personne seule (arrêt du Tribunal fédéral 4P.158/2002 du 16
août
2002, consid. 2.2).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
La demande d'assistance judiciaire déposée par l'intimé est rejetée.

2.
Le recours est rejeté.

3.
Un émolument judiciaire de 3000 fr. est mis à la charge de la
recourante.

4.
La recourante versera à l'intimé une indemnité de 4000 fr. à titre de
dépens.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 30 octobre 2002

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.134/2002
Date de la décision : 30/10/2002
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-10-30;4p.134.2002 ?
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