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18/10/2002 | SUISSE | N°I.318/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 18 octobre 2002, I.318/02


{T 7}
I 318/02

Arrêt du 18 octobre 2002
IIe Chambre

MM. les Juges Schön, Président, Ursprung et Frésard. Greffière : Mme
Piquerez

M.________, recourante, représentée par Me Thierry Thonney, avocat,
place
Pépinet 4, 1002 Lausanne,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 8 novembre 2001)

Faits :

A.
M.________, née en 194

1, secrétaire de formation, a exercé la
profession de
vendeuse-décoratrice depuis 1992. Souffrant notamment de dépression,
elle a...

{T 7}
I 318/02

Arrêt du 18 octobre 2002
IIe Chambre

MM. les Juges Schön, Président, Ursprung et Frésard. Greffière : Mme
Piquerez

M.________, recourante, représentée par Me Thierry Thonney, avocat,
place
Pépinet 4, 1002 Lausanne,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 8 novembre 2001)

Faits :

A.
M.________, née en 1941, secrétaire de formation, a exercé la
profession de
vendeuse-décoratrice depuis 1992. Souffrant notamment de dépression,
elle a
déposé une demande de prestations AI tendant à l'octroi d'une rente,
le 5
juin 1997. Dans le cadre de l'instruction de cette demande, l'Office
de
l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud (ci-après : l'office) a
demandé
aux divers médecins consultés par l'assurée de prendre position sur
son cas.
Le docteur S.________, spécialiste en psychiatrie, a notamment rendu
un
rapport médical le 6 décembre 1999 dans lequel il a posé le
diagnostic de
dépression chronique d'intensité moyenne, trouble de la personnalité
non
spécifié (traits dépendants et évitants), crises arythmiques -
hypertension
artérielle et difficultés affectives et financières. Il a conclu à une
incapacité de travail se situant entre 60 et 70 %.

Par décision du 10 avril 2000, l'office a octroyé à M.________ une
demi-rente
d'invalidité, correspondant à un degré d'invalidité de 60 % avec
effet au 1er
janvier 1997.

B.
M.________ a recouru contre cette décision devant le Tribunal des
assurances
du canton de Vaud. Son recours a été rejeté par jugement du 8
novembre 2001.

C.
L'assurée interjette recours de droit administratif contre ce
jugement. Elle
conclut à l'annulation de la décision du 10 avril 2000 de l'office et
à
l'allocation d'une rente entière d'invalidité dès le 1er janvier
1997. Elle
requiert également le bénéfice de l'assistance judiciaire gratuite.

L'office a renoncé à se déterminer. L'Office fédéral des assurances
sociales
n'a pas déposé de prise de position.

Considérant en droit :

1.
Selon l'art. 28 al. 1 LAI, l'assuré a droit à une rente entière s'il
est
invalide à 66 2/3 % au moins, à une demi-rente s'il est invalide à 50
% au
moins, ou à un quart de rente s'il est invalide à 40 % au moins; dans
les cas
pénibles, l'assuré peut, d'après l'art. 28 al. 1bis LAI, prétendre une
demi-rente s'il est invalide à 40 % au moins.

Chez les assurés actifs, le degré d'invalidité doit être déterminé
sur la
base d'une comparaison des revenus. Pour cela, le revenu du travail
que
l'invalide pourrait obtenir en exerçant l'activité qu'on peut
raisonnablement
attendre de lui, après exécution éventuelle de mesures de
réadaptation et
compte tenu d'une situation équilibrée du marché du travail, est
comparé au
revenu qu'il aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide (art. 28 al.
2 LAI).
La comparaison des revenus s'effectue, en règle ordinaire, en
chiffrant aussi
exactement que possible les montants de ces deux revenus et en les
confrontant l'un avec l'autre, la différence permettant de calculer
le taux
d'invalidité (méthode générale de comparaison des revenus; ATF 104 V
136
consid. 2a et 2b).

Selon la jurisprudence, sont déterminants pour la comparaison des
revenus les
rapports existant au moment du début du droit à la rente ainsi que les
modifications éventuelles survenues jusqu'au moment de la décision
qui ont
des conséquences sur le droit à la rente (arrêt D. du 23 mai 2002 [U
234/00]
destiné à la publication; cf. aussi arrêt G. du 22 août 2002 [I
440/01]).

2.
Afin de déterminer l'activité raisonnablement exigible de l'assurée
qui
conditionne sa capacité résiduelle de gain, les premiers juges se sont
référés à l'avis du docteur S.________ (rapport du 6 décembre 1999).

La recourante objecte qu'il n'a pas été tenu compte des avis
divergents
exprimés par d'autres médecins. Elle relève ensuite que le docteur
S.________
est influencé dans son jugement, car il a été son médecin traitant.
Enfin,
elle fait grief aux premiers juges d'avoir retenu le taux de 60 % et
non la
valeur moyenne de la fourchette d'incapacité de travail donnée par le
docteur
S.________, c'est-à-dire 65 %.

2.1 En ce qui concerne la valeur probante d'un rapport médical, ce
qui est
déterminant c'est que les points litigieux aient fait l'objet d'une
étude
circonstanciée, que le rapport se fonde sur des examens complets,
qu'il
prenne également en considération les plaintes exprimées par la
personne
examinée, qu'il ait été établi en pleine connaissance de l'anamnèse,
que la
description du contexte médical et l'appréciation de la situation
médicale
soient claires et enfin que les conclusions de l'expert soient dûment
motivées. Au demeurant, l'élément déterminant pour la valeur probante
n'est
ni l'origine du moyen de preuve ni sa désignation comme rapport ou
comme
expertise, mais bel et bien son contenu (ATF 125 V 352 consid. 3a,
122 V 160
consid. 1c et les références).

2.2 En l'espèce, la seule circonstance que le docteur S.________ a
eu, il y a
quelques années, la recourante en consultation, ne permet pas à elle
seule
d'élever des doutes sérieux quant à son objectivité. On relèvera,
d'une part,
que la recourante s'est rendue à sa consultation à trois reprises pour
l'établissement du rapport sans soulever d'objection à l'égard du
médecin. Ce
n'est en réalité qu'après avoir reçu ses conclusions qu'elle en a
contesté
l'objectivité. D'autre part, il convient de relever que,
contrairement à ce
que soutient l'assurée, le docteur S.________ n'a pas noté un défaut
de
collaboration général de cette dernière durant les consultations en
vue de
l'établissement du rapport, mais uniquement un manque de coopération
dans
l'instauration de traitements. Pour le surplus, le rapport du docteur
S.________ est basé sur des examens complets, l'étude du dossier, une
anamnèse approfondie de la patiente; les considérations médicales sont
clairement exprimées et les conclusions motivées. Dès lors, ce
rapport répond
à toutes les exigences posées par la jurisprudence rappelée
ci-dessus, si
bien que l'on peut lui reconnaître pleine valeur probante.

2.3 Les autres pièces médicales figurant au dossier, qui corroborent
au
demeurant le diagnostic du docteur S.________, ne permettent pas non
plus
d'écarter les conclusions de ce dernier.

Le docteur K.________ (rapport du 31 juillet 2000), actuel médecin
traitant
de la recourante, fait certes état d'une capacité de travail de 0 à
20 % de
manière définitive. Toutefois, ce praticien se borne à critiquer
l'avis de
son confrère et l'appréciation de la capacité de travail ne repose
pas sur
une motivation convaincante.

Quant aux rapports médicaux des docteurs X.________ (25 novembre
1997),
G.________ (23 septembre 1998) et J.________ (24 septembre 1998), qui
ne
contiennent aucune motivation substantielle, et Z.________ (du 28
août 1997),
qui ne fournit aucune indication relative à la capacité de travail,
ils
n'apportent, eux non plus, aucun élément concret justifiant de
s'écarter des
conclusions du docteur S.________.

2.4 Selon le docteur S.________, l'incapacité de travail de
M.________ est de
60 à 70 %. Les premiers juges ont retenu, sur cette base, le taux de
60 % en
tant qu'incapacité de travail moyenne.

A cet égard, il convient de relever que l'estimation du docteur
S.________,
outre le trouble dépressif léger à moyen et les problèmes de
personnalité de
l'assurée, tient également compte de l'âge de celle-ci. Dans la
mesure où ce
dernier facteur est, en lui-même, étranger à l'invalidité, on ne
saurait
reprocher aux premiers juges d'avoir fait un usage critiquable de leur
pouvoir d'appréciation en retenant la limite inférieure de
l'incapacité de
travail indiquée par le docteur S.________.

3.
3.1S'agissant du revenu que la recourante serait capable de réaliser
en
mettant à profit sa capacité résiduelle de travail, l'office intimé
l'a
estimé à 1300 fr. par mois, soit 3250 fr. x 13 x 40 %, en se fondant
sur des
renseignements émanant apparemment de l'Association vaudoise des
détaillants
textiles, le salaire de 3250 fr. mensuel correspondant à ce que
gagnerait une
vendeuse expérimentée au bénéfice d'un CFC.

Le Tribunal des assurances, quant à lui, a retenu un revenu
d'invalide de
1383 fr. par mois, soit 3456 fr. x 13 x 40 %. Il s'est référé à
l'Enquête
suisse sur la structure des salaires 1998 (ESS) en prenant en compte
le
salaire mensuel brut (valeur centrale) dans le domaine "commerce de
détail",
niveau de qualification 3 (connaissances professionnelles
spécialisées).

La recourante, qui ne critique pas la référence à des données
statistiques,
reproche à l'autorité cantonale d'avoir retenu le degré de
qualification 3.
Elle objecte qu'après 2 ans (recte : 5 ans) sans activité
professionnelle,
sans mise à jour de ses connaissances et compte tenu de son état de
santé,
elle ne peut reprendre un poste nécessitant des connaissances
spécialisées.

3.2 Le revenu d'invalide doit être évalué avant tout en fonction de la
situation professionnelle concrète de l'intéressé. En l'absence d'un
revenu
effectivement réalisé, il y a lieu de se référer aux données
d'expérience
ressortant des enquêtes sur la structure des salaires de l'Office
fédéral de
la statistique (ATF 126 V 76 sv. consid. 3b/aa et bb). On se réfère
alors aux
salaires bruts standardisés, en se fondant toujours sur la médiane ou
valeur
centrale (ATF 124 V 323 consid. 3b/aa; VSI 1999 p. 182). La mesure
dans
laquelle les salaires statistiques doivent être réduits dépend de
l'ensemble
des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier
(limitations liées au handicap, âge, années de service,
nationalité/catégorie
d'autorisation de séjour et taux d'occupation) et résulte d'une
évaluation
dans les limites du pouvoir d'appréciation. Une déduction globale
maximum de
25 % sur le salaire statistique permet de tenir compte des différents
éléments qui peuvent influencer le revenu d'une activité lucrative
(ATF 126 V
79 sv. consid. 5b/aa-cc; VSI 2002 p. 70 sv. consid. 4b). La
déduction, qui
doit être effectuée globalement, résulte d'une évaluation et doit être
brièvement motivée par l'administration. Le juge des assurances
sociales ne
peut, sans motifs pertinents, substituer son appréciation à celle de
l'administration (ATF 126 V 81 consid. 6).

3.3 En l'espèce, la recourante bénéficie d'une formation de
secrétaire. Elle
n'a plus exercé cette profession depuis de nombreuses années et l'on
peut
raisonnablement considérer qu'elle ne dispose pas de connaissances
suffisamment actuelles pour retrouver un emploi dans ce domaine. On ne
saurait, par ailleurs, déduire de la seule expérience qu'elle a
acquise dans
son activité de vendeuse-décoratrice, exercée de manière
intermittente,
qu'elle justifie de connaissances spécifiques lui permettant d'être
engagée à
ce titre et avec une rémunération correspondante. Seules peuvent dès
lors
être prises en considération des activités simples et répétitives.

Selon le tableau TA1 de l'ESS 1996, la valeur centrale de la
rémunération
pour des femmes chargées de telles tâches (niveau des exigences 4)
dans le
secteur du commerce de détail (avec horaire hebdomadaire de 40 heures)
s'élève à 3315 fr. mensuellement, 13ème salaire compris, ce qui
correspond,
pour un horaire moyen hebdomadaire de 41,9 heures (cf. Indicateurs du
marché
du travail 1999, publié par l'Office fédéral de la statistique, T28),
à 3472
fr. 45 par mois; adapté à l'évolution des salaires nominaux (cf.
Annuaire
statistique de la Suisse 2001, T3.4.3.2), le salaire déterminant en
1997 est
de 3489 fr. 10 par mois ou 41 869 fr. 20 par an.

3.4 Les premiers juges ont opéré un abattement de 10 % sur le revenu
statistique ainsi déterminé. La recourante soutient, pour sa part,
qu'une
réduction de 15 % au minimum est justifiée en l'espèce.

La Cour de céans n'a toutefois aucun motif pertinent, au sens de la
jurisprudence rappelée ci-dessus, de s'écarter de l'appréciation des
premiers
juges. Un abattement de 10 %, qui apparaît adéquat, tient en effet
compte de
l'en-semble des facteurs déterminants dans le cas d'espèce, soit en
particulier l'âge et les effets de la maladie de la recourante. Le
revenu
d'invalide à prendre en considération dans le cas particulier s'élève
donc à
1256 fr. 05 par mois ou 15 072 fr. 60 par an ([3489,10 - 10 %] x 40
%).

4.
4.1Le revenu sans invalidité se détermine en règle générale d'après le
dernier salaire que l'assuré a obtenu avant l'atteinte à la santé,
compte
tenu des principes exposés ci-dessus (consid. 1) quant au moment
déterminant
pour la comparaison.

4.2 S'agissant du revenu que la recourante pourrait réaliser en
qualité de
vendeuse si elle n'était pas invalide, l'intimé et les premiers juges
ont
retenu un revenu mensuel brut de 3250 fr. x 13. Ce montant est
contesté par
l'assurée.

Dans le cas particulier, la recourante a été engagée par O.________
en 1994.
Elle réalisait, d'après les données figurant dans la demande de
prestations
AI, un salaire de 1800 fr. par mois pour un taux d'activité de 50 %.
En 1995,
elle était engagée à 100 % pour un revenu, toujours selon les
indications de
la
recourante, de 3000 fr. plus 5 % de commission sur les ventes. Il
n'est
pas précisé si un 13ème salaire était versé en sus. Les seules pièces
au
dossier concernant les revenus de l'assurée sont les relevés de la
caisse de
compensation. Dans la mesure où les revenus de l'intéressée, composés
partiellement de commissions, sont susceptibles d'avoir été soumis à
des
variations importantes, le compte individuel de la recourante ne
fournit pas
des indications suffisamment précises pour établir sa capacité réelle
de
gain.

On ne peut se fonder, comme l'ont fait les premiers juges, pour
établir le
revenu sans invalidité, uniquement sur des renseignements fournis par
une
association professionnelle. De même, le montant de 4000 fr. allégué
par
l'assurée ne saurait emporter la conviction puisqu'il repose sur une
évaluation purement hypothétique de l'évolution des commissions
qu'elle
aurait pu réaliser.

En l'état, le dossier de la cause ne permet pas de fixer le revenu
sans
invalidité de la recourante. Il doit donc être renvoyé à l'intimé pour
clarifier la situation sous l'angle économique. Il conviendra
d'inviter le
dernier employeur de la recourante à fournir des renseignements précis
portant tant sur le salaire et le montant des commissions obtenues en
1994/1995 que sur les revenus que la recourante aurait pu réaliser en
1997
dans le même emploi (part fixe du salaire et commissions), étant
rappelé que
le moment déterminant pour effectuer la comparaison des revenus est
le début
du droit à la rente, sauf si une modification significative des
données à
considérer est intervenue postérieurement (cf. supra, consid. 1 in
fine). Au
besoin, il y aura lieu d'effectuer une moyenne des revenus totalisés
par la
recourante.

5.
La recourante obtient gain de cause dans la mesure où la décision
attaquée
est annulée. Assistée d'un conseil, elle peut prétendre à une
indemnité de
dépens (art. 159 OJ), si bien que sa requête à fin d'assistance
judiciaire
devient sans objet.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Le recours est admis en ce sens que le jugement du Tribunal des
assurances du
canton de Vaud du 8 novembre 2001, ainsi que la décision de l'Office
de
l'assurance-invalidité du canton de Vaud du 10 avril 2000 sont
annulés, la
cause étant renvoyée à cet office pour instruction complémentaire et
nouvelle
décision au sens des considérants.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
L'Office de l'assurance-invalidité du canton de Vaud versera à la
recourante
une indemnité de 2500 fr. (y compris la taxe sur la valeur ajoutée)
au titre
de dépens pour la procédure fédérale.

4.
Le Tribunal des assurances du canton de Vaud statuera à nouveau sur
les
dépens pour la procédure de première instance, au regard de l'issue
du procès
de dernière instance.

5.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des
assurances du
canton de Vaud, à la Caisse cantonale vaudoise de compensation et à
l'Office
fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 18 octobre 2002
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIe Chambre: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.318/02
Date de la décision : 18/10/2002
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-10-18;i.318.02 ?
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