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16/10/2002 | SUISSE | N°4P.152/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 16 octobre 2002, 4P.152/2002


{T 0/2}
4P.152/2002 /svc

Arrêt du 16 octobre 2002
Ire Cour civile

Les juges fédéraux Walter, président de la Cour,
Corboz et Favre,
greffier Carruzzo.

J. ________ et
S.________, recourants,

contre

X.________, intimé, représenté par Me Christian Buonomo, avocat, quai
Gustave-Ador 26, case postale 6253,
1211 Genève 6,
Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève, case
postale 3108, 1211 Genève 3.

art. 9 et 29 Cst.; procédure civile; appréciation arbitrai

re des
preuves

(recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre d'appel en
matière de
baux et loyers du can...

{T 0/2}
4P.152/2002 /svc

Arrêt du 16 octobre 2002
Ire Cour civile

Les juges fédéraux Walter, président de la Cour,
Corboz et Favre,
greffier Carruzzo.

J. ________ et
S.________, recourants,

contre

X.________, intimé, représenté par Me Christian Buonomo, avocat, quai
Gustave-Ador 26, case postale 6253,
1211 Genève 6,
Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève, case
postale 3108, 1211 Genève 3.

art. 9 et 29 Cst.; procédure civile; appréciation arbitraire des
preuves

(recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre d'appel en
matière de
baux et loyers du canton de Genève du 13 mai 2002)

Faits:

A.
J. ________ et S.________ louent, depuis le 1er novembre 1991, un
appartement
de sept pièces au 6ème étage ainsi qu'un box au 2ème sous-sol d'un
immeuble
sis à Genève. Les baux relatifs à ces deux objets se renouvellent
tacitement
d'année en année, sauf résiliation donnée six mois avant l'échéance
du 31
octobre. Le bailleur et propriétaire de l'appartement, X.________,
habite
dans le même immeuble.

Des actes de vandalisme sur les portes de l'ascenseur de l'immeuble
ont été
constatés au printemps 1999. Ils ont entraîné le dépôt d'une plainte
pénale
et l'installation d'une caméra de surveillance dans l'ascenseur. En
juillet
de la même année, le fils des locataires, R.________, a informé le
représentant du bailleur qu'une amie de la famille avait commis une
déprédation dans l'ascenseur. Sur quoi, par avis officiels adressés
le 5 août
1999 à chacun des époux, X.________, mettant nommément en cause
J.________, a
résilié le bail avec effet immédiat, avant de requérir l'évacuation
des
locataires au début novembre 1999. Ceux-ci avaient sollicité
entre-temps la
constatation de l'inefficacité du congé et, subsidiairement, une
prolongation
du bail pour une durée de quatre ans. La plainte pénale a été classée
faute
d'éléments suffisants pour identifier l'auteur des déprédations.

De nouveaux actes de vandalisme ont été commis à fin 1999. La
procédure
pénale subséquente a abouti au prononcé de deux ordonnances de
condamnation,
le 16 juin 2000, à l'encontre de S.________ et de R.________, qui ont
été
reconnus coupables de dommages à la propriété et se sont vu infliger
une
amende de 250 fr. chacun. La première a reconnu avoir tracé avec une
clé, fin
1999, une rayure sur la porte intérieure de l'ascenseur. Le second a
admis
avoir, le 4 décembre 1999, endommagé la serrure du tableau de
l'ascenseur
donnant accès à l'appartement du dernier étage, occupé par le
propriétaire.

Invoquant ces nouveaux actes de vandalisme, X.________ a résilié
derechef les
baux de l'appartement et du box avec effet immédiat par avis
officiels du 31
janvier 2000. Puis, le 3 février 2000, il a résilié les baux pour la
prochaine échéance du 31 octobre 2000, déclarant que cette
résiliation était
faite à titre subsidiaire. Enfin, le bailleur a déposé une nouvelle
requête
en évacuation contre les locataires en date du 22 mars 2000. Ceux-ci
ont
sollicité la constatation de la nullité du congé du 31 janvier 2000 et
l'annulation du congé du 3 février 2000. A titre subsidiaire, il ont
requis
une prolongation des baux jusqu'au 1er novembre 2004.

B.
Par jugement du 5 avril 2001, le Tribunal des baux et loyers du
canton de
Genève a constaté l'inefficacité des résiliations notifiées le 5 août
1999.
Se fondant sur l'art. 257f al. 4 CO, il a, en revanche, admis que les
baux de
l'appartement et du box avaient été valablement résiliés, avec effet
immédiat, le 31 janvier 2000. Il s'est en conséquence abstenu
d'examiner la
validité de la résiliation ordinaire du 3 février 2000 et,
conformément à
l'art. 272a al. 1 let. b CO, le bien-fondé de la requête visant à la
prolongation des baux.

Les locataires (demandeurs) ont interjeté appel. Ils ont conclu,
principalement, à la constatation de l'inefficacité des résiliations
anticipées des 5 août 1999 et 31 janvier 2000, ainsi qu'au renvoi du
dossier
au Tribunal des baux et loyers pour qu'il statue sur leur demande de
prolongation des baux consécutive à la résiliation ordinaire du 3
février
2000, subsidiairement à ce que cette prolongation leur soit accordée
jusqu'au
31 octobre 2004. Les demandeurs ont expressément renoncé, en appel, à
solliciter l'annulation du congé ordinaire, notifié le 3 février 2000
pour le
31 octobre 2000.

La Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève,
statuant
par arrêt du 13 mai 2002, a annulé le jugement de première instance,
constaté
l'inefficacité des résiliations anticipées signifiées les 5 août 1999
et 31
janvier 2000, admis en revanche la validité de la résiliation
ordinaire avec
effet au 31 octobre 2000 et accordé aux locataires une unique
prolongation de
bail de deux ans, soit jusqu'au 31 octobre 2002.

C.
Parallèlement à un recours en réforme, les demandeurs ont déposé un
recours
de droit public. Invoquant la violation des art. 9 et 29 al. 2 Cst.,
ils
invitent le Tribunal fédéral à annuler l'arrêt de la Chambre d'appel.

Le défendeur et intimé propose le rejet du recours. La cour cantonale
se
réfère, quant à elle, aux motifs énoncés dans son arrêt.

La demande d'effet suspensif présentée par les recourants a été
déclarée sans
objet, vu l'art. 54 al. 2 OJ.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Le recours de droit public au Tribunal fédéral est ouvert contre
une
décision cantonale pour violation des droits constitutionnels des
citoyens
(art. 84 al. 1 let. a OJ).

L'arrêt rendu par la cour cantonale, qui est final, n'est susceptible
d'aucun
autre moyen de droit sur le plan fédéral ou cantonal dans la mesure
où le
recourant invoque la violation directe d'un droit de rang
constitutionnel, de
sorte que la règle de la subsidiarité du recours de droit public est
respectée (art. 84 al. 2 et 86 al. 1 OJ). En revanche, si le recourant
soulevait une question relevant de l'application du droit fédéral, le
grief
ne serait pas recevable, parce qu'il pouvait faire l'objet d'un
recours en
réforme (art. 43 al. 1 et 84 al. 2 OJ).

Les recourants sont personnellement touchés par la décision
attaquée, qui a
pour effet d'écarter partiellement leur demande visant à une
prolongation de
bail d'une durée de quatre ans, de sorte qu'ils ont un intérêt
personnel,
actuel et juridiquement protégé à ce que cette décision n'ait pas été
prise
en violation de leurs droits constitutionnels; en conséquence, ils ont
qualité pour recourir (art. 88 OJ).

Interjeté en temps utile (art. 89 al. 1 OJ), dans la forme prévue par
la loi
(art. 90 al. 1 OJ), le recours est en principe recevable.

1.2 Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine
que les
griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans
l'acte
de recours (ATF 127 I 38 consid. 3c; 127 III 279 consid. 1c; 126 III
524
consid. 1c, 534 consid. 1b; 125 I 492 consid. 1b p. 495).

2.
Dans un premier moyen, les recourants reprochent à l'autorité intimée
d'avoir
violé leur droit d'être entendus. Plus précisément, ils lui font grief
d'avoir méconnu le principe du double degré de juridiction cantonal,
prévu
par les dispositions topiques du droit procédural genevois, en
tranchant
directement la question de la durée de la prolongation de bail
requise, alors
que le Tribunal des baux et loyers n'avait pas eu à traiter cette
question,
vu l'art. 272a al. 1 let. b CO, ni à procéder aux enquêtes y
afférentes,
puisqu'il avait admis la validité de la résiliation des baux avec
effet
immédiat, en application de l'art. 257f al. 4 CO.
En agissant de la sorte, la Chambre d'appel aurait empêché que la
question
litigieuse fît l'objet du double examen complet par deux instances
cantonales, tel qu'il a été voulu par le législateur genevois.

2.1La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu, garanti par
l'art. 29
al. 2 Cst., notamment le droit pour le justiciable de s'expliquer
avant
qu'une décision ne soit prise à son détriment, celui de fournir des
preuves
quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision, celui
d'avoir
accès au dossier, celui de participer à l'administration des preuves,
d'en
prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 126 I 15
consid.
2a/aa; 124 I 49 consid. 3a; 124 I 241 consid. 2; 124 II 132 consid.
2b; 124 V
180 consid. 1a; 124 V 372 consid. 3b).

2.2 Il appert d'emblée de cette énumération que le principe du double
degré
de juridiction, invoqué par les recourants, ne s'inscrit nullement
dans le
cadre de la garantie fédérale du droit d'être entendu. La seule
connexion qui
se puisse concevoir, à la rigueur, entre ce principe-là et cette
garantie-ci
concerne le droit à la preuve. On pourrait, en effet, imaginer une
situation
dans laquelle une juridiction cantonale de recours, dont le pouvoir
d'examen
serait limité aux questions de droit, trancherait directement un
problème
juridique qui n'aurait pas été traité par la juridiction de première
instance, sans que les parties aient eu l'occasion de fournir des
preuves
quant aux faits déterminants pour la solution de ce problème.
Toutefois,
semblable hypothèse ne se vérifie pas en l'espèce. Il ressort, en
effet, de
l'art. 445 al. 1 de la loi de procédure civile genevoise (LPC gen.),
en
liaison avec les art. 435 et 436 de la même loi, que les juges
d'appel ont
la possibilité d'ordonner à nouveau la comparution des parties et les
actes
d'instruction qui ont déjà été exécutés en première instance ou
encore de
compléter les preuves déjà administrées. Or, en l'occurrence, la
Chambre
d'appel en matière de baux et loyers a retenu sans arbitraire,
contrairement
à l'opinion des recourants, qu'elle disposait de tous les éléments
essentiels
pour la pesée des intérêts à opérer en vue de la fixation de la durée
de la
prolongation des baux. Le grief tiré de la prétendue violation du
droit
d'être entendu des recourants s'en trouve ainsi privé d'objet.

Au demeurant, comme le soulignent les commentateurs de la loi de
procédure
civile genevoise, aucune règle de droit privé fédéral n'impose le
principe du
double degré de juridiction ni n'exige qu'une preuve soit soumise à
l'appréciation du premier puis du second degré de juridiction. La loi
genevoise ne le prescrit pas davantage, qui incline en faveur de la
conception étroite dudit principe selon laquelle la Cour de justice,
saisie
d'un appel, peut, en procédant le cas échéant à des enquêtes, juger la
contestation sans égard à ce que le premier juge n'a pas connu de
l'ensemble
des faits litigieux (Bertossa/Gaillard/Guyet/Schmidt, Commentaire de
la loi
de procédure civile du canton de Genève du 10 avril 1987, n. 4 ad
art. 291 et
n. 2 ad art. 307).

Il suit de là que le premier moyen soulevé par les recourants est
dénué de
fondement.

3.
Dans un second moyen, intitulé "Du caractère arbitraire de la
prolongation de
bail accordée", les recourants reprochent à la Chambre d'appel
d'avoir statué
sur la question de la durée de la prolongation de bail requise alors
qu'elle
ne disposait pas des éléments nécessaires à une saine appréciation de
la
situation.

En argumentant ainsi, les recourants, sous le couvert du grief
d'arbitraire,
invoquent en réalité une violation du droit privé fédéral. C'est, en
effet,
ce droit - en l'occurrence, l'art. 272 CO - qui détermine si les faits
allégués par la partie chargée du fardeau de la preuve ou constatés
d'office
par la juridiction cantonale sont suffisants pour permettre à
l'autorité
saisie de statuer sur la prétention litigieuse, lorsque celle-ci
relève du
droit fédéral (cf. ATF 112 II 172 consid. I/2c p. 181 et les arrêts
cités).
Comme la voie du recours en réforme est ouverte en l'espèce, ce
second moyen
est irrecevable en tant qu'il met en cause l'application du droit
privé
fédéral, étant donné la subsidiarité absolue du recours de droit
public (art.
84 al. 2 OJ).

Le seul point sur lequel ce second moyen apparaît recevable a trait à
la
critique de la constatation de la Chambre d'appel selon laquelle "la
situation de conflit a été entretenue essentiellement par les
agissements
inadmissibles des locataires". Un tel constat serait arbitraire, de
l'avis
des recourants, lesquels font valoir, à ce propos, que la
possibilité ne
leur a pas été accordée de démontrer que le différend provient en
réalité de
l'attitude du bailleur. Il va sans dire que cette seule affirmation
ne suffit
pas à établir le caractère insoutenable et, partant, arbitraire de la
constatation incriminée. Qui plus est, par cette constatation, la
cour
cantonale reproche aux recourants d'avoir "entretenu" une situation
conflictuelle, c'est-à-dire d'en avoir maintenu les effets, mais elle
ne se
prononce pas sur la cause véritable du conflit qui oppose depuis
quelques
années les recourants à l'intimé. Ainsi, quand bien même les premiers
parviendraient à démontrer que le second est à l'origine de ce
conflit, une
telle démonstration ne suffirait pas à infirmer la constatation
voulant
qu'ils aient eux-mêmes entretenu la situation de conflit, quelle
qu'en fût
l'origine.

Ce second grief est dès lors, lui aussi, dénué de fondement dans la
faible
mesure où il est recevable.

4.
Les recourants, qui succombent, devront assumer solidairement la
charge des
frais et dépens de
la procédure fédérale (art. 156 al. 1 et 7 OJ,
art. 159
al. 1 et 5 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2000 fr. est mis à la charge des
recourants,
solidairement entre eux.

3.
Les recourants sont condamnés solidairement à verser à l'intimé une
indemnité
de 2500 fr. à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la Chambre
d'appel
en matière de baux et loyers du canton de Genève.

Lausanne, le 16 octobre 2002

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.152/2002
Date de la décision : 16/10/2002
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-10-16;4p.152.2002 ?
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