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16/10/2002 | SUISSE | N°4C.224/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 16 octobre 2002, 4C.224/2002


{T 0/2}
4C.224/2002 /svc

Arrêt du 16 octobre 2002
Ire Cour civile

Les juges fédéraux Walter, président de la Cour,
Corboz et Favre,
greffier Carruzzo.

J. ________ et
S.________, demandeurs et recourants,

contre

X.________, défendeur et intimé, représenté par Me Christian Buonomo,
avocat,
quai Gustave-Ador 26, case postale 6253,
1211 Genève 6.

contrat de bail à loyer; prolongation du bail

(recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre d'appel en matière
de bau

x
et loyers du canton de Genève du 13 mai 2002)

Faits:

A.
J. ________ et S.________ louent, depuis le 1er novembre ...

{T 0/2}
4C.224/2002 /svc

Arrêt du 16 octobre 2002
Ire Cour civile

Les juges fédéraux Walter, président de la Cour,
Corboz et Favre,
greffier Carruzzo.

J. ________ et
S.________, demandeurs et recourants,

contre

X.________, défendeur et intimé, représenté par Me Christian Buonomo,
avocat,
quai Gustave-Ador 26, case postale 6253,
1211 Genève 6.

contrat de bail à loyer; prolongation du bail

(recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre d'appel en matière
de baux
et loyers du canton de Genève du 13 mai 2002)

Faits:

A.
J. ________ et S.________ louent, depuis le 1er novembre 1991, un
appartement
de sept pièces au 6ème étage ainsi qu'un box au 2ème sous-sol d'un
l'immeuble
sis à Genève. Les baux relatifs à ces deux objets se renouvellent
tacitement
d'année en année, sauf résiliation donnée six mois avant l'échéance
du 31
octobre. Le bailleur et propriétaire de l'appartement, X.________,
habite
dans le même immeuble.

Des actes de vandalisme sur les portes de l'ascenseur de l'immeuble
ont été
constatés au printemps 1999. Ils ont entraîné le dépôt d'une plainte
pénale
et l'installation d'une caméra de surveillance dans l'ascenseur. En
juillet
de la même année, le fils des locataires, R.________, a informé le
représentant du bailleur qu'une amie de la famille avait commis une
déprédation dans l'ascenseur. Sur quoi, par avis officiels adressés
le 5 août
1999 à chacun des époux ________, X.________, mettant nommément en
cause
J.________, a résilié le bail avec effet immédiat, avant de requérir
l'évacuation des locataires au début novembre 1999. Ceux-ci avaient
sollicité
entre-temps la constatation de l'inefficacité du congé et,
subsidiairement,
une prolongation du bail pour une durée de quatre ans. La plainte
pénale a
été classée faute d'éléments suffisants pour identifier l'auteur des
déprédations.

De nouveaux actes de vandalisme ont été commis à fin 1999. La
procédure
pénale subséquente a abouti au prononcé de deux ordonnances de
condamnation,
le 16 juin 2000, à l'encontre de S.________ et de R.________, qui ont
été
reconnus coupables de dommages à la propriété et se sont vu infliger
une
amende de 250 fr. chacun. La première a reconnu avoir tracé avec une
clé, fin
1999, une rayure sur la porte intérieure de l'ascenseur. Le second a
admis
avoir, le 4 décembre 1999, endommagé la serrure du tableau de
l'ascenseur
donnant accès à l'appartement du dernier étage, occupé par le
propriétaire.

Invoquant ces nouveaux actes de vandalisme, X.________ a résilié
derechef les
baux de l'appartement et du box avec effet immédiat par avis
officiels du 31
janvier 2000. Puis, le 3 février 2000, il a résilié les baux pour la
prochaine échéance du 31 octobre 2000, déclarant que cette
résiliation était
faite à titre subsidiaire. Enfin, le bailleur a déposé une nouvelle
requête
en évacuation contre les locataires en date du 22 mars 2000. Ceux-ci
ont
sollicité la constatation de la nullité du congé du 31 janvier 2000 et
l'annulation du congé du 3 février 2000. A titre subsidiaire, il ont
requis
une prolongation des baux jusqu'au 1er novembre 2004.

B.
Par jugement du 5 avril 2001, le Tribunal des baux et loyers du
canton de
Genève a constaté l'inefficacité des résiliations notifiées le 5 août
1999.
Se fondant sur l'art. 257f al. 4 CO, il a, en revanche, admis que les
baux de
l'appartement et du box avaient été valablement résiliés, avec effet
immédiat, le 31 janvier 2000. Il s'est en conséquence abstenu
d'examiner la
validité de la résiliation ordinaire du 3 février 2000 et,
conformément à
l'art. 272a al. 1 let. b CO, le bien-fondé de la requête visant à la
prolongation des baux.

Les locataires (demandeurs) ont interjeté appel. Ils ont conclu,
principalement, à la constatation de l'inefficacité des résiliations
anticipées des 5 août 1999 et 31 janvier 2000, ainsi qu'au renvoi du
dossier
au Tribunal des baux et loyers pour qu'il statue sur leur demande de
prolongation des baux consécutive à la résiliation ordinaire du 3
février
2000, subsidiairement à ce que cette prolongation leur soit accordée
jusqu'au
31 octobre 2004. Les demandeurs ont expressément renoncé, en appel, à
solliciter l'annulation du congé ordinaire, notifié le 3 février 2000
pour le
31 octobre 2000.

La Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève,
statuant
par arrêt du 13 mai 2002, a annulé le jugement de première instance,
constaté
l'inefficacité des résiliations anticipées signifiées les 5 août 1999
et 31
janvier 2000, admis en revanche la validité de la résiliation
ordinaire avec
effet au 31 octobre 2000 et accordé aux locataires une unique
prolongation de
bail de deux ans, soit jusqu'au 31 octobre 2002.

C.
Parallèlement à un recours de droit public qui a été rejeté, dans la
mesure
où il était recevable, par arrêt séparé de ce jour, les demandeurs
interjettent un recours en réforme au Tribunal fédéral. Ils concluent
principalement à la prolongation de leurs baux pour une durée de
quatre ans,
soit jusqu'au 31 octobre 2004, et, subsidiairement, au renvoi de la
cause au
Tribunal des baux et loyers afin qu'il instruise et se prononce sur la
demande de prolongation de bail.

Le défendeur propose le rejet du recours et la confirmation de l'arrêt
attaqué.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Selon la jurisprudence, la valeur litigieuse de la contestation
portant
sur la prolongation du bail correspond au loyer et aux frais
accessoires dus
pour la durée de la prolongation demandée; lorsque le preneur a déjà
bénéficié d'une prolongation de fait, cette valeur se détermine
d'après le
solde de la prolongation réclamée, c'est-à-dire en fonction de la
durée
résiduelle de la prolongation requise à compter du prononcé de
l'autorité
cantonale de dernière instance (ATF 113 II 406 consid. 1 et l'arrêt
cité).

Devant la Chambre d'appel, autorité genevoise de dernière instance,
les
demandeurs ont requis une prolongation de bail jusqu'au 31 octobre
2004.
Cette autorité a statué le 13 mai 2002. Le reliquat de la
prolongation de
bail sollicitée est ainsi nettement supérieur à deux ans en l'espèce.
A
considérer le montant du loyer annuel du seul appartement, sans même
porter
en compte les frais accessoires, tel qu'il ressort du contrat de bail
versé
au dossier (28 728 fr.), la valeur litigieuse minimale de 8000 fr.,
prescrite
par l'art. 46 OJ, est donc manifestement atteinte.

1.2 Interjeté par les locataires qui ont succombé en partie dans leurs
conclusions en prolongation de bail et dirigé contre une décision
finale
rendue en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art.
48 al.
1 OJ), le présent recours est recevable, puisqu'il a été déposé en
temps
utile (art. 54 al. 1 OJ) et dans les formes requises (art. 55 OJ).

1.3 Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral,
mais
non pour violation directe d'un droit de rang constitutionnel (art.
43 al. 1
OJ).

Saisi d'un tel recours, le Tribunal fédéral doit conduire son
raisonnement
sur la base des faits contenus dans la décision attaquée, à moins que
des
dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées,
qu'il y ait
lieu à rectification de constatations reposant sur une inadvertance
manifeste
(art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter les constatations de
l'autorité
cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits
pertinents
et régulièrement allégués (art. 64 OJ; ATF 126 III 59 consid. 2a; 119
II 353
consid. 5c/aa; 117 II 256 consid. 2a).

2.
Les demandeurs jugent insuffisante la durée de la prolongation de
bail que la
Chambre d'appel leur a accordée.

2.1 Selon l'art. 272 al. 1 CO, le locataire peut demander la
prolongation
d'un bail lorsque la fin du contrat aurait pour lui ou sa famille des
conséquences pénibles sans que les intérêts du bailleur le justifient.
L'alinéa 2 de cette disposition prévoit que, dans la pesée des
intérêts,
l'autorité compétente se fondera notamment sur les circonstances de la
conclusion du bail et le contenu du contrat (a), la durée du bail
(b), la
situation personnelle, familiale et financière des parties ainsi que
leur
comportement (c), le besoin que le bailleur ou ses proches parents ou
alliés
peuvent avoir d'utiliser eux-mêmes les locaux ainsi que l'urgence de
ce
besoin (d), et la situation sur le marché local du logement et des
locaux
commerciaux (e). La pesée des intérêts en fonction de cette liste non
exhaustive sert non seulement à déterminer le principe d'une
éventuelle
prolongation de bail, mais aussi sa durée. Les règles sur la
prolongation
tendent à adoucir les conséquences pénibles que la résiliation peut
entraîner
pour le locataire (ATF 116 II 446 consid. 3b).

La détermination de la durée de la prolongation en fonction des
critères
précités relève du pouvoir d'appréciation du juge. Celui-ci doit
tenir compte
du but de la disposition, qui est de donner du temps au locataire pour
trouver une solution de remplacement, et procéder à une pesée des
intérêts en
présence. Le juge ne transgresse pas le droit fédéral en exerçant le
pouvoir
d'appréciation que la loi lui accorde. Le droit fédéral n'est violé
que si le
juge sort des limites fixées par la loi, s'il se laisse guider par des
considérations étrangères à la disposition applicable, s'il ne prend
pas en
compte les éléments d'appréciation pertinents ou s'il tire des
déductions à
ce point injustifiables que l'on doive parler d'un abus du pouvoir
d'appréciation (ATF 125 III 226 consid. 4b et les références citées).

2.2 Examinant les circonstances du cas concret à la lumière des
critères
mentionnés à l'art. 272 al. 2 CO, la cour cantonale a émis, en
substance, les
considérations suivantes: il est constant que les locataires occupent
l'appartement depuis fin 1991 et qu'un objet analogue ne se trouve pas
facilement sur le marché. Cependant, les suites de la résiliation du
bail en
tant que telle ne constituent pas à elles seules des conséquences
pénibles,
au sens de l'art. 272 al. 1 CO, car elles sont inhérentes à toutes les
résiliations de bail et ne sont que différées en cas de prolongation
du
contrat. D'un autre côté, il faut tenir compte de la présence du
bailleur
dans le même immeuble et, surtout, du fait que S.________ et
R.________ ont
commis des actes de vandalisme sur l'ascenseur de l'immeuble, la
situation
conflictuelle ayant du reste été entretenue essentiellement par les
agissements des locataires. A cet égard, le fait que R.________ ait
ou non
quitté l'appartement est sans pertinence. Aussi une unique
prolongation de
deux ans constitue-t-elle le maximum envisageable dans les
circonstances
particulières du cas d'espèce.

Contrairement à l'opinion des demandeurs, en argumentant ainsi, la
Chambre
d'appel n'a pas abusé du large pouvoir d'appréciation qui lui est
reconnu en
cette matière. A cet égard, les griefs formulés par les locataires
appellent
les quelques remarques suivantes:

- S'agissant de la durée du bail, il n'a pas échappé aux juges
d'appel que
les demandeurs occupent l'appartement litigieux depuis plus de dix
ans.
Qu'ils y aient tissé des liens sociaux et amicaux avec la plupart des
habitants du quartier et qu'eux-mêmes et leurs enfants soient très
attachés à
cet environnement, ainsi qu'il le soutiennent, correspond au cours
ordinaire
des choses et apparaît donc vraisemblable. L'argument mérite
toutefois d'être
relativisé dès lors que, selon les demandeurs, leur fils R.________ a
depuis
peu pris un logement séparé. De toute manière, il ne faut pas perdre
de vue
que, tôt ou tard, les locataires devront déménager et, s'ils ne
trouvent pas
à se reloger dans le même quartier, quitter un endroit où ils ont
passé plus
de dix ans. Or, à cet égard, il n'est pas certain qu'une prolongation
plus
importante de la durée de leurs baux soit de nature à faciliter la
séparation
des locataires d'avec leur environnement actuel.

- Les éléments factuels mis en évidence par les demandeurs en ce qui
concerne
leur situation personnelle, financière et familiale ne sont pas de
nature à
établir les conséquences pénibles que pourrait impliquer pour les
intéressés
une prolongation de bail d'une durée de deux ans au lieu des quatre
années
requises. Le demandeur est médecin et son épouse assistante médicale.
De
leurs deux enfants, seule leur fille mineure habite encore avec eux.
Ils
qualifient leur situation financière de correcte et l'on peut
admettre, selon
l'expérience de la vie, que la profession exercée par le mari est de
nature
à permettre le maintien d'une telle situation. Les demandeurs, il est
vrai,
affirment qu'ils ne seraient pas en mesure de payer un loyer plus
élevé et
encore moins d'envisager l'achat d'un logement. Ils ne fournissent
cependant
aucun élément concret susceptible d'étayer cette affirmation. Supposé
que
celle-ci soit exacte, il leur faudrait alors envisager soit de
restreindre
leur train de vie, soit de chercher un appartement plus petit, ce qui
paraît
tout à fait envisageable pour un ménage réduit à trois unités qui
occupe un
appartement de sept pièces. Les demandeurs se trouveraient
d'ailleurs placés
devant la même alternative au cas où leurs baux viendraient à être
prolongés
jusqu'au 31 octobre 2004.

- Les réflexions faites par les demandeurs au sujet
de la "bataille
judiciaire" qui les oppose depuis 1999 au défendeur et leur argument
selon
lequel ce dernier se serait initialement trompé de cible en s'en
prenant au
mari plutôt qu'à l'épouse et au fils n'infirment en rien
l'appréciation de la
situation telle qu'elle a été faite par la cour cantonale. Celle-ci
était
assurément en droit de tenir compte des actes de vandalisme commis par
S.________ et R.________ au préjudice du bailleur pour fixer la durée
de la
prolongation des baux, même si elle considérait que les agissements
imputés à
ces deux personnes et sanctionnés par des condamnations pénales ne
justifiaient pas une résiliation anticipée du bail (cf. Lachat, Le
bail à
loyer, p. 502 n. 3.7). Pour le surplus, les juges cantonaux ont
constaté
souverainement que la situation conflictuelle a été entretenue
essentiellement par ces agissements-là. Que cette situation tendue se
perpétue n'est dans l'intérêt d'aucune des parties, y compris celui
des
locataires. En faisant en sorte qu'elle ne se prolonge pas outre
mesure, la
Chambre d'appel a donc pris une décision raisonnable.

- Le besoin du bailleur n'a jamais été invoqué par l'intéressé. On ne
voit
donc pas pourquoi les demandeurs en font état dans leur recours en
réforme.

- Quant à la situation sur le marché local du logement, toutes les
considérations émises à ce sujet par les demandeurs sont superflues
dans la
mesure où cet état de choses n'a pas échappé à la cour cantonale,
puisque
celle-ci a retenu, en fait, qu'un objet analogue à l'appartement
occupé par
les locataires "ne se trouve pas facilement sur le marché". Dans ce
contexte,
les demandeurs allèguent avoir effectué de nombreuses, mais vaines,
démarches
pour tenter de se reloger. Si tel était effectivement le cas, rien ne
les eût
empêchés de verser au dossier cantonal les pièces susceptibles
d'attester la
réalité et le résultat de ces démarches, ou de requérir en temps
utile
l'audition de témoins à ce propos.

2.3 Ainsi, en fixant à deux ans la durée de la prolongation des baux,
alors
que les locataires avaient déjà bénéficié d'un délai de résiliation
d'environ
neuf mois, l'autorité cantonale n'a pas abusé du large pouvoir
d'appréciation
qui lui est reconnu par la jurisprudence fédérale. Partant, son arrêt
sera
confirmé.

3.
Les demandeurs, qui succombent, devront assumer solidairement la
charge des
frais et dépens de la procédure fédérale (art. 156 al. 1 et 7 OJ,
art. 159
al. 1 et 5 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté et l'arrêt attaqué est confirmé.

2.
Un émolument judiciaire de 2000 fr. est mis à la charge des
recourants,
solidairement entre eux.

3.
Les recourants sont condamnés solidairement à verser à l'intimé une
indemnité
de 2500 fr. à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la Chambre
d'appel
en matière de baux et loyers du canton de Genève.

Lausanne, le 16 octobre 2002

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.224/2002
Date de la décision : 16/10/2002
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-10-16;4c.224.2002 ?
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