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25/10/2002 | SUISSE | N°U.336/01

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 25 octobre 2002, U.336/01


{T 7}
U 336/01

Arrêt du 25 octobre 2002
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Lustenberger et Kernen. Greffière:
Mme von
Zwehl

Z.________, recourante, représentée par Me Olivier Boillat, avocat,
rue de la
Fontaine 9, 1211 Genève 3,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Service
juridique,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, intimée

Tribunal administratif de la République et Canton de Genève, Genève

(Arrêt du 28 août 2001)

Fait

s :

A.
A.a Z.________, née en 1969, secrétaire de direction, fut victime de
deux
accidents. Le premier - un accident de ...

{T 7}
U 336/01

Arrêt du 25 octobre 2002
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Lustenberger et Kernen. Greffière:
Mme von
Zwehl

Z.________, recourante, représentée par Me Olivier Boillat, avocat,
rue de la
Fontaine 9, 1211 Genève 3,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Service
juridique,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, intimée

Tribunal administratif de la République et Canton de Genève, Genève

(Arrêt du 28 août 2001)

Faits :

A.
A.a Z.________, née en 1969, secrétaire de direction, fut victime de
deux
accidents. Le premier - un accident de la circulation sur l'autoroute
- eut
lieu le 11 août 1989 et lui occasiona une fracture de la 5ème
cervicale
corporéale non déplacée et sans trouble neurologique ainsi que de
l'arc
postérieur C5, et une fracture de l'apophyse articulaire inférieure
gauche de
C4. Le second se déroula durant ses vacances en Indonésie, le 21
juillet
1990: elle se trouvait assise dans un bus, lorsqu'un passager tomba
sur elle
à la suite d'un brusque coup de frein du véhicule; les médecins de la
Permanence du groupe médical de X.________ consultés à son retour en
Suisse
conclurent à une distorsion de la colonne cervicale.

La Caisse nationale suisse en cas d'accidents (CNA) - auprès de
laquelle
Z.________ était assurée - prit en charge les suites de ces deux
accidents
qui entraînèrent, outre des frais médicaux (hospitalisation, séances
de
physiothérapie), une incapacité de travail médicalement attestée de
100 %
respectivement du 11 août au 7 décembre 1989, et du 6 août au 9
septembre
1990.

A.b Le 10 juillet 1991, le docteur A.________, médecin traitant de
Z.________, annonça une rechute à la CNA, déclarant que sa patiente
souffrait
de cervicalgies chroniques avec occipitalgies, de sensations
vertigineuses,
de troubles de la mémoire et de la concentration, ainsi que de
cénesthésies,
et qu'elle présentait notamment une instabilité ligamentaire C4-C5
(atteinte
pour laquelle une intervention chirurgicale était indiquée, que
l'assuré
avait toutefois refusée); ce médecin attesta en outre d'une
incapacité de
travail de 100 % du 21 juin au 1er juillet 1991, et de 50 % dès le 1er
septembre 1991. Les investigations médicales complémentaires mises en
oeuvre
révélèrent avant tout l'existence d'un syndrome cervical, de troubles
post-traumatiques des fonctions cérébrales qualifiés de légers à
modérés,
ainsi que d'une atteinte de la vision des couleurs (rapports des
docteurs
B.________, C.________ et D.________, respectivement des 19 octobre,
3 et 7
décembre 1992). Dans un rapport du 2 mars 1993, le docteur E.________,
médecin d'arrondissement de la CNA, considéra, sur le vu des pièces
médicales
recueillies et après avoir examiné l'assurée, que l'on pouvait exiger
de
celle-ci un taux d'activité de l'ordre de 75 % au moins dans son
activité
actuelle de secrétaire médicale (qu'elle avait débutée le 1er avril
1991 à
mi-temps).

Par décision du 9 août 1993, la CNA alloua à Z.________, pour les
séquelles
des accidents des 11 août 1989 et 21 juillet 1990, une rente
d'invalidité de
25 %, ainsi qu'une indemnité pour atteinte à l'intégrité de 35 %,
prestations
sur lesquelles une réduction fut opérée car le premier accident était
dû à
une faute grave de sa part - elle ne portait pas la ceinture de
sécurité.
Cette décision ne fut pas contestée.

A.c Ultérieurement, l'assurée demanda la révision de la décision du 9
août
1993, en faisant valoir que l'Office AI du canton de Genève - auprès
duquel
elle avait entre-temps déposé une demande de prestations - lui
allouait une
rente d'invalidité entière dès le 1er mars 1993 (décision 9 juin
1998); elle
sollicitait par conséquent de la CNA l'ajustement de ses prestations
à celles
versées par l'AI.

Après avoir requis de son médecin-conseil, le docteur E.________, un
nouvel
examen du cas à la lumière des pièces contenues dans le dossier AI (en
particulier une expertise privée établie par docteur F.________), la
CNA
confirma, le 2 décembre 1998, les termes de sa décision initiale,
estimant
que les conditions d'une augmentation de la rente d'invalidité
n'étaient pas
réunies en l'espèce. Saisie d'une opposition, elle la rejeta par une
nouvelle
décision du 20 juillet 1999.

B.
L'assurée recourut contre cette décision devant le Tribunal
administratif du
canton de Genève, qui la débouta par jugement du 28 août 2001.

C.
Z.________ interjette recours de droit administratif contre ce
jugement, dont
elle requiert l'annulation. Elle conclut, sous suite de frais et
dépens, au
renvoi de la cause à la CNA pour nouvelle décision dans le sens des
considérants.

La CNA conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des
assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit :

1.
Il s'agit d'examiner si c'est à bon droit que la CNA a refusé de
réviser à la
hausse la rente d'invalidité de 25 % qu'elle alloue à Z.________
depuis le
1er mai 1993, compte tenu de la décision de l'AI (du 9 juin 1998)
reconnaissant à la prénommée un degré d'invalidité de 100% dès le 1er
mars
1993.

2.
La notion d'invalidité est, en principe, identique en matière
d'assurance-accidents, d'assurance-militaire et
d'assurance-invalidité. Cette
uniformité de la notion d'invalidité doit conduire à fixer, pour une
même
atteinte à la santé, un même taux d'invalidité. Ainsi, quand bien même
l'assureur-accidents est tenu de procéder à l'évaluation de
l'invalidité dans
chaque cas de manière indépendante, il ne peut pas purement et
simplement
ignorer celle à laquelle est parvenue l'assurance-invalidité dans une
décision entrée en force et s'en écarter sans motif suffisant (ATF
126 V 288;
RAMA 2001 n° U 410 p. 73, 2000 n° U 406 p. 402).
Cette règle de coordination ne trouve toutefois pas application
lorsque la
décision de l'assureur-accidents est entrée en force avant que
l'assurance-invalidité n'ait elle-même statué sur le cas. Dans une
telle
hypothèse, le seul fait que l'assurance-invalidité octroie à son
assuré une
rente plus élevée que l'assureur-accidents n'est pas en soi un motif
qui
obligerait ce dernier à augmenter ses prestations aux mêmes
conditions. Pour
cela, il faut bien plutôt que la reconnaissance d'un degré
d'invalidité
supérieur par l'AI soit l'expression d'une modification des
circonstances
déterminantes pour l'évaluation de l'invalidité de la personne
assurée (cf.
art. 22 LAA) ou encore que la décision AI plus favorable prenne en
compte des
faits ou des moyens de preuve nouveaux (révision procédurale).

On rappellera en outre qu'à l'inverse de l'assurance-invalidité, la
responsabilité de l'assureur-accidents se limite aux seules atteintes
à la
santé qui se trouvent en lien de causalité naturelle et adéquate avec
l'événement accidentel assuré, ce qui explique que le degré
d'invalidité
auquel aboutissent ces deux assureurs sociaux soit, s'agissant d'un
même
assuré, parfois divergent.

3.
3.1Pour déterminer le droit aux prestations de Z.________, l'Office
AI du
canton de Genève s'est référé essentiellement au rapport d'expertise
privée
produit par la prénommée et établi par le docteur F.________,
spécialiste FMH
en rhumatologie, en date du 15 septembre 1997.

Ce médecin a retenu, d'une part, une «dysfonction cervicale
secondaire à une
instabilité vertébrale C5-C6 consécutive à une déchirure ligamentaire
provoquée par le mécanisme de whiplash lors de l'accident du
11.08.89» et,
d'autre part, des séquelles d'un TTC mineur; à ses yeux, abstraction
faite
d'un éventuel syndrome psychique, les plaintes de l'assurée
s'expliquent
aisément par ces deux lésions. Quant à l'incapacité de travail en
résultant,
il l'a estimée au moins à 50 % - pour lui, la capacité de travail
fixée par
la CNA (75 %) à raison de ces mêmes atteintes a été «surévaluée».
Cependant,
toujours selon le docteur F.________, la capacité de travail actuelle
de
l'assurée tend vers 0 % en raison d'une participation importante de
facteurs
d'ordre psychologique antérieurs ou étrangers à l'accident.

Dans une communication du 14 janvier 1998, notifiée à l'assurée ainsi
qu'à la
CNA, l'Office AI a dès lors arrêté le degré d'invalidité à 50 % dès
le 21
juillet 1991 et à 100 % dès le 1er avril 1994, faisant remonter au 1er
janvier 1994 le début d'une incapacité de travail totale à raison de
troubles
psychiques; en vertu de l'art. 48 al. 2 LAI (demande tardive), il a
par
ailleurs fixé le début du droit à la rente au 1er mars 1993.
Toutefois, en
contradiction avec les termes de cette communication, l'Office AI a
finalement octroyé à la recourante une rente entière d'invalidité dès
le 1er
mars 1993 (décision du 9 juin 1998).

3.2 En l'occurrence, s'il ressort certes de l'anamnèse incluse dans le
rapport du docteur F.________ que «depuis la décision de la CNA du 9
août
1993 (...) l'état de la patiente ne fait que s'aggraver», force est de
constater que les observations cliniques consignées par ce médecin ne
diffèrent pas sensiblement de celles qu'avait effectuées à l'époque le
docteur E.________. D'ailleurs, dans ses conclusions, le docteur
F.________
ne fait aucunement mention, au plan somatique, d'une aggravation
objectivable
de l'état de santé de la recourante, s'attachant principalement à
critiquer
l'évaluation de la capacité de travail du médecin de la CNA. En ce
sens, le
contenu de son rapport n'est pas propre à établir l'existence d'une
telle
aggravation, et procède bien plutôt d'une appréciation différente
d'une
situation médicale fondamentalement inchangée. Aussi, ne saurait-on
admettre
que les conditions d'une révision à la hausse de la rente
d'invalidité en
application de l'art. 22 LAA (aux termes duquel si le degré
d'invalidité du
bénéficiaire de la rente subit une modification déterminante, la
rente est,
pour l'avenir, augmentée) soient réunies en l'espèce.

Pour les mêmes motifs, une révision (procédurale) de la décision du 9
août
1993 pour faits nouveaux ou nouveaux moyens de preuve ne peut pas non
plus
entrer en ligne de compte (sur les exigences mises à la révision
(procédurale) d'une décision entrée en force voir en particulier ATF
127 V
358 consid. 5b, 110 V 141 consid. 2, 293 consid. 2a, 108 V 171
consid. 1 et
ATF 118 II 205 consid. 5). On soulignera à cet égard qu'il ne suffit
pas que
l'expert tire ultérieurement, de faits connus au moment de la décision
principale, d'autres conclusions que l'autorité concernée; il faut
bien
plutôt des éléments de faits nouveaux dont il résulte que les bases
de la
décision entreprise comportait des défauts objectifs. Or précisément,
le
docteur F.________ se borne à remettre en cause le taux d'incapacité
de
travail retenu par la CNA, sans toutefois apporter à l'appui de son
opinion
des éléments médicaux nouveaux au sens de la jurisprudence précitée
(tels que
par exemple des lésions post-traumatiques non décelées auparavant).

3.3 Il reste à examiner si l'intimée doit répondre d'éventuels
troubles
psychologiques apparus postérieurement à la décision du 9 août 1993,
ce qui
suppose l'existence d'un lien de causalité naturelle et adéquate
entre ces
troubles et les accidents assurés (cf. ATF 119 V 337 consid. 1, 118 V
289
consid. 1b et les références).

Le docteur F.________, qui en fait sommairement état dans son rapport
d'expertise, considère pour sa part qu'ils ne sont pas en lien de
causalité
naturelle avec les accidents survenus aux mois d'août 1989 et juillet
1990.
Cette question peut toutefois être laissée ouverte, au regard de ce
qui suit.

Nonobstant ce que soutient la recourante, le premier accident dont
elle a été
victime demeure dans la catégorie des accidents de gravité moyenne
(voir pour
comp. RAMA 1999 n° U 335 p. 207); le second, quant à lui, doit être
classé
dans celle des accidents de peu de gravité, ce qui exclut en règle
générale
l'admission du caractère adéquat de troubles psychiques en résultant
(cf.
RAMA 1992 n° U 154 p. 246). Or, l'analyse des critères objectifs
posés par la
jurisprudence en cas de troubles psychiques consécutifs à un accident
de
gravité moyenne (cf. ATF 115 V 138 consid. 6, 407 ss consid. 5) ne
permet pas
non plus de conclure à l'existence d'un tel lien de causalité
s'agissant de
l'événement accidentel du 11 août 1989. En effet, le seul critère
qu'on peut
tenir pour établi en l'espèce est celui du caractère impressionnant
de cet
accident eu égard à son déroulement (Z.________ a perdu la maîtrise
de son
véhicule, heurté la glissière et a été projetée par la lunette
arrière de la
voiture sur la chaussée; elle a néanmoins pu se relever et attendre
les
secours sur le bord de la route). Par ailleurs, les lésions qu'elle a
subies
ne se sont pas révélées graves. Quant à la durée du traitement en ce
qui
concerne les seules lésions somatiques, de même que celle de
l'incapacité de
travail, elle n'a pas été particulièrement longue même si l'on tient
compte
de l'influence que le second accident a pu exercer sur la région
cervicale
déjà touchée. Il ressort certes du dossier qu'après son accident de la
circulation, l'assurée n'a pas repris d'activité lucrative avant le
1er avril
1991. Toutefois, pour juger du caractère adéquat de troubles
psychiques, on
ne saurait prendre en compte toutes les périodes d'inactivité d'un
assuré
mais uniquement
celles pour lesquelles une incapacité de travail a été
médicalement attestée. Enfin, il n'y a eu ni complication, ni erreur
médicale
dans le processus de guérison.

C'est dès lors à juste titre que les premiers juges ont considéré que
l'intimée n'était pas tenue de verser des prestations pour les
conséquences
de l'affection de nature psychique dont est atteinte la recourante.

Le recours se révèle ainsi en tous points mal fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal
administratif du
canton de Genève et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 25 octobre 2002
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIIe Chambre: la Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : U.336/01
Date de la décision : 25/10/2002
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-10-25;u.336.01 ?
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