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08/10/2002 | SUISSE | N°4P.111/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 08 octobre 2002, 4P.111/2002


{T 0/2}
4P.111/2002 /RrF

Arrêt du 8 octobre 2002
Ire Cour civile

Les juges fédéraux Walter, président de la Cour, Corboz et
Favre,
greffier Ramelet.

dame R.________,
dame S.________, remariée T.________,
recourantes, toutes deux représentées par Me Jean-Jacques Wicky,
avocat, rue
Marignac 9, 1211 Genève 12,

contre

A.________ SA,
dame U.________,
intimées,
Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève, case
postale 3108, 1211 Genève 3.

droi

t d'être entendu; appréciation arbitraire des preuves

(recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre d'appel en
matiè...

{T 0/2}
4P.111/2002 /RrF

Arrêt du 8 octobre 2002
Ire Cour civile

Les juges fédéraux Walter, président de la Cour, Corboz et
Favre,
greffier Ramelet.

dame R.________,
dame S.________, remariée T.________,
recourantes, toutes deux représentées par Me Jean-Jacques Wicky,
avocat, rue
Marignac 9, 1211 Genève 12,

contre

A.________ SA,
dame U.________,
intimées,
Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève, case
postale 3108, 1211 Genève 3.

droit d'être entendu; appréciation arbitraire des preuves

(recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre d'appel en
matière de
baux et loyers du canton de Genève du 18 mars 2002)

Faits:

A.
A.a La société B.________ SA était locataire de locaux commerciaux au
rez-de-chaussée d'un immeuble, à Genève, propriété de la SI
C.________; la
locataire y exploitait un restaurant à l'enseigne "D.________".

Le 15 octobre 1998, B.________ SA a sous-loué à dame R.________ et
dame
S.________ remariée T.________ (ci-après: les sous-locataires ou les
défenderesses) une partie des locaux qu'elle avait pris à bail,
situés à
droite de l'entrée du bâtiment, pour l'exploitation d'un snack-bar
thaï avec
vente à l'emporter à l'enseigne "E.________", ainsi qu'un local de
stockage
d'environ 5 m2. Le contrat de sous-location, qui prenait effet le 1er
novembre 1998 et était conclu pour deux ans, était renouvelable
d'année en
année avec un délai de résiliation de six mois; il stipulait que le
montant
annuel de la gérance libre était de 24 000 fr. et que celui du loyer
était
également de 24 000 fr., auquel s'ajoutaient les acomptes annuels de
chauffage de 1200 fr., d'où une "mensualité" de 4100 fr. Tous les
montants
découlant de cet accord devaient être versés à la régie F.________
SA, qui
représentait la société propriétaire de l'immeuble.

A.b Selon un "contrat de reprise" du 13 septembre 1999, la société
A.________
SA a repris de B.________ SA, dont dame U.________ était
administratrice avec
signature individuelle, les actifs du restaurant "D.________" pour le
prix de
90 000 fr., fixé selon l'inventaire établi le 30 juin 1999 par un
huissier
judiciaire.

Il résulte d'une lettre du 26 septembre 1999 adressée par B.________
SA, sous
la plume de dame U.________, à A.________ SA que la première société
cédait à
la seconde le contrat de gérance afférent au snack-bar thaï, "dans la
mesure
où A.________ SA sera locataire principal de (l'arcade exploitée par
les
sous-locataires) dès le 1er octobre 1999". Il était expliqué que les
sous-locataires versaient directement à F.________ le loyer et la
redevance
de gérance afférents à l'arcade qu'elles sous-louaient. Aucun prix
n'était
indiqué dans ce courrier pour la cession du contrat de gérance.

D'après un document établi le 28 octobre 1999, dame U.________ et
B.________
SA reconnaissaient devoir à la SI C.________ la somme de 59 400 fr. en
capital dont elles admettaient l'exigibilité, A.________ SA, pour sa
part,
s'engageant à reprendre cumulativement, aux mêmes conditions, la
dette en
cause.

Le 29 octobre 1999, la SI C.________, sous gérance légale de l'Etat de
Genève, représentée par F.________, a signé un contrat de bail à
loyer avec
A.________ SA et dame U.________, qui portait sur les deux arcades de
l'immeuble dans lesquelles étaient exploités les établissements
"D.________"
et "E.________", ainsi que sur d'autres locaux au sous-sol. Le
contrat,
conclu pour cinq ans, soit du 1er novembre 1999 au 30 octobre 2004,
fixait le
loyer annuel à 52 800 fr. Il comprenait des "clauses particulières"
dont les
dernières dispositions avaient la teneur suivante:
"Art. 4
Au présent bail intervient B.________ SA et Madame U.________,
Administratrice, qui déclarent mettre fin au bail de B.________ SA
avec effet
au 30 octobre 1999.
Art. 5
A.________ SA et Madame U.________ déclarent reprendre intégralement
les
dettes (loyer- charges-taxes etc) de B.________ SA et Madame
U.________
envers la société propriétaire (le bailleur)".

A.c Par courrier du 22 février 2000, A.________ SA a informé les
sous-locataires qu'elle avait repris le bail de l'arcade sous-louée
par
B.________ SA et qu'elle avait constaté un retard de deux mois dans le
paiement du loyer. Dans cette écriture, A.________ SA déclarait
résilier le
contrat de sous-location pour le 31 octobre 2000, tout en se
déclarant prête
à discuter avec les sous-locataires d'une éventuelle option d'achat.
Ce
congé, qui n'a pas été donné au moyen de la formule officielle, n'a
pas été
contesté par les sous-locataires.

B. ________ SA a été déclarée en faillite le 29 mai 2000.

Le 12 octobre 2000, le conseil des sous-locataires a écrit à
A.________ SA
que le congé du 22 février 2000 était nul faute de respecter les
exigences
légales de forme, de sorte que, selon lui, le contrat de
sous-location avait
été reconduit jusqu'au 31 octobre 2001. Ledit conseil demandait
encore à la
société précitée de produire en copie le contrat de rachat du fonds de
commerce conclu avec B.________ SA en faillite ainsi que l'inventaire
à la
base de la transaction, à défaut de quoi il y aurait lieu de
considérer que
le fonds de commerce de l'établissement exploité par les
sous-locataires est
demeuré propriété de la masse en faillite de B.________ SA,
constituant ainsi
un profit de la masse.

A.d Les sous-locataires ont payé à F.________ les loyers, gérances et
charges
des mois de juillet, août et septembre 2000 respectivement les 14, 20
et 26
octobre 2000.

Le 26 octobre 2000, la SI C.________ a mis en demeure les
sous-locataires de
payer dans les 30 jours, sous menace de résiliation du bail,
notamment le
loyer, la gérance et les charges du mois d'octobre 2000, plus des
frais
d'encaissement.

Le 30 octobre 2000, la SI C.________ a également mis en demeure
A.________
SA, en tant que locataire principal, de verser dans les 30 jours en
particulier le loyer arriéré d'octobre 2000 dû par les
sous-locataires, sous
peine de résiliation du bail.
Le 1er novembre 2000, le conseil de A.________ SA et de dame
U.________ a mis
les sous-locataires en demeure de payer dans les 60 jours la somme de
16 400
fr. représentant les loyers, redevances de gérance et charges pour
les mois
de juillet à octobre 2000, si elles ne voulaient pas voir leur bail
résilier.
Il était encore précisé dans ce courrier que le contrat de
sous-location du
15 octobre 1998 avait été repris par A.________ SA et dame
U.________, "ce
qui a été communiqué à plusieurs reprises oralement (aux
sous-locataires)".

Le 9 novembre 2000, le conseil des sous-locataires a répondu que
A.________
SA n'avait pu reprendre le bail principal de la faillie B.________
SA, car ce
bail avait été résilié auparavant pour défaut de paiement. D'après le
conseil
en cause, A.________ SA, qui serait ainsi au bénéfice d'un nouveau
bail ayant
pour objet l'arcade exploitée par les sous-locataires, n'aurait pas
repris le
fonds de commerce du restaurant "E.________" et ne serait pas au
bénéfice
d'un contrat de gérance sur l'exploitation de l'arcade précitée. A
suivre le
représentant des sous-locataires, les montants perçus à titre de
redevances
de gérance pour les mois d'octobre 1999 au 30 septembre 2000, soit 24
000
fr., devraient être remboursés, ou, à défaut, compensés avec les
loyers des
mois d'octobre et novembre 2000 et les loyers futurs, cela jusqu'à
complète
extinction de la créance dont les sous-locataires sont débitrices
envers
A.________ SA et dame U.________.

Aucun paiement n'ayant été effectué dans le délai comminatoire,
A.________ SA
et dame U.________ ont résilié le 9 janvier 2001, sur formules
officielles
notifiées séparément à chacune des sous-locataires, le bail de
sous-location
et le bail à ferme pour le 28 février 2001, en invoquant les art.
257d al. 1
et 282 al. 1 CO ainsi que 266 l al. 1 et 298 al. 1 CO.

Les sous-locataires ont saisi le 9 février 2001 la Commission de
conciliation
en matière de baux et loyers du canton de Genève, puis, aucun accord
n'ayant
été trouvé, le Tribunal genevois des baux et loyers le 22 mai 2001.
Elles ont
conclu à ce que la nullité du congé soit constatée, subsidiairement à
ce que
le congé soit annulé et plus subsidiairement à ce que le bail soit
prolongé
de six ans.

De leur côté, A.________ SA et dame U.________ (ci-après: les
demanderesses),
après avoir tenté la conciliation, ont requis le 27 avril 2001 le
Tribunal
des baux et loyers d'ordonner l'évacuation des sous-locataires des
locaux
qu'elles occupent.

Après avoir ordonné la jonction des causes, le Tribunal des baux et
loyers,
par jugement du 27 juin 2001, a constaté la validité du congé (ch. 1)
et a
condamné les sous-locataires à évacuer de leur personne et de leurs
biens les
locaux sis au rez-de-chaussée de l'immeuble précité, destinés à
l'exploitation d'un snack-bar thaï (ch. 2 à 6).

B.
Saisie d'un appel des défenderesses, la Chambre d'appel en matière de
baux et
loyers du canton de Genève, par arrêt du 18 mars 2002, a annulé le
ch. 1 du
dispositif du jugement attaqué, au motif qu'il était devenu superflu
puisqu'il résultait d'une question préalable déjà résolue dans les
considérants, et confirmé les ch. 2 à 6 du dispositif du même
jugement.

En substance, la cour cantonale a retenu que les demanderesses, qui
ont
conclu un nouveau bail principal avec la SI C.________ le 29 octobre
1999
pour le 1er novembre 2000 (recte: 1999), étaient légitimées à
réclamer les
loyers découlant de la sous-location des locaux aux défenderesses et
que
A.________ SA, au bénéfice de l'acte de cession du contrat de gérance
libre
passé le 26 septembre 1999, était en droit de réclamer les redevances
de
gérance prévues par ce contrat de bail à ferme non agricole, en
particulier
le fermage du mois d'octobre 2000. Etant donné que B.________ SA a
valablement cédé à A.________ SA le contrat de gérance, les fermages
d'octobre 1999 à septembre 2000 étaient dus à celle-ci, de sorte
qu'aucune
compensation ne pouvait entrer en ligne de compte avec le loyer, les
charges
et la redevance de gérance d'octobre 2000, qui sont demeurés impayés.
Comme
les conditions de l'art. 257d CO étaient réunies, la Chambre d'appel a
considéré que l'action en évacuation basée sur le droit du bail
devait être
admise. Quant à l'action en évacuation fondée sur le droit du bail à
ferme,
elle devait être également accueillie, mais seulement à la requête de
A.________ SA, car le contrat de gérance n'avait pas été cédé à dame
U.________.

C.
Les défenderesses forment, parallèlement, devant le Tribunal fédéral
un
recours de droit public et un recours en réforme contre l'arrêt
cantonal.
Dans le recours de droit public, elles concluent à l'annulation de
cette
décision.

A. ________ SA, représentée par son directeur T.________, lequel
s'est dit
également représentant de dame U.________, conclut au rejet du
recours et à
la confirmation de l'arrêt attaqué.

L'autorité cantonale déclare persister dans les termes de son arrêt.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Conformément à la règle générale de l'art. 57 al. 5 OJ, il y a
lieu de
statuer d'abord sur le recours de droit public.

1.2 Le recours de droit public au Tribunal fédéral est ouvert contre
une
décision cantonale pour violation des droits constitutionnels des
citoyens
(art. 84 al. 1 let. a OJ).

Le jugement rendu par la cour cantonale, qui est final, n'est
susceptible
d'aucun autre moyen de droit sur le plan fédéral ou cantonal dans la
mesure
où les parties recourantes invoquent la violation directe d'un droit
de rang
constitutionnel, de sorte que la règle de la subsidiarité du recours
de droit
public est respectée (art. 84 al. 2 et 86 al. 1 OJ). En revanche, si
les
recourantes soulèvent une question relevant de l'application du droit
fédéral, le grief n'est pas recevable, parce qu'il pouvait faire
l'objet d'un
recours en réforme (art. 43 al. 1 et 84 al. 2 OJ).

Les recourantes sont personnellement touchées par la décision
attaquée, qui
prononce leur expulsion des locaux qu'elles occupent, de sorte
qu'elles ont
un intérêt personnel, actuel et juridiquement protégé à ce que cette
décision
n'ait pas été prise en violation de leurs droits constitutionnels; en
conséquence, elles ont qualité pour recourir (art. 88 OJ).

1.3 Sous réserve d'exceptions non réalisées en l'espèce, le recours
de droit
public n'est qu'une voie de cassation et ne peut tendre qu'à
l'annulation de
la décision attaquée (ATF 127 II 1 consid. 2c; ATF 127 III 279
consid. 1b).
Dans la mesure où les intimées proposent autre chose que
l'irrecevabilité du
recours ou son rejet, leurs conclusions sont donc irrecevables.

1.4 Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine
que les
griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans
l'acte
de recours (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 127 I 38 consid. 3c; 127 III
279
consid. 1c; 126 III 524 consid. 1c, 534 consid. 1b).

2.
2.1Invoquant la violation de leur droit d'être entendues, les
recourantes
soutiennent tout d'abord que les intimées auraient dû établir leur
qualité de
sous-bailleresses. Or les demanderesses n'auraient produit aucun
document
probant à cet égard. Ainsi, il y aurait lieu de nourrir des doutes sur

l'authenticité du courrier adressé par B.________ SA à A.________ SA
le 26
septembre 1999, car ce pli émanerait d'une intimée et serait adressé à
l'autre intimée.

A suivre les défenderesses, le bail principal passé entre la SI
C.________ et
B.________ SA se serait éteint et un nouveau bail aurait été conclu
entre la
bailleresse et A.________ SA, auquel se serait superposé un bail de
sous-location dont la masse en faillite de B.________ SA serait
demeurée
partie. Pour ne pas l'avoir reconnu, la Chambre d'appel aurait
enfreint le
principe de la relativité des conventions.

Le recourantes déclarent contester le contenu de la lettre écrite par
A.________ SA le 22 février 2000, dont il résulterait que celle-ci a
admis la
sous-location des locaux aux défenderesses. Elles prétendent encore
qu'elles
ont toujours payé leurs loyers à F.________, laquelle a agi
indifféremment
pour la bailleresse, les intimées ou B.________ SA, de sorte qu'il
était
impossible aux défenderesses de savoir qui était le véritable
destinataire de
leurs versements.

2.1.1 La qualité pour agir et la qualité pour défendre sont des
questions de
droit matériel; elles relèvent par conséquent du droit privé fédéral
dans les
actions soumises à ce droit (ATF 125 III 82 consid. 1a; 123 III 60
consid.
3a), dont la censure revient à la juridiction fédérale de réforme. Par
conséquent, dès l'instant où la présente cause ressortit, comme on le
verra
en instance de réforme, à l'application du droit du bail à loyer
(art. 253 ss
CO) et du droit du bail à ferme (art. 275 ss CO), les recourantes, en
vertu
de la subsidiarité absolue du recours de droit public, ne sont pas
recevables
à remettre en cause dans la présente instance la légitimation active
des
demanderesses et la légitimation passive des défenderesses.

2.1.2 Cela posé, il apparaît que le moyen est dirigé contre
l'appréciation
des preuves opérée par la cour cantonale. Les recourantes ne
prétendent pas
en effet que la Chambre d'appel n'a pas satisfait à son obligation de
motiver
sa décision afin que le justiciable puisse la comprendre, l'attaquer
utilement et que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle
(cf. à ce
propos ATF 126 I 97 consid. 2b; 125 II 369 consid. 2c; 124 II 146
consid.
2a). Et elles ne soutiennent pas - à bon droit - que l'autorité
cantonale n'a
pas satisfait à son devoir minimum d'examiner et de traiter les
problèmes
pertinents (cf. sur cette notion ATF 126 I 97 consid. 2b; 122 IV 8
consid.
2c).

Selon la jurisprudence, l'arbitraire, prohibé par l'art. 9 Cst., ne
résulte
pas du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en
considération ou
même qu'elle serait préférable; le Tribunal fédéral ne s'écarte de la
décision attaquée que lorsque celle-ci est manifestement insoutenable,
qu'elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait,
qu'elle
viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté, ou
encore
lorsqu'elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et
de
l'équité. Pour qu'une décision soit annulée pour cause d'arbitraire,
il ne
suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il faut
encore que
la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 127 I 54
consid. 2b,
60 consid. 5a p. 70; 126 I 168 consid. 3a; 125 I 166 consid. 2a).

S'agissant plus précisément de l'appréciation des preuves, le juge
tombe dans
l'arbitraire si, sans raison sérieuse, il omet de prendre en
considération un
élément important propre à modifier la décision, s'il se fonde sur un
moyen
manifestement inapte à apporter la preuve, s'il a, de manière
évidente, mal
compris le sens et la portée d'un moyen de preuve ou encore si, sur
la base
des éléments réunis, il a fait des déductions insoutenables. Le grief
tiré de
l'appréciation arbitraire des preuves ne peut être pris en
considération que
si son admission est de nature à modifier le sort du litige, ce qui
n'est pas
le cas lorsqu'il vise une constatation de fait n'ayant aucune
incidence sur
l'application du droit.

2.1.3 Contrairement aux allégations des recourantes, le courrier
incriminé du
26 septembre 1999, s'il est bien adressé à l'intimée A.________ SA,
n'émane
pas de l'autre intimée, mais bien de la société B.________ SA. Le
seul fait
que l'intimée dame U.________, qui a signé ce pli, était
l'administratrice de
l'expéditrice - point que l'autorité cantonale a expressément
mentionné à la
page 3, 3e paragraphe, de l'arrêt déféré - ne suffit pas à mettre en
doute
l'authenticité de cette écriture. Les recourantes n'invoquent
d'ailleurs
aucun élément qui serait susceptible de faire admettre la fausseté de
ce
document. Cette branche du grief est dénuée de fondement.

On ne voit pas en quoi la Chambre d'appel aurait commis arbitraire en
retenant, sur la base du courrier du 22 février 2000 adressé par
A.________
SA aux défenderesses, que cette société a indiqué aux sous-locataires
avoir
repris le bail de l'arcade que leur sous-louait précédemment
B.________ SA,
dès lors que cette constatation découle explicitement de la première
phrase
du corps de cette lettre. Il semble que les recourantes entendent
reprocher à
la cour cantonale de n'avoir pas vu dans la résiliation de bail qui
leur a
été signifiée dans ce même pli un congé-vente proscrit par l'art.
271a al. 1
let. c CO. Outre qu'il s'agit là d'une question ayant trait à
l'application
du droit fédéral, dont le Tribunal fédéral ne saurait connaître en
instance
de recours de droit public, elle n'exerce aucune influence sur la
solution du
litige, puisqu'un congé a été notifié aux sous-locataires
postérieurement, à
savoir le 9 janvier 2001, pour défaut de paiement.

Enfin, la cour cantonale n'a pas ignoré que les défenderesses ont
versé
jusqu'en septembre 2000 les loyers, redevances de gérance et charges
pour
l'établissement "E.________" à la régie F.________, représentante de
la
propriétaire de l'immeuble. Quant au point de savoir comment cette
attitude
des recourantes pouvait être comprise de bonne foi en fonction de
l'ensemble
des circonstances, il concerne derechef l'application du droit
fédéral, et
singulièrement l'interprétation des manifestations de volonté selon la
théorie de la confiance.

Le moyen est infondé à supposer qu'il soit recevable.

2.2 Se prévalant d'une nouvelle violation de leur droit d'être
entendues, les
recourantes reprochent à la Chambre d'appel de leur avoir refusé le
droit
d'administrer des preuves afin de déterminer si les intimées sont
devenues
locataires des locaux abritant l'établissement "E.________".
L'autorité
cantonale aurait ainsi dû entendre le responsable de la masse en
faillite du
propriétaire de l'immeuble, les organes de F.________ et le directeur
du
restaurant "D.________".

2.2.1 Comme les recourantes n'invoquent pas la violation de normes de
droit
cantonal protégeant leur droit d'être entendues, le grief doit être
examiné
exclusivement à la lumière de l'art. 29 al. 2 Cst.

Selon la jurisprudence, le droit d'être entendu - tel qu'il était
déduit de
l'art. 4 aCst. et tel qu'il est désormais garanti par l'art. 29 al. 2
Cst. -
comprend en particulier le droit pour le justiciable de s'expliquer
avant
qu'une décision ne soit prise à son détriment, celui de fournir des
preuves
quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision, celui
d'avoir
accès au dossier, celui de participer à l'administration des preuves,
d'en
prendre connaissance et de se déterminer à leurs propos (ATF 126 I 15
consid.
2a; 124 I 49 consid. 3a, 241 consid. 2; 124 V 180 consid. 1a).
S'agissant
plus précisément du droit de fournir des preuves, la jurisprudence a
exposé
que l'autorité avait l'obligation de donner suite aux offres de preuve
présentées en temps utile et dans les formes requises, à moins
qu'elles ne
soient manifestement inaptes à apporter la preuve ou qu'il s'agisse de
prouver un fait sans pertinence (ATF 115 Ia 8 consid. 2b). Cela
n'empêche
toutefois pas le juge de refuser une mesure probatoire si, en
appréciant
d'une manière non arbitraire les preuves déjà apportées, il parvient
à la
conclusion que les faits pertinents sont établis et qu'un résultat
même
favorable au recourant de la mesure probatoire sollicitée ne pourrait
plus
modifier sa conviction (ATF 125 I 127 consid. 6c/cc p. 135; 124 I 208
consid.
4a, 274 consid. 5b p. 285; 122 II 464 consid. 4a et les arrêts cités).

2.2.2 En l'occurrence, les recourantes n'ont jamais démontré avoir
présenté à
temps et conformément aux exigences de la procédure cantonale les
moyens de
preuve évoqués. Il n'importe.

En effet, il résulte du dossier que les intimées ont déposé devant le
Tribunal des baux et loyers le 27 avril 2001 le bail convenu entre la
SI
C.________, en qualité de bailleresse, et les demanderesses, en
qualité de
locataires, daté du 29 octobre 1999, qui avait trait aux deux arcades
sises
au rez-de-chaussée de l'immeuble concerné. Conclu pour cinq ans, le
contrat
débutait le 1er novembre 1999. En outre, selon l'art. 4 des "clauses
particulières" dudit bail, l'ancienne locataire des locaux
intervenait au
contrat de bail et déclarait formellement "mettre fin" à son bail
avec effet
au 30 octobre 1999.

Devant cette preuve documentaire, contre laquelle les défenderesses
ne se
sont jamais inscrites en faux, la Chambre d'appel pouvait sans le
moindre
arbitraire considérer qu'il était établi que, depuis le mois de
novembre
1999, les intimées étaient devenues les locataires de l'arcade dans
laquelle
est exploité le snack-bar thaï, de sorte que, par une appréciation
anticipée
des preuves offertes, il n'était plus nécessaire d'entendre sur ce
point des
témoins.

Le moyen est privé de fondement, à supposer qu'il soit recevable.

2.3 Les recourantes prétendent encore en vrac que la cour cantonale a
violé
leur droit à la preuve consacré par l'art. 8 CC, enfreint l'art. 274d
CO en
méconnaissant la portée du principe de l'instruction d'office et
ignoré les
effets de la compensation entraînés par l'art. 124 CO.

Tous ces griefs, qui concernent l'application du droit fédéral,
pouvaient
être présentés en instance de réforme, voie de droit qui est ouverte
in casu
et que les défenderesses ont d'ailleurs saisie. Vu la subsidiarité du
recours
de droit public, ils sont donc irrecevables.

2.4 Dans un dernier moyen, les recourantes se réfèrent aux art. 6
par. 1
CEDH, 14 par. 1 Pacte ONU II et 30 al. 1 Cst. Elles prétendent que,
puisque
aucun bail n'a été passé entre les parties, les intimées ne pouvaient
saisir
la juridiction spéciale chargée de trancher les litiges relatifs à de
tels
contrats, mais auraient dû agir par la voie civile ordinaire devant le
Tribunal de première instance de Genève.

Les références aux art. 6 par. 1 CEDH et 14 par. 1 Pacte ONU II sont
superflues dans la mesure où la protection conventionnelle n'est pas
plus
étendue que les garanties de procédure judiciaire résultant de l'art.
30 al.
1 Cst. (cf. ATF 126 I 68 consid. 3a p. 73, 228 consid. 2a p. 230).

Selon les faits de procédure, dont les recourantes ne prétendent pas
qu'ils
ont été retenus arbitrairement, ces dernières ont tout d'abord déposé
le 9
février 2001 devant la Commission de conciliation en matière de baux
et
loyers du canton de Genève une requête en constatation de nullité du
congé
qui leur avait été notifié le 9 janvier 2001, subsidiairement en
annulation
dudit congé, et plus subsidiairement en prolongation de leur bail. La
cause
n'ayant pas été conciliée, les défenderesses ont ensuite introduit
action
devant le Tribunal des baux et loyers le 22 mai 2001.

La juridiction spéciale instituée par le législateur genevois pour
juger des
différends en matière de bail à loyer et de bail à ferme non agricole
portant
sur une chose immobilière comprend notamment la Commission de
conciliation en
matière de baux et loyers et le Tribunal des baux et loyers (cf.
Bertossa/Gaillard/Guyet/Schmidt, Commentaire de la loi de procédure
civile
genevoise, n. 1 ad art. 426 LPC gen.). Cette juridiction a la
compétence de
trancher les litiges dans lesquels les parties sont ou étaient liées
par un
contrat de bail ou par un contrat de bail à ferme non agricole
(Bertossa/Gaillard/Guyet/Schmidt, op. cit., n. 2 ad art. 426 LPC
gen.).

Il appert donc qu'en instance cantonale les recourantes, alors
qu'elles
étaient déjà assistées d'un mandataire professionnel, ont estimé que
la
querelle ressortissait à la compétence de la juridiction spéciale
susmentionnée. Ce n'est qu'après avoir été déboutée qu'elles
soutiennent
désormais que la cause relevait de la juridiction civile ordinaire.

Il suit de là que les recourantes adoptent, pour les besoins de la
cause, une
attitude procédurale contradictoire, clairement constitutive d'un
abus de
droit (venire contra factum proprium).

Le moyen, qui confine à la témérité, est dénué de tout fondement.

3.
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure
de sa
recevabilité. Les recourantes, qui succombent, supporteront
solidairement les
frais judiciaires (art. 156 al. 1 OJ). Elles n'auront toutefois pas à
verser
de dépens aux intimées, qui n'étaient pas assistées d'un avocat dans
la
présente instance et n'ont pas fait valoir de dépenses particulières.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté
dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2000 fr. est mis solidairement à la charge
des
recourantes.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la Chambre
d'appel
en matière de baux et loyers du canton de Genève.

Lausanne, le 8 octobre 2002

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.111/2002
Date de la décision : 08/10/2002
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-10-08;4p.111.2002 ?
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