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08/10/2002 | SUISSE | N°I.564/01

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 08 octobre 2002, I.564/01


{T 7}
I 564/01

Arrêt du 8 octobre 2002
IVe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Lustenberger et Ferrari.
Greffière : Mme von Zwehl

C.________, recourant, agissant par le Tuteur général du canton de
Vaud,
chemin de Mornex 32, 1014 Lausanne, lui-même représenté par Me
Cornelia
Seeger Tappy, avocate, rue Centrale 5, 1002 Lausanne,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé

Tribunal des assurances du ca

nton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 26 mars 2001)

Faits :

A.
A.a Par décision du 10 mai 1995, l'Office...

{T 7}
I 564/01

Arrêt du 8 octobre 2002
IVe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Lustenberger et Ferrari.
Greffière : Mme von Zwehl

C.________, recourant, agissant par le Tuteur général du canton de
Vaud,
chemin de Mornex 32, 1014 Lausanne, lui-même représenté par Me
Cornelia
Seeger Tappy, avocate, rue Centrale 5, 1002 Lausanne,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 26 mars 2001)

Faits :

A.
A.a Par décision du 10 mai 1995, l'Office AI du canton de Berne a
rejeté la
demande de prestations d'assurance-invalidité déposée le 6 décembre
1994 par
C.________. Cet office avait considéré que les troubles invoqués par
le
prénommé - à savoir pour l'essentiel des troubles de la personnalité
(séquelles de dysharmonie évolutive) entraînant, d'après les rapports
annexés
au dossier du docteur B.________, psychiatre, une incapacité de
travail de
50% depuis 1992 pour une durée indéterminée - ne pouvaient être
qualifiés
d'atteintes ayant valeur de maladie, de sorte qu'il n'y avait pas
d'invalidité au sens de l'AI. L'assuré n'a pas contesté cette
décision.

Saisie d'une nouvelle demande de prestations en date du 10 janvier
1996,
l'Office AI du canton de Berne a refusé d'entrer en matière, motif
pris de
l'absence d'éléments nouveaux (décision du 24 mai 1996).

Par décision du 28 juillet 1997, l'Office AI du canton de Vaud
(ci-après :
l'office) - compétent ensuite du déménagement de l'assuré dans ce
canton - a
également opposé un refus d'entrée en matière à une nouvelle demande
de
prestations présentée le 19 août 1996. Cette décision a été confirmée
par
arrêt du Tribunal fédéral des assurances du 17 août 1998.

A.b C.________ a déposé une quatrième demande de prestations le 7
octobre
1999 en produisant une expertise (du 29 septembre 1999) du docteur
A.________, psychiatre, selon lequel il souffrait d'une véritable
maladie
mentale sous la forme d'un «trouble organique de la personnalité ou
syndrome
frontal» et non pas, comme cela semblait avoir été admis jusque-là,
d'une
simple faiblesse de caractère ou d'une personnalité originale.

Par décision du 17 avril 2000, l'office a derechef refusé d'entrer en
matière. Les constatations faites par le psychiatre ne rendaient pas
plausible une modification de l'état de santé de l'assuré depuis la
décision
initiale de refus de rente; il s'agissait tout au plus d'une
appréciation
différente d'une situation clinique déjà connue, de sorte qu'une
révision de
cette décision pour faits nouveaux n'entrait pas non plus en ligne de
compte.

B.
L'assuré a déféré cette décision au Tribunal des assurances du canton
de
Vaud, en concluant, sous suite de dépens, au renvoi de la cause à
l'office
pour instruction sur le fond.

Par jugement du 26 mars 2001, le tribunal a rejeté le recours.

C.
C.________ interjette recours de droit administratif contre ce
jugement, dont
il requiert l'annulation, avec suite de dépens, en reprenant ses
conclusions
formulées en instance cantonale. Il sollicite en outre le bénéfice de
l'assistance judiciaire gratuite.

L'office, ainsi que l'Office fédéral des assurances, ont renoncé à
présenter
une détermination.

Considérant en droit :

1.
Les premiers juges ont confirmé la décision de non entrée en matière
de
l'office en examinant la cause sous trois angles juridiques
différents. Ils
se sont demandés, en premier lieu, s'il existait un motif de révision
au sens
de l'art. 87 al. 3 et 4 RAI (modification de l'invalidité); à cette
question,
ils ont répondu par la négative dès lors que le docteur A.________ ne
faisait
état d'aucune aggravation de l'état de santé de C.________ sur le plan
psychique depuis 1995 - en particulier, l'incapacité de travail du
prénommé
n'avait pas varié dans l'intervalle. Les juges cantonaux ont regardé,
en
second lieu, s'il y avait matière à reconsidération de la première
décision
de non entrée en matière de l'office (du 28 juillet 1997), mais ont
écarté
cette éventualité étant donné que cette décision avait fait l'objet
d'une
procédure judiciaire (cf. arrêt du Tribunal fédéral des assurances du
17 août
1998). Enfin, ils se sont interrogés sur le point de savoir si les
conditions
d'une révision (procédurale) de la décision initiale de refus de
rente (du 15
mai 1995) étaient réunies, ce qu'ils ont nié, considérant que
l'expertise du
docteur A.________ ne représentait ni un fait nouveau, ni un nouveau
moyen de
preuve.

En l'occurrence, c'est par le biais d'une révision (procédurale)
exclusivement, comme le reconnaît à juste titre le recourant, que
l'office
intimé pourrait le cas échéant être tenu à entrer en matière sur la
nouvelle
demande de prestations de C.________.

2.
La révision d'une décision entrée en force formelle suppose la
découverte de
faits nouveaux ou de nouveaux moyens de preuve susceptibles de
conduire à une
appréciation juridique différente (ATF 126 V 24 consid. 4b, 46
consid. 2b et
les références).

La notion de faits ou moyens de preuve nouveaux s'apprécie de la même
manière
en cas de révision (procédurale) d'une décision administrative, de
révision
d'un jugement cantonal dans le cadre de l'art. 85 al. 2 let. h LAVS
ou d'une
révision fondée sur l'art. 137 let. b OJ (à propos de la révision
procédurale
de décisions administratives : ATF 108 V 168; à propos de l'art. 137
let. b
OJ: ATF 108 V 170 et 110 V 141 consid. 2; à propos de l'art. 85 al. 2
let. h
LAVS : ATF 111 V 53 consid. 4b).
Sont «nouveaux» au sens de ces dispositions, les faits qui se sont
produits
jusqu'au moment où, dans la procédure principale, des allégations de
faits
étaient encore recevables, mais qui n'étaient pas connus du requérant
malgré
toute sa diligence. En outre, les faits nouveaux doivent être
importants,
c'est-à-dire qu'ils doivent être de nature à modifier l'état de fait
qui est
à la base de la décision entreprise et à conduire à un jugement
différent en
fonction d'une appréciation juridique correcte. Les preuves, quant à
elles,
doivent servir à prouver soit les faits nouveaux importants qui
motivent la
révision, soit des faits qui étaient certes connus lors de la
procédure
précédente, mais qui n'avaient pas pu être prouvés, au détriment du
requérant. Si les nouveaux moyens sont destinés à prouver des faits
allégués
antérieurement, le requérant doit aussi démontrer qu'il ne pouvait
pas les
invoquer dans la précédente procédure. Une preuve est considérée comme
concluante lorsqu'il faut admettre qu'elle aurait conduit l'autorité
(administrative ou judiciaire) à statuer autrement s'il en avait eu
connaissance dans la procédure principale. Ce qui est décisif, c'est
que le
moyen de preuve ne serve pas à l'appréciation des faits seulement,
mais à
l'établissement de ces derniers. Ainsi, il ne suffit pas qu'une
nouvelle
expertise donne une appréciation différente des faits; il faut bien
plutôt
des éléments de fait nouveaux, dont il résulte que les bases de la
décision
entreprise comportaient des défauts objectifs. Pour justifier la
révision
d'une décision, il ne suffit pas que l'expert tire ultérieurement,
des faits
connus au moment du jugement principal, d'autres conclusions que
l'autorité.
Il n'y a pas non plus motif à révision du seul fait que celle-ci
paraît avoir
mal interprété des faits connus déjà lors de la procédure principale.
L'appréciation inexacte doit être, bien plutôt, la conséquence de
l'ignorance
ou de l'absence de preuve de faits essentiels pour la décision (ATF
127 V 358
consid. 5b, 110 V 141 consid. 2, 293 consid. 2a, 108 V 171 consid. 1;
cf.
aussi ATF 118 II 205 consid. 5).

3.
Dans son rapport du 29 septembre 1999, le docteur A.________ a posé le
diagnostic de trouble organique de la personnalité ou syndrome frontal
(CIM-10 chiffre F07.0). Pour aboutir à cette conclusion, il s'est
appuyé sur
l'ensemble du dossier médical de C.________, sur les informations
qu'il a
recueillies au terme de plusieurs entretiens avec le prénommé et les
parents
de celui-ci, ainsi que sur les examens neuro-psychologiques effectués
à sa
demande les 16 et 19 juillet 1999 par le professeur D.________, de la
division neuro-psychologique au Centre hospitalier X.________.
Analysant dans
le détail le parcours de l'assuré depuis sa naissance, le docteur
A.________
en infère de nombreux signes de l'existence d'un trouble
psycho-organique. En
particulier, que la mère de l'assuré a souffert d'une furonculose
chronique
durant sa grossesse, que le frère jumeau de C.________ est atteint
d'une
grave malformation à la main droite, qu'à peine né, le prénommé a
lui-même
rencontré très tôt différents problèmes pédiatriques (notamment un
ictère et
une pyodermie nécessitant une hospitalisation de deux mois) et
développé
durant son enfance des troubles psycho-moteurs (tics, hypotonie),
qu'en
outre, il réunit en sa personne cinq critères caractéristiques d'un
trouble
organique de la personnalité sur un total de six (dont une incapacité
à mener
à bien des activités dirigées vers un but, une labilité émotionnelle,
une
désinhibition de l'expression des besoins et des pulsions, des
troubles
cognitifs attestés, ainsi qu'une altération marquée du débit du
langage),
l'ensemble de ces circonstances donc, sont autant d'arguments qui, à
ses
yeux, parlent en faveur d'une origine organique des troubles
psychiques de
C.________.

L'analyse anamnestique à laquelle le docteur A.________ a procédé
dans son
expertise jette assurément une lumière nouvelle sur la nature des
troubles
psychiques présentés par C.________. D'un autre côté, on doit
convenir que
les diverses circonstances dont il fait état ne sont pas en soi
nouvelles dès
lors qu'elles figurent dans le dossier médical AI de l'assuré. A elles
seules, celles-ci ne sauraient ainsi fonder des faits nouveaux au
sens où
l'entend la jurisprudence (consid. 2 supra). Mais ce ne sont pas là
les seuls
éléments qui ont amené le médecin précité à poser le diagnostic d'un
trouble
psycho-organique ou syndrome frontal. Soupçonnant, sur la base d'un
examen
prima facie de la situation, une origine organique aux troubles
comportementaux de l'assuré, le psychiatre a soumis ce dernier à des
examens
neuro-psychologiques qui n'avaient jamais été effectués jusqu'alors
et qui
ont mis en évidence des «problèmes dysexécutifs (frontaux)» (cf. p. 7
de
l'expertise). Or, la présence de troubles de type neuro-psychologique
peut
être un indice sérieux d'un état maladif. Que l'IRM cérébral pratiqué
ensuite
a été jugé «dans les limites de la norme», ne veut pas encore dire
qu'une
altération cérébrale est à exclure; c'est un fait reconnu qu'il peut
exister
des lésions cérébrales sans preuve d'un déficit organique pouvant les
expliquer (par exemple en matière de lésions du rachis cervical par
accident
du type coup du lapin). Dans de telles situations, les renseignements
fournis
par les neuropsychologues peuvent constituer un élément de preuve
pertinent
(cf. ATF 119 V 341 à propos du lien de causalité naturelle en cas de
séquelles d'un accident du type coup du lapin à la colonne cervicale).

Au regard de l'ensemble des pièces médicales contenues au dossier, on
doit
dès lors reconnaître que l'expertise du docteur A.________ renferme
des
indices non négligeables de l'existence d'une composante organique à
l'origine des troubles psychiques présentés par C.________. Elle
justifie que
l'office intimé soit tenu d'entrer en matière sur la nouvelle demande
de
prestations et, en vertu du principe inquisitoire qui régit la
procédure dans
le domaine des assurances sociales, d'ouvrir une instruction pour
éclaircir
ce point.

Il y a lieu partant d'annuler le jugement cantonal et de renvoyer la
cause à
l'office pour qu'il procède à une instruction complémentaire, en
requérant au
besoin à des examens plus poussés, et rende une nouvelle décision. Le
recours
se révèle bien fondé.

4.
Le recourant, qui obtient gain de cause, a droit à une indemnité de
dépens à
charge de l'office intimé (art. 159 al. 1 OJ). Dans cette mesure, sa
requête
d'assistance judiciaire est sans objet.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Le recours est admis en ce sens que le jugement du Tribunal des
assurances du
canton de Vaud du 26 mars 2001, ainsi que la décision de l'Office de
l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud du 17 avril 2000 sont
annulés,
la cause étant renvoyée audit office pour instruction complémentaire
et
nouvelle décision.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
L'intimé versera au recourant une indemnité de dépens (y compris la
taxe à la
valeur ajoutée) de 2500 fr. pour l'instance fédérale.

4.
Le Tribunal des assurances du canton de Vaud statuera sur les dépens
pour la
procédure de première instance, au regard de l'issue du procès de
dernière
instance.

5.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des
assurances du
canton de Vaud, à la Caisse cantonale vaudoise de compensation AVS et
à
l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 8 octobre 2002
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la IVe Chambre: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.564/01
Date de la décision : 08/10/2002
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-10-08;i.564.01 ?
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