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29/10/2002 | SUISSE | N°5P.343/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 29 octobre 2002, 5P.343/2002


{T 0/2}
5P.343/2002 /frs

Arrêt du 29 octobre 2002
IIe Cour civile

Les juges fédéraux Bianchi, président,
Nordmann, Escher,
greffière Mairot.

Dame J.________ (épouse),
recourante, représentée par Me Renaud Lattion, avocat,
rue des Remparts 9, 1400 Yverdon-les-Bains,

contre

J.________ (époux),
intimé, représenté par Me Anne-Louise Gillièron, avocate,
rue du Lac 7, case postale 1356, 1400 Yverdon-les-Bains,
Tribunal d'arrondissement de la Broye et du Nord Vaudois, rue des
Moulins

8,
1400 Yverdon-les-Bains.

art. 9 et 29 al. 2 Cst. (mesures protectrices de l'union conjuagle),

recours de d...

{T 0/2}
5P.343/2002 /frs

Arrêt du 29 octobre 2002
IIe Cour civile

Les juges fédéraux Bianchi, président,
Nordmann, Escher,
greffière Mairot.

Dame J.________ (épouse),
recourante, représentée par Me Renaud Lattion, avocat,
rue des Remparts 9, 1400 Yverdon-les-Bains,

contre

J.________ (époux),
intimé, représenté par Me Anne-Louise Gillièron, avocate,
rue du Lac 7, case postale 1356, 1400 Yverdon-les-Bains,
Tribunal d'arrondissement de la Broye et du Nord Vaudois, rue des
Moulins 8,
1400 Yverdon-les-Bains.

art. 9 et 29 al. 2 Cst. (mesures protectrices de l'union conjuagle),

recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal d'arrondissement
de la
Broye et du Nord Vaudois du 7 août 2002.

Faits:

A.
A.a Dame J.________, née M.________, et J.________, se sont mariés à
Yverdon-les-Bains le 20 décembre 1991. Une enfant est issue de cette
union:
X.________, née le 2 janvier 1993.

A la requête de l'épouse, le président du Tribunal d'arrondissement
de la
Broye et du Nord Vaudois a, le 23 mars 2001, autorisé les époux, à
titre de
mesures protectrices d'urgence, à vivre séparés pendant six mois, la
garde de
l'enfant étant attribuée à la mère.

Par prononcé de mesures protectrices de l'union conjugale du 14 juin
2001, ce
magistrat a, notamment, astreint l'épouse à contribuer à l'entretien
du mari
par le versement d'une pension mensuelle de 1'000 fr. dès le 1er
avril 2001,
sous déduction des rentes complémentaires AVS lui revenant, pour elle
et sa
fille, encaissées durant une certaine période par le mari.

L'épouse a appelé de ce prononcé. Le 15 octobre 2001, le Tribunal
d'arrondissement de la Broye et du Nord Vaudois a réformé la décision
du 14
juin 2001, en ce sens que le montant de la contribution d'entretien
est fixé
à 500 fr. par mois dès le 1er octobre 2001.

A.b Lors de l'audience d'appel tenue le 20 septembre 2001, le mari
avait
pris des conclusions nouvelles tendant au versement d'une contribution
d'entretien de 1'700 fr. par mois dès le 1er octobre 2001.

Par procédé écrit du 5 décembre 2001, l'épouse a conclu
principalement au
rejet de la requête du mari du 20 septembre 2001 et,
reconventionnellement, à
la suppression de toute contribution mise à sa charge. Statuant le 27
décembre 2001, le président du Tribunal d'arrondissement a rejeté les
conclusions du mari, admis partiellement celles, reconventionnelles,
de
l'épouse et astreint celle-ci à contribuer à l'entretien du
crédirentier par
le versement d'une pension mensuelle de 200 fr. dès le 1er octobre
2001.

B.
Chacune des parties a interjeté appel contre le prononcé du 27
décembre 2001.
L'épouse a conclu à la suppression de la contribution d'entretien et
le mari,
à ce que celle-ci soit fixée à 1'700 fr. par mois.

Lors de l'audience d'appel tenue le 14 mai 2002, les parties sont
convenues
de vivre séparées pour une durée indéterminée, avec effet au 1er
janvier 2002
et selon les modalités prévues par les prononcés et arrêts
antérieurs, sous
réserve de l'arrêt sur appel à intervenir. Cette convention a été
ratifiée
par le Tribunal d'arrondissement.

Par arrêt du 7 août 2002, le tribunal a, notamment, rejeté l'appel de
l'épouse et admis partiellement celui du mari, en ce sens que le
montant de
la contribution d'entretien est fixé à 750 fr. par mois dès le 1er
octobre
2001.

C.
Agissant par la voie du recours de droit public au Tribunal fédéral,
l'épouse
conclut à l'annulation de l'arrêt du 7 août 2002.

Des observations n'ont pas été requises.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Selon une jurisprudence récemment confirmée, les décisions de mesures
protectrices de l'union conjugale peuvent faire l'objet d'un recours
de droit
public pour violation des droits constitutionnels, à l'exclusion d'un
recours
en réforme (ATF 127 III 474 consid. 2a et b p. 476 ss et les arrêts
cités).
Les griefs soulevés par la recourante ne pouvant être soumis par un
autre
moyen de droit au Tribunal fédéral, le présent recours est dès lors
recevable
au regard de l'art. 84 al. 2 OJ. Formé en temps utile - compte tenu
de la
suspension des délais prévue par l'art. 34 al. 1 let. b OJ - contre
un arrêt
rendu en dernière instance cantonale, il est également recevable
selon les
art. 86 al. 1 et 89 al. 1 OJ.

2.
La recourante reproche à l'autorité cantonale d'avoir retenu, à titre
de
revenu locatif de l'intimé, un montant de l'ordre de 500 fr. par mois
seulement, en se fondant sur des pièces lacunaires et contradictoires.
L'intéressé n'ayant pas produit tous les justificatifs, pourtant
régulièrement requis, qui auraient permis d'établir ses gains avec
précision,
le tribunal aurait dû, selon elle, sanctionner ce manque de
collaboration à
l'administration des preuves en le déboutant de ses conclusions. Elle
se
plaint sur ce point d'une violation de son droit d'être entendue
ainsi que
d'arbitraire dans la constatation des faits.

2.1 L'autorité cantonale s'est déclarée convaincue, au terme d'une
instruction, qu'il n'y avait pas lieu de s'écarter de ce montant
approximatif
admis par le premier juge. En effet, le mari avait contracté, les 26
juin
1992, 24 mai 1993 et 1er août 2001, trois baux, dont un bail
commercial,
concernant la maison dont il est propriétaire dans le Jura français,
pour des
loyers respectifs de 13'200 francs français (FRF) par année (bail
commercial), de 28'800 FRF par année dès 1998 (bail du concierge) et
de 3'000
FRF par mois, ramené à 228,67 euros en raison de l'état de
l'appartement. En
convertissant ces montants en francs suisses, on obtenait un revenu
locatif
brut de 1'218 fr. par mois, soit de 275 fr. pour le premier bail, de
600 fr.
pour le deuxième et de 343 fr. pour le dernier. De ce revenu brut de
1'218
fr., il fallait déduire les charges locatives d'un montant de 649 fr.
par
mois, à savoir les frais de gérance, par 67 fr., les taxes foncières,
par 112
fr., l'assurance incendie, par 96 fr., les intérêts hypothécaires,
par 74 fr.
et, enfin, les frais d'entretien de l'immeuble, qui pouvaient en tout
cas
être estimés à 300 fr. Le revenu locatif net était ainsi de 569 fr.
par mois
(1'218 fr. - 649 fr.). L'autorité cantonale a considéré qu'il
convenait
d'arrondir cette somme à 500 fr., compte tenu des travaux d'entretien
que le
mari allait devoir effectuer dans le courant de l'année pour remédier,
notamment, à des problèmes d'humidité et d'effondrement de la toiture,
travaux dont il n'était pas encore en mesure de chiffrer le coût.

2.2 La recourante ne s'en prend pas directement à cette motivation.
Dans une
argumentation essentiellement appellatoire, partant, irrecevable
(art. 90 al.
1 let. b OJ; ATF 126 III 534 consid. 1b p. 536; 125 I 492 consid. 1b
p. 495),
elle se contente d'affirmer, sans rien démontrer, que les pièces
qu'elle
avait requises n'ont pas toutes été fournies par l'intimé, qui n'a
produit
notamment aucun document bancaire ni un état sérieux des encaissements
mensuels de ses loyers, avec des dates précises. Elle soutient en
outre qu'il
existerait un sérieux doute quant à la réalité des chiffres transmis
par le
cabinet chargé de la gérance de l'immeuble, dont les diverses
attestations
seraient "très approximatives et contradictoires", puisque chacune
d'elles
mentionnerait des montants différents qui, de surcroît, ne
correspondraient
pas aux chiffres, beaucoup plus élevés, figurant dans les baux à
loyer.

Ce faisant, elle ne prétend pas que l'autorité cantonale aurait
refusé de
donner suite à ses réquisitions de pièces. Cette juridiction y a
d'ailleurs
fait droit, selon les propres dires de la recourante. On ne voit donc
pas en
quoi son droit d'être entendue - dont elle ne précise du reste pas
s'il se
fonde sur l'art. 29 al. 2 Cst. ou sur le droit cantonal de procédure
- aurait
été violé. Son grief revient en réalité à se plaindre d'arbitraire
dans
l'appréciation des preuves. Autant qu'il est suffisamment motivé
(art. 90 al.
1 let. b OJ), ce moyen apparaît infondé. Le seul fait que les
attestations de
la gérance de l'immeuble fassent état de montants - dont la
recourante ne
précise pas s'ils sont bruts ou nets - présentant des divergences ne
suffit
manifestement pas à prouver que l'autorité cantonale aurait retenu un
revenu
locatif arbitrairement bas. En effet, il n'est pas contesté que
celle-ci
s'est fondée sur les loyers figurant dans les baux; or la recourante
reconnaît elle-même qu'il s'agit de montants plus élevés que ceux
mentionnés
sur les attestations de la gérance. Que celles-ci présentent
d'éventuelles
différences est dès lors sans pertinence.

3.
Dans un autre grief, la recourante soutient que la séparation d'avec
son mari
doit être considérée comme définitive malgré l'absence de procédure en
divorce, les conditions d'une telle action n'étant actuellement pas
remplies.
Par conséquent, l'autorité cantonale aurait commis arbitraire en
octroyant
une contribution d'entretien à l'intimé, qui bénéficie d'un
disponible de
1'043 fr. par mois, au lieu d'appliquer l'art. 125 CC, disposition
selon
laquelle l'allocation d'une pension n'est envisageable que lorsque
l'époux
concerné ne peut pourvoir lui-même à son entretien convenable.

3.1 Pour fixer la contribution pécuniaire à verser par l'une des
parties à
l'autre selon l'art. 176 al. 1 ch. 1 CC, le juge doit en principe se
baser
sur la répartition des tâches entre les époux, qu'elle résulte d'une
entente
tacite ou expresse, ainsi que sur le mode et le contenu de la
contribution de
chacun d'eux (art. 163 al. 2 CC). Selon la doctrine, la structure de
la
communauté conjugale ne doit en effet pas être totalement modifiée
dans le
cadre des mesures protectrices, sous peine de préjuger du divorce
(Schwander,
Commentaire bâlois, n. 2 ad art. 176 CC). Le premier but de ces
mesures étant
d'amener les époux à se réconcilier ou, à tout le moins, d'éviter que
la
désunion ne se consomme (Deschenaux/ Steinauer/Baddeley, Les effets du
mariage, Berne 2000, n. 609 p. 266/267), il y a généralement lieu de
se
fonder sur la façon dont le mariage était vécu jusqu'alors et de s'en
tenir
aux relations qui existaient entre les époux (Hausheer/Reusser/Geiser,
Commentaire bernois, 1999, n. 18 ad art. 176 CC). Lorsqu'on ne peut
plus
sérieusement compter sur une reprise de la vie commune, l'indépendance
économique des conjoints devient toutefois un but prépondérant. Dans
ce cas,
les critères applicables à l'entretien après le divorce doivent être
pris en
considération pour évaluer la contribution due entre les conjoints
(ATF 128
III 65 consid. 4 p. 67 ss et les références).

3.2 L'arrêt attaqué constate que les parties sont séparées depuis le
23 mars
2001, sans contenir d'autres indications qui permettraient d'établir
le
caractère, irrémédiable ou non, de cette séparation. La recourante
affirme
toutefois clairement sa volonté de divorcer, et soutient que
l'absence de
demande de sa part en ce sens n'est que la conséquence du nouveau
droit, qui
exige en principe l'écoulement d'un délai de séparation de quatre ans
(art.
114 CC). Quoi qu'il en soit, elle ne démontre pas que la solution
retenue par
l'autorité cantonale serait insoutenable, en contradiction manifeste
avec la
situation effective, adoptée sans motif objectif ou en violation d'un
droit
certain (ATF 127 I 54 consid. 2b p. 65, 60 consid. 5a p. 70).
Considérant que
le disponible du mari était de 1'043 fr. (3'508 fr. - 2'465 fr.) et
celui de
l'épouse, de 3'173 fr. (6'773 fr. - 3'600 fr.), le tribunal a estimé
qu'il se
justifiait de répartir cette différence, de 2'130 fr., à raison de
2/3 pour
la mère et la fille et de 1/3 pour le conjoint. Il a dès lors fixé à
750 fr.
par mois le montant de la contribution d'entretien due à l'intimé.
Même si
l'on se réfère à l'art. 125 CC, il n'est pas établi que cette
décision soit
arbitraire. En effet, l'époux qui dépend de l'autre pour son entretien
convenable au sens de cette disposition a droit, dans l'idéal, à un
montant
qui, ajouté à ses ressources propres, lui permette de maintenir le
même train
de vie que son conjoint. Pour arriver à ce résultat, l'une des
méthodes
préconisées par la doctrine est celle dite du minimum vital, avec
répartition
de l'excédent (cf. arrêt du Tribunal fédéral 5C.205/2001 consid. 4c
et les
références citées). La recourante ne saurait dès lors reprocher au
tribunal
d'avoir procédé à un "partage des revenus des parties". De plus,
contrairement à ce qu'elle prétend, l'allocation d'une contribution
d'entretien à l'intimé ne peut être qualifiée d'arbitraire du seul
fait que
celui-ci dispose d'un solde de 1'043 fr. Il s'agit bien plutôt de
savoir s'il
peut pourvoir à son entretien "convenable", ce que la recourante
n'entreprend
pas de démontrer. Pour le surplus, elle se borne à soutenir qu'il est
choquant de mettre à sa charge une contribution d'entretien en faveur
de
l'intimé, alors que celui-ci n'en a pas besoin et qu'elle travaille
durement
pour pourvoir à l'éducation de sa fille de neuf ans, que cette
contribution
de 750 fr. la prive d'une part importante du produit de son travail et
qu'elle est d'autant plus inéquitable que le revenu de l'intimé est
garanti,
alors que le sien est par définition incertain, étant donné qu'elle
exerce
une activité indépendante; son mari profiterait ainsi de ses gains
sans
prendre le moindre risque
en cas de perte. Cette argumentation, de
nature
appellatoire, n'apparaît pas conforme aux exigences de motivation de
l'art.
90 al. 1 let. b OJ.

4.
La recourante se plaint en outre du fait qu'un montant de 693 fr. ait
été
alloué à l'intimé à titre de dépens. Comme elle ne mentionne pas
quelle
disposition du droit cantonal aurait été à cet égard violée de manière
insoutenable, son grief se révèle insuffisamment motivé et doit par
conséquent être déclaré irrecevable (art. 90 al. 1 let. b OJ).

5.
Dans un dernier moyen, la recourante reproche à l'autorité cantonale
d'avoir
retenu qu'en 2001, elle avait réalisé, dans le cadre de son
entreprise, un
bénéfice de 65'637 fr.25, soit 5'469 fr. par mois. Elle soutient que
ce
montant annuel comprend 3'600 fr. "à titre de part privée sur frais de
véhicule". Dès lors qu'il s'agit d'un gain en nature, il serait selon
elle
parfaitement inadmissible d'en tenir compte dans ses revenus.

L'assertion relative à la composition de son bénéfice ne résulte pas
de
l'arrêt attaqué. Comme la recourante ne se plaint pas d'arbitraire à
ce sujet
(cf. ATF 118 Ia 20 consid. 5a p. 26), ni a fortiori ne cherche à
démontrer,
en se référant à des pièces du dossier, que l'autorité cantonale
aurait
procédé à des constatations incomplètes sur ce point, sa critique,
qui se
fonde sur des faits nouveaux, doit, partant, être écartée (ATF 107 Ia
265
consid. 2a et les arrêts cités).

6.
En conclusion, le recours apparaît mal fondé et ne peut ainsi qu'être
rejeté,
dans la mesure où il est recevable. La recourante, qui succombe,
supportera
les frais judiciaires (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu
d'allouer des
dépens, des observations n'ayant pas été requises.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la
recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et au
Tribunal d'arrondissement de la Broye et du Nord Vaudois.

Lausanne, le 29 octobre 2002

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5P.343/2002
Date de la décision : 29/10/2002
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-10-29;5p.343.2002 ?
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