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16/10/2002 | SUISSE | N°4C.169/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 16 octobre 2002, 4C.169/2002


{T 0/2}
4C.169/2002 /ech

Arrêt du 16 octobre 2002
Ire Cour civile

Les juges fédéraux Walter, président de la Cour,
Corboz, Klett, Favre et Chaix, juge suppléant,
greffier Ramelet.

Dame A.________,
demanderesse et recourante, représentée par Me Guillaume Perrot,
avocat, rue
Centrale 5, case postale 3149, 1002 Lausanne,

contre

X.________
défenderesse et intimée, représentée par Me Philippe Richard, avocat,
Petit-Chêne 18, case postale 2593, 1002 Lausanne.

contrat de bail; co

ntestation du loyer initial

(recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre des recours du
Tribunal
cantonal du ...

{T 0/2}
4C.169/2002 /ech

Arrêt du 16 octobre 2002
Ire Cour civile

Les juges fédéraux Walter, président de la Cour,
Corboz, Klett, Favre et Chaix, juge suppléant,
greffier Ramelet.

Dame A.________,
demanderesse et recourante, représentée par Me Guillaume Perrot,
avocat, rue
Centrale 5, case postale 3149, 1002 Lausanne,

contre

X.________
défenderesse et intimée, représentée par Me Philippe Richard, avocat,
Petit-Chêne 18, case postale 2593, 1002 Lausanne.

contrat de bail; contestation du loyer initial

(recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre des recours du
Tribunal
cantonal du canton de Vaud du 10 avril 2002)

Faits:

A.
A.a Depuis 1994, dame A.________ occupait avec son époux et leurs deux
enfants un appartement de quatre pièces avec balcon d'une superficie
de 100
m2 situé à Lausanne, dans le quartier dénommé "sous- gare". Le loyer
net
s'élevait à 1'705 fr. plus 200 fr. à titre d'acompte de charges. Le
délai de
résiliation de ce contrat était de six mois pour le 1er octobre de
chaque
année.

A une date indéterminée, les époux A.________ se sont séparés. Le
mari de
dame A.________ a quitté le domicile conjugal pour prendre à bail un
appartement dans le quartier "sous-gare", où se trouvait également
l'école
fréquentée par les enfants du couple.

A.b Le 18 janvier 1999, le propriétaire de l'appartement en cause, qui
souhaitait désormais occuper les lieux, a résilié le bail pour le 1er
octobre
suivant. Dame A.________ a contesté ce congé devant la Commission de
conciliation en matière de baux à loyer du district de Lausanne. Lors
de
l'audience de conciliation du 11 mai 1999, les parties sont convenues
de
prolonger le bail "de façon ultime et définitive" jusqu'au 1er
décembre 1999.

Après la tenue de cette audience, dame A.________ a commencé à
rechercher un
nouvel appartement. Le 11 juin 1999, elle a ainsi rempli une formule
de
préinscription auprès de la régie immobilière Y.________ SA
(ci-après: la
régie) concernant un appartement de cinq pièces, d'une surface de 115
m2, sis
au premier étage d'un immeuble du quartier "sous- gare" bâti au
boulevard de
Grancy; elle a précisé dans cette formule que son activité
d'acupunctrice
indépendante lui assurait un revenu mensuel de 7'000 fr. Il n'a pas
été
retenu que dame A.________ se soit inscrite auprès d'autres régies ou
ait
répondu à des annonces parues dans la presse.

Le 17 juin 1999, la régie a pris acte de la candidature de dame
A.________ et
lui a précisé que l'appartement allait être rénové, de sorte que le
montant
du loyer ainsi que la date de location ne pourraient être communiqués
qu'ultérieurement.

Dans l'intervalle, dame A.________ a sollicité de son bailleur qu'il
accepte
une prolongation du bail. Celui-ci a refusé et saisi la commission de
conciliation d'une demande tendant à faire constater la validité de la
résiliation pour le 1er décembre 1999, avec ordre de libérer les
lieux pour
cette date. Le 29 octobre 1999, dame A.________ a elle-même saisi la
commission de conciliation dans le but d'obtenir une prolongation de
son bail
au 1er avril 2000. Devant ladite commission, un accord a été trouvé
entre
dame A.________ et le bailleur, lequel a accepté de reporter le
départ de la
locataire au 15 décembre 1999, moyennant paiement du loyer du mois
entier.
Le 19 novembre 1999, dame A.________ a conclu avec X.________,
représentée
par la régie, un contrat de bail à loyer portant sur l'appartement
pour
lequel elle s'était inscrite. Le loyer mensuel net a été fixé à 2'200
fr.
plus 145 fr. à titre d'acompte de charges et une garantie bancaire
d'un
montant de 6'600 fr. a été prévue. L'entrée en possession a été fixée
au 15
décembre 1999. Les travaux effectués par la régie dans cet
appartement ont
essentiellement consisté à créer une cuisine à la place de l'ancienne
chambre
de bonne, l'ancienne cuisine devenant la salle à manger, à installer
une
seconde salle d'eau avec douche et WC et à modifier les matériaux du
sol de
certaines pièces. Ces travaux ont entraîné un coût total de 177'129
fr. 90.

B.
Ayant appris par la régie que le loyer acquitté par le précédent
locataire
s'élevait à 1'160 fr. plus 145 fr. d'acompte de charges, dame
A.________ a
saisi, le 7 janvier 2000, la commission de conciliation d'une
contestation de
loyer initial. La conciliation ayant échoué, elle a porté le litige
devant le
Tribunal des baux du canton de Vaud, concluant à une réduction de son
loyer
au montant mensuel de 1'500 fr., à une diminution de sa garantie
locative au
montant de 4'500 fr. et au remboursement des fractions de loyers
versées en
trop et excédant la limite admissible.

Par jugement dit préjudiciel du 3 mai 2001, le Tribunal des baux a
déclaré
irrecevable la requête en contestation du loyer initial présentée par
dame
A.________ à l'encontre de X.________.

Statuant sur le recours de la demanderesse par arrêt du 10 avril
2002, la
Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois l'a rejeté et
confirmé le
jugement entrepris. En substance, les juges cantonaux ont considéré
que dame
A.________ ne pouvait se prévaloir d'une situation de contrainte
qu'elle
avait elle-même provoquée en se contentant d'une très brève
prolongation de
bail, "incompatible avec l'utilisation normale des possibilités de
prolongation". Par ailleurs, vu l'ampleur des transformations
effectuées dans
l'appartement, il n'était pas possible d'admettre que la chose louée
fût
restée identique.

C.
Dame A.________ exerce un recours en réforme au Tribunal fédéral. Elle
conclut à ce que l'arrêt cantonal soit réformé en ce sens que sa
requête en
contestation du loyer initial est déclarée recevable.

L'intimée propose le rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 S'agissant d'un bail reconductible tacitement, c'est-à-dire d'un
bail de
durée indéterminée (ATF 114 Il 165 consid. 2b), la valeur litigieuse
déterminante doit être établie en fonction de la baisse requise, fixée
annuellement et multipliée par vingt (art. 36 al. 5 OJ; ATF 118 II 422
consid. 1). La réduction demandée étant de 700 fr. par mois, on
obtient un
total de 168'000 fr. Le recours est donc recevable au regard de
l'art. 46 OJ.

1.2 Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral
(art. 43
al. 1 OJ). Il ne permet en revanche pas d'invoquer la violation
directe d'un
droit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1 2e phrase OJ) ou la
violation du
droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c et les arrêts cités).

Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son
raisonnement sur la base des faits contenus dans la décision
attaquée, à
moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été
violées, qu'il y ait lieu à rectification de constatations reposant
sur une
inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter
les
constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu
compte
de faits pertinents et régulièrement allégués (art. 64 OJ; ATF 127
III 248
ibidem). Dans la mesure où une partie recourante présente un état de
fait qui
s'écarte de celui contenu dans la décision attaquée, sans se
prévaloir avec
précision de l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il
n'est pas
possible d'en tenir compte (ATF 127 III 248 consid. 2c). Il ne peut
être
présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou
de moyens
de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Le recours n'est pas
ouvert
pour se plaindre de l'appréciation des preuves et des constatations
de fait
qui en découlent (ATF 127 III 543 consid. 2c; 126 III 189 consid. 2a;
125 III
78 consid. 3a).

Si le Tribunal fédéral ne saurait aller au-delà des conclusions des
parties,
lesquelles ne peuvent en prendre de nouvelles (art. 55 al. 1 let. b
in fine
OJ), il n'est lié ni par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al. 1
OJ), ni
par ceux de la décision cantonale (art. 63 al. 3 OJ; ATF 127 III 248
consid.
2c; 126 III 59 consid. 2a). Le Tribunal fédéral peut donc admettre un
recours
pour d'autres motifs que ceux invoqués par le recourant; il peut aussi
rejeter un recours en opérant une substitution de motifs,
c'est-à-dire en
adoptant une autre argumentation juridique que celle retenue par la
cour
cantonale (ATF 127 III 248 consid. 2c).

2.
La recourante reproche à l'autorité cantonale d'avoir violé le droit
fédéral
en considérant qu'elle ne remplissait pas les conditions de l'art.
270 al. 1
CO permettant de contester le loyer initial.

2.1 Hormis des exigences dont la réalisation n'est en l'espèce pas
remise en
cause, l'art. 270 al. 1 CO soumet la contestation du loyer initial aux
conditions suivantes: soit le locataire a été contraint de conclure
le bail
par nécessité personnelle ou familiale (let. a, première hypothèse);
soit il
a été contraint de le conclure en raison de la situation du marché
local
(let. a, seconde hypothèse); soit le loyer a été sensiblement
augmenté par
rapport au loyer payé par le précédent locataire "pour la même chose"
(let.
b) (ATF 120 II 341 consid. 5a, p. 347). Ces conditions sont
alternatives;
autrement dit, il suffit que l'une d'entre elles soit remplie pour
qu'il
faille entrer en matière sur la demande de contestation du loyer
initial
(arrêt 4C.367/2001 du 12 mars 2002, consid. 3a). C'est au locataire de
prouver la réalisation de ces conditions (Higi, Commentaire
zurichois, n. 79
ad art. 270 CO; Lachat, Le bail à loyer, p. 261).

Lors de la révision du droit du bail, l'art. 270 CO est apparu comme
étant
l'une des dispositions les plus controversées du nouveau droit
(Lachat, op.
cit., p. 259; Weber/Zihlmann, Commentaire bâlois, n. 1 ad art. 270
CO). Le
résultat législatif final constitue un compromis entre la solution du
Conseil
fédéral, qui ne soumettait à aucune condition la contestation du loyer
initial, et celle qui préconisait l'abandon pur et simple de la
disposition
(Higi, op. cit., n. 10 ad art. 270 CO; SVIT-Kommentar Mietrecht II,
n. 1-4 ad
art. 270 CO). La doctrine est encore aujourd'hui partagée sur la
question de
savoir si cette norme consacre véritablement une exception au
principe de la
fidélité contractuelle - "pacta sunt servanda" - ce qui tendrait à
justifier
une interprétation restrictive de la disposition (Honsell,
Schweizerisches
Obligationenrecht, Besonderer Teil, 6e éd., p. 235; SVIT-Kommentar,
op. cit.,
n. 6 ad art. 270 CO; Weber/Zihlmann, op. cit., n. 1 ad art. 270 CO)
ou si, au
contraire, la notion de contrainte doit être interprétée plutôt
largement
(Lachat, op. cit., p. 260; Tercier, Les contrats spéciaux, 2e éd., n.
2035a,
p. 250; Higi, op. cit., n. 7 à 9 ad art. 270 CO). Contrairement à ce
que
soutiennent certains auteurs, la question n'a pas été tranchée par le
Tribunal fédéral dans l'ATF 114 II 74 consid. 3a, rendu à propos de
l'art. 17
AMSL.

La notion de contrainte figurant à l'art. 270 al. 1 let. a CO suppose
que le
locataire ait de bonnes raisons de changer de logement et que l'on ne
puisse
attendre de lui qu'il renonce à une occasion qui se présente, et ceci
parce
que les motifs de nécessité personnelle ou familiale ou la situation
sur le
marché local du logement sont tels qu'une renonciation serait
déraisonnable
(ATF 114 II 74 consid. 3c; Habermacher-Droz, Pratique récente en
matière de
loyers, Séminaire sur le droit du bail, Neuchâtel 1992, p. 20).

2.2 Lorsque le bail antérieur est résilié par le bailleur, il est
évident que
le locataire a des motifs personnels, voire familiaux, de changer de
logement. Reste encore à déterminer si cette résiliation engendre une
contrainte au sens qui vient d'être défini, de nature à faire
apparaître une
renonciation à conclure le nouveau bail comme déraisonnable.
Ce sera assurément le cas lorsque le contrat est résilié avec effet
immédiat
en application des art. 257d et 257f CO (Higi, op. cit., n. 44 ad
art. 270
CO).

Lorsque le bail du locataire a été résilié pour l'échéance du
contrat, la
réponse va dépendre des circonstances. Il convient notamment
d'examiner si le
locataire a épuisé les possibilités de prolongation de bail qui lui
étaient
ouvertes; on ne saurait toutefois lui reprocher d'avoir accepté par
transaction une prolongation plus courte que le maximum légal
(SVIT-Kommentar, op. cit., n. 9 ad art. 270 CO).

Entrent également en ligne de compte le nombre des démarches
entreprises par
le locataire pour se loger ailleurs, ainsi que la capacité financière
de
l'intéressé (arrêt 4C.367/1990 du 9 juillet 1991, consid. 2b, in:
Cahiers du
bail (CdB) 1/1992 p. 12; Habermacher-Droz, op. cit., p. 21).
S'agissant des
recherches de logement, la jurisprudence zurichoise précise qu'elles
doivent
avoir une certaine intensité, sans toutefois atteindre celle qu'on
exige du
locataire qui arrive au terme d'une seconde prolongation de bail
(arrêt du 4
septembre 1992 de l'Obergericht de Zurich, in: Blätter für
Zürcherische
Rechtsprechung, vol. 91/92, 1992/1993, no 73 p. 263).

Le temps à disposition du locataire pour trouver un nouveau logement
est un
critère à prendre en compte, mais seule doit importer la période qui
lui
restait pour se reloger au moment où il a signé le nouveau bail; la
durée
totale séparant le moment à partir duquel le locataire a su qu'il
devait
quitter les lieux et l'échéance
du bail n'est déterminante que dans
la mesure
où le locataire est resté inactif, attendant le dernier moment pour
agir (cf.
arrêt 4C.121/1999 du 28 juillet 1999, consid. 2d). Cette dernière
jurisprudence s'accorde parfaitement avec la protection contre les
loyers
abusifs instaurée par l'art. 270 CO, laquelle suppose cependant que le
locataire agisse de manière raisonnable et responsable, comme cela
ressort
d'autres dispositions du droit du bail (cf. art. 257f al. 1, 257g al.
1, 257h
CO).

2.3 En l'espèce, la cour cantonale a admis à juste titre que, lors de
la
signature du bail litigieux le 19 novembre 1999, la recourante se
trouvait
dans une situation de contrainte. Ayant accepté une prolongation
"ultime et
définitive" de son précédent bail jusqu'au 1er décembre suivant, elle
avait
moins d'un mois à disposition pour trouver un logement adapté à sa
condition
familiale; à considérer la conjoncture notoirement difficile qui
règne sur le
marché des appartements locatifs en ville de Lausanne, il aurait été
manifestement déraisonnable de renoncer à conclure le bail litigieux.
Toutefois, pour juger de l'existence d'une situation contraignant le
locataire à conclure le bail, comme l'entend le droit fédéral, il
convient de
tenir compte de l'ensemble des circonstances du cas particulier (ATF
114 II
74 consid. 3c).

Or il ressort des constatations cantonales, qui lient le Tribunal
fédéral en
instance de réforme (art. 63 al. 2 OJ), que la recourante ne s'est
souciée de
trouver un nouveau logement que quatre mois après avoir pris
connaissance de
la résiliation de son bail. Cette inaction est d'autant plus
surprenante que,
d'une part, elle souhaitait limiter ses recherches à un quartier très
précis
de Lausanne et que, d'autre part, elle a accepté - au regard de ce
que la loi
autorise (art. 272 CO) - une prolongation excessivement brève de son
bail. A
cela s'ajoute le fait que la recourante n'a rempli qu'une seule
formule de
préinscription pour un unique appartement, dont elle ignorait la date
de mise
à disposition sur le marché, l'ampleur des rénovations prévues et le
montant
du loyer. Ces informations avaient pourtant une importance
déterminante sur
les recherches de logement et les démarches en vue de prolonger son
ancien
bail qu'aurait dû entreprendre la recourante.

Dans ces conditions, la recourante apparaît être la principale
responsable de
la situation de contrainte dont elle se plaint. Une utilisation
normale des
possibilités légales de prolongation de bail, une information
complète sur
son nouveau logement ainsi que quelques efforts de recherches d'autres
appartements lui auraient très vraisemblablement évité d'avoir à
signer le
bail litigieux une dizaine de jours avant la date prévue pour quitter
son
ancien logement. Par conséquent, la demanderesse ne peut se prévaloir
d'une
situation de contrainte au sens de l'art. 270 al. 1 let. a CO, ainsi
que l'a
bien vu la cour cantonale.

3.
3.1Indépendamment de toute contrainte, la loi admet la recevabilité
de la
contestation du locataire si le bailleur a sensiblement augmenté le
loyer
initial pour la même chose par rapport au précédent loyer (art. 270
al. 1
let. b CO). Une augmentation de 89.65% du précédent loyer net, telle
qu'elle
a été constatée en l'espèce, constitue indiscutablement une
augmentation
sensible, dès lors qu'elle dépasse le taux limite de 10 % mentionné en
doctrine (Higi, op. cit., n. 50 ad art. 270 CO; Lachat, op. cit., p.
260;
Weber/Zihlmann, op. cit., n. 5 ad art. 270 CO; SVIT-Kommentar, op.
cit., n.
20 ad art. 270 CO). Se pose cependant la question de savoir si, en
raison des
travaux entrepris par l'intimée dans l'appartement litigieux, le
nouveau
loyer concerne toujours la "même chose".

3.2 L'art. 270 al. 1 let. b CO part de la présomption que toute
augmentation
sensible de loyer peut être source d'un abus, qui justifie, à la
demande du
locataire, un contrôle de l'autorité judiciaire. En effet, le simple
changement de locataire ne saurait à lui seul expliquer une hausse de
loyer
(Higi, op. cit., n. 48 ad art. 270 CO).

Lorsque le changement de locataire s'accompagne de modifications de
la chose
louée, on pourrait se demander si la présomption rappelée ci-dessus
conserve
toute sa force. II faut partir du but de la loi qui, à l'instar de
l'ancienne
réglementation, tend à limiter les pratiques rencontrées chez de
nombreux
bailleurs de profiter d'un changement de preneur pour procéder à une
augmentation massive du loyer (Barbey, L'arrêté fédéral instituant des
mesures contre les abus dans le secteur locatif, p. 24 s. et les
références).
Or il est notoire que les bailleurs sont généralement amenés, ce qui
va dans
l'intérêt d'une meilleure qualité du parc locatif suisse, à effectuer
des
travaux d'entretien ou de rénovation (plus ou moins lourde) lors de
chaque
changement de locataire. Dès lors, dénier la recevabilité d'une
contestation
de loyer au seul motif que le bailleur a entrepris des travaux dans
l'objet
proposé en location, reviendrait à rendre la loi lettre morte.

Au surplus, le texte de l'art. 270 al. 1 let. b CO, qui mentionne
uniquement
le critère de l'augmentation sensible du loyer, indépendamment de
toute autre
circonstance, ne se prête pas à l'interprétation proposée par la cour
cantonale, qui veut exclure toute contestation du loyer initial si le
logement a subi des transformations d'une certaine ampleur (cf., à ce
propos,
l'opinion convaincante de Higi, op. cit., n. 49 ad. art. 270 CO).

Quant à l'emploi dans le texte légal des mots "la même chose"
("dieselbe
Sache", "la stessa cosa"), il confirme simplement que l'objet loué,
pour
permettre une véritable comparaison, doit conserver les mêmes
caractéristiques que par le passé, notamment la même surface et le
même
nombre de pièces.

3.3 En l'occurrence, les travaux effectués par la défenderesse dans
l'appartement litigieux n'ont modifié ni sa surface, ni son nombre de
pièces.
La cuisine a été déplacée dans une pièces autrefois affectée au
logement
d'une bonne; une nouvelle salle d'eau a été créée - à côté de
l'ancienne
salle de bains dont la surface s'est trouvée réduite d'autant - de
manière à
recevoir une douche et des WC. Enfin, le revêtement du sol a été
modifié dans
certaines pièces et des travaux d'entretien usuel ont été exécutés.
Le coût
de ces interventions, soit 177'129 fr. 90, démontre leur ampleur,
mais n'est
pas déterminant en tant que tel.

II est certain que les travaux effectués dans l'appartement de la
recourante
lui procurent un confort accru et une utilisation meilleure de
l'espace. Le
volume total de l'appartement n'a cependant pas été modifié, de sorte
que la
chose louée, certes améliorée, est fondamentalement restée la même.
Il serait
contraire au but poursuivi par la loi de priver la locataire, au
stade de la
recevabilité de son action, de son droit de faire contrôler le
caractère
éventuellement abusif du nouveau loyer. Comme la requête de la
recourante en
contestation du loyer initial est ainsi recevable, la Chambre des
recours a
enfreint le droit fédéral pour ne pas l'avoir reconnu. Il incombera à
celle-ci de statuer sur le fond du litige et d'apprécier notamment si
les
rénovations et transformations effectuées par la défenderesse sont de
nature
à justifier le loyer contesté.

4.
En définitive, le recours doit être admis et l'arrêt attaqué annulé,
la cause
étant renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le
sens des
considérants. Vu l'issue de la procédure, les frais seront mis à la
charge de
l'intimée qui succombe, laquelle devra aussi payer une indemnité à
titre de
dépens à son adverse partie (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est
renvoyée à
l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des
considérants.

2.
Un émolument judiciaire de 3'000 fr. est mis à la charge de l'intimée.

3.
L'intimée versera à la recourante une indemnité de 3'500 fr. à titre
de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 16 octobre 2002

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.169/2002
Date de la décision : 16/10/2002
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-10-16;4c.169.2002 ?
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