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23/09/2002 | SUISSE | N°1A.125/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 23 septembre 2002, 1A.125/2002


{T 0/2}
1A.125/2002/col
1P.339/2002

Arrêt du 23 septembre 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Aeschlimann, Reeb,
greffier Parmelin.

D. ________,
recourant, représenté par Me Olivier Derivaz, avocat, case postale
1472, 1870
Monthey 2,

contre

Conseil d'Etat du canton du Valais, Palais du Gouvernement, 1950 Sion,
Cour de droit public du Tribunal cantonal du canton du Valais, avenue
Mathieu-S

chiner 1, 1950 Sion 2.

fixation des modalités de paiement d'une amende pénale

recours de droit administratif et ...

{T 0/2}
1A.125/2002/col
1P.339/2002

Arrêt du 23 septembre 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Aeschlimann, Reeb,
greffier Parmelin.

D. ________,
recourant, représenté par Me Olivier Derivaz, avocat, case postale
1472, 1870
Monthey 2,

contre

Conseil d'Etat du canton du Valais, Palais du Gouvernement, 1950 Sion,
Cour de droit public du Tribunal cantonal du canton du Valais, avenue
Mathieu-Schiner 1, 1950 Sion 2.

fixation des modalités de paiement d'une amende pénale

recours de droit administratif et recours de droit public contre
l'arrêt de
la Cour de droit public du Tribunal cantonal du canton du Valais du
19 avril
2002.

Faits:

A.
D. ________ a notamment été condamné à une amende de 200'000 fr. au
terme
d'un jugement exécutoire rendu le 2 juillet 1999 par la Cour d'appel
pénale
du Tribunal cantonal du canton du Valais.
Les 19 août et 22 septembre 2000, D.________ a requis du Département
cantonal
de la sécurité et des institutions l'octroi de facilités pour le
paiement de
cette amende. Le 6 octobre 2000, il a proposé de verser 200 fr. par
mois,
avec une réévaluation de sa situation après six mois ou une année;
par la
suite, il a suggéré de payer une somme de 10'000 fr. pour solde de
tout
compte. Estimant que la situation patrimoniale du requérant lui
permettait de
s'acquitter de l'amende qui lui avait été infligée, le Chef du
Département
cantonal de la sécurité et des institutions a rejeté ces propositions
et l'a
invité à verser des acomptes mensuels d'un montant de 2'000 fr. au
minimum
par lettre du 27 octobre 2000.
Considérant que ce courrier ne constituait pas une décision
administrative
sujette à recours au sens de l'art. 5 de la loi valaisanne du 6
octobre 1976
sur la procédure et la juridiction administratives (LPJA), le Conseil
d'Etat
du canton du Valais (ci-après: le Conseil d'Etat) a déclaré
irrecevable le
recours interjeté par D.________, au terme d'une décision prise le 19
décembre 2001. La Cour de droit public du Tribunal cantonal du canton
du
Valais (ci-après: le Tribunal cantonal) a, par arrêt du 19 avril 2002,
déclaré irrecevable le recours de droit administratif formé contre
cette
décision au motif qu'il s'agissait d'une décision incidente, au sens
de
l'art. 77 let. a LPJA, qui ne pouvait faire l'objet d'un recours de
droit
administratif, dans la mesure où un tel recours n'était pas ouvert
contre la
décision au fond en vertu de l'art. 33 al. 2 a contrario de la loi
valaisanne
d'application du Code pénal suisse, du 16 mai 1990 (LACPS).

B.
Agissant par la voie du recours de droit administratif et du recours
de droit
public, D.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt et
de
renvoyer le dossier au Tribunal cantonal pour nouvelle décision. Il
prétend
que cette autorité aurait violé l'art. 98a OJ en retenant que
l'octroi de
facilités pour le paiement d'une amende pénale représentait une
simple mesure
d'exécution non sujette à recours. Il estime que l'irrecevabilité du
recours
de droit administratif devant le Tribunal cantonal consacrerait une
violation
de l'art. 6 § 1 CEDH, car les contestations relatives à l'art. 49 ch.
1 al. 2
CP ne pourraient jamais être déférées à un tribunal indépendant et
impartial.
Il soutient enfin que le refus de soumettre les décisions du Chef du
Département cantonal de la sécurité et des institutions au contrôle
d'une
autorité judiciaire de recours aboutirait à un résultat choquant et
arbitraire.
Le Tribunal cantonal a renoncé à se déterminer. Le Conseil d'Etat
conclut à
l'irrecevabilité du recours de droit administratif, subsidiairement
au rejet
des conclusions prises par le recourant.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des
recours
qui lui sont soumis (ATF 128 I 46 consid. 1a p. 48; 128 II 66 consid.
1 p.
67). Le recourant a formé parallèlement un recours de droit public et
un
recours de droit administratif contre l'arrêt attaqué. Il se justifie
de
joindre les deux procédures et de statuer en un seul arrêt (art. 40
OJ en
relation avec l'art. 24 PCF; ATF 124 III 382 consid. 1a p. 385; 123
II 16
consid. 1 p. 20; 113 Ia 390 consid. 1 p. 394). Compte tenu du
caractère
subsidiaire du recours de droit public (art. 84 al. 2 OJ), il convient
d'examiner en premier lieu la recevabilité du recours de droit
administratif.
Une décision de refus d'entrer en matière prise par une autorité
statuant en
dernière instance cantonale (cf. art. 98 let. g OJ) et fondée sur le
droit
cantonal de procédure, peut faire l'objet d'un recours de droit
administratif
au Tribunal fédéral - pour autant que cette voie de recours soit
ouverte -
dans les cas où l'autorité, si elle avait statué sur le fond, aurait

appliquer le droit public de la Confédération (ATF 125 II 10 consid.
2a p.
13; 124 I 231 consid. 1a/aa p. 233; 123 I 275 consid. 2c p. 277; 123
II 231
consid. 2 p. 234; 121 II 190 consid. 3a p. 192 et les arrêts cités).
L'art. 101 let. c OJ exclut le recours de droit administratif contre
des
mesures relatives à l'exécution des décisions; cette disposition
s'applique
notamment lorsque la décision attaquée se fonde sur une décision
rendue
précédemment et entrée en force, et qu'il ne modifie pas la situation
juridique de l'administré (ATF 119 Ib 492 consid. 3c/bb p. 498). A
fortiori,
il en va de même lorsque la décision entreprise confirme sur recours
une
telle décision. L'octroi de facilités pour le recouvrement d'une
amende
pénale sous la forme d'un délai de paiement ou d'un versement par
acomptes
est une pure mesure d'exécution du jugement pénal ordonnant cette
amende
(Andrea Brenn, Die Busse und ihr Vollzug nach dem Schweizerischen
Strafgesetzbuch, thèse Berne 1945, p. 55/56). La voie du recours de
droit
administratif n'est dès lors pas ouverte contre la décision du Chef du
Département cantonal de la sécurité et des institutions fixant les
modalités
de paiement de l'amende infligée le 2 juillet 1999 au recourant par
la Cour
pénale d'appel du Tribunal cantonal.
Etant exclu contre la décision au fond, le recours de droit
administratif
l'est également contre l'arrêt d'irrecevabilité rendu par le Tribunal
cantonal le 19 avril 2002, indépendamment du point de savoir si ce
dernier
aurait dû matériellement appliquer le droit fédéral ou le droit
cantonal
autonome.

2.
Le recourant est personnellement touché par l'arrêt d'irrecevabilité
rendu
par le Tribunal cantonal et a qualité pour se plaindre, selon l'art.
88 OJ,
d'une violation de son droit à obtenir une décision judiciaire,
indépendamment de sa vocation pour agir au fond (ATF 121 II 171
consid. 1 p.
173 et les arrêts cités). Il convient dès lors d'entrer en matière
sur le
recours de droit public qui répond au surplus aux exigences de
recevabilité
des art. 84 ss OJ.

3.
Le recourant prétend que les décisions d'irrecevabilité prises
successivement
par le Conseil d'Etat, puis par le Tribunal cantonal l'auraient privé
de tout
accès à un tribunal répondant aux exigences de l'art. 6 § 1 CEDH.
La décision par laquelle l'autorité compétente au sens de l'art. 49
ch. 1 al.
2 CP fixe les modalités de recouvrement d'une amende définitive et
exécutoire
ne concerne ni la détermination "des droits et obligations de
caractère
civil" ni le "bien-fondé d'une accusation en matière pénale" au sens
de
l'art. 6 § 1 CEDH et ne tombe donc pas dans le champ d'application de
cette
disposition, de sorte que le recourant ne saurait bénéficier des
garanties de
procédure qui en découlent et, partant, exiger que sa cause soit
déférée à un
tribunal indépendant et impartial (Jacques Velu/Rusen Ergec, La
Convention
européenne des droits de l'homme, Bruxelles 1990, n° 440, p. 391;
Robert
Zimmermann, Les sanctions disciplinaires et administratives au regard
de
l'article 6 CEDH, RDAF 1994 p. 341/342; ATF 106 IV 156 consid. 2;
s'agissant
du recouvrement d'une amende pénale, voir aussi, Reto Bernhard, Der
Bussenvollzug gemäss Art. 49 StGB, thèse Zurich 1982, p. 83 et les
références
citées en note 5). La personne condamnée à une amende pénale ne peut
d'ailleurs pas se prévaloir d'un droit subjectif à l'octroi de
facilités pour
le paiement de celle-ci, qui imposerait de soumettre toute
contestation à ce
sujet au contrôle d'une autorité judiciaire (cf. ATF 127 I 115
consid. 6 p.
122). Le Tribunal cantonal n'était donc nullement contraint d'entrer
en
matière sur le recours de droit administratif interjeté par le
recourant
contre la décision d'irrecevabilité du Conseil d'Etat pour satisfaire
aux
exigences de l'art. 6 § 1 CEDH. Le recours est donc manifestement mal
fondé
sur ce point.

4.
Aux termes de l'art. 77 let. a LPJA, le recours de droit
administratif n'est
pas recevable contre les décisions incidentes et les décisions sur
recours
pour déni de justice ou retard injustifié, si le recours n'est pas
ouvert
contre la décision finale. L'art. 33 al. 2 LACPS exclut le recours de
droit
administratif au Tribunal cantonal contre les décisions fondées sur
cette
loi, à l'exception de celles rendues en matière de libération
conditionnelle
(lettre a) et de celles exigeant le remboursement des frais
d'exécution des
peines et des mesures d'internement des délinquants d'habitude (let.
b).
Le recourant conteste la nature incidente de la décision
d'irrecevabilité
prise par le Conseil d'Etat et, partant, l'application de la clause
d'exclusion de l'art. 77 let. a LPJA dans le cas d'espèce. Il ne
prétend
cependant pas que cette disposition devrait s'interpréter
différemment de
l'art. 101 let. a OJ, dont elle reprend la teneur, conformément
d'ailleurs à
la pratique constante des autorités cantonales (cf. Jean-Claude Lugon,
Quelques aspects de la loi valaisanne sur la procédure et la
juridiction
administratives, RDAF 1989 p. 243). Or, la jurisprudence du Tribunal
fédéral
relative à l'art. 101 let. a OJ inclut dans la notion de décisions
incidentes
les jugements partiels et les décisions de non-entrée en matière (ATF
119 Ib
412 consid. 2 p. 414). Il n'était donc nullement insoutenable de
qualifier la
décision d'irrecevabilité du Conseil d'Etat de décision incidente au
sens de
l'art. 77 let. a LPJA. Cette interprétation est d'ailleurs conforme au
principe de l'unité de la procédure, qui sous-tend l'art. 101 OJ.

5.
Le recourant soutient enfin qu'il serait arbitraire de soustraire le
contentieux de l'art. 49 ch. 1 al. 2 CP du champ d'application
ordinaire du
recours de droit administratif cantonal. L'impossibilité de soumettre
au
contrôle d'une autorité judiciaire la décision du Chef du Département
cantonal de la sécurité et des institutions aboutirait à un résultat
choquant.
Ce faisant, le recourant perd de vue qu'il n'a pas un droit subjectif
à
obtenir l'octroi de facilités pour le paiement d'une amende pénale,
mais que
cette décision relève du large pouvoir d'appréciation dévolu à
l'autorité
compétente selon l'art. 49 ch. 1 al. 2 CP, suivant la façon dont cette
dernière apprécie les ressources financières du condamné (cf. la
jurisprudence rendue en matière de remise d'impôt, ATF 112 Ia 93
consid. 2c
p. 94/95; pour la décision prise en matière de grâce, ATF 117 Ia 84
consid.
1b p. 86). Aussi, les cantons sont libres de prévoir une voie de
recours
contre une telle décision. Le recourant ne peut se prévaloir à cet
égard
d'aucune disposition analogue à l'art. 98a al. 1 OJ pour les décisions
fondées exclusivement sur le droit cantonal et susceptibles d'être
déférées
devant le Tribunal fédéral par la voie du recours de droit public. Il
ne
saurait enfin déduire un tel droit directement de l'art. 9 Cst.

6.
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours de droit
public, dans la mesure où il est recevable; vu l'issue de la
procédure, un
émolument judiciaire global doit être mis à la charge du recourant qui
succombe (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a en revanche pas lieu
d'octroyer des
dépens aux autorités concernées (art. 159 al. 2 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours de droit administratif est irrecevable.

2.
Le recours de droit public est rejeté dans la mesure où il est
recevable.

3.
Un émolument global de 2'000 fr. est mis à la charge du recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant
ainsi
qu'au Conseil d'Etat et à la Cour de droit public du Tribunal
cantonal du
canton du Valais.

Lausanne, le 23 septembre 2002

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1A.125/2002
Date de la décision : 23/09/2002
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-09-23;1a.125.2002 ?
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