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01/10/2002 | SUISSE | N°2A.542/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 01 octobre 2002, 2A.542/2001


{T 1/2}
2A.542/2001/dxc

Arrêt du 1er octobre 2002
IIe Cour de droit public

Les juges fédéraux Wurzburger, président,
Hungerbühler, Müller, Yersin et Merkli,
greffière Dupraz.

Syndicat UNIA, 3000 Berne 23,
Syndicat SIB, section bernoise UNIA, 3001 Berne,
Syndicat FTMH, section bernoise UNIA, 3000 Berne 15,
recourants, tous les trois représentés par Me François Contini,
avocat, rue
Karl-Neuhaus 21, case postale 508, 2501 Bienne,

contre

Office cantonal de l'industrie, des arts et métiers

et du travail du
canton
de Berne, Laupenstrasse 22, 3011 Berne,
Direction de l'économie publique du canton d...

{T 1/2}
2A.542/2001/dxc

Arrêt du 1er octobre 2002
IIe Cour de droit public

Les juges fédéraux Wurzburger, président,
Hungerbühler, Müller, Yersin et Merkli,
greffière Dupraz.

Syndicat UNIA, 3000 Berne 23,
Syndicat SIB, section bernoise UNIA, 3001 Berne,
Syndicat FTMH, section bernoise UNIA, 3000 Berne 15,
recourants, tous les trois représentés par Me François Contini,
avocat, rue
Karl-Neuhaus 21, case postale 508, 2501 Bienne,

contre

Office cantonal de l'industrie, des arts et métiers et du travail du
canton
de Berne, Laupenstrasse 22, 3011 Berne,
Direction de l'économie publique du canton de Berne, Münsterplatz 3a,
3011
Berne,
Tribunal administratif du canton de Berne, Cour des affaires de langue
française, Speichergasse 12, 3011 Berne.

autorisation d'employer du personnel deux dimanches de l'Avent par
année

(recours de droit administratif contre le jugement du Tribunal
administratif
du canton de Berne, Cour des affaires de langue française, des 5/7
novembre
2001)

Faits:

A.
Le 1er juin 1997, l'Office cantonal de l'industrie, des arts et
métiers et du
travail du canton de Berne (ci-après: l'Office cantonal) a publié dans
l'Information systématique des communes bernoises une « Autorisation
globale
temporaire du travail du dimanche ». Cette autorisation, valable du
1er mai
1997 jusqu'à nouvel avis, permettait aux magasins de vente du canton
de Berne
d'employer deux dimanches par an (jours de grande fête exclus) de 10
heures à
16 heures des femmes, des hommes et des jeunes gens ainsi que des
apprenti(e)s occupés à la vente. L'Office cantonal énumérait en outre
toutes
les conditions que devaient respecter ceux qui feraient usage de cette
autorisation.

B.
Les 30 novembre et 1er décembre 1999, le Syndicat du secteur
tertiaire UNIA
(ci-après: UNIA) a demandé des renseignements à l'Office cantonal sur
l'emploi du personnel dans les magasins du canton de Berne, en
particulier de
la ville de Moutier, durant les dimanches précédant Noël.

L'Office cantonal a répondu par lettres des 15 et 21 décembre 1999.
Il s'est
notamment référé à l'autorisation globale du 1er juin 1997.

C.
Le 10 janvier 2000, UNIA, le Syndicat SIB-section bernoise UNIA
(ci-après:
SIB) et le Syndicat FTMH-section bernoise UNIA (ci-après: FTMH) ont
recouru à
la Direction de l'économie publique du canton de Berne (ci-après: la
Direction cantonale) en concluant à l'annulation des décisions de
l'Office
cantonal des 15 et 21 décembre 1999 ainsi qu'à celle des autorisations
d'employer du personnel le dimanche octroyées par l'Office cantonal
dans le
canton de Berne, plus spécialement dans les villes de Berne, Bienne,
Thoune,
Burgdorf, Langenthal et Moutier, et portant sur les dimanches 5, 12
et 19
décembre 1999; ils demandaient en outre à la Direction cantonale de
constater
que la pratique consistant à octroyer une autorisation générale,
comme celle
que l'Office cantonal avait accordée le 1er juin 1997, était
contraire au
droit fédéral et d'annuler avec effet immédiat la décision de l'Office
cantonal du 1er juin 1997. Ils reprochaient à l'Office cantonal de ne
pas
avoir procédé à une pesée concrète des intérêts en présence, plus
particulièrement de n'avoir pas examiné l'urgence du besoin, qu'ils
contestaient au demeurant.

Par décision du 1er septembre 2000, la Direction cantonale a rejeté le
recours, dans la mesure où il était recevable. Elle a estimé que seule
l'autorisation globale du 1er juin 1997 pouvait faire l'objet d'un
recours.
Elle considérait que, pour le canton de Berne, il existait un besoin
urgent
au sens de l'art. 19 al. 3 - en vigueur depuis le 1er août 2000 - de
la loi
fédérale du 13 mars 1964 sur le travail dans l'industrie, l'artisanat
et le
commerce (ci-après: loi sur le travail ou LTr; RS 822.11) justifiant
l'ouverture des magasins deux dimanches par an spécialement durant
l'Avent.
Le 25 octobre 2000, l'Office cantonal a édicté une autorisation
globale
temporaire de travail dominical valable du 1er décembre 2000 au 31
décembre
2003 qui reprend les termes de celle du 1er juin 1997 sauf en ce qui
concerne
l'horaire: les magasins peuvent être ouverts de 10 heures à 18 heures.

D.
Les syndicats UNIA, SIB et FTMH ont recouru contre la décision de la
Direction cantonale du 1er septembre 2000 auprès du Tribunal
administratif du
canton de Berne, Cour des affaires de langue française, (ci-après: le
Tribunal administratif). Par jugement des 5/7 novembre 2001, le
Tribunal
administratif a partiellement admis le recours, dans la mesure où il
était
recevable: il a limité l'autorisation globale temporaire de travail
dominical
à deux des quatre dimanches de l'Avent (jours de grande fête exclus).
Il a
rejeté le recours pour le surplus.

E.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, les syndicats
UNIA,
SIB et FTMH demandent au Tribunal fédéral, sous suite de frais et
dépens pour
les procédures cantonale et fédérale, d'annuler le jugement du
Tribunal
administratif des 5/7 novembre 2001 ainsi que les décisions de
l'Office
cantonal du 1er juin 1997 et de la Direction cantonale du 1er
septembre 2000.
Ils se plaignent essentiellement de violation du droit fédéral,
notamment des
art. 18 et 19 LTr. Ils contestent en particulier l'existence d'un
besoin
urgent en l'espèce.

Le Tribunal administratif se réfère au jugement attaqué. La Direction
cantonale conclut au rejet du recours sous suite de frais. L'Office
cantonal
a expressément renoncé à prendre position.

Le Département fédéral de l'économie a déposé des observations.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des
recours
qui lui sont soumis (ATF 128 II 46 consid. 2a p. 47).

1.1 Déposé en temps utile et dans les formes prescrites par la loi
contre un
jugement rendu en dernière instance cantonale et fondé sur le droit
public
fédéral, le présent recours, qui ne tombe sous aucune des exceptions
des art.
99 à 102 OJ, est en principe recevable en vertu des art. 97 ss OJ
ainsi que
de la règle particulière de l'art. 57 LTr, dans la mesure où il s'en
prend au
jugement du Tribunal administratif des 5/7 novembre 2001; c'est à
juste titre
que le Tribunal administratif a considéré que la voie du recours de
droit
administratif était ouverte à l'encontre de son jugement des 5/7
novembre
2001, après avoir rappelé que l'autorisation globale du 1er juin 1997
était
une décision - ce qui ne va pas de soi, vu que ladite autorisation
est de
durée illimitée et ne dit pas concrètement quels dimanches les
magasins
peuvent rester ouverts - (cf. arrêt 2A.413/1994 du 5 septembre 1995,
consid.
1b non publié in: RDAT 1996 I 63 188). En revanche, le présent
recours est
irrecevable en tant qu'il attaque la décision de l'Office cantonal du
1er
juin 1997 et la décision de la Direction cantonale du 1er septembre
2000, car
il ne s'agit pas de décisions prises par des autorités cantonales
statuant en
dernière instance au sens de l'art. 98 lettre g OJ.

1.2 Selon les art. 58 al. 1 LTr et 103 lettres a et c OJ, ont qualité
pour
recourir les employeurs et travailleurs intéressés et leurs
associations
ainsi que toute personne qui justifie d'un intérêt direct.

D'après leurs statuts respectifs, les recourants défendent tous les
trois les
intérêts matériels, professionnels, sociaux et culturels de leurs
membres. De
plus, ils sont ouverts à toute personne active dans le secteur
tertiaire
privé, en particulier dans la vente ou le commerce. Il y a donc lieu
d'admettre qu'ils ont la qualité pour agir (cf. arrêt 2A.413/1994 du 5
septembre 1995, consid. 1e non publié, in: RDAT 1996 I 63 188).

1.3 En principe, la qualité pour recourir suppose un intérêt actuel à
obtenir
l'annulation de la décision attaquée. Le Tribunal fédéral fait
toutefois
abstraction de cette exigence lorsque la contestation peut se
reproduire en
tout temps dans des circonstances identiques ou analogues, que sa
nature ne
permet pas de la trancher avant qu'elle ne perde son actualité et
que, en
raison de sa portée de principe, il existe un intérêt public
suffisamment
important à la solution de la question litigieuse (ATF 125 II 497
consid.
1a/bb p. 499/500; 118 Ib 1 consid. 2b p. 8). En l'espèce, l'intérêt
actuel a
disparu, puisque l'autorisation globale du 1er juin 1997 qui est à
l'origine
du présent litige a été remplacée par l'autorisation globale du 25
octobre
2000. Toutefois, cette nouvelle autorisation globale reprend pour
l'essentiel
les termes de celle du 1er juin 1997 et la procédure ouverte à son
encontre,
qui est actuellement suspendue, ne pourra pas forcément être terminée
avant
qu'elle-même ne soit échue. Ainsi, une situation analogue pourrait se
reproduire régulièrement sans qu'une procédure de recours ne puisse
aboutir
en temps utile. Dès lors, les conditions prévues par la jurisprudence
rappelée ci-dessus sont remplies et il y a lieu d'entrer en matière
sur le
fond.

2.
D'après l'art. 104 OJ, le recours de droit administratif peut être
formé pour
violation du droit fédéral, y compris l'excès et l'abus du pouvoir
d'appréciation (lettre a) ainsi que pour constatation inexacte ou
incomplète
des faits pertinents, sous réserve de l'art. 105 al. 2 OJ (lettre b).
Le
Tribunal fédéral vérifie d'office l'application du droit fédéral, qui
englobe
notamment les droits constitutionnels des citoyens (ATF 124 II 517
consid. 1
p. 519; 123 II 385 consid. 3 p. 388), sans être lié par les motifs
invoqués
par les parties (art. 114 al. 1 in fine OJ). Il n'en laisse pas moins
une
certaine liberté d'appréciation aux autorités inférieures dans
l'application
de concepts légaux indéterminés, en particulier lorsque des
circonstances
locales doivent être prises en considération. En raison de cette
liberté
d'appréciation, il examine avec retenue les questions que les
autorités
inférieures ont pu trancher sur la base d'une meilleure connaissance
des
circonstances particulières locales, techniques ou personnelles (ATF
119 Ib
254 consid. 2b p. 265). Par ailleurs, lorsque le recours est dirigé,
comme en
l'espèce, contre la décision d'une autorité judiciaire, le Tribunal
fédéral
est lié par les faits constatés dans cette décision, sauf s'ils sont
manifestement inexacts ou incomplets ou s'ils ont été établis au
mépris de
règles essentielles de procédure (art. 105 al. 2 OJ). En outre, le
Tribunal
fédéral ne peut pas revoir l'opportunité du jugement entrepris, le
droit
fédéral ne prévoyant pas un tel examen en la matière (art. 104 lettre
c ch. 3
OJ).

La Direction cantonale a produit devant l'autorité de céans un
certain nombre
de pièces. Ces pièces ne peuvent pas être prises en considération en
tant
qu'elles concernent une période postérieure à la validité de
l'autorisation
globale du 1er juin 1997. Par ailleurs, dans la mesure où elles
auraient déjà
pu être déposées auprès du Tribunal administratif - le cas échéant,
grâce à
une enquête effectuée en temps utile auprès des commerçants
intéressés -, il
y a également lieu de les retrancher du dossier.

3.
3.1La loi sur le travail a été modifiée par une novelle du 20 mars
1998, qui
est entrée en vigueur le 1er août 2000. Le présent litige concerne
l'autorisation d'employer du personnel deux dimanches de l'Avent en
1999. Le
droit applicable en l'espèce est donc la loi sur le travail dans sa
teneur
d'avant le 1er août 2000. Au demeurant, le nouveau droit n'apporte
pas de
changements significatifs dans le domaine en cause ici. En principe,
l'ancien
droit peut donc être interprété à la lumière de la modification du 20
mars
1998, qui codifie la pratique et la jurisprudence.

La loi sur le travail consacre le principe de l'interdiction de
travailler le
dimanche à son art. 18 al. 1, 1ère phrase (cf., au sujet de la
justification
de ce principe, l'ATF 120 Ib 332 consid. 3a p. 333/334). Ce principe
souffre
cependant des exceptions. C'est ainsi que l'art. 19 al. 1 LTr (dans sa
version d'avant le 1er août 2000) prévoit que l'autorité cantonale
peut
autoriser temporairement le travail du dimanche à trois conditions:
il faut
(a) qu'il existe un besoin urgent dûment établi, (b) que les
travailleurs
affectés à ce travail y consentent et (c) que l'employeur leur verse,
en
contrepartie, un supplément de salaire d'au moins cinquante pour
cent. Dans
sa version actuelle, l'art. 19 LTr contient d'ailleurs les mêmes
conditions.

3.2 Sous l'empire de l'ancien droit, le Tribunal fédéral a défini
notamment
la notion de besoin urgent.

Le 27 juin 1994, dans une affaire jurassienne (ATF 120 Ib 332 consid.
4b p.
334/335), il a relevé que la demande en biens de consommation
augmentait
pendant la période précédant Noël et que le besoin accru des
consommateurs
devait être satisfait durant une période très limitée dans le temps.
Il a
toutefois retenu que ces considérations ne permettaient pas encore
d'établir
l'urgence à satisfaire ces besoins par une ouverture des commerces le
dimanche. Les consommateurs pouvaient acquérir des biens de
consommation
pendant les jours ouvrables. En outre, la commune de Porrentruy avait
déjà
autorisé deux ouvertures nocturnes des commerces durant la période
précédant
Noël. Une ouverture dominicale des commerces - demandée pour le
dimanche 19
décembre 1993 de 14 heures à 18 heures 30 -
ne correspondait donc pas
à un
besoin urgent de ces derniers, quand bien même, accompagnée
d'animations
diverses, elle aurait eu un effet publicitaire bienvenu.

Un peu plus d'un an après l'arrêt précité, le Tribunal fédéral s'est
prononcé
sur une affaire tessinoise dans un arrêt du 5 septembre 1995 (RDAT
1996 I 63
188, consid. 5c et 5d, p. 191/192). Il a souligné qu'au Tessin, des
ouvertures dominicales des commerces durant la période précédant Noël
étaient
autorisées depuis 1934 et qu'elles étaient régulièrement accordées
depuis une
vingtaine d'années - soit depuis 1975 environ - pour un ou deux
dimanche(s)
après-midi par an. Il s'agissait d'un usage qui pouvait apparaître
comme
l'indice d'un besoin, que les clients satisferaient à l'étranger le
cas
échéant, compte tenu des conditions favorables existant en Italie
(heures
d'ouverture des magasins, taux de change). En outre, pendant la
période
précédant Noël, où la demande de biens de consommation est
particulièrement
forte, il y avait lieu de contrecarrer la tendance de la clientèle à
aller
s'approvisionner à l'étranger. Il est donc apparu que la conjonction
d'une
longue habitude d'ouverture dominicale des magasins durant la période
précédant Noël et d'une situation économique difficile où il
convenait de
retenir les consommateurs au Tessin créait un besoin urgent
justifiant une
dérogation au principe de l'interdiction du travail dominical. La
dérogation
accordée - qui concernait les magasins, les salons de coiffure, les
pharmacies, les boucheries et les charcuteries - portait sur deux
dimanches
après-midi; elle reprenait en outre les conditions de l'art. 19 al. 1
LTr
relatives au consentement des travailleurs et au supplément de
salaire.

Plus récemment, le Tribunal fédéral a admis, dans une affaire
vaudoise,
l'existence d'un besoin urgent justifiant l'ouverture des magasins les
dimanches 13 et 20 décembre 1998, de 14 heures à 18 heures (arrêt
2A.578/1999
du 5 mai 2000, spéc. consid. 4b). Il a souligné l'imbrication de
l'animation
qui résultait du marché de Noël de Montreux - dont les stands avaient
été
installés pour la plupart le long de la Grand-Rue et sous le marché
couvert
de Montreux - et de celle qui était due à l'ensemble de l'activité
commerciale de la place. Il a relevé que cette interdépendance était
une
caractéristique de cette cause et que les critères dégagés dans
l'affaire
tessinoise précitée étaient réalisés dans le cas vaudois (tradition
consistant à ouvrir les commerces montreusiens certains dimanches
pendant la
période précédant Noël; âpreté de la concurrence étrangère). Au
demeurant,
les commerçants en cause s'étaient expressément engagés à verser aux
travailleurs concernés un supplément de salaire d'au moins cinquante
pour
cent.

A l'heure actuelle, l'art. 27 de l'ordonnance 1 du 10 mai 2000
relative à la
loi sur le travail (OLT 1; RS 822.111) détermine ce qu'il faut
entendre par
besoin urgent; l'art. 27 al. 1 lettre c OLT 1 dispose:
« Le besoin urgent est établi lorsque s'imposent:
a. (...)
b. (...)
c. des interventions de durée limitée, de nuit ou le dimanche, dans
le
cadre d'événements de société ou de manifestations d'ordre culturel
ou
sportif procédant des spécificités et coutumes locales ou des besoins
particuliers de la clientèle. »

4.
Les recourants reprochent au Tribunal administratif d'avoir violé les
art. 18
et 19 LTr en confirmant une pratique consistant à accorder des
autorisations
globales de travail du dimanche sans examiner s'il existe un besoin
urgent.
Ils estiment d'ailleurs que l'octroi de toute autorisation générale
dans ce
domaine est incompatible avec la pesée des intérêts en présence
nécessaire
pour évaluer l'existence d'un besoin urgent. Ils nient en outre que
l'autorisation globale litigieuse puisse se fonder sur la loi
bernoise du 4
novembre 1992 sur le commerce et l'industrie (ci-après: LCI), en
particulier
sur l'art. 11a LCI, en tant que cette réglementation irait à
l'encontre de la
force dérogatoire du droit fédéral. Les recourants soutiennent aussi
que
l'autorité intimée aurait violé le principe de la séparation des
pouvoirs
dans la mesure où le jugement attaqué créerait en fait une règle de
niveau
législatif. Enfin, ils nient l'existence d'un besoin urgent en
l'espèce.

4.1 L'art. 18 LTr, qui interdit le travail dominical, fait partie des
dispositions légales visant à protéger les travailleurs (cf. le
message du 30
septembre 1960 du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant
un projet
de loi sur le tra vail dans l'industrie, l'artisanat et le commerce,
in FF
1960 II 885 ss, spéc. p. 909, 953 et 955-957). Le 1er décembre 1996,
un
projet de modification de la loi sur le travail, qui prévoyait
notamment
l'occupation des travailleurs sans autorisation officielle pendant six
dimanches et jours fériés par an (cf. FF 1996 I 1275 ss, spéc. p.
1279), a
été rejeté en votation populaire. Il est ressorti d'une analyse que
l'assouplissement du travail dominical avait été un des éléments
déterminants
pour le rejet de ce projet (cf. le rapport du 17 novembre 1997 de la
Commission de l'économie et des redevances du Conseil national au
sujet de
l'initiative parlementaire concernant la révision de la loi sur le
travail,
in FF 1998 p. 1128 ss, spéc. p. 1131). Le 1er décembre 1996, les
citoyens
bernois ont par ailleurs adopté l'art. 11a LCI, selon lequel deux
jours
fériés officiels par année, excepté les jours de grande fête, d'autres
magasins que les laiteries, les boulangeries, les pâtisseries, les
confiseries, les magasins d'alimentation dont la surface ne dépasse
pas 120
m2 et les magasins de fleurs, pouvaient également ouvrir de 10 heures
à 16
heures (durée portée à 18 heures, le 6 avril 2000). Cette nouvelle
disposition bernoise, qui n'est pas en soi incompatible avec le droit
fédéral
en vigueur, ne saurait cependant servir à le contourner (cf. ATF 125
I 431
consid. 3b/aa p. 434). De plus, il ne serait pas admissible
d'introduire par
une voie détournée une réglementation que le peuple a refusée en
votation
populaire et à laquelle le Parlement a renoncé même sous la forme
atténuée de
deux dimanches travaillés par an en adoptant la novelle du 20 mars
1998. A
cet égard, la lettre du 10 mars 1997 de l'Office fédéral de
l'industrie des
arts et métiers et du travail (ci-après: l'Office fédéral), adressée
aux
autorités cantonales d'exécution de la loi sur le travail, puis sa
circulaire
d'octobre 1997, relative à la loi sur le travail concernant le
travail du
dimanche dans les magasins, sont critiquables. En effet, dans ces deux
textes, l'Office fédéral a affirmé qu'il était possible d'accorder
deux
autorisations globales par année, sans analyser s'il existait
véritablement
un besoin. Ainsi, l'autorisation globale du 1er juin 1997 ne saurait
se
fonder valablement ni sur l'art. 11a LCI ni sur la lettre de l'Office
fédéral
du 10 mars 1997 pour établir une réglementation contraire à la loi
sur le
travail.

Au demeurant, le fait que l'autorisation du 1er juin 1997 ait un
certain
caractère global n'est pas en soi critiquable, bien que la définition
de la
décision contenue dans l'art. 5 PA n'indique pas à quelles conditions
cela
serait possible (cf. toutefois l'art. 30a PA; au sujet des décisions
globales, Alfred Kölz/Isabelle Häner, Verwaltungverfahren und
Verwaltungsrechtspflege des Bundes, 2e éd., Zurich 1998, n. 493-495,
p.
178/179). Or, il est indéniable que des raisons pratiques justifient
parfois
de régler un certain nombre de cas concrets dans une seule décision.
En
revanche, une telle simplification n'est admissible que dans le
respect des
exigences légales, ici notamment de la clause du besoin urgent dûment
établi
(cf. RDAT 1996 I 63 188, consid. 6, p. 193/194).

4.2 Reste à examiner si c'est à bon droit que l'autorité intimée a
admis
l'existence d'un besoin urgent dûment établi justifiant l'ouverture
des
commerces sur tout le territoire du canton de Berne durant deux
dimanches de
l'Avent, de 10 heures à 16 heures, voire 18 heures.

Dans le cas tessinois précité (RDAT 1996 I 63 188, consid. 5c et 5d,
p.
191/192), le Tribunal fédéral a considéré qu'il existait un besoin
résultant
d'une longue tradition d'ouverture des commerces durant les dimanches
précédant Noël - remontant à 1934. Il a également tenu compte d'une
tradition, mais plus récente, dans l'affaire vaudoise susmentionnée
(arrêt
2A.578/1999 du 5 mai 2000, consid. 4b). En l'espèce, l'examen du
dossier ne
fait pas apparaître une tradition de ce genre dans tout le canton de
Berne.
Il ressort du jugement attaqué que ce sont au contraire les
ouvertures des
commerces le dimanche qui ont provoqué différentes manifestations
dans les
principales localités bernoises. Or, une dérogation à l'interdiction
du
travail dominical n'est justifiée que si elle satisfait un besoin
préexistant, et non pas si elle en crée un nouveau. Dans le cas
particulier,
on ne saurait par conséquent admettre qu'il existe un besoin urgent
fondé sur
une tradition pour l'ensemble du canton de Berne. Au surplus, s'il
existait
une tradition dans l'une ou l'autre commune bernoise, une dérogation
à
l'interdiction du travail dominical serait envisageable pour ladite
commune,
en raison des particularités de sa situation. Ainsi, la dérogation
admise par
l'autorité de céans dans l'affaire vaudoise évoquée ci-dessus (arrêt
2A.578/1999 du 5 mai 2000, consid. 4b), limitait ses effets aux
commerçants
requérants d'une seule localité. Enfin les communes qui satisfont aux
besoins
du tourisme (cf. art. 27 al. 2 lettre c LTr) peuvent être soumises à
des
dispositions dérogatoires.

Dans le cas tessinois précité (RDAT 1996 I 63 188, consid. 5d, p.
192), le
Tribunal fédéral a aussi pris en considération l'existence d'un besoin
résultant de la concurrence italienne spécialement vive, alors que la
situation économique était déjà très tendue. Dans l'affaire vaudoise
susmentionnée (arrêt 2A.578/1999 du 5 mai 2000, consid. 4b), il a
également
évoqué, mais dans une moindre mesure, l'élément de la concurrence
étrangère.
Dans le cas présent, ce facteur n'entre pas en ligne de compte. Le
canton de
Berne qui, au centre de la Suisse, ne subit pas une forte pression de
la
concurrence étrangère n'a pas une situation comparable à celle d'un
canton
frontalier. En particulier, on ne saurait suivre l'autorité intimée
lorsqu'elle assimile les principales villes bernoises à des localités
frontalières - sans les qualifier ainsi - en raison de la mobilité de
la
clientèle. En effet, une conception aussi large permettrait
d'instaurer un
régime frontalier pour l'ensemble du territoire suisse, du seul fait
que les
voies de communication routières et ferroviaires y sont performantes.
De
toute façon, des dérogations à l'interdiction du travail dominical ne
sont
accordées que restrictivement même aux commerces frontaliers, comme
cela
ressort de l'arrêt concernant Porrentruy (ATF 120 Ib 332 consid. 5b
et 5c p.
335-337).

Au demeurant, si une dérogation a été admise dans les affaires
tessinoise et
vaudoise précitées (cf. RDAT 1996 I 63 188, consid. 5d, p. 192/193 et
arrêt
2A.578/1999 du 5 mai 2000, consid. 4b), c'est en raison de
circonstances bien
particulières qu'on ne retrouve pas dans la présente espèce.
D'ailleurs,
l'autorité intimée a elle-même admis qu'au regard de la jurisprudence
relative à l'affaire jurassienne susmentionnée (ATF 120 Ib 332), on
voyait
mal selon quels critères un besoin urgent pourrait être reconnu dans
le cas
particulier (jugement attaqué, consid. 3.4.2 p. 24), d'autant que
l'autorisation critiquée concerne tous les commerces de tout le
territoire du
canton de Berne.

Il apparaît dès lors que le Tribunal administratif a violé le droit
fédéral
en considérant qu'il existait un besoin urgent justifiant l'ouverture
de tous
les commerces du canton de Berne durant deux dimanches de l'Avent de
10
heures à 16 heures. Il n'est pas nécessaire d'examiner si cette
violation de
la loi sur le travail constitue, au surplus, une entorse au principe
de la
séparation des pouvoirs.

Comme l'une des conditions cumulatives auxquelles est soumis le
travail
dominical temporaire n'est pas remplie en l'espèce, il y a lieu
d'annuler le
jugement entrepris, sans examiner si les autres exigences sont
satisfaites.

5.
Vu ce qui précède, le recours doit être admis, dans la mesure où il
est
recevable, et le jugement attaqué annulé.

Bien qu'il succombe, le canton de Berne n'a pas à supporter les frais
judiciaires (art. 156 al. 2 OJ).

Les recourants ont droit à des dépens pour la procédure fédérale
(art. 159
al. 1 OJ).

Il convient de renvoyer la cause à l'autorité intimée pour qu'elle
statue sur
les frais et dépens de la procédure cantonale

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis, dans la mesure où il est recevable, et le
jugement du
Tribunal administratif du canton de Berne, Cour des affaires de langue
française, des 5/7 novembre 2001 est annulé.

2.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

3.
Le canton de Berne versera aux recourants, créanciers solidaires, une
indemnité de 2'000 fr. à titre de dépens pour la procédure fédérale.

4.
La cause est renvoyée au Tribunal administratif du canton de Berne,
Cour des
affaires de langue française, pour qu'il statue sur les frais et
dépens
de la
procédure cantonale.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire des
recourants, à
l'Office cantonal de l'industrie, des arts et métiers et du travail,
à la
Direction de l'économie publique et au Tribunal administratif, Cour
des
affaires de langue française, du canton de Berne ainsi qu'au
Département
fédéral de l'économie.

Lausanne, le 1er octobre 2002

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.542/2001
Date de la décision : 01/10/2002
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-10-01;2a.542.2001 ?
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