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28/10/2002 | SUISSE | N°2P.107/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 28 octobre 2002, 2P.107/2002


{T 0/2}
2P.107/2002 /svc

Arrêt du 28 octobre 2002
IIe Cour de droit public

Les juges fédéraux Wurzburger, président,
Hungerbühler, Yersin, Merkli, Meylan, juge suppléant,
greffier Dubey.

Ville de N.________, Département S.________, recourante, représentée
par Me
Alain Maunoir, avocat,
rue de Chantepoulet 13, case postale 1882, 1211 Genève 1,

contre

Z.________, intimé, représenté par Me René Emmenegger, avocat, rue
Monnier 1,
1206 Genève,
Tribunal administratif du canton de Ge

nève,
rue des Chaudronniers 3, 1204 Genève.

art. 189 Cst. (emplacement d'un banc de glaces),

recours de droit ...

{T 0/2}
2P.107/2002 /svc

Arrêt du 28 octobre 2002
IIe Cour de droit public

Les juges fédéraux Wurzburger, président,
Hungerbühler, Yersin, Merkli, Meylan, juge suppléant,
greffier Dubey.

Ville de N.________, Département S.________, recourante, représentée
par Me
Alain Maunoir, avocat,
rue de Chantepoulet 13, case postale 1882, 1211 Genève 1,

contre

Z.________, intimé, représenté par Me René Emmenegger, avocat, rue
Monnier 1,
1206 Genève,
Tribunal administratif du canton de Genève,
rue des Chaudronniers 3, 1204 Genève.

art. 189 Cst. (emplacement d'un banc de glaces),

recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal administratif du
canton de
Genève du 26 mars 2002.

Faits:

A.
Z. ________ exploite depuis de nombreuses années une installation
saisonnière
de vente de glaces artisanales et de boissons (ci-après: le banc de
glaces) à
Genève aux abords de L.________ dans le périmètre de la promenade
publique
dite D.________.

La Ville de N.________ est pour sa part propriétaire d'un bâtiment
construit
en 1896, lors du réaménagement complet de cette promenade, et qui
abrite un
établissement public à l'enseigne de «O.________» ouvert en saison
seulement.
Ce bâtiment a fait l'objet de diverses adjonctions et
transformations, pour
la dernière fois à la fin des années quarante. II n'a plus fait
l'objet de
travaux importants depuis lors et son aspect s'est progressivement
dégradé.
Cette situation a eu pour conséquence que l'établissement, auparavant
très
fréquenté, notamment par les nombreux touristes qui visitent ce site,
a connu
une désaffection croissante. A cela a concouru également, entre autres
causes, l'existence en ce lieu d'une scène de la drogue.

En 1985 déjà, la Ville de N.________ a fait étudier divers projets de
rénovation et d'agrandissement du bâtiment. De nouvelles études ont
été
engagées à partir de 1994. Enfin, en 1998, le Conseil administratif a
soumis
au Conseil communal une proposition portant notamment sur un crédit de
1'860'100 francs destiné à la restauration et à l'agrandissement du
bâtiment
de «O.________» (Proposition n° 409 du 5 novembre 1998). Selon ce
document,
la rénovation de l'établissement et son ouverture toute l'année
s'inscrivaient dans un dessein plus vaste, qui était «de rendre
D.________ à
l'ensemble de la population», et qui comportait une série d'autres
mesures,
dont le déplacement de la scène de la drogue et un réexamen du
traitement des
aménagements extérieurs.

Les travaux de rénovation de «O.________» se sont achevés en 2001.

B.
Une autre des mesures énumérées dans la Proposition n° 409 portait
sur le
«banc de glaces» exploité par Z.________ ; elle était ainsi libellée:
«ll faut renoncer au stand de «glacier» situé au nord, entre
«O.________» et
le restaurant T.________, car il sert également des plats (pizzas,
etc.) et
sa terrasse s'est beaucoup étendue. Ce développement nuit aux autres
établissements présents (C.________, T.________, O.________) et rend
la
concurrence difficile».
De fait, courant 1997 déjà, des pourparlers avaient été engagés en
vue du
transfert du banc de glaces à un autre emplacement. Un accord était
toutefois
intervenu début 1998 pour son maintien à proximité de L.________, sur
la base
de propositions élaborées par le Service du domaine public, lequel,
dans un
courrier du 29 janvier 1998 adressé à Z.________, précisait qu'en cas
de
cessation définitive de ses activités sur le domaine public, le
Conseil
Administratif de la Ville de N.________ avait décidé de ne plus
attribuer
l'emplacement; par l'intermédiaire de son conseil, Z.________ avait
alors,
dans un courrier du 21 avril 1998, pris note qu'il pourrait à
l'avenir rester
sur ce même emplacement.

Le 11 mars 1998, une permission d'utiliser le domaine public pour
vendre de
la glace sur cet emplacement a été délivrée à Z.________. La validité
de
cette permission était strictement limitée à la période du 1er mars
au 31
octobre 1998. Elle était assortie de diverses autres conditions. La
vente de
boissons alcooliques était interdite. Si la vente de petite
restauration
était autorisée, celle de mets cuisinés, y compris salades, pizzas,
etc.,
était interdite. II était encore précisé que l'installation ne devait
pas
constituer une gêne pour la visibilité ni entraver la circulation.
Réserve
était en outre faite de la législation en vigueur, soit la loi sur les
routes, la loi sur la restauration, le débit de boissons et
l'hébergement, la
loi sur le tourisme et le règlement concernant la tranquillité
publique et
l'exercice des libertés publiques. La permission comportait enfin une
clause
ainsi libellée:
«La présente permission peut être retirée pour de justes motifs,
notamment si
l'intérêt général l'exige. En outre, elle est révocable si le
bénéficiaire ne
se conforme pas aux dispositions légales et aux conditions fixées ou
si
l'installation du banc de glaces donne lieu à des plaintes fondées.
Dans de
telles éventualités, le titulaire ne peut prétendre ni à la
rétrocession de
la taxe payée, ni à aucune indemnité».
Au pied de l'autorisation figurait une mention selon laquelle le (la)
soussigné(e) titulaire de la présente autorisation confirmait avoir
pris
connaissance des conditions, s'engager à les respecter et avoir en
outre pris
bonne note du fait qu'il (qu'elle) ne saurait se prévaloir de
l'investissement effectué pour prétendre à un droit acquis pour les
années à
venir.

Z. ________ a retourné l'un des exemplaires de cette permission après
l'avoir
contresigné. Des autorisations identiques lui ont été par la suite
délivrées
pour les saisons 1999, 2000 et 2001.

Le 13 novembre 2001, le Conseiller administratif en charge du
Département
S.________ a adressé à Z.________ un courrier qui, pour l'essentiel,
est
ainsi libellé:
«...

Depuis plusieurs années, le service des Agents de Ville et du Domaine
public
vous a octroyé, à titre précaire, la permission d'installer pour une
saison
un banc de glaces dans D.________, sur la place du L.________.

Ainsi que vous le savez, les travaux d'agrandissement et de
rénovation de
O.________ viennent de s'achever et cet établissement a rouvert ses
portes,
offrant aux visiteurs du parc mets et boissons dans un environnement
agréable.

Dans le cadre de la revalorisation de R.________, et plus
particulièrement de
l'amélioration du site de D.________, le Conseil Administratif a
décidé de ne
plus accorder de permission pour un banc de glaces, désormais
superflu, aux
abords de O.________ et ceci dès la saison 2002.

Je tenais à vous informer de cette décision, dès la fin de la saison
2001,
afin que vous puissiez prendre les dispositions nécessaires...»

C.
Z. ________ a recouru au Tribunal administratif pour violation de la
liberté
économique ainsi que des principes de la confiance et de la bonne
foi. II
concluait que soit reconnu son droit d'obtenir le renouvellement de la
permission d'installer et d'exploiter un banc de glaces à
l'emplacement
convenu, conformément à la lettre de la Ville de Genève du 29 janvier
1998,
que celle-ci soit en conséquence invitée à accorder cette permission
pour
l'année 2002 et enfin qu'il soit prononcé que cette permission était
valable
jusqu'au moment où il atteindrait l'âge de recevoir l'assurance
vieillesse et
survivants.

Statuant par arrêt du 26 mars 2002, le Tribunal administratif du
canton de
Genève (ci-après: le Tribunal administratif) a admis le recours,
annulé la
décision de la Ville de N.________ du 13 novembre 2001 et invité
celle-ci à
délivrer au recourant l'autorisation d'installer son banc de glaces au
D.________ pour la saison 2002. II a considéré en substance que le
recourant
ne pouvait se prévaloir de la protection de la bonne foi, aucune
assurance ne
lui ayant été donnée, ce qu'il avait admis tacitement par son
comportement.
En revanche, si, dans la gestion de son patrimoine, la Ville de
N.________
disposait d'une grande liberté d'appréciation, elle devait néanmoins
respecter les principes habituels en matière de droit administratif.
La
revalorisation du périmètre du D.________ était certes un objectif
louable,
mais elle n'avait pas démontré en quoi la présence du stand de glaces
de
Z.________ était inesthétique et n'avait pas allégué qu'il avait
augmenté la
surface de sa terrasse ou omis de respecter les conditions figurant
dans les
permissions. Le motif tiré de la clause d'esthétique était en fait un
motif
de politique économique, de sorte qu'en invoquant un tel motif, la
Ville de
N.________ violait la liberté économique de l'intéressé.

D.
Agissant par la voie du recours de droit public pour violation de son
autonomie, la Ville de N.________ demande au Tribunal fédéral, sous
suite de
frais et dépens, d'annuler l'arrêt du 26 mars 2002 du Tribunal
administratif.
A l'appui de son recours, elle produit deux nouvelles pièces.

Le Tribunal administratif déclare persister dans les termes et
conclusions de
sa décision. Z.________ conclut au rejet du recours, sous suite de
frais et
dépens.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Déposé en temps utile contre une décision finale prise en dernière
instance cantonale, qui ne peut être attaquée que par la voie du
recours de
droit public, le présent recours est recevable au regard des art. 84
ss OJ.

1.2 Sauf exceptions, dont aucune n'est réalisée en l'espèce, des
faits ou
moyens de preuve nouveaux ne peuvent être produits à l'appui d'un
recours de
droit public (ATF 118 Ia 369 consid. 4d p. 371/372, 20 consid. 5a p.
26; 118
III 37 consid. 2a p. 39; 107 Ia 265 consid. 2a et les arrêts cités;
Walter
Kälin, Das Verfahren der staatsrechtlichen Beschwerde, 2ème éd.,
Berne 1994,
p. 369-371). II y a donc lieu de retrancher du dossier les deux pièces
produites pour la première fois par la recourante, qui n'apportent
d'ailleurs
aucun élément nouveau par rapport au dossier tel qu'il se présentait
en
dernière instance cantonale.

1.3 La Ville de N.________ est touchée par l'arrêt attaqué en sa
qualité de
détentrice de la puissance publique dans la gestion de son domaine
public.
Elle peut donc se plaindre par la voie du recours de droit public
d'une
violation de son autonomie (art. 189 al. 1 lettre b Cst.). Déterminer
si,
dans un domaine juridique particulier, la commune jouit effectivement
d'une
autonomie n'est pas une question de recevabilité, mais constitue
l'objet
d'une appréciation au fond (ATF 128 I 136 consid. 1.2 p. 139, 3
consid. 1c p.
7; 124 I 223 consid. 1b p. 226 et les références).

2.
2.1L'autonomie communale est garantie dans les limites fixées par le
droit
cantonal (art. 50 Cst.). Selon la jurisprudence, la commune est
autonome dans
les domaines que le droit cantonal ne règle pas de manière exhaustive
et dans
lesquels il lui laisse une liberté de décision importante, soit en lui
attribuant la compétence d'édicter et d'appliquer ses propres
prescriptions,
soit en lui réservant une latitude équivalente dans l'application du
droit
cantonal ou fédéral (ATF 128 I 136 consid. 2.1 p. 140 et les
références).
L'existence et l'étendue de l'autonomie communale dans une matière
concrète
sont déterminées essentiellement par la constitution et la législation
cantonales, voire exceptionnellement par le droit cantonal non écrit
et
coutumier (ATF 122 I 279 consid. 8b p. 290; 116 Ia 285 consid. 3a p.
287; 115
Ia 42 consid. 3 p. 44 et les arrêts cités).

2.2 En vertu de l'art. 2 de la loi genevoise du 13 avril 1984 sur
l'administration des communes, l'autonomie communale s'exerce dans les
limites de l'ordre juridique et plus particulièrement des compétences
cantonales et fédérales, ainsi que du pouvoir de surveillance auquel
la
commune est soumise. L'utilisation du domaine public communal, dont
fait
partie D.________, est régie par la loi genevoise du 24 juin 1961 sur
le
domaine public (LDP GE), par le règlement du 21 décembre 1988
concernant
l'utilisation du domaine public (RDP GE) ainsi que, notamment, par la
loi
genevoise du 28 avril 1967 sur les routes (LR GE).

Selon l'art. 12 LDP GE, chacun peut, dans les limites des lois et des
règlements, utiliser le domaine public conformément à sa destination
et dans
le respect des droits d'autrui. L'art. 13 LDP GE subordonne à
permission - à
concession s'ils sont assortis de dispositions contractuelles -
l'établissement de constructions ou d'installations permanentes sur le
domaine public, son utilisation à des fins industrielles ou
commerciales ou
toute autre utilisation de celui-ci excédant l'usage commun. Les
permissions
sont accordées par l'autorité communale qui administre le domaine
public,
laquelle en fixe les conditions (art. 15 et 17 LDP GE). Dans les
limites de
la loi et le respect des conditions liées à l'octroi de la
permission, les
particuliers disposent d'un droit à l'utilisation du domaine public
excédant
l'usage commun lorsqu'aucun intérêt prépondérant ne s'y oppose (art.
1 al. 2
RDP GE). Lors de l'octroi de la permission, l'autorité compétente
tient
compte des intérêts légitimes du requérant, de ceux des autres
usagers du
domaine public et des voisins, de ceux découlant des concessions ou
droits
d'usage exclusifs concédés par les autorités compétentes, ainsi que
du besoin
d'animation de la zone concernée (art. 1 al. 3 RDP GE). Les

permissions sont
délivrées à titre précaire et peuvent être retirées sans indemnité
pour de
justes motifs, notamment si l'intérêt général l'exige (art. 19 al. 2
LDP GE).

L'art. 56 LR GE prévoit également que toute utilisation des voies
publiques
qui excède l'usage commun doit faire l'objet d'une permission ou d'une
concession préalable, délivrée par l'autorité communale lorsqu'il
s'agit
d'une voie communale (art. 57 al. 1 LR GE). L'autorité compétente peut
assortir de conditions et même refuser les permissions d'occupation
de la
voie publique pour tout objet ou installation sur la voie publique
qui, par
sa couleur, ses dimensions, son éclairage, sa forme ou le genre de
sujets
présentés, peut nuire au bon aspect d'une localité d'un quartier,
d'une voie
publique, d'un site ou d'un point de vue (art. 57 al. 3 LR GE). La
question
de savoir si D.________ peut être qualifié de voie publique communale
peut
rester ouverte dès lors que les art. 56s. LR GE constituent un cas
d'application aux voies publiques des règles générales applicables à
l'utilisation du domaine public.

Au vu de ce qui précède, les communes genevoises jouissent en vertu
du droit
cantonal d'une importante liberté d'appréciation dans la gestion du
domaine
public communal et, plus particulièrement, dans l'octroi ou le refus
de
permissions d'utilisation de ce domaine excédant l'usage commun; elles
bénéficient donc de la protection de leur autonomie.

2.3 Dans la mesure où son autonomie est en cause, la commune peut
exiger que
l'autorité cantonale respecte les limites de sa compétence et qu'elle
applique correctement les dispositions du droit fédéral, cantonal ou
communal
qui règlent la matière. Elle peut, dans ce cadre, faire valoir aussi
que les
autorités cantonales ont méconnu la portée d'un droit fondamental et
considéré à tort que celui-ci avait été violé. En tant qu'il s'agit de
l'application du droit constitutionnel fédéral ou cantonal, le
Tribunal
fédéral revoit la décision des autorités cantonales avec un libre
pouvoir
d'examen; pour le surplus, sa cognition est limitée à l'arbitraire, en
particulier s'agissant de l'établissement des faits (ATF 128 I 136
consid.
2.2 p. 140/141; 126 I 133 consid. 2 p. 136/137; 114 la 168 consid.
2a/b p.
170 et les arrêts cités).

3.
La recourante reproche au Tribunal administratif d'avoir considéré à
tort, en
procédant à une appréciation arbitraire de l'intérêt public à
revaloriser le
site de D.________ que l'art. 27 Cst. a été violé par son refus de
renouveler l'autorisation de l'intimé. Il aurait nié que le banc de
glaces
présenterait un caractère inesthétique et inadapté au réaménagement de
D.________, sans avoir instruit sérieusement ce point, en
particulier, sans
avoir ordonné un transport sur place ou la production de
photographies au
dossier. Ce faisant, il aurait arbitrairement substitué sa propre
appréciation à celle de l'autorité compétente.

3.1 Selon la jurisprudence, celui qui, pour l'exercice d'une activité
économique, doit faire usage du domaine public peut invoquer la
liberté
économique garantie par l'art. 27 Cst. Il a dans cette mesure, un
«droit
conditionnel» à l'octroi d'une autorisation pour un usage commun
accru du
domaine public (ATF 121 I 279 consid. 2a p. 282; 119 Ia 445 consid.
1a/bb p.
447 et consid. 2a p. 449 et les références citées). Le refus d'une
telle
autorisation peut constituer une atteinte à la liberté économique
(ATF 119 Ia
445 consid. 2a p. 447) et il est soumis à conditions: il doit être
justifié
par un intérêt public prépondérant - des motifs de police n'entrent
assurément pas seuls en considération - , reposer sur des motifs
objectifs et
respecter le principe de la proportionnalité; la pratique
administrative en
matière d'autorisation ne doit pas vider de leur substance les droits
fondamentaux, en particulier le droit à l'égalité (art. 8 Cst.), ni de
manière générale ni au détriment de certains citoyens (ATF 121 I 279
consid.
2a p. 282). En matière de gestion du domaine public, il est dans la
nature
des choses que les questions d'ordre culturel, d'aménagement du
territoire,
d'esthétique et de besoins du consommateur local entrent en
considération
dans la pondération des intérêts en présence. Au demeurant, ces motifs
d'intérêt général sont également prévus par la législation genevoise,
en
particulier par l'art. 57 al. 3 LR GE, dont les parties ne prétendent
pas
qu'il revête une portée différente de celle de l'art. 27 Cst., par
conséquent
seul en cause en l'espèce et dont la violation peut être examinée
librement
par le Tribunal fédéral.

3.2 II faut accorder à la recourante que, tant par lui-même que comme
élément
de ce plus vaste ensemble que constitue la R.________ de N.________,
site
célèbre bien au-delà de nos frontières et justement renommé pour sa
grande
beauté, D.________ constitue un objet dont la revalorisation
correspond à un
intérêt public fortement caractérisé, susceptible de justifier des
restrictions au droit conditionnel à une utilisation accrue du
domaine public
que l'art. 27 Cst., concrétisé par la législation genevoise, confère
aux
particuliers. Plus précisément, il pourrait s'agir d'un intérêt
prépondérant
au sens de l'art. 1 al. 2 RDP GE, propre à justifier le refus
d'autoriser -
sous réserve de l'examen d'une telle mesure au regard du principe de
proportionnalité - des installations dont l'emplacement et l'aspect
seraient
de nature à rompre l'harmonie et à compromettre l'esthétique de ce
site.

Contrairement à l'avis de la recourante, le Tribunal administratif n'a
nullement méconnu l'importance que revêt la revalorisation de
D.________.
Toutefois, au vu du dossier dont il disposait, il a considéré que la
Ville de
N.________ n'avait pas rapporté la preuve que le banc de glaces de
l'intimé
était de nature à produire un effet perturbateur sur l'harmonie et
l'esthétique du site.

Cette manière de voir ne saurait être taxée d'arbitraire. La
recourante
reproche certes au Tribunal administratif d'avoir insuffisamment
instruit
cette question, mais elle ne prétend pas avoir formulé, sur ce point
précis,
des offres de preuve qui auraient été rejetées. Elle ne prétend pas
davantage
ni ne démontre qu'il aurait, de la sorte, arbitrairement manqué au
devoir qui
aurait été le sien d'ordonner d'office de telles mesures
d'instruction; elle
serait d'ailleurs d'autant moins fondée à le faire que, ni dans sa
réponse au
recours cantonal, ni en séance de comparution personnelle, elle n'a
consacré
un exposé précis à cette question; elle s'est au contraire bornée à
invoquer
des considérations esthétiques tout à fait générales, sans entrer dans
davantage de détails, insistant sur l'importance que revêtirait le
bâtiment
de O.________ dans l'économie générale, architecturale et paysagère,
du site;
ces considérations, certes extraites d'une pièce déjà produite en
instance
cantonale de recours, n'en sont pas moins développées pour la
première fois
sous cette forme devant le Tribunal fédéral, de sorte qu'elles sont
irrecevables (cf. consid. 1.2 ci-dessus).

Le Tribunal administratif a considéré au surplus que le refus opposé à
l'intimé était en réalité dicté par «un motif de politique économique»
contraire à l'art. 27 Cst. Cette thèse peut s'appuyer sur le texte
même de la
Proposition no 409, selon lequel, s'il faut «renoncer» au stand
exploité par
l'intimé, c'est que celui-ci a pris de l'extension et rend
«difficile» la
concurrence pour les autres établissements situés dans les parages:
"O.________", C.________ et T.________. Elle peut s'appuyer également
sur le
texte même de la décision de première instance, qui qualifie ce stand
de
«superflu», dès lors que "O.________" a rouvert ses portes. La
recourante ne
prétend pas à cet égard que l'autorité intimée aurait procédé à une
constatation arbitraire des faits résultant du dossier. Elle ne
prétend pas
non plus, à juste titre, qu'un motif de nature purement pécuniaire
serait
suffisant pour refuser à l'intimé l'autorisation d'utiliser le domaine
public.

3.3 Dans ces conditions, le Tribunal administratif pouvait, en l'état
de son
dossier, admettre sans tomber dans l'arbitraire que les motifs
esthétiques
invoqués ne faisaient que masquer la défense d'intérêts purement
pécuniaires
de la recourante en favorisant un établissement lui appartenant. On ne
saurait dès lors reprocher au Tribunal administratif d'avoir mal
appliqué la
législation en cause et, partant, violé l'autonomie de la recourante
en
considérant, dans ces conditions, que le refus d'autorisation
contesté était
contraire à l'art. 27 Cst.
Au demeurant, la recourante n'a pas allégué que l'exploitation de
"O.________" ne serait viable et que, partant, cet établissement ne
pourrait
remplir le rôle qui lui est dévolu dans la revalorisation du site,
qu'à la
condition de ne pas être exposée à une concurrence de la part d'autres
établissements sis à proximité. Il n'est donc pas nécessaire de
rechercher si
le refus d'autorisation dont il s'agit aurait pu se justifier pour
cette
raison également.

4.
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours. II y a
lieu de
statuer sans frais (art. 156 al. 2 OJ). En revanche, l'intimé qui a
obtenu
gain de cause en procédant avec l'aide d'un mandataire professionnel
a droit
à des dépens pour la procédure fédérale (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il est statué sans frais.

3.
La Ville de N.________ est astreinte à verser à Z.________ la somme
de 3'000
francs à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et au
Tribunal administratif du canton de Genève.

Lausanne, le 28 octobre 2002

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2P.107/2002
Date de la décision : 28/10/2002
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-10-28;2p.107.2002 ?
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