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14/10/2002 | SUISSE | N°I.49/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 14 octobre 2002, I.49/02


{T 7}
I 49/02

Arrêt du 14 octobre 2002
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Lustenberger et Kernen. Greffière :
Mme
Berset

1. E.________ L.________,

2. V.________ L.________,
recourantes,
toutes les 2 représentées par Me Fabien Waelti, avocat, rue des
Eaux-Vives
49, 1207 Genève,

contre

Office cantonal AI Genève, boulevard du Pont-d'Arve 28, 1205 Genève,
intimé

Commission cantonale de recours en matière d'AVS/AI, Genève

(Jugement du 7 septembr

e 2001)

Faits :

A.
E. ________ L.________, née en 1956, a travaillé, en Italie, pour son
propre
compte, dans le domai...

{T 7}
I 49/02

Arrêt du 14 octobre 2002
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Lustenberger et Kernen. Greffière :
Mme
Berset

1. E.________ L.________,

2. V.________ L.________,
recourantes,
toutes les 2 représentées par Me Fabien Waelti, avocat, rue des
Eaux-Vives
49, 1207 Genève,

contre

Office cantonal AI Genève, boulevard du Pont-d'Arve 28, 1205 Genève,
intimé

Commission cantonale de recours en matière d'AVS/AI, Genève

(Jugement du 7 septembre 2001)

Faits :

A.
E. ________ L.________, née en 1956, a travaillé, en Italie, pour son
propre
compte, dans le domaine de la restauration, mais a fait faillite
après six
mois. Arrivée à G.________ en mars 1995, elle a été victime d'une
agression,
le 14 mai 1995, alors qu'elle s'adonnait à la prostitution.

Le 14 mai 1996, elle a déposé une demande de rente de
l'assurance-invalidité.
Le docteur R.________, médecin généraliste, a diagnostiqué un état de
stress
post-traumatique, un état dépressivo-anxieux, un début d'agoraphobie
et des
douleurs post-traumatiques cervicales, céphaliques et de l'épaule
gauche; il
a préconisé un traitement psychiatrique (rapport du 17 septembre
1996).

Atteinte d'un cancer du sein, E.________ L.________ a été opérée au
mois
d'octobre 1997. Elle s'est trouvée dans l'incapacité de travailler du
12
octobre au 23 novembre 1997 et a subi ensuite une chimiothérapie
jusqu'en
janvier 1998. Six mois plus tard, elle ne présentait pas de récidive
(rapport
des docteurs B.________ et A.________ du 23 avril 1998).

Par décision du 26 novembre 1998, le Tuteur général a été nommé à la
fonction
de curateur de la fille de l'assurée, qui a été placée dans un foyer
en
raison des inquiétudes soulevées par l'état psychique de cette
dernière.

A peu près à la même époque, le docteur S.________, médecin de
l'assurance-invalidité, a proposé que E.________ L.________ soit
soumise à
une expertise psychiatrique chez le docteur Y.________, spécialiste en
psychiatrie et psychothérapie, à N.________. Après deux entretiens,
peu
fructueux, l'expert a fixé un troisième rendez-vous à la prénommée,
qui ne
s'y est pas présentée, en expliquant qu'elle était trop déprimée par
le
retrait de la garde de sa fille. Par communication du 30 novembre
1998, ce
spécialiste a indiqué à l'Office cantonal genevois de
l'assurance-invalidité
(OCAI) qu'il n'était pas en mesure de rédiger le rapport d'expertise
demandé.
Le 8 janvier 1999, l'OCAI a rappelé à l'assurée son devoir de
collaborer et
l'a enjointe de prendre un nouveau rendez-vous avec l'expert dans le
délai
imparti, en l'avisant qu'à défaut, il serait statué en l'état du
dossier.
L'assurée a contesté l'utilité d'une expertise psychiatrique et
refusé tout
nouveau rendez-vous.

Par décisions séparées du 17 août 1999, l'OCAI a alloué à E.________
L.________ une rente entière d'invalidité pour la période du 1er mai
1996 au
31 janvier 1997 et une rente complémentaire pour sa fille.

B.
E.________ et V.________ L.________ ont interjeté recours contre ces
décisions devant la Commission cantonale genevoise de recours en
matière
d'AVS/AI, en concluant à l'allocation de prestations non limitées
dans le
temps. Par jugement du 7 septembre 2001, la cour cantonale a rejeté
leur
recours.

C.
E.________ et V.________ L.________ interjettent recours de droit
administratif contre ce jugement dont elles demandent l'annulation, en
concluant, sous suite de frais et dépens, principalement au renvoi de
la
cause à l'autorité inférieure pour instruction complémentaire, «en
enjoignant
la Commission cantonale de recours AVS/AI et l'OCAI d'ordonner une
nouvelle
expertise destinée à évaluer les atteintes physiques et psychiques»
dont
souffre l'assurée, ainsi que toutes mesures d'instruction
complémentaires
opportunes, notamment une évaluation du COPAI. Subsidiairement, elles
demandent l'octroi de rentes entières d'invalidité (simple et
complémentaire), non limitées dans le temps, en fonction d'une
incapacité de
gain de 100 %. A titre préalable, elles sollicitent le bénéfice de
l'assistance judiciaire gratuite.

L'office intimé conclut au rejet du recours. L'Office fédéral des
assurances
sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit :

1.
Le jugement entrepris expose correctement les dispositions légales
applicables en ce qui concerne la notion d'invalidité (art. 4 LAI) et
l'échelonnement des rentes selon le taux d'invalidité de l'assuré
(art. 28
LAI), de sorte qu'on peut y renvoyer.

On ajoutera qu'une décision par laquelle l'assurance-invalidité
accorde une
rente d'invalidité avec effet rétroactif et, en même temps, prévoit la
réduction, l'augmentation ou la suppression de cette rente,
correspond à une
décision de révision au sens de l'art. 41 LAI (ATF 125 V 417 sv.
consid. 2d
et les références; VSI 2002 p. 66 consid. 1). Aux termes de cette
disposition, si l'invalidité d'un bénéficiaire de rente se modifie de
manière
à influencer le droit à la rente, celle-ci est, pour l'avenir,
augmentée ou
supprimée. Tout changement important des circonstances, propre à
influencer
le degré d'invalidité, donc le droit à la rente, peut donner lieu à
une
révision de celle-ci (ATF 125 V 369 consid. 2 et l'arrêt cité).

2.
Est litigieux en l'espèce le point de savoir si les recourantes
peuvent
prétendre à des rentes d'invalidité (simple et complémentaire)
au-delà du 31
janvier 1997.

3.
3.1L'art. 73 RAI dispose que si l'assuré ne donne pas suite, sans
excuse
valable, à la convocation à une expertise (art. 69 al. 2 RAI), à une
audition
devant l'office AI (art. 69 al. 3 RAI) ou à une demande de
renseignements
(art. 71 al. 1 RAI), l'office AI peut se prononcer en l'état du
dossier,
après lui avoir imparti un délai raisonnable avec indication des
conséquences
du défaut de collaboration (ATF 125 V 407 consid. 4c; VSI 2000 p. 332
consid.
4c). Si l'expertise médicale à laquelle s'est soustrait sans motif
valable
l'assuré se révèle nécessaire et exigible, le juge des assurances
sociales ne
doit examiner que si la décision, rendue conformément à l'art. 73 RAI
sur la
base de l'état de faits existant (incomplet), était correcte. Il
n'ordonne la
mise en oeuvre d'une instruction complémentaire que si les faits lui
apparaissent insuffisamment élucidés indépendamment de l'expertise en
question (cf. RAMA 2001 No U 414, p. 90, consid. 4b, en liaison avec
les
arrêts B. du 25 octobre 2001, I 214/01 et I. du 31 août 2001, U
489/00, ainsi
que les arrêts non publiés W. du 22 mars 2000, I 594/99 et F. du 11
janvier
1999, I 483/97).

Par ailleurs, on rappellera que l'assuré a le devoir de faciliter
toutes les
mesures prises en vue de sa réadaptation à la vie professionnelle
(art. 10
al. 2 LAI) et que s'il s'oppose ou se soustrait à une telle mesure,
la rente
lui sera refusée ou retirée (art. 31 al. 1 LAI).

3.2 En l'espèce, l'expertise psychiatrique ordonnée par l'OCAI était
nécessaire au vu du dossier médical. En effet, dans son rapport du 17
septembre 1996, le docteur R.________ avait posé, notamment, les
diagnostics
d'état de stress post-traumatique et d'état dépressivo-anxieux. De
son côté,
la psychologue-psychothérapeute ayant suivi l'assurée de septembre
1995 à
octobre 1996, M.________, n'a pas été en mesure de donner des
informations
sur l'état de santé qu'elle présentait deux ans plus tard (rapport du
4 juin
1998).

Par ailleurs, l'expertise était exigible de la part de l'assurée.
Aucun
élément du dossier n'indique, contrairement aux allégations de
E.________
L.________, qu'elle était dans l'impossibilité de se soumettre à une
telle
mesure d'instruction ou que sa capacité de discernement fût fortement
diminuée à ce moment. En particulier, les problèmes rencontrés avec
l'autorité tutélaire au sujet de la garde de sa fille ne constituent
pas un
tel empêchement.

Dès lors, on doit admettre que la prénommée a bel et bien refusé de
coopérer
à la mesure d'instruction. A cet égard, c'est le refus formel de
poursuivre
l'expertise auprès du docteur Y.________ - après avoir été dûment
informée
par l'office intimé le 8 janvier 1999, qu'à défaut de prendre
rendez-vous
avant le 26 janvier 1999, il statuerait sur la base du dossier- qui
constitue
le comportement incriminé et non le fait de ne pas s'être présentée au
rendez-vous de l'expert du 20 novembre 1998.

Dans ces circonstances, on ne saurait faire grief à l'administration
d'avoir
statué en l'état, conformément à l'art. 73 RAI.

4.
L'évaluation de l'invalidité de E.________ L.________ sur la base des
seules
pièces figurant au dossier ne peut être que confirmée.

4.1 Sur le plan somatique, le docteur C.________, médecin de l'office
intimé, a retenu que E.________ L.________ ne présentait pas de
limitations
fonctionnelles notables dans l'activité indépendante de l'hôtellerie
ou de la
restauration exercée précédemment (rapport du 8 mars 1999). Cette
appréciation correspond aux pièces du dossier. Les seuls troubles
physiques
dont fait état le dossier, les cervico-scapulagies gauches , sont
attribuables au traumatisme psychique qu'a subi l'intéressée en 1995
(rapports des docteurs R.________, du 17 septembre 1996, et
Z.________,
spécialiste en médecine interne et maladies rhumatismales, du 3 mars
2000),
d'où toute la justification de l'expertise psychiatrique requise par
l'office
intimé. En particulier, en juillet 1998, l'assurée ne présentait
aucune
séquelle de son cancer au sein, selon les docteurs B.________ et
A.________.
De surcroît, les examens pratiqués en novembre 1999 n'ont révélé que
des
signes de tendinopathie du sus-épineux, sans signe de rupture et le
blocage
costo-vertébral a été traité en quelques séances d'ostéothérapie
(rapport
précité du docteur Z.________).

4.2 Sur le plan psychique, le psychologue traitant n'est pas en
mesure de
fournir des informations sur la capacité de travail de E.________
L.________
(cf. consid. 3.2 supra). Le docteur Y.________, qui n'a pas pu mener
à terme
sa mission d'expertise, ne s'est pas non plus prononcé sur cette
question.
Dans ces circonstances, on ne saurait faire grief à l'administration
et aux
premiers juges de n'avoir pas retenu une incapacité de ce chef.

A cet égard, les précisions apportées par le docteur H.________ dans
le cadre
de la procédure fédérale (rapport du 5 janvier 2002) ne sont d'aucune
aide
pour E.________ L.________, dès lors que ce praticien se prononce sur
un état
de faits postérieur à la décision attaquée (ATF 121 V 366), en
évoquant des
troubles apparus au cours du premier semestre de l'année 2001.

5.
5.1Conformément aux règles posées par la jurisprudence en matière
d'objet de
la contestation et d'objet du litige (consid. 1), il importe d'établir
l'existence d'un changement important des circonstances propre à
justifier le
prononcé de rentes échelonnées ou limitées dans le temps. Or un tel
examen ne
peut intervenir que par le biais d'une comparaison entre les
différents états
de faits successifs.

5.2 En l'espèce, l'office intimé a mis les recourantes au bénéfice
d'une
rente entière d'invalidité (simple et complémentaire) pour la période
du 1er
mai 1996 au 31 janvier 1997, et a simultanément supprimé cette
prestation dès
le 1er février 1997. A l'instar de l'office intimé, les premiers
juges ont
considéré, à bon droit, que la suppression de la rente entière
d'invalidité
était justifiée par le fait que la santé de E.________ L.________
s'était
améliorée dans l'intervalle. Cette considération découle du rapport
du 4 juin
1998 de la psychologue, M.________, qui a soigné l'état psychique de
la
prénommée du 8 septembre 1995 (soit peu après son agression) jusqu'au
11
octobre 1996. On doit admettre, à l'instar des instances précédentes,
que
l'interruption du traitement psychique à la mi-octobre 1996 coïncide
avec
l'amélioration de la santé psychique de E.________ L.________. Dans
un tel
cas, la suppression de la rente prend effet au 1er février 1997 (art.
88a al.
1 RAI; VSI 2000 p. 313 sv. consid. 2d).

Dans ces circonstances, et selon l'état actuel du dossier, il y a
lieu de
retenir que E.________ L.________ a recouvré son entière capacité de
travail
dans son ancienne activité dans la restauration, à partir du 1er
février
1997.

6.
Il est loisible aux recourantes de saisir à nouveau l'office de leur
demande
de prestations (rentes d'invalidité simple et complémentaire non
limitées
dans le temps). Dès que E.________ L.________ sera disposée à
collaborer à
l'instruction et se soumettra à l'expertise nécessaire, l'office
intimé devra
rendre une nouvelle décision, si les conclusions de l'expert sont de
nature à
justifier une appréciation différente quant au maintien de son droit
à une
rente (ATF 111 V 222 consid. 1, 107 V 28 consid. 3; RCC 1988 p. 548
consid.
1a).

7..
7.1Selon la loi (art 152 OJ) et la jurisprudence, les conditions
d'octroi de
l'assistance judiciaire gratuite sont en principe remplies si les
conclusions
ne paraissent pas vouées à l'échec, si le requérant est dans le
besoin et si
l'assistance d'un avocat est nécessaire ou du moins indiquée (ATF 125
V 202
consid. 4 , 372 consid. 5b et les références).

7.2 En l'espèce, le recours n'apparaissait pas de prime abord voué à
l'échec.
Vu les
moyens limités des recourantes, l'assistance judiciaire leur
est
octroyée pour l'instance fédérale. Leur attention est cependant
attirée sur
le fait qu'elles devront rembourser la caisse du tribunal, si elles
deviennent ultérieurement en mesure de le faire (art. 152 al .3 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
L'assistance judiciaire est accordée. Les honoraires (y compris la
taxe à la
valeur ajoutée) de Me Fabien Waelti sont fixés à 2500 fr. pour la
procédure
fédérale et seront supportés par la caisse du tribunal.

4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la Commission
cantonale
genevoise de recours en matière d'assurance-vieillesse, survivants et
invalidité, et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 14 octobre 2002
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIIe Chambre: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.49/02
Date de la décision : 14/10/2002
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-10-14;i.49.02 ?
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