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11/10/2002 | SUISSE | N°1P.448/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 11 octobre 2002, 1P.448/2002


{T 0/2}
1P.448/2002/RrF

Arrêt du 11 octobre 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Nay, Fonjallaz,
greffier Parmelin.

E. ________,
recourant, représenté par Me Patricia Cornaz, avocate stagiaire, rue
du
Grand-Chêne 5, case postale 3633, 1002 Lausanne,

contre

Procureur général du canton de Vaud, rue de l'Université 24, case
postale,
1014 Lausanne,
Cour de cassation pénale du Tribunal ca

ntonal du canton de Vaud, 1014
Lausanne.

procédure pénale; appréciation des preuves

recours de droit public contre ...

{T 0/2}
1P.448/2002/RrF

Arrêt du 11 octobre 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Nay, Fonjallaz,
greffier Parmelin.

E. ________,
recourant, représenté par Me Patricia Cornaz, avocate stagiaire, rue
du
Grand-Chêne 5, case postale 3633, 1002 Lausanne,

contre

Procureur général du canton de Vaud, rue de l'Université 24, case
postale,
1014 Lausanne,
Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud, 1014
Lausanne.

procédure pénale; appréciation des preuves

recours de droit public contre l'arrêt de la Cour de cassation pénale
du
Tribunal cantonal du canton de Vaud du 14 juin 2002.

Faits:

A.
Le 22 août 2000, à 11h24, E.________ a dépassé une voiture banalisée
de la
gendarmerie vaudoise qui roulait à une vitesse de l'ordre de 120 km/h
sur
l'autoroute A5 Yverdon-Grandson. Après l'avoir rejoint, les agents de
police
l'ont suivi sur une distance de 1'311 mètres. Selon la mesure de
vitesse
effectuée, E.________ circulait sur ce tronçon à une vitesse moyenne
de 160
km/h, après déduction de la marge de sécurité prévue par les
Instructions
techniques concernant les contrôles de vitesse dans la circulation
routière,
édictées le 10 août 1998 par le Département fédéral de
l'environnement, des
transports, de l'énergie et de la communication (ci-après: les
Instructions
du DETEC), lors d'un contrôle de vitesse en distance libre.
Interpellé à la
jonction de Chavornay, E.________ a admis avoir circulé à environ 150
km/h
sur le viaduc d'Yverdon pour dépasser un véhicule, tout en contestant
avoir
roulé à 174 km/h.
A raison de ces faits, le Préfet du district d'Yverdon l'a reconnu
coupable
de violation grave des règles de la circulation routière et lui a
infligé une
amende de 600 fr. Par jugement rendu le 3 avril 2002 sur appel du
contrevenant, le Tribunal de police de l'arrondissement de La Broye
et du
Nord vaudois (ci-après: le Tribunal de police ou le premier juge) a
notamment
considéré que par les faits précités, E.________ s'était rendu
coupable de
violation grave des règles de la circulation et l'a condamné, en
relation
avec d'autres infractions, à une peine globale d'un mois
d'emprisonnement
avec sursis pendant trois ans et à une amende de 400 fr. Le premier
juge a
relevé que la fiabilité de l'appareil de mesure n'avait pas été mise
en
cause, mais que les gendarmes avaient évoqué, en cours d'enquête,
l'éventualité que la distance entre leur véhicule et celui de l'accusé
n'avait pas été constante sur tout le tronçon considéré et que la
vitesse
moyenne réelle soit en définitive inférieure à celle mesurée. Le
premier juge
a estimé qu'il ne se justifiait pas d'élucider ce point et a retenu,
au
bénéfice du doute et compte tenu des déclarations de l'accusé, qu'au
jour et
à l'heure indiquée, ce dernier avait circulé à une vitesse égale ou
légèrement supérieure à 150 km/h.
Statuant par arrêt du 14 juin 2002, la Cour de cassation pénale du
Tribunal
cantonal du canton de Vaud (ci-après: la Cour de cassation pénale) a
rejeté
le recours formé par E.________ contre ce jugement qu'elle a
confirmé. Elle a
estimé que l'appréciation du Tribunal de police quant à l'ampleur de
l'excès
de vitesse n'était nullement arbitraire au regard des déclarations de
l'accusé faites peu après son interception, de la mesure de vitesse,
considérablement supérieure à 150 km/h, et du témoignage des agents
de police
qui ont attesté du caractère très nettement excessif de la vitesse;
elle a
considéré en outre qu'en accordant à l'accusé une marge de sécurité
encore
plus importante que celle généralement admise pour les cas de ce
genre, le
premier juge avait fait une application plus généreuse du principe de
la
présomption d'innocence.

B.
Agissant par la voie du recours de droit public, E.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt et de renvoyer la cause à
l'autorité
cantonale pour qu'elle statue à nouveau dans le sens des considérants.
Invoquant les art. 9 Cst. et 6 § 2 CEDH, il reproche à la Cour de
cassation
pénale d'avoir fait preuve d'arbitraire et violé la présomption
d'innocence
en retenant qu'il avait circulé à une vitesse égale ou supérieure à
150 km/h
lors du contrôle opéré le 22 août 2000. Il requiert l'assistance
judiciaire.
La Cour de cassation pénale et le Procureur général du canton de Vaud
se
réfèrent à l'arrêt attaqué.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Formé en temps utile contre une décision finale prise en dernière
instance
cantonale, qui ne peut être attaquée que par la voie du recours de
droit
public en raison des griefs soulevés, et qui touche le recourant dans
ses
intérêts juridiquement protégés, le recours est recevable au regard
des art.
84 ss OJ. La conclusion du recours tendant au renvoi de la cause à
l'autorité
cantonale pour qu'elle statue à nouveau dans le sens des considérants
est
superfétatoire (ATF 112 Ia 353 consid. 3c/bb p. 354). Le recourant
est par
ailleurs valablement représenté par un avocat stagiaire, alors même
que ce
mandataire n'est pas un avocat patenté aux termes de l'art. 29 al. 2
OJ (ATF
107 IV 68); cette disposition n'est en effet pas applicable à la
procédure du
recours de droit public (art. 29 al. 2 OJ a contrario; ATF 105 Ia 67
consid.
1a).

2.
Invoquant les art. 9 Cst. et 6 § 2 CEDH, le recourant reproche à la
Cour de
cassation pénale d'avoir versé dans l'arbitraire et violé la maxime
"in dubio
pro reo" en considérant qu'il avait roulé à 150 km/h.

2.1 Saisi d'un recours de droit public dirigé contre une condamnation
pénale,
le Tribunal fédéral ne revoit la constatation des faits et
l'appréciation des
preuves qu'avec un pouvoir d'examen limité à l'arbitraire, car il ne
lui
appartient pas de substituer sa propre appréciation à celle du juge
de la
cause. A cet égard, la présomption d'innocence garantie par les art.
32 al. 1
Cst. et 6 § 2 CEDH n'offre pas de protection plus étendue que celle
contre
l'arbitraire conférée par l'art. 9 Cst. Elle n'est invoquée avec
succès que
si le recourant démontre qu'à l'issue d'une appréciation exempte
d'arbitraire
de l'ensemble des preuves, le juge aurait dû éprouver des doutes
sérieux et
irréductibles sur la culpabilité du prévenu (ATF 127 I 38 consid. 2
p. 40;
124 IV 86 consid. 2a p. 87/88; 120 Ia 31 consid. 2e p. 38, consid. 4b
p. 40).
L'appréciation des preuves est arbitraire lorsqu'elle contredit d'une
manière
choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Le Tribunal
fédéral
n'invalide la solution retenue par le juge de la cause que si elle
apparaît
insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective
ou
adoptée sans motifs objectifs. Il ne suffit pas que les motifs du
verdict
soient insoutenables; il faut en outre que l'appréciation soit
arbitraire
dans son résultat. Il ne suffit pas non plus qu'une solution
différente
puisse être tenue pour également concevable, ou apparaisse même
préférable
(ATF 127 I 38 consid. 2 p. 40; 126 I 168 consid. 3a p. 170; 125 I 166
consid.
2a p. 168).

2.2 Le Tribunal de police s'est dit convaincu que la mesure de
vitesse était
correcte, la fiabilité de l'appareil de mesure n'ayant pas été mise
en cause.
En revanche, il a relevé que les gendarmes avaient évoqué, en cours
d'enquête, l'éventualité que la distance entre leur véhicule et celui
de
l'accusé n'ait pas été constante sur tout le tronçon considéré et que
la
vitesse moyenne réelle soit en définitive inférieure à celle mesurée.
Pour
des motifs tirés de la célérité de la procédure, il s'est abstenu
d'élucider
ce point, qui faisait pourtant l'objet d'une instruction parallèle
devant le
Juge d'instruction cantonal, et a retenu, sur la base des
déclarations de
l'accusé, que ce dernier avait circulé à une vitesse égale ou
légèrement
supérieure à 150 km/h. Vu l'incertitude liée au respect des
Instructions du
DETEC, le premier juge s'est donc fondé essentiellement sur les
déclarations
du recourant pour déterminer l'ampleur de l'excès de vitesse. Or,
lors de son
interpellation, E.________ a déclaré aux policiers avoir circulé à
environ
150 km/h sur le viaduc d'Yverdon pour dépasser un véhicule, niant
pour le
surplus avoir roulé à 174 km/h. Devant le Tribunal de police, il a
contesté
absolument avoir dépassé la vitesse prescrite de plus de 25 km/h. Le
premier
juge s'est par conséquent écarté sans motif et de manière arbitraire
des
propos du recourant en retenant que celui-ci avait circulé à une
vitesse
égale ou supérieure à 150 km/h. La nuance n'est pas dénuée de toute
portée,
dans la mesure où un excès de vitesse inférieur à 30 km/h permettrait
une
appréciation plus nuancée de la gravité objective de l'infraction
(ATF 124 II
259 consid. 2c p. 263; 122 IV 173 consid. 2b/bb p. 175/176).
La Cour de cassation pénale a pour sa part considéré que le premier
juge
avait rendu un jugement exempt d'arbitraire au regard des
déclarations de
l'accusé faites peu après son interception par la gendarmerie, de la
vitesse
mesurée, considérablement supérieure à 150 km/h, et du témoignage des
agents.
Les premières déclarations faites par le recourant ne permettent pas
de
retenir un excès de vitesse égal ou supérieur à 30 km/h, celui-ci
ayant
affirmé avoir roulé à environ 150 km/h sur le viaduc d'Yverdon pour
dépasser
un véhicule. Selon la mesure de vitesse effectuée par les gendarmes,
E.________ circulait sur le tronçon d'autoroute considéré à une
vitesse
moyenne de 160 km/h, marge de sécurité déduite. Il a émis l'hypothèse
que le
véhicule de gendarmerie se serait rapproché du sien lors du contrôle
de
vitesse, faussant le résultat de la mesure; selon le jugement du
Tribunal de
police, les gendarmes n'auraient pas pu exclure une telle
éventualité. La
Cour de cassation pénale ne pouvait dès lors écarter cet élément, sous
prétexte qu'aucun élément probant ne venait le vérifier; en effet,
s'il
devait finalement s'avérer que la distance entre les deux véhicules
n'a pas
été constante sur tout le tronçon faisant l'objet du contrôle de
vitesse,
aucun élément versé au dossier ne permet d'admettre avec une
vraisemblance
suffisante que la vitesse moyenne corrigée serait égale ou supérieure
à 150
km/h; il n'était donc en l'état pas possible de se fonder sur la
mesure de
vitesse pour conclure à un excès de vitesse supérieur ou égal à 30
km/h.
Enfin, les gendarmes ont déclaré que le recourant les avait dépassés
à vive
allure alors qu'ils circulaient à une vitesse de l'ordre de 120 km/h.
Ce
témoignage ne permet pas de tenir pour établie le fait que le
recourant
circulait sur l'autoroute à une vitesse moyenne égale ou supérieure à
150
km/h plutôt qu'une vitesse légèrement inférieure à celle-ci, comme le
soutient le recourant.
Dans ces conditions, c'est à tort que la Cour de cassation pénale a
cru
pouvoir se fonder sur les éléments précités pour confirmer le
jugement du
Tribunal de police.

3.
Le recours doit par conséquent être admis, ce qui rend sans objet la
demande
d'assistance judiciaire formulée par le recourant. Le canton de Vaud
est
dispensé de l'émolument judiciaire; en revanche, il versera une
indemnité de
dépens au recourant qui obtient gain de cause (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis.

2.
Il n'est pas prélevé d'émolument judiciaire.

3.
Une indemnité de 1'000 fr. est allouée au recourant à titre de
dépens, à la
charge du canton de Vaud.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie à la mandataire du
recourant, ainsi
qu'au Procureur général et à la Cour de cassation pénale du Tribunal
cantonal
du canton de Vaud.

Lausanne, le 11 octobre 2002

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.448/2002
Date de la décision : 11/10/2002
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-10-11;1p.448.2002 ?
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