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17/10/2002 | SUISSE | N°I.337/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 17 octobre 2002, I.337/02


{T 7}
I 337/02

Arrêt du 17 octobre 2002
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Meyer et Kernen. Greffière : Mme
Gehring

Office fédéral des assurances sociales, Effingerstrasse 20, 3003
Berne,
recourant,

contre

B.________, intimé,

Commission cantonale de recours en matière d'AVS/AI, Genève

(Jugement du 6 mars 2002)

Faits :

A.
B. ________, né en 1959, a travaillé en qualité de
boulanger-pâtissier au
service de la société B.________ dont

il était un des associés. A la
fin de
l'année 1996, il a cessé son activité indépendante après le dépôt de
bilan et
la faillite de ...

{T 7}
I 337/02

Arrêt du 17 octobre 2002
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Meyer et Kernen. Greffière : Mme
Gehring

Office fédéral des assurances sociales, Effingerstrasse 20, 3003
Berne,
recourant,

contre

B.________, intimé,

Commission cantonale de recours en matière d'AVS/AI, Genève

(Jugement du 6 mars 2002)

Faits :

A.
B. ________, né en 1959, a travaillé en qualité de
boulanger-pâtissier au
service de la société B.________ dont il était un des associés. A la
fin de
l'année 1996, il a cessé son activité indépendante après le dépôt de
bilan et
la faillite de la société. A la suite de ces événements, il a
développé, au
cours de l'année 1997, un état dépressif majeur, vivant dans
l'isolement
social le plus complet, liquidant la plupart de ses biens personnels
et
cessant progressivement de se nourrir. Au début de l'année 1998, il a
tenté
de se suicider à deux reprises avant d'être hospitalisé du 27 avril
1998
jusqu'au 29 septembre 1999.

Le 14 mai 1999, B.________ a présenté une demande de prestations de
l'assurance-invalidité. Par décision du 20 octobre 2000, l'Office
cantonal de
l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l'Office AI)
lui a
octroyé une rente entière fondée sur un degré d'invalidité de 100 % à
partir
du 1er novembre 2000. Par décision subséquente du 9 novembre 2000, il
lui a
alloué, rétroactivement, cette prestation pour la période du 1er mai
1998 au
31 octobre 2000.

B.
Par prononcé du 6 mars 2002, la juridiction cantonale a admis le
recours
formé par l'intéressé contre la décision du 9 novembre 2000 et jugé
qu'il
avait droit à la rente à partir du 1er janvier 1998.

C.
L'Office fédéral des assurances sociales interjette un recours de
droit
administratif contre ce jugement, dont il requiert l'annulation, en
concluant
à la confirmation de la décision de l'Office AI.

Dans des observations du 28 mai 2002, la juridiction cantonale se
réfère,
pour l'essentiel, aux considérants de son jugement. De son côté,
l'Office AI
propose l'admission du recours, l'annulation du jugement attaqué et la
confirmation de sa décision du 9 novembre 2000. Le recourant ne s'est
pas
déterminé sur le recours.

Considérant en droit :

1.
Aux termes de l'art. 48 al. 2 LAI, si l'assuré présente sa demande
plus de
douze mois après la naissance du droit, les prestations ne sont
allouées que
pour les douze mois précédant le dépôt de la demande. Elles sont
allouées
pour une période antérieure si l'assuré ne pouvait pas connaître les
faits
ouvrant droit à prestations et qu'il présente sa demande dans les
douze mois
dès le moment où il en a eu connaissance.
Selon la jurisprudence, l'art. 48 al. 2, seconde phrase, LAI
s'applique
lorsque l'assuré ne savait pas et ne pouvait pas savoir qu'il était
atteint,
en raison d'une atteinte à la santé physique ou mentale, d'une
diminution de
la capacité de gain dans une mesure propre à lui ouvrir le droit à des
prestations. Cette disposition ne concerne en revanche pas les cas où
l'assuré connaissait ces faits mais ignorait qu'ils donnent droit à
une rente
de l'assurance-invalidité (ATF 102 V 113 consid. 1a). Autrement dit,
«les
faits ouvrant droit à des prestations (que) l'assuré ne pouvait pas
connaître», au sens de l'art. 48 al. 2, seconde phrase, LAI, sont
ceux qui
n'étaient objectivement pas reconnaissables, mais non ceux dont
l'assuré ne
pouvait subjectivement pas saisir la portée (ATF 100 V 119 sv.
consid. 2c;
RCC 1984 p. 420 sv. consid. 1; Valterio, Droit et pratique de
l'assurance-invalidité [les prestations], p. 305 ss).

Toutefois, une restitution de délai doit également être accordée si
l'assuré
a été incapable d'agir pour une cause de force majeure - par exemple
en
raison d'une maladie psychique entraînant une incapacité de
discernement (ATF
108 V 228 sv. consid. 4; arrêt non publié V. du 16 mars 2000, I
149/99) - et
qu'il présente une demande de prestations dans un délai raisonnable
après la
cessation de l'empêchement. Mais encore faut-il, ici aussi, qu'il
s'agisse
d'une impossibilité objective, s'étendant sur la période au cours de
laquelle
l'assuré se serait vraisemblablement annoncé à l'assurance-invalidité
s'il
l'avait pu, et non d'une difficulté ou d'un motif subjectif, comme
celui
d'ignorer son droit ou de mal concevoir ses intérêts (ATF 102 V 115
consid.
2a ; RCC 1984 p. 420 sv. consid. 1; Valterio, eod. loc.).

2.
2.1En l'espèce, il est constant que l'assuré présente une incapacité
de
travail de 100 % depuis le mois de novembre 1996, que son droit à la
rente a
donc pris naissance le 1er novembre 1997 (art. 29 al. 1 let. b LAI)
et que la
demande de prestations qu'il a présentée le 14 mai 1999 - soit plus
de douze
mois après - est tardive au sens de l'art. 48 al. 2, première phrase,
LAI. Le
litige porte donc sur le point de savoir si l'intéressé a droit au
paiement
de la rente pour une période antérieure aux douze mois précédant le
dépôt de
la demande (art. 48 al. 2, seconde phrase, LAI), motif pris qu'il
était
incapable d'agir pour cause de force majeure. Il s'agit donc
d'examiner si
l'état dépressif présenté par l'assuré depuis le mois de janvier 1997
était
de nature à le rendre incapable de discernement en ce qui concerne le
dépôt
d'une demande de prestations de l'assurance-invalidité.

2.2 Selon la juridiction cantonale, l'état dépressif dont l'assuré a
souffert
depuis le mois de janvier 1997 l'a privé de capacité de discernement,
à tout
le moins jusqu'au moment où les premiers effets du traitement
thérapeutique
se sont manifestés. Ces soins n'ayant pu être administrés, au plus
tôt, qu'à
partir de l'hospitalisation de l'assuré ordonnée le 27 avril 1998, la
juridiction cantonale a considéré qu'en déposant une demande de
prestations
de l'assurance-invalidité le 14 mai 1999, l'intéressé avait agi dans
le délai
de douze mois suivant la cessation de l'empêchement.

2.3 En l'occurrence, aucun avis médical ne fait état d'une incapacité
de
discernement susceptible d'avoir empêché l'assuré d'agir et de
présenter une
demande de prestations de l'assurance-invalidité dans les douze mois
suivant
la naissance de son droit. Au contraire, il ressort du rapport établi
le 21
mars 2000 par le docteur L.________, médecin-psychiatre, que les
démarches
relatives à une telle demande ont été mal acceptées par l'assuré et
que cette
divergence d'opinion entre celui-ci et ses médecins n'était pas liée
à un
trouble de la conscience. Par conséquent, il apparaît que la raison
pour
laquelle l'assuré s'est montré réticent à l'idée de présenter une
demande de
prestations de l'assurance-invalidité ne résulte pas d'une incapacité
de
discernement liée à la maladie. Le fait qu'il a tardé à présenter une
telle
demande - malgré l'insistance de l'assistant social en charge de son
cas - au
motif qu'il ne réalisait pas la gravité de la maladie, n'est pas
déterminant
étant donné que la faculté subjective de l'assuré de se faire une
idée de son
état de santé n'est pas décisive (cf. consid. 1 ci-dessus). Ce
comportement
s'apparente davantage à des inhibitions psychiques liées à
l'invalidité -
lesquelles ne sont pas non plus déterminantes en la matière (voir RCC
1984 p.
423) - plutôt qu'à un défaut de discernement. Il y a lieu également de
souligner que la singularité du comportement de l'intéressé depuis
l'apparition de la maladie ne révèle pas forcément une incapacité de
discernement de ce dernier. Au demeurant, il appert des pièces
versées au
dossier que l'assuré a été en mesure d'entreprendre des démarches en
matière
d'assurance-chômage dès le 2 juin 1998, date à laquelle il s'est
inscrit à
l'Office cantonal de l'emploi du canton de Genève.

2.4 Dans ces conditions, force est d'admettre que l'état dépressif
présenté
par l'assuré depuis le mois de janvier 1997 ne l'a pas rendu
incapable de
discernement et qu'il était en mesure de présenter une demande de
prestations
de l'assurance-invalidité dans les douze mois suivant la naissance de
son
droit. Partant, l'intéressé ne saurait se fonder sur l'art. 48 al. 2,
seconde
phrase, LAI afin d'obtenir une restitution de délai. Il n'a donc pas
droit à
la rente d'invalidité pour la période antérieure aux douze mois
précédant le
dépôt de la demande. Le 14 mai 1999, l'Office AI était donc fondé, par
décision du 9 novembre 2000, à allouer à l'intéressé une rente à
partir du
1er mai 1998. Le recours se révèle dès lors bien fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Le recours est admis et le jugement de la Commission cantonale de
recours en
matière d'AVS/AI du canton de Genève du 6 mars 2002 est annulé.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la Commission
cantonale de
recours en matière d'assurance-vieillesse, survivants et invalidité
du canton
de Genève et à l'Office cantonal de l'assurance-invalidité du canton
de
Genève.

Lucerne, le 17 octobre 2002
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIIe Chambre: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.337/02
Date de la décision : 17/10/2002
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-10-17;i.337.02 ?
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