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09/10/2002 | SUISSE | N°7B.112/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 09 octobre 2002, 7B.112/2002


{T 0/2}
7B.112/2002/sch

Arrêt du 9 octobre 2002
Chambre des poursuites et des faillites

Les juges fédéraux Nordmann, présidente,
Meyer, Hohl,
greffier Fellay.

X. ________,
recourant, représenté par Me Elka Gouzer-Waechter, avocate, 17, bd.
Helvétique, case postale 3087, 1211 Genève 3,

contre

Autorité de surveillance des Offices de poursuites et de faillites du
canton
de Genève,
Palais de Justice, case postale 3108, 1211 Genève 3.

perception d'un émolument supplémentairer>
(recours LP contre la décision de l'Autorité de surveillance des
Offices de
poursuites et de faillites du canton de...

{T 0/2}
7B.112/2002/sch

Arrêt du 9 octobre 2002
Chambre des poursuites et des faillites

Les juges fédéraux Nordmann, présidente,
Meyer, Hohl,
greffier Fellay.

X. ________,
recourant, représenté par Me Elka Gouzer-Waechter, avocate, 17, bd.
Helvétique, case postale 3087, 1211 Genève 3,

contre

Autorité de surveillance des Offices de poursuites et de faillites du
canton
de Genève,
Palais de Justice, case postale 3108, 1211 Genève 3.

perception d'un émolument supplémentaire

(recours LP contre la décision de l'Autorité de surveillance des
Offices de
poursuites et de faillites du canton de Genève du 29 mai 2002)

Faits:

A.
Dans une poursuite en réalisation de gage immobilier intentée par la
banque
A.________ contre B.________ SA et portant sur un immeuble sis à
D.________,
une gérance légale a été instaurée et confiée, sous la responsabilité
de
l'Office des poursuites Arve-Lac, à C.________.

Dans son compte de gestion pour la période du 1er juillet au 31
décembre
2001, le gérant précité a fait état de loyers encaissés pour un
montant brut
de 94'585 fr. 50 plus 179 fr. 50 de participations des locataires à
des
travaux, soit, compte tenu des charges encourues, un montant net de
59'100
fr. Au nombre des charges figuraient les honoraires de gérance perçus
par la
régie, en 5'098 fr. 45, soit 5 % des montants encaissés pour le
compte du
propriétaire, plus la TVA sur ces montants à hauteur de 7.6 %.

B.
Le 8 février 2002, l'office a adressé à X.________, cessionnaire des
droits
de la créancière, un décompte de gérance l'informant du prochain
versement du
montant de 35'217 fr. 60 encaissé au titre de la gérance légale. Dans
son
décompte, l'office a déduit un émolument selon l'art. 27 al. 4 OELP
de 2'837
fr. 55, soit 3 % de 94'585 fr. 50.

Le créancier cessionnaire a porté plainte à l'autorité cantonale de
surveillance contre la perception de cet émolument supplémentaire,
qu'il
tenait pour injustifiée.

Par décision du 29 mai 2002, notifiée le 3 juin au plaignant,
l'autorité
cantonale de surveillance a rejeté la plainte, en bref pour les motifs
suivants: le prélèvement de l'émolument supplémentaire par l'office se
fondait sur deux directives en vigueur de l'autorité de surveillance,
qui
n'avaient jusqu'alors jamais fait l'objet d'une quelconque plainte de
la part
d'un créancier, mais que l'Inspection Cantonale des Finances avait en
revanche critiquées dans un rapport du 31 août 2001 (la première de
ces
directives, du 11 novembre 1992, autorisait le prélèvement d'un
émolument
supplémentaire de 1 % pour tenir compte de l'augmentation du volume
des
procédures immobilières et de la création consécutive d'une cellule
immobilière; la seconde, du 18 juin 1993, autorisait une majoration de
l'émolument supplémentaire de 2 % pour tenir compte de l'augmentation
constante des biens immobiliers à gérer et de la division d'un office
unique
en trois offices, nécessitant de porter à cinq le nombre des cellules
immobilières). La réalisation forcée en matière d'immeubles
justifiait, aux
yeux de l'autorité cantonale de surveillance, la perception d'un
émolument
supplémentaire pour deux raisons: d'une part, les offices de poursuite
genevois étant systématiquement appelés à intervenir en cas de
travaux, en
particulier en application de l'art. 18 ORFI, et à approuver toute
procédure
judiciaire, en particulier en relation avec un contrat de bail, ils
fournissaient effectivement une prestation supplémentaire; d'autre
part, des
compétences spécifiques au traitement des procédures "hautement
techniques"
de réalisation forcée immobilière avaient été réunies en mains de
personnes
au bénéfice d'une formation juridique ou comptable, ce qui permettait
de
gagner, sinon en célérité, du moins en efficacité et compétence. A
cela
s'ajoutait que le plaignant était le premier et seul créancier, en
dix ans, à
contester la perception de l'émolument supplémentaire en question.

C.
Par acte déposé le 11 juin 2002, le plaignant a recouru à la Chambre
des
poursuites et des faillites du Tribunal fédéral en lui demandant
d'annuler la
décision de l'autorité cantonale de surveillance, de déclarer nulle
et sans
fondement la déduction de 2'837 fr. 55 effectuée par l'office et
d'inviter
celui-ci à lui rembourser ledit montant, subsidiairement de renvoyer
la cause
à l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des
considérants.

La société poursuivie a déclaré faire siennes les conclusions du
recours,
estimant exagérément élevés les honoraires de la gérance d'immeuble
ajoutés à
ceux de l'office. Le préposé a renoncé à se déterminer et s'en est
remis à
justice.

La Chambre considère en droit:

1.
L'ordonnance sur les émoluments perçus en application de la loi
fédérale sur
la poursuite pour dettes et la faillite, édictée par le Conseil
fédéral en
application de l'art. 16 al. 1 LP (OELP; RS 281.35), règle les
émoluments et
indemnités perçus par les offices, autorités et autres organes qui, en
application de la LP ou d'autres actes législatifs fédéraux,
effectuent des
opérations dans le cadre d'une exécution forcée, d'un concordat ou
d'un
sursis extraordinaire.

Le tarif ainsi arrêté par le Conseil fédéral a un caractère
exhaustif. En
effet, comme le relève Gilliéron (Commentaire de la loi fédérale sur
la
poursuite pour dettes et la faillite, n. 6 ad art. 16), il a toujours
été
interdit de percevoir ou de mettre à la charge d'une partie d'autres
émoluments (ATF 35 I 616-617, consid. 1 et 2), et les cantons ne
peuvent,
pour les opérations auxquelles s'applique le tarif fédéral, percevoir
des
parties des émoluments qui viendraient s'ajouter à ceux qu'il prévoit
(ATF 34
I 178-182; cf. en outre ATF 126 III 490).

2.
Les autorités de surveillance doivent veiller à ce que le tarif soit
appliqué
correctement (art. 2 OELP; Gilliéron, loc. cit.; Ammon/Gasser,
Grundriss des
Schuldbetreibungs- und Konkursrechts, 6e éd., Berne 1997, § 13 n. 7).
Toutefois, l'art. 1er OELP n'étant pas une prescription établie dans
l'intérêt public ou dans l'intérêt d'un nombre indéterminé de tiers,
le
Tribunal fédéral n'intervient pas d'office, mais sur recours
seulement (ATF
103 III 44; Frank Emmel, in Kommentar zum Bundesgesetz über
Schuldbetreibung
und Konkurs, Staehelin/Bauer/ Staehelin, n.14 ad art. 16).

Le présent recours a été déposé en temps utile par une personne ayant
qualité
pour agir. En effet, en tant que créancier gagiste bénéficiant du
paiement
d'acomptes sur les loyers encaissés (cf. art. 806 CC et 95 al. 1 ORFI;
Gilliéron, op. cit., n. 37 ad art. 152), le recourant est habilité à
entreprendre la décision attaquée, qui l'atteint directement dans ses
intérêts juridiquement protégés (ATF 120 III 42 consid. 3), soit dans
son
droit de percevoir des acomptes qui ne soient pas indûment réduits
d'un
émolument non prévu par le tarif fédéral en matière de poursuite, et
donc
incompatible avec le caractère exhaustif de ce tarif; il reproche
d'ailleurs
expressément à l'autorité cantonale de surveillance d'avoir
outrepassé ses
compétences. Le recours est donc recevable.

3.
L'art. 27 OELP prévoit, à son alinéa 1er, que l'émolument pour la
gérance
d'immeubles, y compris la conclusion de contrats de bail à loyer ou à
ferme,
la tenue des livres et de la comptabilité, est de 5 % des loyers ou
fermages
perçus ou à percevoir pendant la durée de la gérance. Aux termes de
l'alinéa
4 du même article, l'autorité de surveillance peut, dans des cas
particuliers, augmenter l'émolument dans la mesure nécessaire.

3.1 La décision attaquée ne fait état d'aucun élément particulier à la
gérance de l'immeuble en cause, susceptible de justifier une
augmentation de
l'émolument dans une mesure "nécessaire" de 3 %. Elle confirme au
contraire
le prélèvement systématique d'un émolument de 8 % pour l'ensemble des
dossiers de gérance légale de tous les offices du canton, sur la base
de
considérations générales, à savoir la prestation supplémentaire que
fourniraient effectivement ces derniers et le caractère "hautement
technique"
et les "compétences spécifiques" propres aux dossiers de réalisation
forcée
immobilière. Quoi qu'il en soit de cette situation, dont il n'est pas
démontré qu'elle soit spécifique au canton de Genève, force est de
constater,
avec le recourant, que le prélèvement d'un émolument supplémentaire
de 3 %
sur tous les immeubles en gérance légale, indépendamment de toute
difficulté
propre au cas particulier, est inconciliable avec le texte clair de
l'art. 27
al. 4 OELP et le caractère exhaustif de la tarification fédérale.

3.2 Le rapport final de l'Inspection Cantonale des Finances au
Conseil d'Etat
genevois du 31 août 2001 - rapport auquel se réfère la décision
attaquée de
manière toute générale et que l'autorité cantonale a transmis à la
Chambre de
céans avec son rapport annuel 2001 - qualifie d'ailleurs les
décisions ou
directives de 1992 et 1993, sur lesquelles se fonde le prélèvement de
l'émolument litigieux, de discutables au regard du texte de l'art. 27
al. 4
OELP, disposition autorisant une majoration "de façon exceptionnelle
et de
cas en cas après examen du dossier concerné, et non de façon générale
et a
priori". La Chambre de céans ne peut qu'approuver l'analyse du rapport
susmentionné concernant la portée de l'art. 27 al. 4 OELP, qui est
conforme à
la lettre de cette disposition et aux principes énoncés plus haut
(consid. 1
et 3.1).
3.3 Contrairement à ce qu'a retenu l'autorité cantonale, il n'est pas
décisif
que le recourant soit le premier en dix ans à se plaindre de
l'émolument
supplémentaire litigieux, ce qui laisserait supposer que l'immense
majorité
des intéressés tiendrait cet émolument pour justifié. En effet, comme
indiqué
dans le rapport précité, l'absence systématique, dans les dossiers, de
justificatifs ou de listes des opérations devait empêcher les
intéressés
d'évaluer les chances d'une contestation et d'étayer une plainte par
des
éléments probants.

4.
Comme ni le dossier, ni la décision attaquée, ni encore la
détermination de
l'office ne font état d'éléments propres à justifier une application
de
l'art. 27 al. 4 OELP dans le cas particulier, il y a lieu de réformer
la
décision de l'autorité cantonale de surveillance dans le sens des
conclusions
principales prises par le recourant.

Par ces motifs, la Chambre prononce:

1.
Le recours est admis et la décision attaquée est réformée en ce sens
que la
plainte est admise; en conséquence, la déduction de 2'837 fr. 55
opérée dans
le décompte de gérance du 8 février 2002 est annulée et l'office
invité à
rembourser ce montant au recourant.

2.
Le présent arrêt est communiqué en copie à la mandataire du
recourant, à
B.________ SA, à l'Office des poursuites et des faillites Arve-Lac de
Genève
et à l'Autorité de surveillance des Offices de poursuites et de
faillites du
canton de Genève.

Lausanne, le 9 octobre 2002

Au nom de la Chambre des poursuites et des faillites
du Tribunal fédéral suisse

La présidente: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 7B.112/2002
Date de la décision : 09/10/2002
Chambre des poursuites et des faillites

Analyses

Emoluments perçus par l'office des poursuites pour la gérance d'immeubles; perception d'un émolument supplémentaire (art. 27 al. 4 OELP). Le tarif des émoluments arrêté par le Conseil fédéral en vertu de l'art. 16 al. 1 LP a un caractère exhaustif (consid. 1). En cette matière, le Tribunal fédéral n'intervient pas d'office, mais sur recours seulement (consid. 2). Le prélèvement d'un émolument supplémentaire de 3% sur tous les immeubles en gérance légale, indépendamment de toute difficulté propre au cas particulier, est inconciliable avec le texte clair de l'art. 27 al. 4 OELP et le caractère exhaustif de la tarification fédérale (consid. 3).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-10-09;7b.112.2002 ?
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