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25/10/2002 | SUISSE | N°I.250/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 25 octobre 2002, I.250/02


{T 7}
I 250/02

Arrêt du 25 octobre 2002
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Meyer et Kernen. Greffière : Mme
Moser-Szeless

Office cantonal AI Genève, boulevard du Pont-d'Arve 28, 1205 Genève,
recourant,

contre

Z.________, intimé, représenté par Me Claudio Fedele, avocat, quai
Gustave-Ador 26, 1211 Genève 6

Commission cantonale de recours en matière d'AVS/AI, Genève

(Jugement du 24 janvier 2002)

Faits :

A.
Z. ________, ressortissant d'ex-Yougosla

vie, arrivé en Suisse en
1982, a
travaillé en qualité de manoeuvre au service de l'entreprise
M.________ SA,
jusqu'à la fi...

{T 7}
I 250/02

Arrêt du 25 octobre 2002
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Meyer et Kernen. Greffière : Mme
Moser-Szeless

Office cantonal AI Genève, boulevard du Pont-d'Arve 28, 1205 Genève,
recourant,

contre

Z.________, intimé, représenté par Me Claudio Fedele, avocat, quai
Gustave-Ador 26, 1211 Genève 6

Commission cantonale de recours en matière d'AVS/AI, Genève

(Jugement du 24 janvier 2002)

Faits :

A.
Z. ________, ressortissant d'ex-Yougoslavie, arrivé en Suisse en
1982, a
travaillé en qualité de manoeuvre au service de l'entreprise
M.________ SA,
jusqu'à la fin du mois d'août 1991. Souffrant d'atteintes lombaires,
il a été
mis au bénéfice d'une rente entière d'invalidité à partir du 1er
septembre
1992 par l'Office cantonal genevois de l'assurance-invalidité
(ci-après:
l'office AI), fondée sur un taux d'invalidité de 70 % (décision du 8
décembre
1992).

La rente d'invalidité a été maintenue à l'issue d'une première
procédure de
révision (communication de l'office AI du 23 septembre 1994). Dans le
cadre
d'une procédure de révision subséquente, l'office AI a confié une
expertise
au docteur L.________, médecin-chef du service de rhumatologie et de
médecine
physique de l'Hôpital X.________. Dans son rapport du 20 juin 2001,
l'expert
a diagnostiqué, entre autres atteintes, une discopathie lombaire
étagée, une
petite hernie discale et protrusion discale, ainsi qu'une surcharge
psychologique; il a estimé que l'assuré disposait d'une capacité de
travail
de 100 % dans toute activité physique, sédentaire ou alternant les
positions
assise ou debout.

Sur la base de ce rapport, l'office AI a, par décision du 26 octobre
2001,
supprimé la rente d'invalidité de l'assuré avec effet au 1er décembre
2001,
motif pris qu'il ne présentait pas un degré d'invalidité suffisant
(14 %)
pour ouvrir droit à des prestations de l'assurance-invalidité. Il a
par
ailleurs supprimé l'effet suspensif à sa décision.

B.
Z.________ a recouru contre cette décision devant la Commission
cantonale de
recours en matière d'AVS/AI du canton de Genève (ci-après : la
commission),
en sollicitant préalablement la restitution de l'effet suspensif et en
concluant à ce que la rente d'invalidité continue à lui être versée.

En cours de procédure, la commission a imparti à l'office AI un délai
au 17
décembre 2001 pour lui communiquer son «préavis succinct sur la
question du
rétablissement de l'effet suspensif», accompagné du dossier (courrier
du 3
décembre 2001). Par télécopie du 10 janvier 2002, elle lui a rappelé
qu'elle
devait statuer sur la requête en rétablissement de l'effet suspensif
et
restait en attente de son préavis. L'office AI a transmis sa
détermination
datée du 18 janvier 2002 par télécopie du 23 janvier 2002 à l'autorité
cantonale.

Le lendemain, la commission a annulé la décision litigieuse et
renvoyé la
cause à l'office AI pour instruction complémentaire au sens des
considérants
et nouvelle décision. Elle a considéré, en bref, que le dossier était
insuffisamment instruit sur le plan médical pour admettre sans examen
plus
approfondi que l'état de santé de l'assuré s'était amélioré dans une
mesure
excluant le droit à la rente; aussi l'instruction devait-elle être
complétée
notamment par la mise en oeuvre d'une expertise psychiatrique.

C.
L'office AI interjette recours de droit administratif contre le
jugement du
24 janvier 2002 dont il demande l'annulation. Il conclut à ce que soit
constatée la violation de son droit d'être entendu, ainsi qu'au
renvoi de la
cause à l'instance cantonale pour jugement incident sur la question du
rétablissement de l'effet suspensif et jugement sur le fond.

Z. ________ conclut, sous suite de frais et dépens, au rejet du
recours.

Dans sa détermination du 3 mai 2002, la commission conclut également
au rejet
du recours, tandis que l'Office fédéral des assurances sociales n'a
pas
présenté de détermination.

Considérant en droit :

1.
1.1 L'office recourant reproche aux premiers juges une violation de
son droit
d'être entendu (art. 29 Cst.), au motif qu'ils ont omis de lui donner
l'occasion de se déterminer sur le fond du litige - son préavis du 18
janvier
2002 ne concernant que «la question du rétablissement de l'effet
suspensif au
recours» de l'intimé -, alors qu'ils ont rendu un jugement au fond
tendant à
l'annulation de sa décision du 26 octobre 2001.

Si le recourant ne saurait se prévaloir directement des garanties de
procédure que la Constitution accorde aux particuliers, il dispose
néanmoins
de la faculté de se plaindre de la violation de ses droits de partie,
comme
le ferait un justiciable, dès lors que la qualité pour former recours
de
droit administratif contre le jugement cantonal - et les droits de
partie qui
en découlent - lui est reconnue (art. 103 let.c OJ, 201 et 202 RAVS en
corrélation avec l'art. 89 RAI). Selon la jurisprudence et la
doctrine,
l'autorité qui a rendu la décision initiale conserve sa qualité de
partie
tout au long de la procédure de recours et jouit de tous les droits
attribués
par la loi aux parties (ATF 105 V 188 consid. 1; Rhinow/Koller/Kiss,
Öffentliches Prozessrecht und Justizverfassungsrecht des Bundes, n°
784 et
ss, pp. 151-152; Kölz/Häner, Verwaltungsverfahren und
Verwaltungsrechtspflege
des Bundes, 2e éd. n° 523 et ss, pp. 189-190).

1.2
Le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle de
caractère
formel (art. 29 Cst.), dont la violation doit entraîner l'annulation
de la
décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recourant
sur le
fond (ATF 127 V 437 consid. 3d/aa, 126 V 132 consid. 2b et les arrêts
cités).

La jurisprudence, rendue sous l'empire de l'art. 4 aCst. et qui
s'applique
également à l'art. 29 al. 2 Cst. (ATF 127 I 56 consid. 2b, 127 III 578
consid. 2c, 126 V 130 consid. 2a), a déduit du droit d'être entendu,
en
particulier, le droit pour le justiciable de s'expliquer avant qu'une
décision ne soit prise à son détriment, celui de fournir des preuves
quant
aux faits de nature à influer sur le sort de la décision, celui
d'avoir accès
au dossier, celui de participer à l'administration des preuves, d'en
prendre
connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 126 I 16 consid.
2a/aa,
124 V 181 consid. 1a, 375 consid. 3b et les références). Une condition
nécessaire du droit de consulter le dossier est que l'autorité,
lorsqu'elle
verse au dossier de nouvelles pièces dont elle entend se prévaloir
dans son
jugement, soit tenue d'en aviser les parties (ATF 124 II 137 consid.
2b, 114
Ia 100 consid. 2c et les références). Encore qu'elle ne soit pas
obligée de
les renseigner sur chaque production de pièces, car il suffit qu'elle
tienne
le dossier à leur disposition (ATF 112 Ia 202 consid. 2a et les
références;
RCC 1991 p. 107 consid. 4a).

2.
2.1En l'espèce, à la suite du dépôt du recours de Z.________ le 30
novembre
2001, les premiers juges ont, par courrier du 3 décembre 2001,
transmis le
recours accompagné de son bordereau de pièces à l'office AI et l'ont
invité à
leur communiquer un préavis succinct sur la question du
rétablissement de
l'effet suspensif. Après avoir reçu un rappel dans lequel la
commission
précisait devoir «statuer sur la requête en rétablissement de l'effet
suspensif» (télécopie du 10 janvier 2002), le recourant s'est exécuté
le 23
janvier 2002, en proposant à l'instance cantonale de recours de
refuser cette
requête. Le lendemain, l'autorité cantonale de recours a rendu un
jugement
par lequel elle a annulé la décision litigieuse et renvoyé la cause au
recourant pour instruction complémentaire. Elle s'est donc prononcée
sur le
fond du litige, estimant que la question du maintien du droit du
recourant à
une rente d'invalidité ne pouvait être tranchée sans un complément
d'instruction, singulièrement la mise en oeuvre d'une expertise
psychiatrique
de l'assuré, alors même qu'elle avait indiqué au recourant devoir
statuer sur
le point de savoir si l'effet suspensif devait être restitué et
l'avoir
invité à se prononcer sur cette question uniquement. En rendant un
jugement
au fond sans avoir procédé à un échange d'écritures, soit sans avoir
donné au
préalable l'occasion à la partie intimée dans la procédure cantonale
de
répondre au recours de l'assuré, elle n'a pas respecté le droit d'être
entendu de celle-ci. On pourrait également lui reprocher une
violation du
principe de la bonne foi en procédure qui lie les autorités
administratives
et judiciaires (sur l'interdiction d'un comportement contradictoire,
voir ATF
105 Ia 125 consid. 2, Grisel, Traité de droit administratif, vol. II,
p.
395), dès lors qu'elle a agi de manière contradictoire en statuant
sur le
droit matériel, tout en indiquant peu avant à l'office AI devoir
statuer
(seulement) sur une question préjudicielle et en l'invitant à ne
s'exprimer
qu'à ce sujet.
Prétendre, comme le font les premiers juges, que l'office AI se serait
déterminé sur le fond - implicitement à tout le moins - dès lors
qu'il s'est
référé expressément aux conclusions de l'expertise du docteur
L.________ pour
proposer le refus du rétablissement de l'effet suspensif et, par
conséquent,
au rejet sur le fond, ne saurait sérieusement être retenu. Dans son
préavis
du 18 janvier 2002, le recourant n'a fait qu'évoquer brièvement les
conclusions du docteur L.________ pour apprécier les prévisions sur
l'issue
du litige au fond - lesquelles peuvent être prises en compte dans la
pesée
des intérêts respectifs de l'administration et de l'intéressé, à
laquelle il
y a lieu de procéder pour décider du rétablissement de l'effet
suspensif d'un
recours (ATF 110 V 45 consid. 5b et les arrêts cités). Il ne s'est en
revanche pas, et ce conformément à l'injonction de l'autorité de
recours de
première instance, déterminé sur le litige au fond, singulièrement
sur le
maintien de la rente d'invalidité de l'intimé.

2.2 La violation du droit d'être entendu du recourant doit être
confirmée
pour une autre raison encore. A l'appui de son recours cantonal,
l'intimé a
produit deux certificats médicaux (des 27 et 29 novembre 2001),
émanant
respectivement des docteurs V.________, psychiatre et
psychothérapeute, et
Y.________, spécialiste FMH en médecine interne, qui ne se trouvaient
pas au
dossier AI. Or, les premiers juges se sont fondés sur l'avis du
docteur
V.________ pour admettre la nécessité d'une instruction
complémentaire et
donc le renvoi de la cause à l'administration, sans même donner à
l'office AI
l'occasion de se prononcer sur le recours et, en particulier, sur ces
nouvelles pièces médicales. Dans la mesure où le recourant n'a pas eu
la
possibilité de se déterminer sur ce nouveau moyen de preuve - dont
l'autorité
cantonale s'est pourtant prévalue dans son jugement -, son droit
d'être
entendu n'a pas été respecté.

Pour le surplus, on ne voit pas en quoi, comme le font valoir les
premiers
juges, le recourant commettrait un abus de droit en invoquant la
violation du
droit d'être entendu. Le fait que la commission cantonale disposait du
dossier complet et qu'à son avis le recourant ne pouvait lui apporter
aucune
précision sur l'affaire, ne la dispensait nullement de respecter les
droits
de partie de ce dernier.

2.3 Compte tenu de la violation non négligeable du droit d'être
entendu
commise par l'autorité cantonale, elle ne saurait être réparée devant
la Cour
de céans, étant rappelé que la réparation d'un tel vice en procédure
fédérale
ne peut avoir lieu qu'exceptionnellement (ATF 126 I 72, 126 V 132
consid. 2b
et les références). L'affaire doit donc être renvoyée à la juridiction
cantonale pour qu'elle statue à nouveau, - cas échéant, au préalable
sur la
question du rétablissement de l'effet suspensif - après avoir donné au
recourant la possibilité de s'exprimer sur le recours de l'assuré et
sur les
nouvelles pièces que ce dernier a produites.

3.
S'agissant d'un litige qui porte, sur le fond, sur des prestations
d'assurance, la procédure est gratuite (art. 134 OJ a contrario).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Le recours est admis et le jugement du 24 janvier 2002 de la
Commission
cantonale de recours en matière d'AVS/AI du canton de Genève est
annulé.

2.
La cause est renvoyée à la Commission cantonale de recours pour
nouveau
jugement au sens des considérants.

3.
Il n'est pas perçu de frais.

4.
L'avance de frais versée par le recourant, d'un montant de 500 fr.,
lui est
restituée.

5.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la Commission
cantonale
genevoise de recours en matière d'assurance-vieillesse, survivants et
invalidité, ainsi qu'à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 25 octobre 2002
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIIe Chambre: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.250/02
Date de la décision : 25/10/2002
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-10-25;i.250.02 ?
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