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15/10/2002 | SUISSE | N°1A.179/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 15 octobre 2002, 1A.179/2002


{T 0/2}
1A.179/2002 /RrF

Arrêt du 15 octobre 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Féraud, Fonjallaz,
greffier Jomini.

la société A.________,
recourante, représentée par Me Pascal Pétroz, avocat, avenue de
Champel 24,
case postale 123, 1211 Genève 12,

contre

Département de l'intérieur, de l'agriculture, de l'environnement et de
l'énergie de la République et canton de Genève, case postale 39

18,
1211
Genève 3,
Tribunal administratif de la République et canton de Genève, rue des
Chaudronniers 3, 1204 Genève.
...

{T 0/2}
1A.179/2002 /RrF

Arrêt du 15 octobre 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Féraud, Fonjallaz,
greffier Jomini.

la société A.________,
recourante, représentée par Me Pascal Pétroz, avocat, avenue de
Champel 24,
case postale 123, 1211 Genève 12,

contre

Département de l'intérieur, de l'agriculture, de l'environnement et de
l'énergie de la République et canton de Genève, case postale 3918,
1211
Genève 3,
Tribunal administratif de la République et canton de Genève, rue des
Chaudronniers 3, 1204 Genève.

traitement des déchets

recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal
administratif de la
République et canton de Genève du 23 juillet 2002.

Faits:

A.
La société anonyme A.________, dont le but statutaire est l'entretien
de
parcs et de jardins, les travaux de génie civil et les travaux dans le
domaine de la construction, est locataire depuis 1998 de deux
bureaux, dans
une villa, et d'une surface d'environ 3'000 m2 au chemin de l'Abérieu
41 à
Plan-les-Ouates, sur la parcelle portant anciennement le numéro 1260
du
registre foncier, et actuellement le numéro 5749. Cet immeuble
appartenait
jusqu'au 11 avril 2001 à la société immobilière D.________; à cette
date-là,
elle a été vendue aux enchères publiques à la société anonyme
B.________.

B.
Les 9 mai, 26 mai et 29 septembre 2000, des inspecteurs du
Département de
l'intérieur, de l'agriculture, de l'environnement et de l'énergie de
la
République et canton de Genève (DIAE; ci-après: le département
cantonal) ont
constaté la présence de déchets sur ce terrain, à savoir des
matériaux à
incinérer, tels que cartons, palettes, vieux mobilier et plastique,
ainsi que
des déchets provenant de la démolition d'un bâtiment, constituant un
amoncellement, ou andain, long de 60 m, large de 10 m et haut de 2 m.

Le département cantonal, par son service de gestion des déchets, a
invité
A.________ à déposer une demande d'autorisation d'exploiter une
installation
d'élimination des déchets, au sens des art. 19ss de la loi cantonale
du 20
mai 1999 sur la gestion des déchets (LGD). L'autorité cantonale se
référait
également à la présence de déchets, ou de décharges sauvages, sur un
terrain
directement voisin (parcelle n° 2593).

Le 8 novembre 2000, le département cantonal (service de gestion des
déchets)
a imparti à A.________ un délai au 29 novembre 2000 pour évacuer les
déchets
se trouvant sur les terrains précités et pour les éliminer dans une
installation appropriée. Par une décision du même jour, le département
cantonal a infligé à A.________ une amende de 10'000 fr. pour avoir
poursuivi
sans autorisation son activité d'élimination des déchets et pour
avoir déposé
ceux-ci hors d'une installation autorisée.

Le 9 novembre 2000, A.________ a annoncé au service de gestion des
déchets
son intention de recourir. Dans sa lettre, elle faisait notamment
valoir que
l'andain dont il était question existait déjà au moment où elle était
devenue
locataire des lieux.

Le 30 novembre 2000, les inspecteurs ont constaté qu'environ un
dixième de
cet andain avait été évacué. Le même jour, le département cantonal a
imparti
à A.________ un ultime délai au 14 décembre 2000 pour procéder à
l'élimination des déchets se trouvant sur les terrains litigieux, à
défaut de
quoi l'exécution par substitution serait ordonnée.

C.
Le 8 décembre 2000, A.________ a recouru, auprès de la Commission
cantonale
de recours en matière de constructions, contre les décisions prises
par le
département cantonal les 8 et 30 novembre 2000. Par un prononcé du 14
janvier
2002, cette commission a partiellement admis le recours, annulant les
décisions attaquées en tant qu'elles concernaient les dépôts de
déchets sur
la parcelle n° 2593, car il n'était pas établi que A.________ fût
responsable
de l'exploitation sur ce terrain. Elle a pour le reste rejeté le
recours,
confirmant donc les décisions du département cantonal s'agissant du
sort des
déchets se trouvant sur la parcelle n° 1260 (actuellement n° 5749)
ainsi que
de l'amende.

La Commission cantonale de recours a constaté, notamment, que
A.________
était représentée dans la procédure par C.________, propriétaire de la
société immobilière D.________ et actionnaire d'une société ayant
exploité la
parcelle n° 1260 avant qu'elle ne soit louée à A.________.

D.
A.________ a recouru contre le prononcé de la Commission auprès du
Tribunal
administratif cantonal. Ce recours a été rejeté par un arrêt rendu le
23
juillet 2002. S'agissant de l'élimination des déchets déposés sur la
parcelle
n° 1260, le Tribunal administratif a considéré qu'elle incombait à
leur
détenteur, en vertu de l'art. 31c de la loi fédérale sur la
protection de
l'environnement (LPE; RS 814.01) ainsi que d'une disposition du droit
cantonal (art. 11 LGD); A.________ a cette position de détenteur,
nonobstant
d'une part le fait que les déchets, comme elle le prétend, se
trouvaient déjà
à cet endroit au moment où elle a repris le bail, et d'autre part le
changement de propriétaire du terrain en 2001.

E.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, A.________
demande au
Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal administratif et de
dire qu'il
n'appartient ni à elle-même ni à C.________ d'évacuer les déchets se
trouvant
sur la parcelle n° 1260.

Dans son argumentation, la recourante fait valoir qu'elle avait
certes déposé
quelques bennes contenant des déchets sur cette parcelle, mais
qu'elle les a
évacués à la suite des injonctions du département cantonal. Les autres
déchets auraient été déposés sur la parcelle avant qu'elle n'en
devienne
locataire, et il appartiendrait donc à l'actuel propriétaire de ce
terrain -
B.________ -, nouveau détenteur des déchets, de les éliminer. La
recourante
se plaint d'une violation de l'art. 31c LPE et elle invoque des
dispositions
du droit privé réglant les obligations du propriétaire d'ouvrage et
bailleur.
Elle précise qu'elle ne conteste pas, devant le Tribunal fédéral, la
condamnation à une amende.

Le département cantonal conclut au rejet du recours, en renvoyant à
l'argumentation présentée en dernière instance cantonale.

Le Tribunal administratif se réfère à son arrêt, sans autres
observations.

F.
La recourante requiert l'octroi de l'effet suspensif.

Dans l'attente d'une décision sur cette requête, le Président de la
Ire Cour
de droit public a interdit toute mesure d'exécution de l'arrêt
attaqué (selon
une ordonnance du 18 septembre 2002). Il n'a pas été ordonné d'autres
mesures
provisionnelles.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le présent jugement rend sans objet la requête d'effet suspensif (cf.
art.
111 al. 2 OJ).

2.
La contestation porte sur un ordre d'élimination ou d'évacuation de
déchets,
fondé sur l'art. 31c al. 1 LPE ("Les autres déchets doivent être
éliminés par
le détenteur; il peut charger un tiers d'assurer cette élimination.")
et sur
une disposition du droit cantonal n'ayant manifestement pas de portée
indépendante (art. 11 al. 1 LGD: "Tous les déchets dont l'élimination
n'incombe pas aux collectivités publiques doivent être éliminés par
leurs
détenteurs dans des installations appropriées."). La voie du recours
de droit
administratif est donc ouverte, contre une décision prise en dernière
instance cantonale et fondée sur la loi fédérale sur la protection de
l'environnement (art. 97ss OJ, art. 98 let. g OJ; cf. notamment ATF
125 II
508). Le destinataire de cet ordre d'élimination a qualité pour
recourir
(art. 103 let. a OJ) et les autres conditions de recevabilité sont
satisfaites. Il convient donc d'entrer en matière.

3.
3.1 La recourante conteste être la détentrice des déchets litigieux.
Elle ne
prétend en revanche pas que les marchandises déposées sur le terrain
qu'elle
loue ne seraient pas des déchets au sens de l'art. 7 al. 6 LPE, ni
qu'il
s'agirait d'un type de déchets dont l'élimination n'incomberait pas à
leur
détenteur, conformément à l'art. 31c LPE ("autres déchets", par
opposition
aux "déchets urbains" visés à l'art. 31b LPE). Il appartient donc au
Tribunal
fédéral d'interpréter la notion de détenteur, employée à l'art. 31c
al. 1
LPE.

3.2 En droit public fédéral, le détenteur de déchets est celui qui a
en fait
un pouvoir de disposition sur ces déchets (dans le texte allemand:
"Inhaber"); ce n'est pas nécessairement la personne qui est à
l'origine de
leur production (cf. ATF 118 Ib 407 consid. 3c p. 411). Le locataire
d'un
terrain ou d'un dépôt où se trouvent des déchets peut donc être leur
détenteur, chargé partant de l'élimination en vertu de l'art. 31c al.
1 LPE.
Il en va a fortiori ainsi quand celui-ci récolte des déchets,
s'occupe de
leur stockage provisoire ou en assure le traitement d'une manière ou
d'une
autre (cf. Pierre Tschannen, Kommentar zum Umweltschutzgesetz, Zurich
2000,
n. 13 ad art. 31c LPE; Jean-Baptiste Zufferey, Pollueur-payeur,
perturbateur,
détenteur et responsable, BR/DC 1999 p. 125).

3.3 Il ressort des constatations de fait de l'arrêt attaqué - qui
lient en
principe le Tribunal fédéral (art. 105 al. 2 OJ) - que la recourante
a sur le
terrain litigieux une activité d'entreposage et de tri de matériaux,
qui
s'apparente à l'exploitation d'une installation d'élimination de
déchets;
c'est pourquoi elle a d'abord été invitée à demander une autorisation
d'exploiter, conformément à la législation cantonale. En dépit du
récent
changement de propriétaire de la parcelle, la recourante conserve la
disposition de ce terrain. Dans ces circonstances, le Tribunal
administratif
pouvait considérer que la recourante était la détentrice de la
totalité des
déchets de cette exploitation, y compris les déchets déjà entreposés
sur
place au début des activités de la recourante à cet endroit. Pour
appliquer
l'art. 31c al. 1 LPE, le Tribunal administratif n'avait en outre pas à
rechercher si le propriétaire foncier avait, dans cette situation, des
obligations particulières à l'égard de son locataire. Aussi le grief
de
violation du droit public fédéral (art. 104 let. a OJ, en relation
avec les
art. 97 al. 1 OJ et 5 PA) est-il mal fondé.

4.
Il s'ensuit que le recours de droit administratif doit être rejeté.

La recourante, qui succombe, est condamnée aux frais judiciaires
(art. 153,
153a et 156 al. 1 OJ). Les autorités cantonales n'ont pas droit à des
dépens
(art. 159 al. 2 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours de droit administratif est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 3'000 fr. est mis à la charge de la
recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la
recourante, au
Département de l'intérieur, de l'agriculture, de l'environnement et de
l'énergie et au Tribunal administratif de la République et canton de
Genève,
ainsi que pour information à l'Office fédéral de l'environnement, des
forêts
et du paysage.

Lausanne, le 15 octobre 2002

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1A.179/2002
Date de la décision : 15/10/2002
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-10-15;1a.179.2002 ?
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