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14/10/2002 | SUISSE | N°I.777/01

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 14 octobre 2002, I.777/01


{T 7}
I 777/01

Arrêt du 14 octobre 2002
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Lustenberger et Kernen. Greffière :
Mme
Moser-Szeless

G.________, recourante, représentée par Me Cédric Schweingruber,
avocat,
passage Léopold-Robert 8, 2302 La Chaux-de-Fonds,

contre

Office de l'AI du canton du Jura, rue Bel-Air 3, 2350 Saignelégier,
intimé

Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Chambre des
assurances,
Porrentruy

(Jugement du 7 novembre 2001)


Faits :

A.
G. ________ a obtenu un brevet de technicienne supérieure en
comptabilité et
gestion de l'Académie X._...

{T 7}
I 777/01

Arrêt du 14 octobre 2002
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Lustenberger et Kernen. Greffière :
Mme
Moser-Szeless

G.________, recourante, représentée par Me Cédric Schweingruber,
avocat,
passage Léopold-Robert 8, 2302 La Chaux-de-Fonds,

contre

Office de l'AI du canton du Jura, rue Bel-Air 3, 2350 Saignelégier,
intimé

Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Chambre des
assurances,
Porrentruy

(Jugement du 7 novembre 2001)

Faits :

A.
G. ________ a obtenu un brevet de technicienne supérieure en
comptabilité et
gestion de l'Académie X.________ (France), en juin 1994. Elle a
ensuite
travaillé en Suisse en qualité de sommelière, d'abord au Café
Y.________, du
8 août 1994 au 8 octobre 1995, puis au Restaurant Z.________ du 1er
septembre
1996 au 31 mai 1997.

Victime d'un accident vasculaire cérébral (AVC) le 28 mai 1997, qui
s'est
compliqué d'une hydrocéphalie justifiant une crâniotomie, elle a
déposé, le
14 janvier 1998, une demande de prestations de l'assurance-invalidité
tendant
à une réadaptation dans le secteur de la comptabilité. Constatant
qu'elle
n'était plus en mesure de reprendre son activité de sommelière en
raison des
séquelles de l'AVC, l'Office de l'assurance-invalidité du canton du
Jura
(ci-après : l'office) lui a accordé des indemnités journalières,
ainsi que
des mesures de réadaptation sous forme d'un stage de réentraînement au
travail dans le domaine du bureau auprès de l'entreprise W.________. A
l'issue de la période de réadaptation, l'assurée a trouvé un emploi en
qualité de comptable à mi-temps, sa capacité de travail étant limitée
à ce
taux (rapport de l'office du 3 août 1999).

Le 31 mai 1999, G.________ a requis une demi-rente de
l'assurance-invalidité.
Par décision du 9 octobre 2000, l'office a nié le droit de l'assurée
à une
rente, au motif que le degré de son invalidité (25,50 %), calculé sur
la base
d'un revenu mensuel d'invalide de 1900 fr. et d'un revenu sans
invalidité de
2550 fr., correspondant à son salaire de sommelière, était
insuffisant pour
ouvrir le droit à une rente d'invalidité.

B.
Par jugement du 7 novembre 2001, la Chambre des assurances du Tribunal
cantonal de la République et canton du Jura a rejeté le recours formé
contre
cette décision par l'assurée.

C.
Cette dernière interjette recours de droit administratif contre ce
jugement
dont elle demande l'annulation. Sous suite de dépens, elle conclut
principalement au renvoi de la cause à l'administration afin qu'elle
complète
l'instruction sur le plan économique et, subsidiairement, à l'octroi
d'une
rente entière d'invalidité.

L'office conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des
assurances sociales ne s'est pas déterminé.

Considérant en droit :

1.
Le litige porte sur le taux d'invalidité de la recourante,
singulièrement sur
l'évaluation de son revenu sans invalidité. A cet égard, les premiers
juges
ont exposé les règles légales et les principes jurisprudentiels
applicables
en la matière, de sorte qu'il suffit de renvoyer à leur jugement.

2.
2.1En ce qui concerne le revenu sans invalidité, les premiers juges
ont
retenu un montant annuel de 34 450 fr. (2650 x 13) correspondant au
salaire
auquel aurait eu droit la recourante en tant que sommelière à partir
du 1er
janvier 1999, conformément à la «convention collective de travail
pour les
hôtels, restaurants et cafés».

La recourante objecte que sans invalidité, elle aurait pu exercer,
conformément à sa formation, la profession de comptable ou de
secrétaire-comptable et réaliser ainsi, en s'y consacrant
entièrement, un
revenu nettement supérieur.

2.2 Du point de vue du droit à une rente d'invalidité, le risque
assuré est
l'incapacité de gain, présumée permanente ou de longue durée, à
condition et
pour autant que la diminution de la capacité de gain résulte d'une
atteinte à
la santé (infirmité congénitale, maladie ou accident; FF 1958 II 1186
s.;
Meyer-Blaser, Bundesgesetz über die Invalidenversicherung [IVG],
1997, p. 8
sv.). Si un assuré, en mesure sur le plan de la santé d'exercer une
activité
lucrative à plein temps, décide de son propre gré de réduire son
horaire de
travail pour s'accorder plus de loisir ou pour poursuivre sa
formation (ou
son perfectionnement professionnel) ou si le marché du travail ne lui
permet
pas d'avoir une activité à plein temps, l'assurance-invalidité n'a
pas à
intervenir (FF 1958 II 1186 sv.; Susanne Leuzinger-Naef,
Sozialversicherungsrechtliche Probleme flexibilisierter
Arbeitsverhältnisse,
et Alexandra Rumo-Jungo, Ausgewählte Gerichtsentscheide aus dem
Sozialversicherungsrecht im Zusammenhang mit
Teilzeitarbeitsverhältnissen, in
: Freiburger Sozialrechtstag 1996, Neue Erwerbsformen - veraltetes
Arbeits-
und Sozialversicherungsrecht? [Erwin Murer éd.], pp. 91 ss., p. 124
sv. et p.
187 ss., p. 195 sv.; en ce qui concerne la causalité et la finalité
de la
notion d'invalidité en général et à propos de l'importance des
facteurs
étrangers à l'invalidité en particulier, voir Meyer-Blaser, op. cit.,
p. 14
sv. et les références). C'est pourquoi, selon la jurisprudence, par
revenu
que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide au sens de
l'art. 28
al. 2 LAI, il faut entendre le gain qu'il réaliserait effectivement
s'il
était en bonne santé. Si, en se basant sur les circonstances du cas
particulier, il y a lieu d'admettre que l'assuré, en l'absence
d'atteinte à
la santé, se serait contenté d'un gain modeste, il faut prendre en
compte ce
revenu, même s'il aurait pu bénéficier de meilleures conditions de
rémunération (ATF 125 V 157 consid. 5 c/bb, ZAK 1992 p. 90 consid.
4a, RCC
1992 p. 96 consid. 4a et les arrêts cités).

A cet égard, il y a lieu de relever que le texte en français de
l'arrêt
publié dans ZAK 1992 p. 90, cité par la recourante (RCC 1992 p. 94) à
l'appui
de ses conclusions, contient une erreur de traduction. Dans cet
arrêt, le
Tribunal fédéral des assurances a considéré que la seule
circonstance, qu'un
assuré disposerait de meilleures possibilités de gain que celles
qu'il met en
valeur et qui lui permettent d'obtenir un revenu modeste, ne justifie
pas que
l'on s'écarte du gain qu'il perçoit effectivement: «Ist aufgrund der
Umstände
des Einzelfalles anzunehmen, dass [der Versicherte] sich als Gesunder
voraussichtlich dauernd mit einer bescheidenen Erwerbstätigkeit
begnügen
würde, so ist darauf abzustellen, auch wenn er an sich besser
entlöhnte
Erwerbsmöglichkeiten hätte (ZAK 1994 p. 92 consid. 4a; RCC 1992 p. 96
consid.
4a traduit faussement par «s'il y a lieu de supposer [...] qu'en
étant sain
de corps et d'esprit l'assuré se serait probablement contenté
d'exercer
durablement une activité lucrative modeste, il faut également se
fonder sur
le fait qu'il aurait pu avoir la possibilité d'exercer une activité
mieux
rémunérée»).

La jurisprudence admet cependant que des circonstances, dont la
preuve de
l'existence est soumise à des exigences sévères (arrêts non publiés
A. du 16
janvier 2002 [I 329/01], A. du 10 décembre 2001 [I 320/01], W. du 23
juillet
1999 [I 200/98], cf. ATF 117 V 18 consid. 2c/aa), justifient de
s'écarter du
revenu effectif de l'assuré, lorsqu'il ressort de la situation dans
son
ensemble que ce dernier, sans invalidité, ne se contenterait pas
d'une telle
rémunération de manière durable (VSI 1999 p. 248 consid. 3b, RCC 1994
p. 96
consid. 4b, comp. Meyer-Blaser, op. cit. p. 208).

2.3 La preuve de l'existence de telles circonstances n'est pas
rapportée en
l'espèce. Depuis son arrivée en Suisse en août 1994, soit deux mois
après
l'obtention de son diplôme en comptabilité et gestion, la recourante
n'a
jamais exercé d'autre activité que celle de sommelière jusqu'à son
atteinte à
la santé, survenue le 28 mai 1997. On ne saurait donc considérer que
cette
activité était purement provisoire, dans la mesure déjà où la
recourante l'a
exercée pendant près de deux ans. Certes, elle fait valoir qu'elle a
cherché
à diverses reprises, en 1994 et en 1996, à trouver un emploi en
qualité de
secrétaire-comptable ou de secrétaire correspondant à sa formation,
mais sans
succès. A la lecture de la liste des offres d'emploi faites par la
recourante
et des réponses des entreprises auxquelles elle s'était adressée, on
constate
toutefois qu'elle a concentré ses recherches sur une période de
quatre mois
seulement (de janvier à avril 1996), sous réserve d'une offre
remontant au
mois de juillet 1994. Ces démarches limitées ne permettent pas, à
elles
seules, de retenir que la recourante a sérieusement cherché à changer
d'activité professionnelle depuis son arrivée en Suisse et ne s'est
pas
contentée de manière durable - soit pendant près de deux ans - du
revenu
qu'elle obtenait en tant que sommelière. Au demeurant, la recourante
ne fait
nullement valoir qu'elle aurait cherché un emploi mieux rémunéré de
comptable
pendant une période de près d'un an pendant laquelle elle n'a,
semble-t-il,
exercé aucune activité lucrative, à savoir entre le 8 octobre 1995,
date à
laquelle elle a quitté son emploi au Café Y.________, et le 1er
septembre
1996, au moment où elle a repris une activité au restaurant
Z.________. De
même, elle ne démontre pas, au degré de la vraisemblance requise
(supra,
consid. 2.2), qu'elle cherchait effectivement un autre emploi juste
avant la
survenance de son atteinte à la santé, en mai 1997, et était sur le
point de
changer d'orientation professionnelle.

Par ailleurs, si le brevet en gestion et comptabilité obtenu par la
recourante en France est comparable à un diplôme délivré par une école
supérieure de gestion commerciale suisse (attestation de l'OFFT du 21
août
2000), celle-ci a néanmoins suivi des cours de comptabilité, dans le
cadre
des mesures de réadaptation, afin de se familiariser avec les
particularités
suisses (rapport de l'office du 27 mai 1999). La formation initiale
de la
recourante ne lui permettait donc pas, sans complément ou adaptation,
d'exercer l'activité de comptable en Suisse. Or, comme l'ont à juste
titre
retenu les premiers juges, la recourante n'a entrepris aucune
démarche en ce
sens pendant plus de trois ans et demi. Elle n'a donc pas cherché
concrètement à mettre en valeur sa formation afin de s'assurer un
revenu plus
important que celui qu'elle obtenait en tant que sommelière.
L'argument de la
recourante en relation avec ses recherches d'un travail en qualité
d'employée
de bureau ne lui est d'aucun secours, ces dernières s'étant elles
aussi
limitées, au vu du dossier, à quelques offres faites au cours des
mois de
janvier à avril 1996, soit plus d'un an avant l'atteinte à la santé.
Au
demeurant, si la recourante n'a pas été en mesure de trouver un
travail mieux
rémunéré avant la survenance de l'événement assuré, que ce soit pour
des
raisons liées à un manque d'expérience, à une formation insuffisante
ou à des
facteurs purement conjoncturels, il s'agit de motifs étrangers à
l'invalidité, de sorte que l'assurance-invalidité n'a pas à en
répondre
(supra consid. 2.2).

Dans ces circonstances, il ne se justifie pas de renoncer à se
référer au
revenu effectivement réalisé par la recourante avant le 27 mai 1998,
adapté à
l'évolution des salaires intervenue jusqu'au moment du prononcé de la
décision, si bien qu'il convient de retenir un salaire de 34 450 fr.,
tel que
fixé par l'instance cantonale de recours.

3.
Pour le surplus, il n'y a pas lieu de s'écarter de la comparaison des
revenus, avant et après invalidité, effectuée par les premiers juges,
la
recourante ne contestant du reste ni le taux d'incapacité de travail
de 50 %
dans une activité de comptable, ni le revenu après invalidité fixé à
1900 fr.
par mois. Il en résulte que la recourante ne subit pas une incapacité
de gain
suffisante pour ouvrir droit à une rente d'invalidité.

Partant, le recours est mal fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la Chambre des
assurances du
Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, ainsi qu'à
l'Office
fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 14 octobre 2002
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIIe Chambre: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.777/01
Date de la décision : 14/10/2002
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-10-14;i.777.01 ?
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