La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/09/2002 | SUISSE | N°1P.320/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 23 septembre 2002, 1P.320/2002


{T 0/2}
1P.320/2002 /svc

Arrêt du 23 septembre 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Aeschlimann, Reeb,
greffier Zimmermann.

V. ________, recourant, représenté par Me Louis-Marc Perroud, avocat,
case
postale 538, 1701 Fribourg,

contre

Syndicat d'améliorations foncières de E.________,
par G.________, intimé,
Commission cantonale de recours en matière d'améliorations foncières
du
canton

de Fribourg,
p.a. B.________, Président.

art. 8, 9 et 26 Cst.; remaniement parcellaire

recours de droit public cont...

{T 0/2}
1P.320/2002 /svc

Arrêt du 23 septembre 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Aeschlimann, Reeb,
greffier Zimmermann.

V. ________, recourant, représenté par Me Louis-Marc Perroud, avocat,
case
postale 538, 1701 Fribourg,

contre

Syndicat d'améliorations foncières de E.________,
par G.________, intimé,
Commission cantonale de recours en matière d'améliorations foncières
du
canton de Fribourg,
p.a. B.________, Président.

art. 8, 9 et 26 Cst.; remaniement parcellaire

recours de droit public contre la décision de la Commission cantonale
de
recours en matière d'améliorations foncières du canton de Fribourg du
25
avril 2002

Faits:

A.
Le Syndicat d'améliorations foncières de E.________ (ci-après: le
Syndicat) a
mis à l'enquête publique, du 22 juin au 23 juillet 2001, un projet de
remaniement parcellaire portant notamment sur le nouvel état de
propriété,
les soultes, les indemnités pour éloignement, les servitudes et
charges
foncières, les mentions, annotations et sentiers publics, ainsi que
les
modifications et réadaptations des taxes et des valeurs passagères.
Ce projet
concernait en particulier F.D.________ et B.D.________, O.________ et
V.________, qui exploitent trois domaines agricoles à E.________.

Dans l'ancien état, les frères D.________ étaient propriétaires de
cinq
parcelles, d'une surface agricole totale de 118'924 m2 et d'une
valeur
estimative de 9'474'696 points, soit 80 points/m2. O.________ était
propriétaire de dix-huit parcelles, d'une surface agricole totale de
215'100
m2, valant 15'441'018 points, soit 72 points/m2. V.________ était
propriétaire de dix-sept parcelles, d'une surface agricole totale de
206'667
m2, valant 15'969'862 points, soit 77 points/m2. Les terrains des
frères
D.________ étaient répartis sur trois sites, au nord, au nord-est et
au
sud-ouest du village de E.________; ceux de O.________ étaient situés
de part
et d'autre du centre de ce village, avec un groupe de terrains au
sud-est et
un autre au sud, au lieu-dit "C.________". Quant à V.________, sous
réserve
de deux petites parcelles isolées au nord du village de E.________,
ses
terrains étaient sis principalement au sud de celui-ci. Les trois
propriétaires avaient une partie de leurs terrains à l'est de la voie
de
chemin de fer (ci-après: voie CFF), laquelle traverse le territoire
communal
selon un axe nord-sud, à l'est du village de E.________, en aval de
celui-ci.

Dans le nouvel état, tel que projeté par le Syndicat, les frères
D.________
se sont vus attribuer quatre parcelles (nos 10.1 à 10.4 NE), d'une
surface
agricole totale de 121'543 m2 et d'une valeur estimative de 9'428'153
points,
soit 78 points/m2. O.________ a reçu neuf parcelles (nos 14.1 à 14.9
NE),
d'une surface agricole totale de 209'733 m2 et d'une valeur
estimative de
15'404'321 points, soit 73 points/m2. Quant à V.________, il a reçu
sept
parcelles (nos 33.1 à 33.7 NE), d'une surface agricole totale de
218'925 m2
et d'une valeur estimative de 15'819'735 points, soit 72 points/m2.
Selon le
nouvel état, les terres attribuées aux frères D.________ étaient
répartis sur
trois sites, au sud-ouest (parcelle n° 10.3 NE), au nord (parcelle
nos 10.1
et 10.4 NE) et au nord-est (parcelle n° 10.2 NE) du village de
E.________;
celles de O.________ étaient rassemblées à l'ouest (parcelle n° 14.2
NE), au
sud-ouest (parcelle n° 14.7 NE) et à l'est (parcelles nos 14.1, 14.3,
14.4,
14.5, 14.6 et 14.9 NE) du village, avec en sus la parcelle n°
14.8 NE
de "C.________". Les terres de V.________ étaient regroupées au
sud-ouest, au sud et au sud-est (au lieu-dit "U.________") du
village. Tous
ces terrains se trouvaient de part et d'autre de la voie CFF. Une
indemnité
pour éloignement de 5'155 fr. a été mise à la charge du Syndicat, en
faveur
de V.________.
Le 19 juillet 2001, celui-ci s'est opposé au projet de nouvel état.
Il a
conclu que la parcelle n° 33 qui lui appartenait dans l'ancien état,
formant
la partie méridionale de la parcelle n° 14.1 NE, lui soit conservée.
Il a
revendiqué en outre la parcelle n° 10.3 NE. En échange, V.________ a
offert
de céder aux autres propriétaires les parcelles nos 33.5 et 33.6 NE,
ainsi
que toutes les terres qui lui avaient été attribuées à l'est de la
voie CFF.

Après avoir tenté vainement une conciliation, la Commission de
classification
du Syndicat (ci-après: la Commission de classification) a, le 30 août
2001,
rejeté l'opposition.

V. ________ a recouru auprès de la Commission cantonale de recours en
matière
d'améliorations foncières du canton de Fribourg (ci-après: la
Commission de
recours). Il a proposé une nouvelle répartition des terres dans le
nouvel
état, entre lui-même, les frères D.________ et O.________. Il a
requis en
outre une soulte pour ses frais de mandataire et de géomètre.

Le 30 janvier 2002, la Commission de recours a procédé à une
inspection des
lieu et à l'audition des parties. V.________ a présenté une nouvelle
conclusion, subsidiaire, selon laquelle la parcelle n° 33 AE lui
serait
attribuée, sous réserve d'une compensation à accorder à O.________. La
Commission de recours a suspendu sa séance afin que la Commission de
classification puisse se prononcer sur cette suggestion. Le 20
février 2002,
la Commission de classification en a proposé le rejet.

Le 28 février 2002, la Commission de recours a repris son audience.
V.________ a retiré sa conclusion subsidiaire présentée le 30 janvier
2002.
La Commission de recours a rejeté la requête tendant à la désignation
d'un
expert.

Le 25 avril 2002, la Commission de recours a rejeté le recours.

B.
Agissant par la voie du recours de droit public, V.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler la décision du 25 avril 2002. Il invoque
les art.
8, 9 et 26 Cst. Il requiert une inspection locale.

La Commission de recours conclut au rejet du recours. Le Syndicat ne
s'est
pas déterminé.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Compte tenu du pouvoir d'examen du Tribunal fédéral (consid. 3.2
ci-dessous)
et du fait que la Commission de classification et la Commission de
recours se
sont rendues sur place, il n'y a pas lieu de procéder à l'inspection
locale
requise par le recourant.

2.
La Commission de recours est une autorité spéciale de la juridiction
administrative cantonale (art. 3 al. 2 let. b et 117 let. b du Code
fribourgeois de procédure et de juridiction administrative (sic) du
23 mai
1991 - CPJA). Le Tribunal administratif ne connaît des recours contre
les
décisions rendues par les commissions de recours que lorsque la loi le
prévoit (art. 114 al. 2 CPJA). Or, en matière d'améliorations
foncières, les
décisions rendues sur opposition et qui ont fait l'objet d'un recours
auprès
de la Commission de recours ne sont pas attaquables devant le Tribunal
administratif, selon l'art. 208 al. 1 de la loi fribourgeoise sur les
améliorations foncières, du 30 mai 1990 (LAF), a contrario. Partant,
le
recours de droit public formé directement contre la décision rendue
par la
Commission de recours est recevable au regard de l'art. 86 al. 1 OJ.

3.
Le recourant invoque le droit de propriété garanti par l'art. 26 Cst.

3.1 Les restrictions à la propriété ne sont compatibles avec la
Constitution
que si elles reposent sur une base légale, sont justifiées par un
intérêt
public suffisant et respectent le principe de la proportionnalité
(art. 36
al. 1 à 3 Cst.; ATF 126 I 219 consid. 2a et 2c p. 221/222; pour la
jurisprudence relative à l'art. 22ter aCst., cf. ATF 121 I 117
consid. 3b p.
120; 120 Ia 126 consid. 5a p. 142, 270 consid. 3 p. 273; 119 Ia 348
consid.
2a p. 353 et les arrêts cités).

3.2 Selon le principe de la compensation réelle - ou de l'équivalence
- qui
régit la confection du nouvel état de propriété dans les remaniements
parcellaires, les propriétaires intéressés à une telle entreprise ont
une
prétention à recevoir dans la nouvelle répartition des terrains
équivalant,
en quantité et en qualité, à ceux qu'ils ont cédés, pour autant que
le but du
remaniement et les nécessités techniques le permettent (ATF 122 I 120
consid.
5 p. 127; 119 Ia 21 consid. 1a p. 24/25 et les arrêts cités).
S'agissant d'un
remaniement agricole touchant aux bases mêmes de l'existence d'une
exploitation, l'autorité doit tenir compte non seulement de
l'emplacement des
terres, de leur nature et de leur qualité, mais aussi de
l'organisation de
l'entreprise et de ses particularités (ATF 119 Ia 21 consid. 1a p.
24/25).
L'autorité doit rechercher toutes les solutions objectivement
concevables
pour résoudre les difficultés techniques susceptibles de compromettre
la mise
en oeuvre du principe de la compensation réelle (ATF 119 Ia 21
consid. 1a p.
24/25). Si elle aboutit à la conclusion que des désavantages sérieux
découlent de l'attribution prévue, l'autorité doit examiner s'il est
techniquement possible de l'améliorer par des changements appropriés;
elle
doit aussi considérer la situation des autres membres du syndicat et
contrôler que la répartition des avantages et des inconvénients s'est
faite
de manière équitable (ATF 95 I 522 consid. 4 et 7d p. 523-525). Cette
exigence découle aussi du droit à l'égalité de traitement (art. 8
Cst.).
Celui-ci, qui n'a en général qu'une portée restreinte en matière
d'aménagement du territoire (cf. ATF 118 Ia 151 consid. 6c p. 162;
116 Ia 193
consid. 3b p. 195; 114 Ia 254 consid. 4a p. 257 et les arrêts cités),
pèse
plus lourd dans le domaine des améliorations foncières, où les
investissements des collectivités publiques créent des plus-values
substantielles (ATF 119 Ia 21 consid. 1b p. 25/26; 105 Ia 324 consid.
2c p.
326; 95 I 522 consid. 4 p. 524). Le droit à l'égalité est toutefois
réduit en
tant que, selon le cours ordinaire des choses, il est rarement
possible
d'assurer à chacun des propriétaires touchés une participation
proportionnellement égale à l'enrichissement collectif. Il suffit que
les
disparités relevées à l'issue de la confection du nouvel état ne
soient pas
manifestes ou choquantes (ATF 119 Ia 21 consid. 1b p. 25/26; 105 Ia
324
consid. 2c p. 326/327). S'il apparaît que la situation faite à un
propriétaire dans le nouvel état n'est pas totalement insoutenable,
mais
qu'elle est pourtant clairement insatisfaisante, parce que l'autorité
a omis
des éléments essentiels dans la confection du nouvel état (par
exemple, les
particularités de l'exploitation) ou parce qu'elle a négligé
d'utiliser tous
les moyens techniques à disposition pour améliorer cette situation, la
décision cantonale doit alors être annulée pour arbitraire (ATF 105
Ia 324
consid. 1b p. 326; dans l'arrêt G., paru aux ATF 119 Ia 21 consid. 1b
p. 26,
le Tribunal fédéral a évoqué dans ce contexte le déni de justice
formel
plutôt que matériel; cette distinction est toutefois sans incidence).
Le
Tribunal fédéral fait preuve de retenue dans l'examen de questions qui
relèvent des circonstances locales, voire d'aspects techniques, que
les
autorités cantonales sont censées mieux connaître que lui (ATF 119 Ia
21
consid. 1c p. 26; 105 Ia 324 consid. 2c p. 327 et les arrêts cités).

L'art. 110 LAF, invoqué par le recourant, n'a pas de portée propre au
regard
de ces principes. Lorsque, comme en l'espèce, le recourant critique
l'application des règles gouvernant le remaniement - notamment celle
de la
compensation réelle -, le grief tiré de l'art. 26 Cst. se confond
avec celui
de l'interdiction de l'arbitraire (ATF 119 Ia 21 consid. 1a p. 25 et
les
arrêts cités). Une décision est arbitraire lorsqu'elle viole
gravement une
norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou lorsqu'elle
contredit
d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité; à
cet
égard, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par
l'autorité
cantonale de dernière instance que si elle apparaît insoutenable, en
contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans
motifs
objectifs et en violation d'un droit certain. En outre, il ne suffit
pas que
les motifs de la décision critiquée soient insoutenables, encore
faut-il que
cette dernière soit arbitraire dans son résultat (ATF 127 I 54
consid. 2b p.
56, 60 consid. 5a p. 70; 126 I 168 consid. 3a p. 170 et les arrêts
cités). Il
n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une autre interprétation de la
loi soit
possible, ou même préférable (ATF 124 I 247 consid. 5 p. 250/251; 120
Ia 369
consid. 3a p. 373; 118 Ia 497 consid. 2a p. 499).

4.
Le recourant soutient que la proposition alternative qu'il a faite
dans la
procédure cantonale réaliserait au mieux les objectifs du
remaniement. Le
refus de la Commission de classification, puis de la Commission de
recours,
de se rallier à ce projet aboutirait à un résultat arbitraire,
inéquitable et
incompatible avec le principe de la compensation réelle.

4.1 La proposition du recourant tendait à ce que la parcelle n° 10.3
NE
(parcelle n° 126 AE, appartenant aux frères D.________ et maintenue
dans leur
domaine selon le nouvel état proposé par la Commission de
classification) lui
soit attribuée. Pour compenser la perte subie par les frères
D.________ à la
suite de cette rocade, le recourant a proposé que ceux-ci reçoivent
la partie
septentrionale de la parcelle n° 14.4
NE (attribuée à O.________),
jouxtant
au sud la parcelle n° 10.2 des frères D.________. En échange, le
recourant
offrait de céder à O.________ la partie méridionale de la parcelle n°
33.5
NE.

La position défendue par le recourant peut paraître paradoxale, car la
solution qu'il propose lui est moins favorable que celle retenue dans
le
nouvel état, tant en ce qui concerne la surface agricole disponible
(218'925
m2 dans le nouvel état, 209'648 m2 selon sa proposition) que la valeur
estimative (15'819'735 points dans le nouvel état; 15'758'916 points
selon sa
proposition). A y regarder de plus près, on comprend toutefois que le
but
recherché par le recourant est de concentrer ses terres à proximité
de sa
ferme, et, sous réserve de la parcelle n° 33.91 NE, de ne plus en
posséder à
l'est de la voie CFF. Cela implique, selon son projet, de regrouper
les
terrains de O.________, hormis les parcelles nos 14.7 et 14.8. NE,
aux abords
du centre du village et de concentrer celles des frères D.________
dans la
partie septentrionale de celui-ci. En outre, le maintien du passage à
niveau
non gardé traversant la voie CFF à la hauteur de la cote 587,
garantirait au
recourant une liaison quasi-directe avec le secteur de "U.________".
Une
telle répartition, assurément idéale pour le recourant, produirait
toutefois,
par contrecoup, des effets préjudiciables pour les autres
propriétaires
concernés.

Dans le nouvel état, tel que proposé par le recourant, les frères
D.________
ne disposeraient plus que de trois parcelles (nos 10.1, 10.2 et
10.4), d'une
surface agricole supérieure à l'ancien état; la valeur de ces terres
serait
inférieure à celle de l'ancien état, mais dans une moindre mesure que
dans le
nouvel état proposé par la Commission de classification (cf. le
tableau
récapitulatif établi par la Commission de classification à
l'intention de la
Commission de recours). Celle-ci a toutefois tenu compte, dans ses
attributions, du fait que les frères D.________ ont pris à bail la
parcelle
n° 201 AE, propriété d'un dénommé M.________. Ce bien-fonds forme
avec la
parcelle n° 126 AE (10.3 NE) un ensemble, sis au sud-ouest du village,
constituant le coeur de l'exploitation des frères D.________.
L'attribution
au recourant de la parcelle n° 126 AE (10.3 NE) qu'il revendique,
romprait
l'équilibre du domaine des frères D.________, de manière inacceptable
pour
eux et irréalisable pour le Syndicat.

Le recourant fait valoir qu'avec la solution qu'il préconise, les
frères
D.________ n'auraient plus à traverser le village du nord au sud pour
les
besoins de l'exploitation de la parcelle n° 126 AE (10.3 NE) si
celle-ci leur
était retirée. L'argument n'est pas pertinent. Quelle que soit la
solution
retenue en fin de compte, les frères D.________ continueront
d'exploiter la
parcelle n° 201 AE qui leur a été remise à bail. Les hypothèses que
fait le
recourant quant au sort du contrat y relatif, eu égard à l'âge des
frères
D.________ (soixante-quatre et soixante-dix ans), sont hors de propos
du
point de vue du remaniement. S'il est probable que les frères
D.________
remettront leur domaine dans un futur plus ou moins proche, cela
n'exclut pas
toutefois qu'un nouvel exploitant leur succède, qui reprenne aussi le
bail
les liant à M.________.

La proposition du recourant présente pour O.________ l'inconvénient
majeur de
le priver de l'essentiel de la parcelle n° 14.4 NE et de lui
attribuer les
nouvelles parcelles nos 14.91 et 14.92 NE. Cette dernière se trouve
dans le
secteur de "U.________" et son attribution à O.________ aurait pour
effet
d'accentuer la dispersion de ses terres, le mettant ainsi dans une
situation
plus défavorable que le recourant et les frères D.________.

4.2 L'exploitation des terres sises à l'est de la voie CFF soulève des
difficultés liées au franchissement de cette voie. Dans l'ancien
état, tant
les frères D.________ (à raison de 29% de la surface totale de leurs
terres),
que O.________ (à raison de 34% de la surface totale de ses terres)
et le
recourant (à raison de 31% de la surface totale de ses terres) y
étaient
confrontés. Dans le nouvel état proposé par la Commission de
classification,
les frères D.________ bénéficient, de ce point de vue, de la meilleure
situation: leur part est quasiment maintenue (28%), alors que celle de
O.________ (42%) et du recourant (45%) est sensiblement augmentée. A
cet
égard, toutefois, la proposition du recourant conduirait à une
situation
encore plus déséquilibrée, car sa part des terres sises à l'est de
la voie
CFF serait réduite à 12% de la surface totale, correspondant à 7% de
la
valeur estimative totale (cf. le tableau comparatif établi par la
Commission
de classification à l'intention de la Commission de recours). En
outre, alors
que la part des terres attenantes à la ferme était équivalente dans
le nouvel
état (18% de la surface totale pour ce qui concerne les frères
D.________,
20% pour O.________ et 23% pour le recourant), cette proportion
s'élèverait à
55% pour le recourant, selon la variante qu'il préconise. L'ensemble
de ces
éléments le placerait dans une situation privilégiée par rapport à
celle des
frères D.________ et de O.________.

4.3 Le remaniement vise notamment à la suppression des passages à
niveau non
gardés sur la voie CFF, en particulier de celui se trouvant à la
hauteur de
la cote 587, au sud-est du village (trajet méridional). Cela a pour
conséquence que, pour gagner les terrains situés à l'est de la voie,
le
recourant devra emprunter ou bien le passage sous-voie existant à
l'est du
centre du village (trajet central), ou bien le passage à niveau gardé
situé
au nord de celui-ci (trajet septentrional). Dans un cas comme dans
l'autre,
le recourant sera privé de l'accès le plus court aux terrains en
question
(trajet méridional). En l'état, les trajets central et septentrional
sont
dangereux à cause de la sortie des véhicules à la hauteur de la ferme
de
O.________. Pour pallier ce risque, du moins pour ce qui concerne le
trajet
central, il est prévu, dans le nouvel état, de créer un nouveau
chemin le
long du bâtiment n° 158. Cette solution n'est certes pas optimale,
car, dans
le trajet central, le passage sous-voie existant ne présente qu'une
largeur
de 3m. Les convois agricoles les plus importants (comme la
moissonneuse-batteuse, par exemple) ne pourront ainsi pas l'emprunter
et
devront faire le détour imposé par le trajet septentrional. Pour les
autorités du Syndicat, cet inconvénient - qui ne touche pas le
recourant
seulement, mais aussi O.________ - devrait cependant demeurer
l'exception.
Concrètement, l'utilisation du trajet central imposera au recourant
de faire
parcourir à ses machines et à son bétail une distance totale de 400m
environ,
le long de terres qu'il ne possède pas et sur un chemin qu'il reste à
créer,
pour un coût de l'ordre de 50'000 fr. à prendre en charge par le
Syndicat.

Il est certain que la suppression du passage à niveau non gardé,
combinée
avec le regroupement de toutes les terres du recourant en amont de la
voie
CFF (sous réserve de la parcelle n° 33.91), lui éviterait tous ces
obstacles.
Cette solution est cependant incompatible avec la nécessité de fermer
ces
passages dangereux, qui constitue un objectif non négociable du
remaniement.
Quant au deuxième volet de la proposition du recourant, elle
s'oppose, comme
on l'a vu (consid. 4.2 ci-dessus), à une répartition équitable des
terres de
part et d'autre de la voie CFF.

Confrontées à une situation de fait délicate, les autorités du
Syndicat ont
opté, en fin de compte, pour une solution qui n'est certes pas
idéale; les
critiques que le recourant leur adresse ne sont pas complètement
dénuées de
fondement. Cependant, dès l'instant où la Commission de
classification s'est
rendue à l'évidence qu'elle ne pouvait, sans le favoriser indûment,
attribuer
à l'un ou l'autre des propriétaires concernés des terres situées
exclusivement à l'ouest de la voie CFF, la solution que consacre le
nouvel
état peut être considérée comme soutenable. Ainsi, au regard du
principe de
base retenu, la Commission de classification, puis la Commission de
recours,
pouvaient considérer sans arbitraire qu'admettre la proposition qui
leur
était soumise avantagerait excessivement le recourant et le placerait
dans
une situation trop favorable pour que le principe d'égalité soit
respecté à
l'égard des frères D.________, d'une part, et de O.________, d'autre
part.

4.4Le recourant conteste enfin le calcul de l'indemnité d'éloignement
qui lui
est attribuée selon le nouvel état.

Dans sa prise de position du 26 mars 2002 adressée à la Commission de
recours, la Commission de classification a indiqué s'être fondée,
pour la
détermination du montant de l'indemnité en question, sur un guide
établi par
l'Office fédéral de l'agriculture. Pour l'ancien et le nouvel état,
elle a
mesuré la distance entre le centre de gravité de chaque parcelle et
les
bâtiments d'exploitation, puis déterminé une déduction exprimée en un
pourcentage (7%) de la valeur estimative de la parcelle, qu'elle a
ensuite
convertie en points. Pour l'ancien état, la déduction a été évaluée à
352'334
points, pour le nouvel état à 455'429 points. A raison de 0,05 fr.
par point,
la valeur totale atteignait 17'617 fr. pour l'ancien état et 22'771
fr. pour
le nouvel état. Le solde, soit 5'155 fr., correspondait au montant de
l'indemnité.

Le recourant critique les bases de ce calcul, en faisant valoir que,
contrairement à ce qu'il avait réclamé dans la procédure cantonale, il
n'avait pas été procédé à un calcul par capitalisation, qui aurait
tenu
compte de la durée (en années) du préjudice subi. Sur ce point, il ne
fait
qu'opposer sa méthode à celle retenue par la Commission de
classification,
qui pouvait se fonder, de manière soutenable, sur la comparaison de
l'état
d'éloignement des parcelles dans l'ancien et le nouvel état, sans
retenir,
dans aucun des deux termes mis en présence, un facteur quelconque de
capitalisation. Compte tenu du pouvoir d'appréciation laissé à
l'autorité
cantonale, qui s'est fondée sur un document émanant de services
spécialisés,
cette solution, sans être indiscutable, ne heurte pas la Constitution.

5.
Le recours doit ainsi être rejeté. Les frais sont mis à la charge du
recourant (art. 156 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens (art.
159
OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument de 4'000 fr. est mis à la charge du recourant. Il n'est
pas
alloué de dépens.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant,
au
Syndicat d'améliorations foncières de E.________ et à la Commission
cantonale
de recours en matière d'améliorations foncières du canton de Fribourg.

Lausanne, le 23 septembre 2002

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.320/2002
Date de la décision : 23/09/2002
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-09-23;1p.320.2002 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award