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23/09/2002 | SUISSE | N°1P.360/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 23 septembre 2002, 1P.360/2002


{T 0/2}
1P.360/2002/mks

Arrêt du 23 septembre 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Nay, Reeb,
greffier Parmelin.

A. X.________ et M. X.________,
recourants, tous les deux représentés par Me Nicolas Saviaux, avocat,
case
postale 155, 1000 Lausanne 13,

contre

Y.________, intimé, représenté par Me Denis Bridel, avocat, case
postale 234,
1001 Lausanne,
Juge d'instruction de l'arrondissement

de l'Est vaudois, quai
Maria-Belgia
18, case postale, 1800 Vevey,
Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton...

{T 0/2}
1P.360/2002/mks

Arrêt du 23 septembre 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Nay, Reeb,
greffier Parmelin.

A. X.________ et M. X.________,
recourants, tous les deux représentés par Me Nicolas Saviaux, avocat,
case
postale 155, 1000 Lausanne 13,

contre

Y.________, intimé, représenté par Me Denis Bridel, avocat, case
postale 234,
1001 Lausanne,
Juge d'instruction de l'arrondissement de l'Est vaudois, quai
Maria-Belgia
18, case postale, 1800 Vevey,
Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud, route
du Signal
8, 1014 Lausanne.

art. 9 Cst.; condamnation du plaignant aux frais d'enquête

recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal d'accusation du
Tribunal
cantonal du canton de Vaud du 27 mars 2002

Faits:

A.
Le 21 mars 2001, A. et M. X.________ ont déposé une plainte pénale
contre
leur voisin Y.________ notamment pour violation du domaine secret ou
du
domaine privé au moyen d'un appareil de prise de vues au sens de
l'art.
179quater CP. Ils lui reprochaient d'avoir porté atteinte à leur
sphère
privée en les prenant en photographie contre leur volonté alors qu'ils
reculaient avec leur véhicule à l'intérieur de leur garage. En plus
de celle
à l'origine de la plainte, plusieurs photographies de la villa des
plaignants
ont été saisies le 21 mai 2001 au domicile du dénoncé, que celui-ci
aurait
prises afin de constituer un dossier à l'attention de la Municipalité
de
B.________ destiné à établir divers éléments non réglementaires de
leur
villa.
Estimant que les photographies prises par Y.________ n'étaient
nullement
attentatoires au domaine secret des époux X.________, le Juge
d'instruction
de l'arrondissement de l'Est vaudois a prononcé un non-lieu au terme
d'une
ordonnance rendue le 15 février 2002. Il a laissé les frais à la
charge de
l'Etat au motif que le climat tendu régnant entre les parties pouvait
effectivement donner à penser aux plaignants que leur sphère privée
et leur
intimité avaient bien été violées.
Statuant par arrêt du 27 mars 2002, le Tribunal d'accusation du
Tribunal
cantonal du canton de Vaud (ci-après: le Tribunal d'accusation ou la
cour
cantonale) a rejeté le recours formé par les plaignants contre cette
décision. Il a confirmé le non-lieu rendu en faveur de Y.________ au
motif
que les photographies litigieuses ne se rapportaient pas à des faits
relevant
du domaine secret ou de la sphère privée des époux X.________ et que
leur
réalisation ne tombait pas sous le coup de l'art. 179quater CP. Il a
également considéré que le refus de donner suite aux mesures
d'instruction
requises par les plaignants ne violait pas leur droit d'être entendus
garanti
à l'art. 29 al. 2 Cst. Il a en revanche réformé d'office l'ordonnance
attaquée en mettant les frais d'enquête, par 840 fr., à la charge des
époux
X.________ solidairement entre eux.

B.
Agissant par la voie du recours de droit public pour violation de
l'art. 9
Cst., A. et M. X.________ demandent au Tribunal fédéral d'annuler cet
arrêt
qui reposerait, selon eux, sur une application arbitraire du droit
cantonal
de procédure.
Le Tribunal d'accusation se réfère aux considérants de son arrêt.
Y.________
s'en remet à justice. Le Juge d'instruction de l'arrondissement de
l'Est
vaudois n'a pas déposé d'observations.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Selon une jurisprudence constante, le plaignant débouté n'est en
principe pas
habilité, au sens de l'art. 88 OJ, à former un recours de droit
public contre
une décision de classement de la procédure pénale ou un jugement
d'acquittement au motif qu'il n'est pas lésé dans un intérêt
personnel et
juridiquement protégé par la décision de ne pas poursuivre ou punir
l'auteur
d'une prétendue infraction (ATF 126 I 97 consid. 1a p. 99; 125 I 253
consid.
1b p. 255). En revanche, il a qualité pour contester sa condamnation à
supporter personnellement en tout ou partie les frais de la
procédure. Il
convient en conséquence d'entrer en matière sur le grief d'arbitraire
qui est
élevé sur ce point.

2.
Une décision est arbitraire et, partant, contraire à l'art. 9 Cst.,
lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair
et
indiscuté, ou contredit d'une manière choquante le sentiment de la
justice et
de l'équité. Le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue
par
l'autorité cantonale de dernière instance que si sa décision apparaît
insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective,
adoptée
sans motifs objectifs ou en violation d'un droit certain. En outre,
il ne
suffit pas que les motifs de la décision soient insoutenables; encore
faut-il
que celle-ci soit arbitraire dans son résultat. A cet égard, il ne
suffit pas
non plus qu'une solution différente de celle retenue par l'autorité
cantonale
puisse être tenue pour également concevable, ou apparaisse même
préférable
(ATF 127 I 54 consid. 2b p. 56).

3.
Les recourants reprochent au Tribunal d'accusation d'avoir tenu
arbitrairement leur plainte pour abusive et d'avoir mis à leur charge
les
frais d'enquête pour ce motif; ils dénoncent à ce propos une
violation de
l'art. 159 al. 1 du Code de procédure pénale vaudois (CPP vaud.), qui
permet
d'astreindre le plaignant ou la partie civile à supporter une partie
des
frais si l'équité l'exige, notamment s'ils ont agi par dol, témérité
ou
légèreté ou s'ils ont compliqué l'instruction.

3.1 Les frais d'une procédure pénale close par un non-lieu peuvent
être mis
en tout ou partie à la charge du plaignant lorsque la plainte est
abusive
(cf. pour des exemples de plaintes abusives, ATF 105 IV 229; 104 IV
90; sur
la notion d'abus de droit, voir ATF 125 IV 79 consid. 1b p. 81;
Thierry
Tanquerel, L'abus de droit en droit public suisse, Saint-Etienne
2001, p.
174/175 et les références citées). Tel est notamment le cas lorsque le
justiciable utilise la voie pénale pour améliorer sa position dans un
procès
civil (arrêt du Tribunal fédéral 1A.32/1995 du 2 juin 1995, consid.
3e/bb) ou
pour éviter l'introduction à ses frais d'une demande de mesures
provisionnelles devant le juge civil (arrêt du Tribunal fédéral
1P.153/1996
du 28 juin 1996, consid. 2). Les frais d'enquête peuvent également
être mis à
la charge du plaignant lorsque la plainte revêt un caractère
chicanier,
notamment lorsqu'elle est déposée en réaction à une dénonciation de
la partie
adverse (arrêt du Tribunal fédéral 1P.698/1990 du 23 octobre 1991;
voir aussi
ATF 120 IV 107 consid. 2c p. 110; 118 IV 291 consid. 2a p. 293). Il
convient
toutefois de faire preuve de retenue dans l'admission d'un éventuel
abus de
procédure, même si celui-ci ne doit pas nécessairement d'emblée être
manifeste (ATF 115 IV 167 consid. 4b p. 172; 105 IV 229 consid. 1 p.
231; 104
IV 90 consid. 3b p. 94).

3.2 En l'occurrence, le Tribunal d'accusation a considéré la plainte
comme
abusive parce que leurs auteurs, qui bénéficiaient de l'assistance
d'un
avocat avant même le dépôt de leur plainte, devaient réaliser que
leur voisin
ne se rendait pas coupable de l'infraction réprimée à l'art.
179quater CP en
les photographiant depuis sa propriété alors qu'ils reculaient en
voiture
pour se rendre à l'intérieur de leur garage.
Les recourants fondaient leur plainte sur la jurisprudence du Tribunal
fédéral publiée aux ATF 118 IV 41, suivant laquelle celui qui
photographie,
contre la volonté de celui-ci, l'occupant d'une maison qui se tient
devant la
porte, saisit un fait qui relève du domaine privé et qui ne peut être
perçu
sans autre par chacun au sens de l'art. 179quater CP. Si, à la
lecture de cet
arrêt, ils pouvaient éventuellement encore de bonne foi nourrir un
doute sur
le respect de cette disposition pénale, ce doute a été levé après
avoir vu la
photographie incriminée et celles qui ont été saisies après
l'audition de
leur voisin effectuée le 21 mai 2001. Dès cet instant, les recourants
pouvaient en effet se rendre compte qu'ils n'étaient pas visibles ou
du moins
clairement identifiables ni sur la prise de vue litigieuse à
l'origine de
leur plainte, ni sur les autres photographies et constater que
Y.________
n'avait ainsi porté aucune atteinte à leur sphère privée pénalement
répréhensible. Or, loin de retirer leur plainte, ils l'ont maintenue.
En
définitive, si celle-ci ne pouvait être qualifiée d'abusive
lorsqu'elle a été
déposée, son maintien ne se justifiait en revanche plus au regard de
la
jurisprudence du Tribunal fédéral à laquelle se réfèrent les
recourants.
L'arrêt attaqué échappe ainsi au grief d'arbitraire si ce n'est dans
sa
motivation, du moins dans son résultat, sans qu'il y ait lieu
d'examiner si,
par le biais de la procédure pénale, ils entendaient en fait éviter
d'intenter une action civile fondée sur l'art. 28a al. 1 à 3 CC ou
réunir les
éléments nécessaires à l'introduction d'une telle action.

4.
Le recours doit par conséquent être rejeté aux frais des recourants,
qui
succombent (art. 156 al. 1 OJ). Ni Y.________ qui s'en est remis à
justice,
ni l'autorité intimée n'ont droit à des dépens (art. 159 al. 1 et 2
OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge des
recourants.

3.
Il n'est pas alloué de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties,
au Juge
d'instruction de l'arrondissement de l'Est vaudois et au Tribunal
d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 23 septembre 2002

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.360/2002
Date de la décision : 23/09/2002
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-09-23;1p.360.2002 ?
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