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08/10/2002 | SUISSE | N°P.88/01

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 08 octobre 2002, P.88/01


{T 7}
P 88/01

Arrêt du 8 octobre 2002
IVe Chambre

Mme et M. les Juges Leuzinger, Présidente, Lustenberger et Ferrari.
Greffier
: M. Beauverd

A.________, recourant, représenté par Me Alexandre Curchod, avocat,
rue
Saint-Pierre 2, 1002 Lausanne,

contre

Caisse cantonale vaudoise de compensation AVS, Service juridique, rue
du Lac
37, 1815 Clarens, intimée

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 30 octobre 2001)

Faits :

A.
A. _

_______ est au bénéfice d'une demi-rente de
l'assurance-invalidité. Son
épouse B.________ a reçu des indemnités de chômage jusqu'...

{T 7}
P 88/01

Arrêt du 8 octobre 2002
IVe Chambre

Mme et M. les Juges Leuzinger, Présidente, Lustenberger et Ferrari.
Greffier
: M. Beauverd

A.________, recourant, représenté par Me Alexandre Curchod, avocat,
rue
Saint-Pierre 2, 1002 Lausanne,

contre

Caisse cantonale vaudoise de compensation AVS, Service juridique, rue
du Lac
37, 1815 Clarens, intimée

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 30 octobre 2001)

Faits :

A.
A. ________ est au bénéfice d'une demi-rente de
l'assurance-invalidité. Son
épouse B.________ a reçu des indemnités de chômage jusqu'au 30
septembre
2000.

Le 31 août 2000, l'intéressé a présenté une demande de prestations
complémentaires. Par des décisions du 20 novembre 2000, la Caisse
cantonale
vaudoise de compensation (ci-après : la caisse) a rejeté la demande.
Dans la
décision relative à la période à compter du 1er octobre 2000, elle a
considéré que l'épouse du requérant serait apte à exercer une activité
lucrative. Aussi a-t-elle tenu compte, dans la fixation du revenu
déterminant, d'un montant de 38'934 fr. au titre du revenu que
l'intéressée
pourrait réaliser si elle exerçait une telle activité. Ce montant
correspondait aux indemnités de chômage perçues jusqu'au 30 septembre
2000.

B.
A.________ a recouru contre cette décision devant le Tribunal des
assurances
du canton de Vaud, en concluant à l'octroi d'une prestation
complémentaire.

La juridiction cantonale a tenu une audience d'instruction le 26 juin
2001.

Le 5 juillet suivant, la caisse a rendu trois décisions, valant
propositions
en procédure. Pour la période du 1er octobre au 31 décembre 2000,
elle a
refusé l'octroi d'une prestation complémentaire sous réserve de la
prise en
charge des primes de l'assurance-maladie obligatoire. Pour les
périodes du
1er janvier au 30 avril 2001 et à compter du 1er mai suivant, elle a
alloué
une prestation complémentaire d'un montant mensuel de 32 fr.,
respectivement
36 fr. Ces trois décisions étaient fondées sur la prise en compte, au
titre
du revenu déterminant, d'un montant de 31'200 fr. correspondant au
revenu que
l'épouse du requérant pourrait réaliser en exerçant une activité de
femme de
ménage dans l'hôtellerie.

Par jugement du 30 octobre 2001, la juridiction cantonale a
partiellement
admis le recours et réformé la décision entreprise en ce sens que le
salaire
hypothétique de l'épouse devait être fixé à 2'600 fr. par mois
(31'200 fr.
par année) conformément à la proposition de la caisse en procédure.

C.
A.________ interjette recours de droit administratif contre ce
jugement. Il
demande au Tribunal fédéral des assurances de constater, sous suite de
dépens, qu'un revenu fictif de l'épouse n'est pas pris en compte dans
le
calcul de la prestation complémentaire, subsidiairement, il n'est
pris en
compte que jusqu'à concurrence de 11'393 fr. En outre, il demande à
bénéficier de la gratuité des primes de l'assurance-maladie
obligatoire, et
conclut à l'octroi de «prestations complémentaires non inférieures à
1'548
fr. par mois pour la période du 1er octobre au 31 décembre 2000, à
1'681 fr.
par mois du 1er janvier au 30 avril 2001 et à 1'686 fr. depuis lors».
Subsidiairement, il conclut à l'annulation du jugement attaqué et au
renvoi
de la cause à la juridiction cantonale «pour nouvelle décision dans
le sens
des considérants».

La caisse intimée conclut au rejet du recours. L'Office fédéral des
assurances sociales a renoncé à présenter une détermination.

Considérant en droit :

1.
Selon l'art. 128 OJ, le Tribunal fédéral des assurances connaît en
dernière
instance des recours de droit administratif contre des décisions au
sens des
art. 97, 98 let. b à h et 98a OJ, en matière d'assurances sociales.

Quant à la notion de décision pouvant faire l'objet d'un recours de
droit
administratif, l'art. 97 OJ renvoie à l'art. 5 PA. Selon le premier
alinéa de
cette disposition, sont considérées comme décisions les mesures
prises par
les autorités dans des cas d'espèce, fondées sur le droit public
fédéral (et
qui remplissent encore d'autres conditions, définies plus précisément
par
rapport à leur objet). L'allocation ou la restitution des prestations
complémentaires n'est donc pas soumise aux mêmes voies de recours
selon
qu'elle est régie par le droit cantonal ou par le droit fédéral (cf.
ATF 125
V 184 consid. 2a).

Cela étant, la Cour de céans ne peut entrer en matière sur le recours
de
droit administratif que dans la mesure où il concerne des prestations
complémentaires de droit fédéral.

2.
2.1Aux termes de l'art. 2 al. 1 LPC, les ressortissants suisses qui
ont leur
domicile et leur résidence habituelle en Suisse et qui remplissent
une des
conditions prévues aux art. 2a à 2d doivent bénéficier de prestations
complémentaires si les dépenses reconnues par la LPC sont supérieures
aux
revenus déterminants. Les étrangers qui ont leur domicile et leur
résidence
habituelle en Suisse doivent bénéficier de prestations
complémentaires au
même titre que les ressortissants suisses s'ils ont habité en Suisse
pendant
les dix ans précédant immédiatement la date à partir de laquelle ils
demandent la prestation complémentaire et s'ils ont droit à une
rente, à une
allocation pour impotent ou à une indemnité journalière de
l'assurance-invalidité ou remplissent les conditions d'octroi prévues
à
l'art. 2b let. b LPC (art. 2 al. 2 let. a LPC). Le montant de la
prestation
complémentaire annuelle correspond à la part des dépenses reconnues
qui
excède les revenus déterminants (art. 3a al. 1 LPC).

2.2 Le revenu déterminant est établi selon l'art. 3c LPC. Il comprend
notamment les ressources et parts de fortune dont un ayant droit s'est
dessaisi (art. 3c al. 1 let. g LPC). Il y a dessaisissement au sens
de cette
disposition lorsque l'assuré renonce à des éléments de fortune sans
obligation juridique correspondante, ou qu'il ne fait pas valoir des
prétentions éventuelles en relation avec certains revenus ou éléments
de
fortune ou encore qu'il renonce à mettre en valeur sa capacité de
gain en
exerçant une activité lucrative exigible (ATF 121 V 205 s. consid.
4a; VSI
2001 p. 127 consid. 1b et les références citées dans ces arrêts).
Selon la
jurisprudence, il y a lieu de tenir compte, au titre des ressources
dont un
ayant droit s'est dessaisi (art. 3c al. 1 let. g LPC), d'un revenu
hypothétique de l'épouse de l'assuré qui sollicite des prestations
complémentaires si elle s'abstient d'exercer une activité lucrative
que l'on
est en droit d'exiger d'elle ou d'étendre une telle activité (ATF 117
V 291
s. consid. 3b; VSI 2001 p. 127 s. consid. 1b). Il appartient à
l'administration ou, en cas de recours, au juge des assurances
sociales
d'examiner si l'on peut exiger de l'intéressée qu'elle exerce une
activité
lucrative et, le cas échéant, de fixer le salaire qu'elle pourrait en
retirer
en faisant preuve de bonne volonté. Pour ce faire, il y a lieu
d'appliquer à
titre préalable les principes du droit de la famille, compte tenu des
circonstances du cas d'espèce (ATF 117 V 292 consid. 3c). Les critères
décisifs auront notamment trait à l'âge de la personne, à son état de
santé,
à ses connaissances linguistiques, à sa formation professionnelle, à
l'activité exercée jusqu'ici, au marché de l'emploi, et le cas
échéant, au
temps plus ou moins long pendant lequel elle aura été éloignée de la
vie
professionnelle (ATF 117 V 290 consid. 3a; VSI 2001 p. 128 consid.
1b). Le
revenu de l'activité lucrative potentielle devra alors, conformément
à l'art.
3c al. 1 let. a in fine LPC, être pris en compte à raison des deux
tiers
seulement (ATF 117 V 292 consid. 3c et la référence).

En ce qui concerne le critère de la mise en valeur de la capacité de
gain sur
le marché de l'emploi, le Tribunal fédéral des assurances a considéré
qu'il
importe de savoir si et à quelles conditions l'intéressée est en
mesure de
trouver un travail. A cet égard, il faut prendre en considération,
d'une
part, l'offre des emplois vacants appropriés et, d'autre part, le
nombre de
personnes recherchant un travail (arrêt non publié Z. du 9 décembre
1999, P
2/99). Il y a lieu d'examiner concrètement la situation du marché du
travail
(arrêt Y. du 9 juillet 2002, P 18/02).

3.
En l'espèce, l'épouse du recourant, âgée de près de 54 ans lors du
prononcé
de la décision litigieuse, n'a pas de formation professionnelle. Elle
a
travaillé en qualité d'ouvrière d'usine puis de femme de chambre dans
une
clinique. Elle a ensuite perçu des indemnités de chômage du 1er
octobre 1998
au 30 septembre 2000.

Comme ses recherches d'emploi en qualité de femme de ménage sont
restées
vaines durant cette période, la juridiction cantonale a considéré que
l'inactivité était due à des raisons d'ordre conjoncturel, lesquelles
ne
sauraient constituer un critère décisif pour trancher le point de
savoir si
l'on peut exiger de l'intéressée qu'elle exerce une activité
lucrative. Sur
le vu des principes jurisprudentiels exposés au consid. 2.2, cette
argumentation est mal fondée. Il importe en effet d'évaluer les
chances de
l'intéressée sur le marché du travail. Or, en l'occurrence, force est
de
constater que l'épouse du recourant ne travaille plus depuis le 1er
octobre
1998. Ses difficultés d'intégration dans le marché du travail sont
illustrées
par ses nombreuses recherches d'emplois restées vaines. Certes, la
caisse
fait valoir qu'une partie des démarches en vue de retrouver une
occupation
ont été effectuées par téléphone, de sorte qu'il est difficile d'en
évaluer
l'étendue. Cependant, il faut bien admettre que durant la période
d'allocation de l'indemnité de chômage, l'intéressée a fait tout ce
que l'on
pouvait attendre d'elle pour retrouver un emploi, faute de quoi les
organes
de l'assurance-chômage lui auraient dénié tout droit à une telle
prestation
(art. 8 al. 1 let. g en liaison avec l'art. 17 al. 1 LACI). Par
ailleurs, le
recourant a produit devant la juridiction cantonale plusieurs
attestations
établies par des agences de placement de personnel, aux termes
desquelles
aucun emploi n'a pu être fourni à son épouse depuis le début de
l'année 2000.

Dans ces conditions, force est de constater, en se fondant sur la
règle du
degré de vraisemblance prépondérante - appliquée généralement à
l'appréciation des preuves dans le domaine des assurances sociales
(ATF 126 V
360 consid. 5b, 125 V 195 consid. 2 et les références) -, qu'après son
licenciement, l'intéressée, sans formation professionnelle et âgée de
près de
54 ans lors du prononcé de la décision litigieuse, n'était plus en
mesure,
pour des raisons liées au marché de l'emploi d'exercer une activité
lucrative. Les nombreuses démarches qu'elle a entreprises pour
retrouver une
occupation attestent de sa bonne volonté de mettre en valeur sa
capacité de
gain sur le marché de l'emploi. Il y a lieu dès lors d'admettre,
comme la
juridiction cantonale, que l'inactivité est due à des motifs
conjoncturels.
Mais contrairement au point de vue des premiers juges, ces motifs, en
relation avec l'âge et l'absence de formation professionnelle, sont
décisifs
pour considérer que l'inactivité de l'intéressée ne constitue pas une
renonciation à des ressources au sens de l'art. 3c al. 1 let. g LPC.

Cela étant, les chiffres I et II du jugement attaqué ainsi que la
décision
litigieuse doivent être annulés et la cause renvoyée à la caisse
intimée pour
qu'elle rende une nouvelle décision de prestations complémentaires
calculées
compte non tenu d'un revenu hypothétique de l'épouse du recourant.

4.
Le recourant, qui obtient gain de cause, est représenté par un
avocat. Il a
droit à une indemnité de dépens pour la procédure fédérale (art. 159
al. 1 en
liaison avec l'art. 135 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Dans la mesure où il est recevable, le recours est admis. Les
chiffres 1 et 2
du dispositif du jugement du Tribunal des assurances du canton de
Vaud du 30
octobre 2001 et la décision de la Caisse cantonale vaudoise de
compensation
du 20 novembre 2000 concernant la période à compter du 1er octobre
2000 sont
annulés.

2.
L'affaire est renvoyée à ladite caisse pour qu'elle rende une nouvelle
décision concernant le droit du recourant à une prestation
complémentaire à
partir du 1er octobre 2000, sans tenir compte d'un revenu
hypothétique de
l'épouse du recourant.

3.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

4.
La caisse intimée versera au recourant la somme de 2'500 fr. (y
compris la
taxe sur la valeur ajoutée) à titre d'indemnité de dépens pour la
procédure
fédérale.

5.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des
assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 8 octobre 2002
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la IVe Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.88/01
Date de la décision : 08/10/2002
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-10-08;p.88.01 ?
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