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24/10/2002 | SUISSE | N°5P.205/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 24 octobre 2002, 5P.205/2002


{T 0/2}
5P.205/2002 /frs

Arrêt du 24 octobre 2002
IIe Cour civile

Les juges fédéraux Bianchi, président,
Raselli, Nordmann,
greffière Mairot.

X. ________ (époux), recourant,
représenté par Me Dominique Henchoz, avocate, Python Schifferli Peter
&
Associés, rue Massot 9, 1206 Genève,

contre

Dame X.________ (épouse), intimée,
représentée par Me Claude Moreillon, avocat, Cours de Rive 2, case
postale
3477, 1211 Genève 3,
Chambre civile de la Cour de justice du canton de GenÃ

¨ve, case
postale 3108,
1211 Genève 3.

art. 29 al. 1 Cst. (mesures provisoires dans la procédure de divorce,
respec...

{T 0/2}
5P.205/2002 /frs

Arrêt du 24 octobre 2002
IIe Cour civile

Les juges fédéraux Bianchi, président,
Raselli, Nordmann,
greffière Mairot.

X. ________ (époux), recourant,
représenté par Me Dominique Henchoz, avocate, Python Schifferli Peter
&
Associés, rue Massot 9, 1206 Genève,

contre

Dame X.________ (épouse), intimée,
représentée par Me Claude Moreillon, avocat, Cours de Rive 2, case
postale
3477, 1211 Genève 3,
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, case
postale 3108,
1211 Genève 3.

art. 29 al. 1 Cst. (mesures provisoires dans la procédure de divorce,
respectivement de séparation de corps),

recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre civile de la
Cour de
justice du canton de Genève du 19 avril 2002.

Faits:

A.
X. ________ né le 25 octobre 1948, et dame X.________, née Y.________
le 15
avril 1947, tous deux de nationalité française, se sont mariés à
Isques
(France) le 7 août 1970. Trois enfants, actuellement majeurs, sont
issus de
cette union. Selon le contrat de mariage qu'ils ont passé devant
notaire le 3
août 1970, les conjoints sont mariés sous le régime de la séparation
de
biens.

Le couple a vécu en France jusqu'en 1987, année au cours de laquelle
il s'est
installé à Genève pour des motifs professionnels. En 1989, l'épouse
est
retournée vivre à Paris, notamment en raison de la scolarité des
enfants.
Elle a cependant conservé un permis de séjour suisse de type C. Les
conjoints
ont maintenu des relations continues, l'un se rendant fréquemment à
Paris et
l'autre à Genève, où ils avaient un domicile commun.

A l'insu de son épouse, le mari a noué, il y a plusieurs années, une
liaison
avec sa secrétaire et associée. Ils ont eu quatre enfants, nés
respectivement
en 1995, 1997 et 2001, les derniers étant des jumeaux. En automne
1999, le
mari a avoué sa relation extra-conjugale à son épouse. Selon les
déclarations
de celle-ci devant le juge de première instance, elle s'est
effectivement
séparée de son conjoint le 14 novembre 1999. Celui-ci a confirmé
qu'il avait
cessé toute relation avec sa femme et ne lui rendait plus visite
depuis la
mi-novembre 1999.
Le 3 février 2000, l'épouse a déposé une demande de séparation de
corps
assortie d'une requête de mesures préprovisoires. Lors de l'audience
de
comparution personnelle du 2 mai suivant, les conjoints se sont
déclarés
d'accord sur le principe de la séparation de corps. Dans le cadre de
l'instruction ouverte sur mesures provisoires, l'épouse a conclu au
paiement
d'une contribution d'entretien mensuelle de 8'750 fr. Le mari a
offert de lui
verser la somme de 5'000 francs français (FRF) par mois et a conclu,
reconventionnellement, au divorce.

Par jugement du 25 juillet 2000, le Tribunal de première instance de
Genève,
statuant sur mesures provisoires, a donné acte au mari de son
engagement de
verser à l'épouse une contribution d'entretien mensuelle de 5'000
FRF. Sur le
fond, il a préparatoirement imparti aux conjoints un délai pour se
mettre
d'accord sur l'objet de la procédure (séparation de corps ou divorce)
ou, à
défaut, pour conclure sur mesures protectrices de l'union conjugale.

L'épouse a interjeté appel contre la décision sur mesures
provisoires. Par
arrêt du 21 décembre 2000, la Cour de justice du canton de Genève a
condamné
le mari à verser à celle-ci une contribution mensuelle de 6'230 fr.
dès le 3
février 2000.

Les 29 mars et 19 avril 2001, le mari et l'épouse ont successivement
déposé,
sur sollicitation formelle du juge, le premier, une requête
unilatérale en
divorce, et la seconde, une "réitération de demande en séparation de
corps".

Par jugement sur incident du 8 mai 2001, le Tribunal de première
instance a
déclaré recevable la requête en séparation de corps et irrecevable la
demande
en divorce. La comparution personnelle des parties a été ordonnée.

Le 22 mai 2001, le mari a, pour la seconde fois, déposé une demande
reconventionnelle en divorce, avec conclusions sur nouvelles mesures
provisoires tendant à la suppression de toute contribution
d'entretien en
faveur de l'épouse. Celle-ci a conclu à ce que le mari soit débouté
de ses
conclusions, au prononcé de la séparation de corps et au versement
d'une
contribution d'entretien de 6'230 fr. par mois.

B.
Par jugement du 14 août 2001, le Tribunal de première instance a,
dans le
cadre d'une procédure incidente, déclaré irrecevable la demande
reconventionnelle en divorce déposée par le mari; il a considéré que
la
procédure ne pouvait tendre qu'à un seul objet, le divorce ou la
séparation
de corps, et qu'à défaut d'entente à ce sujet, seules des mesures
protectrices pouvaient être ordonnées. Statuant sur nouvelles mesures
provisoires, il a débouté le mari de toutes ses conclusions, pour le
motif
que ses revenus et ses charges lui permettaient de continuer
d'assumer le
paiement de la contribution d'entretien fixée par la Cour de justice
dans son
arrêt du 21 décembre 2000.

Par jugement du 5 septembre 2001, le Tribunal de première instance a
débouté
l'épouse de ses conclusions en séparation de corps.

Le mari a appelé du jugement du 14 août 2001 et l'épouse, de celui du
5
septembre 2001.

Par arrêt du 19 avril 2002, la Cour de justice a ordonné la jonction
des deux
appels, confirmé le jugement du 5 septembre 2001 rejetant les
conclusions de
la demanderesse en séparation de corps, annulé celui du 14 août 2001
en tant
qu'il déclarait les conclusions reconventionnelles en divorce du
défendeur
irrecevables et, statuant à nouveau sur ce point, débouté le mari de
ses
conclusions en divorce, enfin, constaté qu'il n'y avait plus lieu de
prononcer des mesures provisoires.

C.
C.aAgissant par la voie du recours de droit public au Tribunal
fédéral pour
déni de justice formel, le mari conclut à l'annulation de l'arrêt du
19 avril
2002 en tant qu'il concerne les mesures provisoires. Il demande en
outre le
renvoi de la cause à la Cour de justice pour qu'elle statue sur ce
point.

L'intimée propose le rejet du recours, dans la mesure où il est
recevable.

L'autorité cantonale s'est référée aux considérants de son arrêt.

C.b L'épouse a pour sa part interjeté un recours en réforme contre
l'arrêt du
19 avril 2002, dans la mesure où il confirme le rejet de son action en
séparation de corps.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Dans la mesure où il concerne des mesures provisoires de divorce,
respectivement de séparation de corps, l'arrêt attaqué ouvre la voie
du
recours de droit public (ATF 126 III 261 consid. 1 p. 263 et les
citations):
le présent recours est dès lors recevable de ce chef. Formé en temps
utile
contre une décision finale rendue en dernière instance cantonale, il
l'est
également au regard des art. 86 al. 1 et 89 al. 1 OJ.

1.2 Le recours de droit public revêt fondamentalement un caractère
cassatoire
(ATF 126 I 213 consid. 1c p. 216/217; 126 II 377 consid. 8c p. 395;
126 III
534 consid. 1b p. 536 et les arrêts cités). En matière de déni de
justice, le
Tribunal fédéral peut, dans certaines hypothèses, enjoindre à une
autorité
cantonale d'entrer en matière (cf. Philippe Gerber, La nature
cassatoire du
recours de droit public, thèse Genève 1997, p. 239). Quoi qu'il en
soit,
cette exception à la nature cassatoire du recours de droit public
demeure
théorique, dans la mesure où la conséquence d'une violation de
l'interdiction
du déni de justice formel ne peut être que l'obligation de rendre une
nouvelle décision, donc le renvoi de l'affaire à l'autorité
cantonale. Les
conclusions prises en ce sens par le recourant sont par conséquent
superflues
(arrêt du Tribunal fédéral 1P.198/1999 du 18 juin 1999 consid. 2b, in
Pra
89/2000 n° 147 p. 860).

2.
Le recourant reproche à l'autorité intimée d'avoir commis un déni de
justice
formel, au sens de l'art. 29 al. 1 Cst., en ne se prononçant pas sur
les
conclusions prises dans son appel contre le jugement du Tribunal de
première
instance du 14 août 2001, tendant à la suppression de toute
contribution
d'entretien versée en faveur de l'épouse à titre provisoire.

2.1 Selon la jurisprudence rendue en application de l'art. 4 aCst.,
qui garde
toute sa valeur sous l'empire de l'art. 29 al. 1 Cst., une autorité de
jugement commet un déni de justice formel si elle refuse indûment de
se
prononcer sur une requête dont l'examen relève de sa compétence (ATF
117 Ia
116 consid. 3a p. 117/118 et les arrêts cités), ce qu'il appartient au
recourant d'établir (ATF 87 I 241 consid. 3 p. 246). Ainsi, la
juridiction
qui n'entre pas en matière sur un recours qui lui est soumis dans un
domaine
dont elle a la compétence matérielle, locale et fonctionnelle pour en
connaître commet un déni de justice formel (ATF 118 Ib 381 consid.
2b/bb p.
390/391; 117 Ia 116 précité et les références).

2.2 En l'espèce, l'autorité cantonale a considéré qu'il n'y avait pas
lieu
d'examiner les conclusions sur mesures provisoires qui lui étaient
soumises,
dès lors que les parties étaient déboutées de leurs conclusions tant
en
divorce qu'en séparation de corps. Ce raisonnement est erroné. En
effet, les
mesures provisoires restent en vigueur jusqu'au moment où la demande
en
divorce ou en séparation de corps est définitivement tranchée; or,
tel ne
peut être le cas avant l'expiration du délai de recours en réforme au
Tribunal fédéral lorsque, comme en l'espèce, celui-ci est ouvert,
l'effet
suspensif intervenant de plein droit (art. 54 al. 2 OJ; cf. Poudret,
Commentaire de la loi fédérale d'organisation judiciaire, n. 2.1 ad
art. 54,
p. 405). Par ailleurs, les mesures provisoires ordonnées dans un
procès en
divorce ou en séparation de corps peuvent être modifiées en cours de
procédure, aux mêmes conditions que sous l'ancien droit, en cas de
changement
important et durable des circonstances. Même en l'absence de faits
nouveaux,
le juge peut corriger sa décision lorsque le requérant établit que
celle-ci
reposait sur des constatations inexactes ou sur une mauvaise
appréciation des
faits (Leuenberger, Praxiskommentar Scheidungsrecht, 2000, n. 17 ad
art. 137
CC et les références citées). La décision de modification des
contributions
d'entretien peut prendre effet au moment du dépôt de la requête -
voire
exceptionnellement avant -, l'octroi d'un tel effet rétroactif
relevant
toutefois de l'appréciation du juge (ATF 111 II 103 consid. 4 p. 107
s.;
Leuenberger, op. cit., n. 18 ad art. 137 CC). Le fait que la première
décision entrée en force constituait un titre de mainlevée définitive
(ATF
115 III 97 consid. 3a p. 99) ne fait pas obstacle à un tel effet
rétroactif.
Les mesures provisoires bénéficient ainsi de la force de chose jugée
relative, en ce sens qu'elles déploient leurs effets pour la durée du
procès
tant et aussi longtemps qu'elles n'ont pas été modifiées.

Dans sa requête du 22 mai 2001, le mari a pris des conclusions sur
nouvelles
mesures provisoires tendant à la suppression de toute contribution
d'entretien en faveur de l'épouse. Ces conclusions ayant été rejetées
le 14
août 2001 par le Tribunal de première instance, le requérant a appelé
de ce
jugement auprès de la Cour de justice, en reprenant les mêmes
conclusions. Au
vu de ce qui précède, l'autorité cantonale devait se prononcer sur une
éventuelle modification de la rente due à l'épouse. En ne statuant
pas sur ce
point, elle a ainsi commis un déni de justice formel.

3.
En conclusion, le recours apparaît bien fondé et doit par conséquent
être
admis. Les frais et dépens de la procédure seront dès lors supportés
par
l'intimée, qui succombe (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et l'arrêt attaqué est annulé dans la mesure où
il
concerne les mesures provisoires.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de l'intimée.

3.
L'intimée versera au recourant une indemnité de 2'000 fr. à titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 24 octobre 2002

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5P.205/2002
Date de la décision : 24/10/2002
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-10-24;5p.205.2002 ?
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