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28/10/2002 | SUISSE | N°1P.473/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 28 octobre 2002, 1P.473/2002


{T 0/2}
1P.473/2002 /col

Arrêt du 28 octobre 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Reeb, Fonjallaz,
greffier Kurz.

B. ________, recourant, représenté par Me Pierre-André Béguin,
avocat, rue
Sénebier 20, case postale 166,
1211 Genève 12,

contre

X.________, Juge d'instruction suppléante, Cabinet des juges
d'instruction,
case postale 3344, 1211 Genève 3,
intimée,
Collège des juges

d'instruction du canton de Genève, place du
Bourg-de-Four
1, case postale 3344, 1211 Genève 3.

récusation d'un juge d'instr...

{T 0/2}
1P.473/2002 /col

Arrêt du 28 octobre 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Reeb, Fonjallaz,
greffier Kurz.

B. ________, recourant, représenté par Me Pierre-André Béguin,
avocat, rue
Sénebier 20, case postale 166,
1211 Genève 12,

contre

X.________, Juge d'instruction suppléante, Cabinet des juges
d'instruction,
case postale 3344, 1211 Genève 3,
intimée,
Collège des juges d'instruction du canton de Genève, place du
Bourg-de-Four
1, case postale 3344, 1211 Genève 3.

récusation d'un juge d'instruction

recours de droit public contre la décision du Collège des Juges
d'instruction
du canton de Genève du 12 juillet 2002.

Faits:

A.
Dans le cadre d'une procédure pénale ouverte à Genève contre
P.________, pour
des escroqueries au préjudice notamment d'une banque de New York,
B.________
a été inculpé le 13 septembre 2000 de complicité, "sous réserve
d'inculpations complémentaires relevant des crimes ou délits dans la
faillite". Le 13 décembre 2001, le juge d'instruction Y.________ s'est
adjoint la collaboration de X.________, suppléante. Dès le 1er juin
2002,
Z.________ a succédé au juge Y.________.

B.
Le 29 mai 2002, B.________ a déposé une requête en récusation du juge
X.________. Il se plaignait d'une instruction menée exclusivement à
charge,
et de l'inaction du juge Y.________ depuis décembre 2001. Dans une
lettre du
23 mai 2002, le juge X.________ avait notamment écrit que certains
fonds
avaient été "indûment prélevés" et que des inculpations
complémentaires, déjà
réservées par le magistrat "prédécesseur" - le juge Y.________ -
seraient
prononcées ultérieurement. Cette appréciation prématurée faisait fi
des
explications et offres de preuves faites à plusieurs reprises par
B.________.
Par ailleurs, ce dernier avait été cité à comparaître, par télécopie
du 22
mai 2002, pour le lendemain à 9h15, alors que cette audience avait été
précédemment annulée. Le juge X.________ avait ainsi perdu
l'objectivité et
la distance nécessaires.

C.
Par décision du 12 juillet 2002, le Collège des Juges d'instruction
du canton
de Genève a rejeté la requête. L'opinion exprimée dans la lettre du
23 mai
2002 était en réalité l'annonce d'une prochaine inculpation. Une
convocation
irrégulière ne constituait pas un motif de récusation, pas plus que
l'inactivité reprochée à un autre magistrat.

D.
B.________ forme un recours de droit public, avec demande d'effet
suspensif,
contre cette dernière décision dont il demande l'annulation. Le
Collège des
Juges d'instruction conclut au rejet du recours. Le juge d'instruction
X.________ persiste dans les observations présentées en instance
cantonale.
Par ordonnance du 11 octobre 2002, la requête d'effet suspensif a été
rejetée.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le recours de droit public est formé en temps utile contre une
décision du
Collège des Juges d'instruction, rendue en dernière instance
cantonale et
relative à une demande de récusation au sens de l'art. 87 al. 1 OJ.
Il est
recevable (ATF 126 I 203).

2.
Sur le fond, le recourant invoque les art. 29 et 30 Cst., 6 CEDH et
91 de la
loi genevoise d'organisation judiciaire, appliquée selon lui
arbitrairement.
Ce dernier grief n'est toutefois pas motivé (art. 90 al. 1 let. b
OJ); le
recourant ne soutient pas que la disposition de droit cantonal irait
au-delà
des garanties conventionnelle et constitutionnelle précitées, et
n'indique
pas en quoi cette disposition aurait été arbitrairement appliquée.
Pour le
surplus, il reprend ses motifs de récusation: en affirmant
péremptoirement
que des montants auraient été prélevés "indûment", le juge
d'instruction
aurait démontré que son opinion était arrêtée, avant que les actes
d'instruction à décharge réclamés par le recourant n'aient été
effectués; la
convocation au dernier moment, pour une audience du 23 mai 2002
précédemment
annulée, ainsi que la mention, sur le procès-verbal d'audition, de
l'arrivée
tardive du recourant, procéderait d'un mépris des droits élémentaires
de la
défense. Ces erreurs répétées justifieraient la récusation du
magistrat. Pour
sa part, l'autorité intimée aurait constaté les faits de manière
arbitraire
en ne tenant pas pour établie l'irrégularité de la citation.

2.1 S'agissant de la récusation d'un juge d'instruction, l'art. 29
al. 1 Cst.
présente des garanties similaires à celles qui sont posées à l'égard
des
autorités judiciaires proprement dites (art. 6 CEDH et 30 Cst.); le
magistrat
doit instruire à charge et à décharge et est tenu à une certaine
impartialité. Dans certaines circonstances, le juge d'instruction
peut être
amené à se prononcer sur l'état du dossier, sans pour autant que sa
conviction ne soit définitivement arrêtée. Il peut ainsi s'exprimer
sur les
chances de succès d'un recours dirigé contre une de ses propres
décisions.
Des remarques ironiques, faites durant la procédure ou en dehors de
celle-ci,
qui peuvent être déplacées et ressenties négativement par l'inculpé,
ne
suffisent pas en général pour justifier une demande de récusation
(ATF 127 I
196 consid. 2d p. 200 et la jurisprudence citée).

Au contraire du juge appelé à s'exprimer en fait et en droit sur le
fond de
la cause, lequel doit en principe s'en tenir à une attitude
parfaitement
neutre, le juge d'instruction peut être amené, provisoirement du
moins, à
adopter une attitude plus orientée à l'égard de l'inculpé. Il peut
faire état
de ses doutes quant à la version des faits présentée, mettre le
prévenu en
face de certaines contradictions, et tenter de l'amener aux aveux,
pour
autant qu'il ne soit pas fait usage de moyens déloyaux. Le juge
d'instruction
ne fait donc pas preuve de partialité lorsqu'il fait état de ses
convictions
à un moment donné de l'enquête; cela peut au contraire s'avérer
nécessaire à
l'élucidation des faits. Le magistrat instructeur doit ainsi se voir
reconnaître, dans le cadre de ses investigations, une certaine
liberté,
limitée par l'interdiction des procédés déloyaux, la nécessité
d'instruire
tant à charge qu'à décharge, et de ne point avantager une partie au
détriment
d'une autre. Les déclarations du juge doivent ainsi être interprétées
de
manière objective, en tenant compte de leur contexte, du ton sur
lequel elles
sont faites, et du but apparemment recherché par leur auteur.

2.2 Dans sa lettre du 23 mai 2002, le juge d'instruction estimait que
certains fonds proviendraient de montants indûment prélevés par le
recourant.
Il indiquait ensuite que des inculpations pour des délits de
faillites, déjà
réservées par le juge précédent, seraient prononcées ultérieurement.

L'annonce d'une inculpation à venir, avec indication des motifs, ne
saurait
justifier une récusation. Admettre la thèse du recourant conduirait à
la
récusation de tout juge d'instruction qui, nonobstant les dénégations
de
l'intéressé, considère que les charges sont suffisantes pour
justifier une
inculpation. Rien ne permet de penser que l'opinion exprimée par le
juge
d'instruction serait définitive, et surtout, qu'elle ait une
influence sur sa
manière de mener l'instruction. Le recourant ne soutient pas, par
exemple,
que le juge ait manifesté d'une quelconque manière un parti pris en
faveur de
la partie adverse.

2.3 Les circonstances de la convocation du recourant à l'audience du
23 mai
2002, ne sont pas, elles non plus, propres à susciter le moindre
doute sur
l'impartialité du magistrat instructeur. L'irrespect du délai de
convocation
constitue certes une erreur de procédure. Toutefois, comme le relève
l'autorité intimée, aucun préjudice n'en a résulté pour le recourant,
celui-ci s'étant volontairement présenté à l'audience, assisté d'un
avocat.
Le procès-verbal mentionne certes l'arrivée tardive du recourant,
mais cette
indication, parfaitement neutre, ne constitue ni le reproche voilé,
ni la
remarque méprisante que veut y voir le recourant.

2.4 Quant au grief d'arbitraire adressé à l'autorité intimée, il est
lui
aussi manifestement mal fondé puisque la décision attaquée envisage,
à titre
d'hypothèse, l'irrégularité de la citation comme un fait avéré.

2.5 En définitive, c'est en vain que le recourant se plaint d'erreurs
répétées de la part du magistrat instructeur. La seule irrégularité
que l'on
peut lui reprocher est sans gravité et ne constitue manifestement pas
un fait
délibéré.

3.
Sur le vu de ce qui précède, le recours de droit public doit être
rejeté,
comme manifestement mal fondé. Conformément à l'art. 156 al. 1 OJ, un
émolument est mis à la charge du recourant qui succombe.

Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 3000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et au Collège
des Juges
d'instruction du canton de Genève.

Lausanne, le 28 octobre 2002

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.473/2002
Date de la décision : 28/10/2002
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-10-28;1p.473.2002 ?
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