La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/10/2002 | SUISSE | N°4C.167/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 08 octobre 2002, 4C.167/2002


{T 0/2}
4C.167/2002 /RrF

Arrêt du 8 octobre 2002
Ire Cour civile

Les juges fédéraux Walter, président de la Cour, Corboz et Favre,
greffier Ramelet.
dame R.________,
dame S.________, remariée T.________,
défenderesses et recourantes,
toutes deux représentées par Me Jean-Jacques Wicky, avocat, rue
Marignac 9,
1211 Genève 12,

contre

A.________ SA,
dame U.________, avenue Wendt 59, 1203 Genève
demanderesses et intimées.

transfert du bail à ferme à un tiers; bail à loyer taci

te

(recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre d'appel en matière
de baux
et loyers du canton de Genève du 18 ...

{T 0/2}
4C.167/2002 /RrF

Arrêt du 8 octobre 2002
Ire Cour civile

Les juges fédéraux Walter, président de la Cour, Corboz et Favre,
greffier Ramelet.
dame R.________,
dame S.________, remariée T.________,
défenderesses et recourantes,
toutes deux représentées par Me Jean-Jacques Wicky, avocat, rue
Marignac 9,
1211 Genève 12,

contre

A.________ SA,
dame U.________, avenue Wendt 59, 1203 Genève
demanderesses et intimées.

transfert du bail à ferme à un tiers; bail à loyer tacite

(recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre d'appel en matière
de baux
et loyers du canton de Genève du 18 mars 2002)

Faits:

A.
A.a La société B.________ SA était locataire de locaux commerciaux au
rez-de-chaussée d'un immeuble, à Genève, propriété de la SI
C.________; la
locataire y exploitait un restaurant à l'enseigne "D.________".

Le 15 octobre 1998, B.________ SA a sous-loué à dame R.________ et
dame
S.________ remariée T.________ (ci-après: les sous-locataires ou les
défenderesses) une partie des locaux qu'elle avait pris à bail,
situés à
droite de l'entrée du bâtiment, pour l'exploitation d'un snack-bar
thaï avec
vente à l'emporter à l'enseigne "E.________", ainsi qu'un local de
stockage
d'environ 5 m2. Le contrat de sous-location, qui prenait effet le 1er
novembre 1998 et était conclu pour deux ans, était renouvelable
d'année en
année avec un délai de résiliation de six mois; il stipulait que le
montant
annuel de la gérance libre était de 24 000 fr. et que celui du loyer
était
également de 24 000 fr., auquel s'ajoutaient les acomptes annuels de
chauffage de 1200 fr., d'où une "mensualité" de 4100 fr. Tous les
montants
découlant de cet accord devaient être versés à la régie F.________
SA, qui
représentait la société propriétaire de l'immeuble.

A.b Selon un "contrat de reprise" du 13 septembre 1999, la société
A.________
SA a repris de B.________ SA, dont dame U.________ était
administratrice avec
signature individuelle, les actifs du restaurant "D.________" pour le
prix de
90 000 fr., fixé selon l'inventaire établi le 30 juin 1999 par un
huissier
judiciaire.

Il résulte d'une lettre du 26 septembre 1999 adressée par B.________
SA, sous
la plume de dame U.________, à A.________ SA que la première société
cédait à
la seconde le contrat de gérance afférent au snack-bar thaï, "dans la
mesure
où A.________ SA sera locataire principal de (l'arcade exploitée par
les
sous-locataires) dès le 1er octobre 1999". Il était expliqué que les
sous-locataires versaient directement à F.________ le loyer et la
redevance
de gérance afférents à l'arcade qu'elles sous-louaient. Aucun prix
n'était
indiqué dans ce courrier pour la cession du contrat de gérance.

D'après un document établi le 28 octobre 1999, dame U.________ et
B.________
SA reconnaissaient devoir à la SI C.________ la somme de 59 400 fr. en
capital dont elles admettaient l'exigibilité, A.________ SA, pour sa
part,
s'engageant à reprendre cumulativement, aux mêmes conditions, la
dette en
cause.

Le 29 octobre 1999, la SI C.________, sous gérance légale de l'Etat de
Genève, représentée par F.________, a signé un contrat de bail à
loyer avec
A.________ SA et dame U.________, qui portait sur les deux arcades de
l'immeuble dans lesquelles étaient exploités les établissements
"D.________"
et "E.________", ainsi que sur d'autres locaux au sous-sol. Le
contrat,
conclu pour cinq ans, soit du 1er novembre 1999 au 30 octobre 2004,
fixait le
loyer annuel à 52 800 fr. Il comprenait des "clauses particulières"
dont les
dernières dispositions avaient la teneur suivante:
"Art. 4
Au présent bail intervient B.________ SA et Madame U.________,
Administratrice, qui déclarent mettre fin au bail de B.________ SA
avec effet
au 30 octobre 1999.
Art. 5
A.________ SA et Madame U.________ déclarent reprendre intégralement
les
dettes (loyer- charges-taxes etc) de B.________ SA et Madame
U.________
envers la société propriétaire (le bailleur)".

A.c Par courrier du 22 février 2000, A.________ SA a informé les
sous-locataires qu'elle avait repris le bail de l'arcade sous-louée
par
B.________ SA et qu'elle avait constaté un retard de deux mois dans le
paiement du loyer. Dans cette écriture, A.________ SA déclarait
résilier le
contrat de sous-location pour le 31 octobre 2000, tout en se
déclarant prête
à discuter avec les sous-locataires d'une éventuelle option d'achat.
Ce
congé, qui n'a pas été donné au moyen de la formule officielle, n'a
pas été
contesté par les sous-locataires.

B. ________ SA a été déclarée en faillite le 29 mai 2000.

Le 12 octobre 2000, le conseil des sous-locataires a écrit à
A.________ SA
que le congé du 22 février 2000 était nul faute de respecter les
exigences
légales de forme, de sorte que, selon lui, le contrat de
sous-location avait
été reconduit jusqu'au 31 octobre 2001. Ledit conseil demandait
encore à la
société précitée de produire en copie le contrat de rachat du fonds de
commerce conclu avec B.________ SA en faillite ainsi que l'inventaire
à la
base de la transaction, à défaut de quoi il y aurait lieu de
considérer que
le fonds de commerce de l'établissement exploité par les
sous-locataires est
demeuré propriété de la masse en faillite de B.________ SA,
constituant ainsi
un profit de la masse.

A.d Les sous-locataires ont payé à F.________ les loyers, gérances et
charges
des mois de juillet, août et septembre 2000 respectivement les 14, 20
et 26
octobre 2000.

Le 26 octobre 2000, la SI C.________ a mis en demeure les
sous-locataires de
payer dans les 30 jours, sous menace de résiliation du bail,
notamment le
loyer, la gérance et les charges du mois d'octobre 2000, plus des
frais
d'encaissement.
Le 30 octobre 2000, la SI C.________ a également mis en demeure
A.________
SA, en tant que locataire principal, de verser dans les 30 jours en
particulier le loyer arriéré d'octobre 2000 dû par les
sous-locataires, sous
peine de résiliation du bail.

Le 1er novembre 2000, le conseil de A.________ SA et de dame
U.________ a mis
les sous-locataires en demeure de payer dans les 60 jours la somme de
16 400
fr. représentant les loyers, redevances de gérance et charges pour
les mois
de juillet à octobre 2000, si elles ne voulaient pas voir leur bail
résilier.
Il était encore précisé dans ce courrier que le contrat de
sous-location du
15 octobre 1998 avait été repris par A.________ SA et dame
U.________, "ce
qui a été communiqué à plusieurs reprises oralement (aux
sous-locataires)".

Le 9 novembre 2000, le conseil des sous-locataires a répondu que
A.________
SA n'avait pu reprendre le bail principal de la faillie B.________
SA, car ce
bail avait été résilié auparavant pour défaut de paiement. D'après le
conseil
en cause, A.________ SA, qui serait ainsi au bénéfice d'un nouveau
bail ayant
pour objet l'arcade exploitée par les sous-locataires, n'aurait pas
repris le
fonds de commerce du restaurant "E.________" et ne serait pas au
bénéfice
d'un contrat de gérance sur l'exploitation de l'arcade précitée. A
suivre le
représentant des sous-locataires, les montants perçus à titre de
redevances
de gérance pour les mois d'octobre 1999 au 30 septembre 2000, soit 24
000
fr., devraient être remboursés, ou, à défaut, compensés avec les
loyers des
mois d'octobre et novembre 2000 et les loyers futurs, cela jusqu'à
complète
extinction de la créance dont les sous-locataires sont débitrices
envers
A.________ SA et dame U.________.

Aucun paiement n'ayant été effectué dans le délai comminatoire,
A.________ SA
et dame U.________ ont résilié le 9 janvier 2001, sur formules
officielles
notifiées séparément à chacune des sous-locataires, le bail de
sous-location
et le bail à ferme pour le 28 février 2001, en invoquant les art.
257d al. 1
et 282 al. 1 CO ainsi que 266 l al. 1 et 298 al. 1 CO.

Les sous-locataires ont saisi le 9 février 2001 la Commission de
conciliation
en matière de baux et loyers du canton de Genève, puis, aucun accord
n'ayant
été trouvé, le Tribunal genevois des baux et loyers le 22 mai 2001.
Elles ont
conclu à ce que la nullité du congé soit constatée, subsidiairement à
ce que
le congé soit annulé et plus subsidiairement à ce que le bail soit
prolongé
de six ans.

De leur côté, A.________ SA et dame U.________ (ci-après: les
demanderesses),
après avoir tenté la conciliation, ont requis le 27 avril 2001 le
Tribunal
des baux et loyers d'ordonner l'évacuation des sous-locataires des
locaux
qu'elles occupent.
Après avoir ordonné la jonction des causes, le Tribunal des baux et
loyers,
par jugement du 27 juin 2001, a constaté la validité du congé (ch. 1)
et a
condamné les sous-locataires à évacuer de leur personne et de leurs
biens les
locaux sis au rez-de-chaussée de l'immeuble précité, destinés à
l'exploitation d'un snack-bar thaï (ch. 2 à 6).

B.
Saisie d'un appel des défenderesses, la Chambre d'appel en matière de
baux et
loyers du canton de Genève, par arrêt du 18 mars 2002, a annulé le
ch. 1 du
dispositif du jugement attaqué, au motif qu'il était devenu superflu
puisqu'il résultait d'une question préalable déjà résolue dans les
considérants, et confirmé les ch. 2 à 6 du dispositif du même
jugement.

En substance, la cour cantonale a retenu que les demanderesses, qui
ont
conclu un nouveau bail principal avec la SI C.________ le 29 octobre
1999
pour le 1er novembre 2000 (recte: 1999), étaient légitimées à
réclamer les
loyers découlant de la sous-location des locaux aux défenderesses et
que
A.________ SA, au bénéfice de l'acte de cession du contrat de gérance
libre
passé le 26 septembre 1999, était en droit de réclamer les redevances
de
gérance prévues par ce contrat de bail à ferme non agricole, en
particulier
le fermage du mois d'octobre 2000. Etant donné que B.________ SA a
valablement cédé à A.________ SA le contrat de gérance, les fermages
d'octobre 1999 à septembre 2000 étaient dus à celle-ci, de sorte
qu'aucune
compensation ne pouvait entrer en ligne de compte avec le loyer, les
charges
et la redevance de gérance d'octobre 2000, qui sont demeurés impayés.
Comme
les conditions de l'art. 257d CO étaient réunies, la Chambre d'appel a
considéré que l'action en évacuation basée sur le droit du bail
devait être
admise. Quant à l'action en évacuation fondée sur le droit du bail à
ferme,
elle devait être également accueillie, mais seulement à la requête de
A.________ SA, car le contrat de gérance n'avait pas été cédé à dame
U.________.

C.
Parallèlement à un recours de droit public qui a été rejeté dans la
mesure de
sa recevabilité par arrêt de ce jour, les défenderesses exercent un
recours
en réforme au Tribunal fédéral contre l'arrêt cantonal. Elles
concluent
principalement à ce qu'il soit dit, d'une part, que les demanderesses
ne sont
pas devenues bailleresses des défenderesses et n'ont aucune prétention
contractuelle à faire valoir de ce fait, et, d'autre part, qu'elles
ne sont
pas devenues locataires de l'arcade occupée par les recourantes et
n'ont
ainsi aucune prétention à élever de l'occupation de ces locaux par ces
dernières. Subsidiairement, les recourantes requièrent qu'il soit dit
qu'elles n'ont aucune dette résultant d'un contrat de bail envers
A.________
SA et/ou dame U.________ et, par conséquent, que le congé qui leur a
été
donné est nul et de nul effet. Plus subsidiairement, elles concluent
au
renvoi de la cause "aux instances cantonales afin qu'elles
instruisent plus
avant sur la légitimation de A.________ SA (et/ou dame U.________),
ainsi
que, cas échéant, sur la compétence de la juridiction des baux et
loyers en
l'absence de contrat de bail". Encore plus subsidiairement, les
recourantes
sollicitent le renvoi de la cause en instance cantonale afin qu'il
soit
instruit plus avant sur la compensation qu'elles ont invoquée.

Les intimées proposent le rejet du recours et la confirmation de
l'arrêt
déféré.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 L'arrêt attaqué, qui prononce l'expulsion des sous-locataires en
statuant
sur le fond du droit, constitue une décision finale au sens de l'art.
48 OJ
(ATF 122 III 92 consid. 2b).

La valeur litigieuse se calcule en fonction de la période pendant
laquelle le
contrat subsiste nécessairement si la résiliation n'est pas valable,
et qui
s'étend jusqu'au moment pour lequel un nouveau congé peut être donné
ou l'a
été effectivement. En l'occurrence, la durée déterminante pour le
calcul de
la valeur litigieuse correspond à la période de trois ans pendant
laquelle
l'art. 271a al. 1 let. e CO, auquel renvoie l'art. 300 al. 1 CO,
consacre
l'annulabilité d'une résiliation (arrêt 4C.310/1996, consid. 2 in: SJ
1997 p.
493). Comme les loyers, gérances et charges qu'ont versé les
recourantes
jusqu'en septembre 2000 s'élevaient mensuellement à 4100 fr., la
limite de
8000 fr. fixée par l'art. 46 OJ pour la recevabilité du recours en
réforme
est sans conteste atteinte.

1.2 Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral
(art. 43
al. 1 OJ). Il ne permet en revanche pas d'invoquer la violation
directe d'un
droit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1 2e phrase OJ) ou la
violation du
droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c et les arrêts cités).
Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son
raisonnement sur
la base des faits contenus dans la décision
attaquée, à
moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été
violées, qu'il y ait lieu à rectification de constatations reposant
sur une
inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter
les
constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu
compte
de faits pertinents et régulièrement allégués (art. 64 OJ; ATF 127
III 248
ibidem). Dans la mesure où une partie recourante présente un état de
fait qui
s'écarte de celui contenu dans la décision attaquée, sans se
prévaloir avec
précision de l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il
n'est pas
possible d'en tenir compte (ATF 127 III 248 consid. 2c). Il ne peut
être
présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou
de moyens
de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Le recours n'est pas
ouvert
pour se plaindre de l'appréciation des preuves et des constatations
de fait
qui en découlent (ATF 127 III 543 consid. 2c; 126 III 189 consid. 2a;
125 III
78 consid. 3a).
Si le Tribunal fédéral ne saurait aller au-delà des conclusions des
parties,
lesquelles ne peuvent en prendre de nouvelles (art. 55 al. 1 let. b
in fine
OJ), il n'est lié ni par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al. 1
OJ), ni
par ceux de la décision cantonale (art. 63 al. 3 OJ; ATF 127 III 248
consid.
2c; 126 III 59 consid. 2a). Le Tribunal fédéral peut donc admettre un
recours
pour d'autres motifs que ceux invoqués par la partie recourante; il
peut
aussi rejeter un recours en opérant une substitution de motifs,
c'est-à-dire
en adoptant une autre argumentation juridique que celle retenue par
la cour
cantonale (ATF 127 III 248 consid. 2c).

2.
2.1D'après les recourantes, les intimées n'ont pas établi leur
qualité de
parties au bail qui aurait lié les premières à la SI C.________. A
les en
croire, après l'extinction du bail principal le 30 septembre 1999,
seul un
nouveau bail aurait pu naître entre la bailleresse et A.________ SA,
mais,
dans ce cas, l'autre partie au contrat de sous-bail serait demeurée
la masse
en faillite de B.________ SA. Lorsque le bail principal a pris fin,
les
recourantes se seraient trouvées sans "bailleresse légitimée" dès
cette date.
Les défenderesses relèvent que dès l'instant où F.________ agissait
indifféremment pour les demanderesses, la SI C.________ et B.________
SA, il
leur était impossible de savoir qui était le destinataire de leurs
versements. Les recourantes en concluent que la Chambre d'appel a
violé le
droit fédéral, et singulièrement les art. 8 CC et 274d CO, pour avoir
admis
la légitimation active et passive des intimées comme
sous-bailleresses.

2.2 La question de la qualité pour agir dans un procès civil relève du
fondement matériel de l'action et doit être examinée d'office, que
soit
applicable la maxime des débats ou la maxime inquisitoriale sociale
instaurée
en droit du bail par l'art. 274d al. 3 CO. L'absence de cette qualité
entraîne non pas l'irrecevabilité de la demande, mais son rejet. Pour
trancher cette question, qui porte sur la titularité du droit invoqué
en
justice, il faut déterminer si la partie demanderesse est bien le
sujet actif
de ce droit (ATF 125 III 82 consid. 1a; 123 III 60 consid. 3a; 114 II
345
consid. 3a et les références). Il appartient au demandeur de prouver
les
faits dont il déduit sa qualité pour agir (art. 8 CC; ATF 123 III 60
consid.
3a).
Afin de bien saisir la portée juridique du déroulement des
événements, les
différentes relations contractuelles qui se sont nouées seront
étudiées par
ordre chronologique.

2.3 Il résulte de l'état de fait définitif (art. 63 al. 2 OJ) qu'à
une date
indéterminée la SI C.________ a loué des locaux à usage de restaurant
à la
société B.________ SA. Celle-ci a sous-loué le 15 octobre 1998 une
partie des
locaux aux défenderesses pour l'exploitation d'un snack-bar thaï,
moyennant
le versement annuellement d'une redevance de gérance libre de 24 000
fr. et
d'un loyer du même montant, avec des acomptes de charges de 1200 fr.

Il sied de déterminer si ce contrat de sous-location constituait un
bail à
loyer (art. 253 CO) ou un bail à ferme non agricole (art. 275 CO).
Le bail à ferme se distingue du bail à loyer par l'objet du contrat.
Le
bailleur ne cède pas à son cocontractant l'usage de n'importe quelle
chose,
mais l'usage d'un bien ou d'un droit productif, dont le fermier peut
percevoir les fruits ou les produits (cf. art. 275 CO). Il y a bail à
ferme
notamment lorsque le bailleur cède l'exploitation d'une entreprise
entièrement équipée, c'est-à-dire d'un outil de production; en
revanche, il
faut retenir la qualification de bail à loyer s'il cède des locaux
qu'il
appartient au cocontractant d'aménager pour en faire une entreprise
productive (ATF 4C.145/2002 du 19 août 2002, consid. 2.1). La mise en
gérance
libre d'un établissement public complètement équipé donne lieu à un
bail à
ferme non agricole (Lachat, Le bail à loyer, p. 55 n. 2.1; Tercier,
Les
contrats spéciaux, 2e éd., n. 2172). En l'espèce, il n'est pas établi
que les
recourantes aient dû modifier les locaux sous-loués pour ouvrir le
snack-bar
en cause. Partant, le contrat conclu entre B.________ SA et les
recourantes
doit être qualifié de sous-affermage au sens de l'art. 291 CO.

2.4 La cour cantonale a retenu souverainement que le 26 septembre
1999,
B.________ SA a cédé à l'intimée A.________ SA le contrat de gérance
portant
sur le snack-bar thaï, "dans la mesure où A.________ SA sera locataire
principal de (l'arcade exploitée par les sous-locataires) dès le 1er
octobre
1999". Il n'a pas été constaté que le bénéficiaire de la cession ait
versé un
quelconque montant au transférant.

L'analyse de cet acte juridique n'est pas simple. Il convient
toutefois
d'admettre que, de façon insolite, B.________ SA, locataire principal
de la
SI C.________, a voulu diviser le contrat de sous-affermage passé
avec les
recourantes en deux volets: la gérance libre et le bail à loyer (cf.,
pour un
tel cas de figure, arrêt 4C. 43/2000 du 21 mai 2001, consid. 2c).

Le sort de ces deux nouvelles conventions doit être examiné
séparément, afin
de déterminer si les demanderesses peuvent en déduire des prétentions
à
l'encontre des défenderesses.

2.4.1 La cession par B.________ SA du contrat de gérance à A.________
SA
s'apparente à un transfert à un tiers d'un bail à ferme de locaux
commerciaux
comme l'entend l'art. 292 CO, soumis à la condition (suspensive) que
le
reprenant devienne le locataire principal de la société propriétaire
au plus
tôt le 1er octobre 1999.
Les recourantes semblent trouver étrange que la cession de la gérance
l'ait
été vraisemblablement à titre gratuit. L'art. 19 al. 1 CO confère
pourtant
aux cocontractants le libre choix de l'objet du contrat, qui comprend
singulièrement la liberté de fixer l'étendue de chaque prestation
contractuelle (cf. Pierre Engel, Traité des obligations en droit
suisse, 2e
éd., p. 103/104). Mais la gratuité de la cession de la gérance en
question
peut s'expliquer en l'occurrence par le fait que les deux sociétés
impliquées
dans l'opération comptaient, au nombre de leurs administrateurs, le
même
M.________ (art. 64 al. 2 OJ). La participation d'une même personne à
la
formation de la volonté des deux sociétés anonymes contractantes ne
rend pas
surprenante la circonstance que la cession du contrat ait été
effectuée sans
qu'une contrepartie financière fût versée.

L'art. 292 CO renvoie à l'art. 263 CO, qui prescrit que le bailleur
doit
consentir au transfert du bail (al. 1). Le consentement du bailleur
est une
condition suspensive du transfert. Pour des raisons de preuve, l'art.
263 al.
1 CO exige que le consentement soit donné sous la forme écrite (ATF
125 III
226 consid. 2b et les références doctrinales). L'opinion majoritaire
est
toutefois d'avis que le bailleur abuse de son droit s'il se prévaut de
l'absence de forme écrite alors qu'il a accepté le transfert par acte
concluant (David Lachat, Le bail à loyer, p. 387, n. 3.3.5; Peter
Higi,
Commentaire zurichois, n. 28 ad art. 263 CO; Richard Barbey, Le
transfert du
bail commercial (art. 263 CO), SJ 1992, p. 58 s., ch. 47; Christophe
Reymond,
Le transfert du bail commercial, Questions de droit / Centre patronal
(Lausanne) 2001, no 9, p. 8; plus nuancé SVIT-Kommentar Mietrecht II,
n. 10
ad art. 263 CO).
Il suit de là que le transfert du contrat de gérance à la demanderesse
A.________ SA était ainsi assorti de deux conditions suspensives,
soit, d'une
part, la conclusion par la société reprenante d'un bail principal
avec la SI
C.________ à partir du 1er octobre 1999, et, d'autre part, l'accord du
bailleur au transfert. Or, ces deux conditions se sont bel et bien
réalisées.

En effet, par contrat du 29 octobre 1999, la SI C.________ a remis à
bail aux
demanderesses dès le 1er novembre 1999 les deux arcades de l'immeuble
où se
trouvent les établissements "D.________" et "E.________".

Par ailleurs, à teneur de l'art. 5 des clauses particulières du bail,
les
intimées ont déclaré reprendre intégralement l'ensemble des dettes de
B.________ SA et dame U.________ envers la société propriétaire. Cette
reprise de dettes, que la bailleresse a dûment acceptée par écrit en
signant
le bail précité, a eu notamment pour conséquence que les demanderesses
étaient désormais subrogées à B.________ SA dans le contrat de
gérance, ce
qui correspond bien au statut juridique que revêt à l'endroit du
bailleur le
bénéficiaire du transfert d'un bail commercial (art. 263 al. 3 CO par
renvoi
de l'art. 292 CO; cf. Lachat, op. cit., p. 389 ch. 3.4.1; Higi, op.
cit., n.
46 et n. 47 ad art. 263 CO). On ne saurait raisonnablement expliquer
autrement, dans le contexte de l'affaire, la présence d'un telle
clause dans
la convention du 29 octobre 1999.
Partant, dès le 1er novembre 1999, l'intimée A.________ SA a repris
le volet
du contrat de sous-affermage correspondant au contrat de gérance
portant sur
l'établissement "E.________", ainsi que l'a jugé la Chambre d'appel,
de sorte
qu'elle était en droit de percevoir des défenderesses le montant de la
gérance libre, arrêté à 2000 fr. par mois.

2.4.2 L'autorité cantonale a retenu que le contrat du 15 octobre 1998
était
lié au contrat de bail principal (arrêt déféré p. 2 in fine). Il
s'ensuit que
le contrat principal de bail à ferme qui liait B.________ SA à la SI
C.________ devait en tout cas durer jusqu'au 31 octobre 2000, qui
était la
date d'échéance de l'accord de sous-affermage en l'absence de
reconduction.

Il résulte pourtant de l'art. 4 des "clauses particulières" du bail à
loyer
passé le 29 octobre 1999 entre la SI C.________ et les demanderesses
que
B.________ SA et son administratrice dame U.________ intervenaient
audit
contrat afin de mettre fin au bail de B.________ SA pour le 30
octobre 1999.

L'interprétation de cette manifestation de volonté selon la théorie
de la
confiance (sur le principe de la confiance et le pouvoir d'examen du
Tribunal
fédéral: cf. ATF 127 III 248 consid. 3a, 444 consid. 1b) permet de
poser que
la société propriétaire de l'immeuble en cause et B.________ SA ont
entendu
résilier prématurément le bail à ferme qui les liait par une
convention de
résiliation (Aufhebungsvertrag). On peut effectivement mettre un
terme en
tout temps à un bail, comme à tout rapport d'obligation, en passant
un tel
accord qui constitue, par application analogique de l'art. 115 CO, un
contrat
de disposition dont la validité ne dépend pas du respect d'une forme
spéciale
(ATF 95 II 419 consid. 2d; Higi, op. cit., n. 17 et n. 18 ad art. 255
CO et
n. 12 ss ad Vorbemerkungen zu Art. 266 -266o CO; SVIT-Kommentar
Mietrecht II,
n. 16 ad Vorbemerkungen zu Art. 266 -266o CO; Roger Weber/Peter
Zihlmann,
Commentaire bâlois, n. 2 ad art. 255 CO).
Dès l'instant où le bail principal entre la société propriétaire et
B.________ SA a pris fin, d'entente entre les contractants, le 30
octobre
1999, le second volet du contrat de sous-affermage du 15 octobre
1998, à
savoir le bail à loyer, s'est éteint à la même date. De fait, du
moment que
la sous-location se caractérise par la superposition de deux contrats
portant
sur le même objet (ATF 124 III 62 consid. 2b), la poursuite de la
sous-location devient impossible à l'expiration du bail principal
(Lachat,
op. cit., p. 383, n. 2.3.5).

D'après les constatations de l'arrêt déféré, aucun bail de
sous-location
écrit n'a été conclu entre les recourantes et les intimées, qui sont
devenues, par la conclusion du bail commercial du 29 octobre 1999, les
locataires principales des arcades de l'immeuble concerné à compter
du 1er
novembre 1999. Mais les recourantes ont continué d'occuper les locaux
qu'elles avaient sous-loués et ont payé, jusqu'en septembre 2000,
notamment
le loyer de sous-location - tel qu'il avait été fixé dans le contrat
éteint -
à la régie F.________, comme cela avait été convenu dans ledit
contrat. A
cela s'ajoute que l'intimée A.________ SA ne s'est pas opposée à la
sous-location des locaux en question, puisqu'elle s'est plainte, dans
son
courrier du 22 février 2000 aux sous-locataires, que ces dernières
avaient
deux mois de retard dans le paiement du loyer. Dans ces
circonstances, il y a
lieu de déduire, à partir de l'interprétation de l'attitude et des
déclarations des parties selon le principe de la confiance, la
conclusion

entre celles-ci, à partir du 31 octobre 1999, d'un sous-bail à loyer
par
actes concluants, aux mêmes conditions que celles qui étaient
convenues dans
l'acte du 15 octobre 1998 (art. 1 al. 2 CO; Lachat, op. cit., p. 118,
n.
4.5.1).

Arrivé à ce stade du raisonnement, on voit donc que les demanderesses,
titulaires du contrat de sous-location qui a remplacé le second volet
du
contrat de sous-affermage (soit le bail à loyer qui liait B.________
SA aux
recourantes), étaient parfaitement en droit d'exiger des
défenderesses le
paiement d'un loyer de 2000 fr. par mois, plus un acompte mensuel de
chauffage de 100 fr.

C'est donc sans violer le droit fédéral, et singulièrement l'art. 8
CC, que
la cour cantonale a considéré, d'un côté, que A.________ SA avait
prouvé être
habilitée à réclamer aux recourantes les redevances de gérance,
arrêtées à
2000 fr. par mois, et, de l'autre, que les demanderesses avaient
établi être
légitimées à exiger des sous-locataires le versement de loyers, se
montant
mensuellement, avec les charges, à 2100 fr.

3.
Les défenderesses reconnaissent qu'elles n'ont pas payé le montant du
loyer,
les charges et la redevance de gérance du mois d'octobre 2000. Elles
prétendent néanmoins vouloir compenser au sens des art. 120 ss CO le
loyer
dû, et les loyers ultérieurs qu'elles n'ont plus payés, avec les
redevances
de gérances qu'elles auraient versées "inutilement" aux
demanderesses entre
le 1er octobre 1999 et le 30 septembre 2000, puisque celles-ci ne
seraient
"pas devenues parties au bail".
Comme les recourantes ne sont titulaires d'aucune créance à
l'encontre des
intimées, aucune compensation, susceptible d'empêcher la résiliation
extraordinaire de l'art. 257d CO pour le bail à loyer et de l'art.
282 CO
pour le bail à ferme, n'entre bien évidemment en considération.

Le moyen est privé de tout fondement.

4.
Dès l'instant où il est établi que les recourantes n'ont pas payé le
loyer,
les charges et la redevance de gérance d'octobre 2000 dans le délai
de 60
jours que le conseil des deux demanderesses leur avait fixé en
application de
l'art. 282 al. 1 CO (délai qui est plus long que le délai minimal de
l'art.
257d al. 1 CO), A.________ SA, s'agissant du contrat de gérance, et
les deux
demanderesses conjointement, s'agissant du bail à loyer, pouvaient
résilier
les contrats qui les concernaient pour la fin d'un mois, moyennant un
délai
de congé minimum de trente jours (art. 257d al. 2 et 282 al. 2 CO).

Il convient encore de préciser que le contrat de gérance et le
contrat de
sous-bail formaient, dans l'idée des parties, une unité juridique et
économique indissociable au point de constituer un contrat complexe
(sur
cette figure juridique: ATF 107 II 144 consid. 2; Engel, op. cit., p.
176),
aucun des contrats liés ne pouvant prendre fin séparément (le même,
Contrats
de droit suisse, 2e éd., p. 741/742).

Les demanderesses ont ainsi agi en pleine conformité avec le droit
fédéral en
résiliant les deux contrats liés le 9 janvier 2001 pour le 28 février
2001.

N'étant plus au bénéfice d'aucun titre pour demeurer dans les locaux
qu'elles
avaient sous-loués, les recourantes doivent les évacuer de leur
personne et
de leurs biens.

5.
En définitive, le recours doit être rejeté, l'arrêt attaqué étant
confirmé.
Vu l'issue du litige, les recourantes, qui succombent, supporteront
solidairement les frais de justice (art. 156 al. 1 OJ). Elles
verseront
solidairement des dépens aux intimées, créancières solidaires, dès
l'instant
où ces dernières étaient encore représentées par un avocat
lorsqu'elles ont
déposé leur réponse (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté et l'arrêt attaqué est confirmé.

2.
Un émolument judiciaire de 2000 fr. est mis solidairement à la charge
des
recourantes.

3.
Les recourantes verseront solidairement aux intimées, créancières
solidaires,
une indemnité de 2500 fr. à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre d'appel en
matière de baux et loyers du canton de Genève.

Lausanne, le 8 octobre 2002

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.167/2002
Date de la décision : 08/10/2002
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-10-08;4c.167.2002 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award