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16/10/2002 | SUISSE | N°4C.195/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 16 octobre 2002, 4C.195/2002


{T 0/2}
4C.195/2002 /dxc

Arrêt du 16 octobre 2002
Ire Cour civile

Les juges fédéraux Walter, président de la Cour,
Corboz et Favre,
greffier Carruzzo.

X.________,
demandeur et recourant, représenté par Me Patrick Schellenberg,
avocat, rue
Sénebier 20, case postale 166,
1211 Genève 12,

contre

Banque A.________,
défenderesse et intimée, représentée par Me Serge Fasel, avocat, la
Tour
Saugey, rue du 31-Décembre 47, 1207 Genève.

prêt de consommation; droit à la p

reuve, interprétation; dommage

(recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile
de la Cour de justice genevoise du 19 ...

{T 0/2}
4C.195/2002 /dxc

Arrêt du 16 octobre 2002
Ire Cour civile

Les juges fédéraux Walter, président de la Cour,
Corboz et Favre,
greffier Carruzzo.

X.________,
demandeur et recourant, représenté par Me Patrick Schellenberg,
avocat, rue
Sénebier 20, case postale 166,
1211 Genève 12,

contre

Banque A.________,
défenderesse et intimée, représentée par Me Serge Fasel, avocat, la
Tour
Saugey, rue du 31-Décembre 47, 1207 Genève.

prêt de consommation; droit à la preuve, interprétation; dommage

(recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile
de la Cour de justice genevoise du 19 avril 2002)

Faits:

A.
Les 11 et 12 juin 1992, la Caisse d'Épargne de B.________, devenue
par la
suite, après fusion, la Banque A.________, a accordé à X.________ et
Y.________, en qualité de codébiteurs solidaires, un crédit de 2 000
000 fr.
échéant au 30 septembre 1992. Les parties sont convenues d'un taux
d'intérêts
variable, fixé initialement à 9 1/4 % l'an. Ce crédit a été garanti
par le
nantissement du capital-actions de la société Z.________ SA, ainsi
que d'une
cédule hypothécaire en 3ème rang grevant une parcelle à F.________
appartenant aux époux Y.________.

Le 11 juin 1992, X.________ a signé avec Y.________ une déclaration de
codébiteurs solidaires en capital, intérêts, commissions et frais.

Il a été fait usage des fonds mis à disposition par la banque. A son
échéance, l'emprunt n'a pas été remboursé et le débit en compte
s'élevait, au
31 décembre 1992, à 2 099 651 fr.30.

Par lettres recommandées séparées du 28 janvier 1993, la banque a
réclamé à
X.________ d'une part et à Y.________ d'autre part de lui verser,
jusqu'au 5
février 1993, la somme de 2 118 033 fr.75, représentant le montant dû
en
capital et frais à cette date.

La banque a tenté alors de faire usage des garanties qui lui avaient
été
remises. Sur la base de la cédule hypothécaire, elle a introduit une
poursuite en réalisation de gage à l'encontre de Y.________, mais
cette
démarche s'est révélée infructueuse, la valeur du gage n'étant pas
suffisante
compte tenu de l'existence des créances de rang préférable. Quant aux
actions
de la société Z.________ SA remises en nantissement, elles se sont
révélées
sans valeur; la faillite de la société a été prononcée le 12 février
1992 et
clôturée le 30 septembre 1996.
Par courrier recommandé du 1er décembre 1999, la banque a mis en
demeure
X.________ de lui verser le montant de 3 280 951 fr.60 jusqu'au 15
décembre
1999.

N'ayant pas obtenu satisfaction, elle a requis, le 16 décembre 1999,
l'ouverture d'une poursuite contre X.________ à concurrence de ce
montant
avec intérêts à 6,25 % l'an dès le 30 septembre 1999.

Le débiteur ayant fait opposition, la mainlevée provisoire a été
prononcée
par le Tribunal de première instance de Genève le 10 octobre 2000.

B.
Le 6 novembre 2000, X.________ a déposé devant les tribunaux genevois
une
action en libération de dette. Il a soutenu qu'il n'était pas le
débiteur du
prêt, qu'il n'avait signé que pour le nantissement des actions de
Z.________
SA et que le prêt était destiné à cette société. Par ailleurs, il a
fait
valoir que la banque avait fonctionné comme organe de fait du groupe
C.________ et lui avait causé un dommage qu'il évaluait à 80 000 000
fr.

La banque a conclu au rejet de l'action en libération de dette.

Par jugement du 13 septembre 2001, le Tribunal de première instance
du canton
de Genève a rejeté l'action en libération de dette et condamné le
demandeur à
payer à la défenderesse la somme de 3 385 572 fr.75 avec intérêts à
6,25 %
l'an dès le 1er février 2000. En substance, le tribunal a considéré
que la
qualité de débiteur de X.________ ressortait à l'évidence des pièces
produites et que ses autres explications étaient soit sans
pertinence, soit
invraisemblables; pour ce qui est de la créance compensatoire en
dommages-intérêts, le tribunal a constaté que les allégués de
X.________,
notamment en ce qui concerne le dommage, étaient à ce point imprécis
qu'ils
étaient impropres à faire l'objet d'une administration de preuves.

Le demandeur a interjeté appel en invoquant une simulation et en
soutenant
encore que le remboursement aurait dû intervenir par une reprise de
dette de
la part du groupe C.________, opération qui n'est jamais intervenue.
Il a
fait valoir, au surplus, que la société C.________ Immobilière SA lui
avait
cédé sa créance en réparation contre la banque à concurrence de 4 000
000 fr.

Statuant par arrêt du 19 avril 2002, la Chambre civile de la Cour de
justice
a confirmé le jugement de première instance. Elle a estimé, en
particulier,
que la thèse de la simulation n'était pas crédible et que la cession
de
créances invoquée était soumise à une condition - à savoir la
condamnation de
X.________ à rembourser le prêt - qui n'était pas réalisée.

C.
Le demandeur interjette un recours en réforme au Tribunal fédéral.
Invoquant
diverses violations du droit fédéral, il conclut à l'annulation de
l'arrêt
cantonal et reprend ses conclusions sur le fond.

La défenderesse et intimée propose le rejet du recours et la
confirmation de
l'arrêt attaqué.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Interjeté par la partie qui a succombé dans ses conclusions
libératoires
et dirigé contre un jugement final rendu en dernière instance
cantonale par
un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur une contestation civile
dont la
valeur litigieuse atteint le seuil de 8000 fr. (art. 46 OJ), le
recours en
réforme est en principe recevable, puisqu'il a été déposé en temps
utile
(art. 54 al. 1 OJ) dans les formes requises (art. 55 OJ).

1.2 Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral,
mais
non pour violation directe d'un droit de rang constitutionnel (art.
43 al. 1
OJ) ou pour violation du droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c;
126 III
189 consid. 2a, 370 consid. 5).

Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son
raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision
attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve
n'aient
été violées, qu'il y ait lieu à rectification de constatations
reposant sur
une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille
compléter les
constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu
compte
de faits pertinents, régulièrement allégués et clairement établis
(art. 64
OJ; ATF 127 III 248 consid. 2c; 126 III 59 consid. 2a). Dans la
mesure où une
partie recourante présente un état de fait qui s'écarte de celui
contenu dans
la décision attaquée sans se prévaloir avec précision de l'une des
exceptions
qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possible d'en tenir
compte (ATF
127 III 248 consid. 2c). Il ne peut être présenté de griefs contre les
constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux
(art. 55
al. 1 let. c OJ). Le recours en réforme n'est pas ouvert pour
remettre en
cause l'appréciation des preuves et les constatations de fait qui en
découlent (ATF 127 III 547 consid. 2c; 126 III 189 consid. 2a; 125
III 78
consid. 3a).

Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des
parties, mais
il n'est pas lié par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al. 1
OJ), ni par
l'argumentation juridique retenue par la cour cantonale (art. 63 al.
3 OJ;
ATF 128 III 22 consid. 2e/cc p. 29; 127 III 248 consid. 2c; 126 III 59
consid. 2a).

2.
2.1Il faut examiner en premier lieu si la cour cantonale a violé
l'art. 8 CC,
en tant que règle de droit fédéral sur la preuve.

2.2 L'art. 8 CC répartit le fardeau de la preuve - sauf disposition
contraire
- pour toutes les prétentions fondées sur le droit fédéral et
détermine, sur
cette base, laquelle des parties doit assumer les conséquences de
l'échec de
la preuve (ATF 127 III 519 consid. 2a p. 522; 126 III 189 consid. 2b,
315
consid. 4a).

En l'espèce, on ne voit pas que la cour cantonale ait éprouvé un
doute et
qu'elle ait tranché le point de fait douteux en faveur de la partie
qui avait
pourtant le fardeau de la preuve. En conséquence, elle n'a pas violé
l'art. 8
CC en tant que règle sur le fardeau de la preuve.
Il a été également déduit de l'art. 8 CC un droit à la preuve et à la
contre-preuve (ATF 126 III 315 consid. 4a; 122 III 219 consid. 3c;
120 II 393
consid. 4b p. 397). Pour que cette règle soit violée par le refus
d'administrer une preuve, il faut que la partie ait offert
régulièrement,
dans les formes et les délais prévus par la loi de procédure
applicable (ATF
126 III 315 consid. 4a; 122 III 219 consid. 3c), de prouver un fait
pertinent
(ATF 126 III 315 consid. 4a; 123 III 35 consid. 2b p. 40; 122 III 219
consid.
3c) par une mesure probatoire propre à l'établir (cf. ATF 90 II 219
consid.
4b; Corboz, Le recours en réforme au Tribunal fédéral, in SJ 2000 II
p. 40).
Une mesure probatoire peut cependant être refusée par une appréciation
anticipée des preuves, qui ne peut être réexaminée dans un recours en
réforme
(ATF 127 III 519 consid. 2a; 126 III 315 consid. 4a; 122 III 219
consid. 3c).
En effet, si le juge estime que sa conviction est déjà faite et que
la mesure
probatoire sollicitée est inutile, il procède à une appréciation des
preuves,
qui ne peut être revue dans un recours en réforme, puisque l'art. 8
CC ne
prescrit pas quelles sont les mesures probatoires qui doivent être
ordonnées
(ATF 127 III 519 consid. 2a) ni comment le juge peut forger sa
conviction
(ATF 128 III 22 consid. 2d p. 25; 127 III 248 consid. 3a, 519 consid.
2a).

En l'espèce, le juge, examinant les documents contractuels, est
parvenu à la
conviction que les parties voulaient que le recourant soit codébiteur
du prêt
et que toutes les explications contraires de l'intéressé devaient être
écartées parce qu'elles étaient d'emblée en contradiction avec le but
de
l'opération, tel qu'il résulte de manière univoque des pièces
produites. Le
juge a ainsi écarté toute autre mesure probatoire en procédant à une
appréciation anticipée des preuves, estimant que sa conviction était
déjà
faite et que les mesures sollicitées ne pouvaient pas la modifier.
Cette
question relève de l'appréciation des preuves, qui ne peut être revue
dans un
recours en réforme, et non pas de l'art. 8 CC, de sorte que cette
disposition
n'a pas été violée.

Au demeurant, on ne voit pas comment cette appréciation des preuves
pourrait
être qualifiée d'arbitraire. Il ressort des constatations cantonales
- qui
lient le Tribunal fédéral saisi d'un recours en réforme (art. 63 al.
2 OJ) -
que le recourant apparaît en qualité de codébiteur solidaire dans
l'acte
d'ouverture de crédit et qu'il a lui-même signé une déclaration de
codébiteurs solidaires. Compte tenu de la nature de l'affaire et des
montants
en cause, on ne peut pas imaginer que le recourant ait signé sans
lire; il ne
prétend pas être ignorant en affaires, de sorte que le sens clair des
termes
employés ne pouvait lui échapper. Sa version selon laquelle il ne
voulait que
consentir au nantissement des actions n'est pas crédible. Quant à
savoir si
les fonds étaient destinés à la société Z.________ SA, cette question
est
sans pertinence, puisqu'il faut uniquement déterminer qui était
l'emprunteur
selon la volonté concordante des parties. Le recourant explique
lui-même que
la société Z.________ SA était en difficultés financières et on
comprend
d'emblée que la banque voulait avoir pour débiteurs deux personnes
physiques,
plutôt qu'une société aux abois dont la solvabilité était douteuse;
cette
évidence ne pouvait non plus échapper au recourant. L'idée d'une
simulation
est totalement invraisemblable, puisqu'on ne voit pas pourquoi la
banque
aurait accepté de conclure un contrat simulé nul pour se retrouver en
présence d'une société aux abois. On doit aussi penser que si le
recourant
avait été la victime d'un invraisemblable vice du consentement, il
n'aurait
pas manqué de le dire peu après la signature de la déclaration en
qualité de
codébiteur solidaire. Savoir si une société du groupe C.________
s'était
engagée à son égard à reprendre la dette est une res inter alios sans
pertinence ici. A supposer que la banque se soit engagée - ce qui
n'est pas
établi - à le libérer dans l'hypothèse d'une telle reprise, il faut
constater
que la condition ne s'est pas réalisée, puisque le recourant admet
lui-même
que la reprise ne s'est pas faite. Il n'y avait donc rien
d'insoutenable à
admettre que, selon la volonté réelle et concordante des parties, le
recourant était codébiteur solidaire du prêt.

2.3 En ce qui concerne la créance compensatoire, le juge l'a écartée,
sans
administration de preuves, en considérant que le recourant n'avait pas
allégué de faits suffisants relativement à cette prétendue créance.

Le droit cantonal de procédure détermine si les parties ont le
fardeau de
l'allégation et, dans l'affirmative, à quel moment et sous quelle
forme elles
doivent présenter leurs allégués; ces questions ne peuvent être
revues dans
un recours en réforme, qui n'est ouvert que pour violation du droit
fédéral
(art. 43 al. 1 OJ); en revanche, le droit fédéral détermine quels
sont les
faits requis pour qu'un droit soit reconnu (ATF 108 II 337 consid. 2
et 3).

Selon le droit cantonal, les parties doivent, lors de
l'instruction
préalable, alléguer avec précision les faits qu'elles invoquent (art.
126 de
la loi genevoise de procédure civile) et l'appel ne permet pas de
compléter
les allégués lorsque les faits auraient pu et dû être invoqués en
première
instance (cf. art. 307 de la loi genevoise de procédure civile;
Bertossa/Gaillard/Guyet/Schmidt, Commentaire de la loi de procédure
civile
genevoise, n. 2 ad art. 307).

L'absence d'allégués suffisants concerne en particulier l'existence du
dommage invoqué.

Le dommage juridiquement reconnu, qui constitue une notion de droit
fédéral
(ATF 128 III 22 consid. 2a, 180 consid. 2d p. 184; 127 III 73 consid.
3c, 543
consid. 2b), réside dans la diminution involontaire de la fortune
nette; il
correspond à la différence entre le montant actuel du patrimoine du
lésé et
le montant qu'aurait ce même patrimoine si l'événement dommageable ne
s'était
pas produit; le dommage peut se présenter sous la forme d'une
diminution de
l'actif, d'une augmentation du passif, d'une non-augmentation de
l'actif ou
d'une non-diminution du passif (ATF 128 III 22 consid. 2e/aa, 180
consid. 2d
p. 184; 127 III 543 consid. 2b).

En l'espèce, le recourant a expliqué que la banque avait agi comme
organe de
fait des sociétés du groupe C.________, en raison des difficultés
financières
que celles-ci rencontraient; on ne discerne cependant pas en quoi la
banque
aurait violé un devoir de diligence incombant à un gérant et surtout
on ne
voit pas comment le recourant a établi le montant du préjudice
allégué. Les
faits allégués en temps utile (c'est-à-dire en première instance) sont
insuffisants pour comprendre en quoi consiste le préjudice. La
situation est
plus ou moins comparable à celle de la jurisprudence déjà citée (ATF
108 II
337 consid. 4). Le juge n'est pas en mesure de savoir sur quels faits
devraient porter l'administration des preuves, en vue de déterminer
l'existence et la quotité du dommage; la partie adverse n'est pas
davantage
en situation de se déterminer et d'offrir une contre-preuve. Il ne
suffit pas
de parler d'un dommage de 80 000 000 fr. ou de 4 000 000 fr., si l'on
ne peut
pas discerner quels sont les faits qui permettraient de constater la
violation d'un devoir de diligence, la causalité, l'existence et la
quotité
du dommage. Dès lors que le recourant n'a pas allégué de faits
suffisants
pour en déduire le droit qu'il invoque, le juge a écarté sa
prétention sans
violer l'art. 8 CC (cf. ATF 108 II 337 consid. 2 à 4).

S'agissant de la cession de créances invoquée pour la première fois
en appel,
la cour cantonale a adopté une construction juridique différente:
elle a
considéré que la cession était soumise à la condition que le
recourant soit
condamné définitivement à rembourser et que cette condition n'était
pas
réalisée. Cette opinion n'emporte pas la conviction. Certes, la
cession est
liée à l'idée que le recourant soit considéré comme le débiteur du
prêt, mais
il faut constater que la cour cantonale était amenée à trancher
successivement les deux questions; dès lors qu'elle admettait que le
recourant était débiteur du prêt, il semble qu'elle aurait dû
reconnaître
qu'il était aussi habilité à faire valoir la créance compensatoire.
Quoi
qu'il en soit, le Tribunal fédéral, saisi d'un recours en réforme,
n'est pas
lié par la construction juridique adoptée par la cour cantonale (cf.
art. 63
al. 3 OJ; ATF 128 III 22 consid. 2e/cc p. 29; 127 III 248 consid. 2c;
126 III
59 consid. 2a). Le problème des allégués insuffisants, invoqués dans
le
jugement de première instance confirmé en appel, demeure entier. Le
recourant
a évoqué en termes vagues un préjudice causé par la banque au groupe
C.________; on ne trouve cependant dans ses écritures aucun allégué
précis
qui permette de constater que la banque aurait causé à la société
cédante, à
savoir C.________ Immobilière SA, un dommage de 4 000 000 fr. En
l'absence
d'allégués suffisamment précis, cette créance pouvait être écartée
sans
administration de preuves; sous cet angle également, l'art. 8 CC n'a
pas été
violé.

Le recourant ne pouvait d'ailleurs pas se référer, pour suppléer sa
carence
d'allégués, à une procédure parallèle. En effet, dans la mesure où la
créance
de C.________ Immobilière SA lui a été cédée - comme il le soutient
-, cette
société n'est plus habilitée à la faire valoir et le procès parallèle
ne peut
donc pas porter sur cette question. Le recourant devait dès lors
formuler des
allégués suffisants dans la procédure où il invoquait la créance
cédée.

Le recourant ne saurait prétendre que son droit à la preuve, garanti
par
l'art. 8 CC, aurait été éludé, faute de temps, par la manière de
procéder des
autorités cantonales. En effet, il sait, depuis le 28 janvier 1993,
que la
banque lui réclame le remboursement de cette dette et il a eu tout
loisir
d'étudier la question afin d'expliquer avec précision les motifs pour
lesquels il estime ne pas devoir cette somme. Dans la mesure où la
créance
compensatoire serait encore totalement indéterminée, il ne peut pas
opposer
en compensation une créance éventuelle et incertaine.

3.
3.1Il reste à examiner si la cour cantonale a violé les dispositions
du droit
fédéral sur l'interprétation des manifestations de volonté.

En présence d'un litige sur l'interprétation de clauses
contractuelles, le
juge doit tout d'abord s'efforcer de déterminer la commune et réelle
intention des parties, sans s'arrêter aux expressions ou dénominations
inexactes dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soit pour
déguiser la
nature véritable de la convention (art. 18 al. 1 CO).

S'il y parvient, il s'agit d'une constatation de fait qui ne peut
être remise
en cause dans un recours en réforme (ATF 126 III 25 consid. 3c, 375
consid.
2e/aa; 125 III 305 consid. 2b, 435 consid. 2a/aa).

En l'espèce, il semble que la cour cantonale ait déterminé la volonté
réelle
et concordante des parties, ce qui met fin à la discussion dans le
cadre du
recours en réforme.

Si la volonté réelle des parties ne peut pas être établie ou si elle
est
divergente, le juge doit interpréter les comportements et les
déclarations
selon la théorie de la confiance (ATF 128 III 265 consid. 3a). Il
doit donc
rechercher comment une déclaration ou une attitude pouvait être
comprise de
bonne foi en fonction de l'ensemble des circonstances (cf. ATF 126
III 59
consid. 5b p. 68, 375 consid. 2e/aa p. 380). Il doit être rappelé que
le
principe de la confiance permet d'imputer à une partie le sens
objectif de
son comportement, même si celui-ci ne correspond pas à sa volonté
intime (ATF
127 III 279 consid. 2c/ee p. 287). L'application du principe de la
confiance
est une question de droit que le Tribunal fédéral, saisi d'un recours
en
réforme, peut examiner librement (ATF 127 III 248 consid. 3a; 126 III
25
consid. 3c, 59 consid. 5a, 375 consid. 2e/aa). Pour trancher cette
question
de droit, il faut cependant se fonder sur le contenu de la
manifestation de
volonté et sur les circonstances, lesquelles relèvent du fait (ATF
126 III
375 consid. 2e/aa; 124 III 363 consid. 5a; 123 III 165 consid. 3a).

En supposant en l'espèce que la cour cantonale n'ait pas déterminé la
volonté
réelle des parties, mais qu'elle ait fait une interprétation selon la
théorie
de la confiance, on ne voit pas qu'elle ait violé les règles du droit
fédéral
en la matière. Selon les constatations cantonales qui lient le
Tribunal
fédéral saisi d'un recours en réforme (art. 63 al. 2 OJ), le crédit a
été
accordé au recourant en qualité de codébiteur solidaire et
l'emprunteur a
signé, le 11 juin 1992, une déclaration de codébiteurs solidaires. Il
a ainsi
adopté une attitude sans équivoque dont la banque pouvait déduire,
selon le
principe de la bonne foi, qu'il acceptait d'être codébiteur
solidaire; le
recourant se trouve maintenant lié par sa signature, même si celle-ci
ne
correspondait pas à sa volonté intime. Il faut s'en tenir au sens
littéral de
l'accord passé, dès lors qu'il n'y a aucun indice sérieux que
celui-ci ne
corresponde pas à la volonté réelle des parties (cf. ATF 128 III 265
consid.
3a).

Sous cet angle également, la cour cantonale n'a pas violé le droit
fédéral.

3.2 Les parties ayant conclu un contrat d'ouverture de crédit (sur
cette
figure juridique, cf. l'arrêt 4C.410/1997 du 23 juin 1998 publié in
SJ 1999
p. 205, consid. 3), la condamnation du recourant, qui était emprunteur
solidaire, à rembourser le montant du prêt en capital, frais,
commissions et
intérêts, ne viole pas le droit fédéral. Comme le calcul effectué par
l'intimée n'a pas été contesté, la somme réclamée est due, étant
observé
qu'aucune créance compensatoire n'a été établie.

Dans la mesure où le recourant voudrait faire prévaloir une autre
construction juridique (vice de la volonté, contrainte,
simulation...),
celle-ci supposerait un autre état de fait que celui retenu par la
cour
cantonale en ce qui concerne l'intention des parties ou de l'une
d'elles.

Déterminer ce qu'un cocontractant savait et voulait au moment de
conclure
(ATF 118 II 58 consid. 3a; 113 II 25 consid. 1a p. 27), ce qu'il
savait ou
ignorait à un moment donné (ATF 124 III 182 consid. 3 p. 184), s'il
était ou
non dans l'erreur (ATF 118 II 58 consid. 3a) ou s'il avait ou non
l'intention
de simuler (arrêt C.137/1987 du 9 septembre 1987 publié in SJ 1988 p.
117,
consid. 6b) sont des questions qui relèvent de l'établissement des
faits.
Comme le Tribunal fédéral, saisi d'un recours en réforme, est lié par
les
constatations cantonales (art. 63 al. 2 OJ), il n'est pas possible de
tenir
compte d'une argumentation juridique qui ne repose pas sur les faits
constatés dans l'arrêt attaqué.

Le recours doit donc être entièrement rejeté.

4.
Les frais et dépens seront mis à la charge du recourant qui succombe
(art.
156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté et l'arrêt attaqué est confirmé.

2.
Un émolument judiciaire de 30 000 fr. est mis à la charge du
recourant.

3.
Le recourant versera à l'intimée une indemnité de 40 000 fr. à titre
de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
Chambre civile de la Cour de justice genevoise.

Lausanne, le 16 octobre 2002

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.195/2002
Date de la décision : 16/10/2002
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-10-16;4c.195.2002 ?
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