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20/09/2002 | SUISSE | N°1A.146/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 20 septembre 2002, 1A.146/2002


{T 0/2}
1A.146/2002 /viz

Arrêt du 20 septembre 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et
vice-président du Tribunal fédéral,
Reeb et Féraud,
greffier Kurz.

A. ________,
recourant, représenté par Me Olivier Péclard, avocat,
rue St-Victor 12, case postale 473, 1211 Genève 12,

contre

Juge d'instruction du canton de Genève, place du
Bourg-de-Four 1, case postale 3344, 1211 Genève 3,
Cour de justice du canton de Genève, Chambre d'accusation, p

lace du
Bourg-de-Four 1, case postale 3108, 1211 Genève 3.

Entraide judiciaire internationale en matière pénale ...

{T 0/2}
1A.146/2002 /viz

Arrêt du 20 septembre 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et
vice-président du Tribunal fédéral,
Reeb et Féraud,
greffier Kurz.

A. ________,
recourant, représenté par Me Olivier Péclard, avocat,
rue St-Victor 12, case postale 473, 1211 Genève 12,

contre

Juge d'instruction du canton de Genève, place du
Bourg-de-Four 1, case postale 3344, 1211 Genève 3,
Cour de justice du canton de Genève, Chambre d'accusation, place du
Bourg-de-Four 1, case postale 3108, 1211 Genève 3.

Entraide judiciaire internationale en matière pénale avec le Koweït

recours de droit administratif contre l'ordonnance
de la Chambre d'accusation du canton de Genève
du 18 avril 2002.

Faits:

A.
Le 30 juin 1997, le Procureur général de l'Etat du Koweït a adressé à
la
Suisse une demande d'entraide judiciaire pour les besoins d'une
procédure
pénale ouverte contre les dénommés B.________, C.________, D.________
et
d'autres, pour des délits de faux, détournements de biens publics et
abus de
confiance. A la tête de Kuwait Investment Office (KIO, bureau à
Londres de
l'autorité d'investissement de l'Etat du Koweït) et de sociétés ayant
reçu
des fonds publics (T.________), les prévenus auraient détourné ces
fonds pour
une destination inconnue. L'autorité requérante énumère quatre
opérations
distinctes, avec une liste de transferts litigieux. Il est fait
notamment
état d'une opération par laquelle T.________ auraient versé, en
octobre 1990,
300 millions d'US$ à la société P.________, somme que les prévenus se
seraient appropriée après divers transferts. Notamment, 150'000 US$
seraient
parvenus sur un compte X.________ auprès de la Banque Lombard Odier
(Genève).
L'autorité requérante, qui désirait retrouver la destination des fonds
détournés, fournissait une liste de comptes ouverts dans treize
banques
genevoises. Elle en demandait la documentation complète depuis 1988
jusqu'au
jour de la demande, et désirait connaître tous autres comptes détenus
par les
prévenus.

Par ordonnance du 20 août 1997, notifiée à l'ensemble des banques
concernées,
le Juge d'instruction genevois, chargé d'exécuter cette demande, est
entré en
matière.

Le 9 décembre 1997, l'Office fédéral de la Justice (ci-après: l'OFJ),
a
précisé à l'intention du juge d'instruction que les recherches
devaient aussi
porter sur les transferts, aux débit et crédit des comptes
mentionnés. Un
expert a été chargé de retracer le cheminement des fonds; il a rendu
un
rapport le 28 février 2000.

B.
Par ordonnance de clôture du 24 septembre 2001, le juge d'instruction
a
décidé de transmettre à l'autorité requérante les documents relatifs
à divers
comptes, selon une liste annexée, parmi lesquels les comptes
X.________
(ouvert du 9 mars 1989 au 30 septembre 1996) et Y.________ (ouvert le
5 juin
1996), détenus par A.________. Dans une lettre circulaire du même
jour, le
juge d'instruction faisait savoir que les pièces saisies étaient
également
versées au dossier de la procédure pénale ouverte à Genève.

A. ________ a saisi la Chambre d'accusation genevoise, en invoquant le
principe de la proportionnalité. Les pièces bancaires couvraient la
période
du 9 mars 1989 au 3 septembre 1997, alors que la demande d'entraide
portaient
sur les documents du mois de janvier 1988 au 30 juin 1997. La requête
ne
mentionnait qu'un seul versement de 150'000 US$, du 14 novembre 1990,
que le
recourant justifiait par son activité professionnelle en faveur de
B.________. Les documents bancaires antérieurs étaient inutiles, de
même que
l'ensemble des relevés, remis sans justificatifs et donc
inutilisables. La
remise en vrac, sans aucun tri, était inadmissible. L'inventaire du
juge
d'instruction était incomplet puisqu'il ne mentionnait pas la
documentation
du compte Y.________.

C.
Par ordonnance du 18 avril 2002, la Chambre d'accusation a rejeté le
recours.
La demande d'entraide mentionnait le compte X.________, et portait
sur les
documents d'ouverture ainsi que sur les relevés de janvier 1988 au
jour de la
requête. Le transfert de 150'000 US$ ne faisait qu'illustrer les
soupçons de
l'autorité requérante, laquelle désirait en outre retracer le
cheminement et
localiser les fonds. La production de l'intégralité de la
documentation, sans
limite de temps, correspondait à l'entraide requise et respectait le
principe
de la proportionnalité. Le fait que le compte Y.________ ne soit pas
mentionné dans la liste des pièces ne portait pas préjudice au
recourant.

D.
A.________ forme un recours de droit administratif contre cette
dernière
ordonnance. Il en demande l'annulation ainsi que la limitation de la
transmission aux documents d'ouverture du compte X.________ et à
l'avis de
crédit du 14 novembre 1990, à l'exclusion de tout autre document.
Subsidiairement, il demande qu'un tri des pièces soit effectué.

Le juge d'instruction et la Chambre d'accusation se réfèrent à leurs
décisions respectives. L'OFJ conclut au rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Interjeté dans le délai et les formes utiles contre une décision de
clôture
confirmée en dernière instance cantonale, le recours de droit
administratif
est recevable (art. 80e let. a et 80f al. 1 de la loi fédérale sur
l'entraide
internationale en matière pénale - EIMP, RS 351.1). Le recourant a
qualité
pour recourir contre la transmission de renseignements relatifs aux
comptes
dont il est ou a été personnellement titulaire (art. 80h let. b EIMP
et 9a
let. a OEIMP).

2.
En l'absence d'une convention liant la Suisse et l'Etat requérant,
l'entraide
judiciaire est entièrement régie par l'EIMP et son ordonnance
d'exécution
(OEIMP, RS 351.11).

3.
Le recourant invoque le principe de la proportionnalité. Il relève que
l'entraide judiciaire est requise pour la période du 1er janvier 1988
au jour
de la demande, soit le 30 juin 1997. Or, les documents bancaires
saisis
couvrent la période du 9 mars 1989 au 3 septembre 1997, sans que le
juge
d'instruction n'ait motivé cette extension. L'OFJ aurait d'ailleurs
estimé,
dans ses observations au recours cantonal, que certains renseignements
seraient sans rapport avec la demande. Les inexactitudes dans la
désignation
des pièces (absence des documents relatifs au compte Y.________,
documents
regroupés dans un classeur au lieu de deux) indiqueraient que le juge
d'instruction n'a effectué aucun tri. Le recourant estime que le seul
renseignement déterminant concernerait le versement de 150'000 US$ du
14
novembre 1990, somme restée sur le compte. Les relevés portant sur une
période de huit ans seraient d'ailleurs inutilisables pour retracer le
cheminement des fonds. Le recourant demande que le juge d'instruction
soit
invité à procéder à un tri des documents, et, subsidiairement, que
les pièces
concernant la période du 30 juin 1997 au 3 septembre 1997 soient
écartées de
la transmission.

3.1 Le principe de la proportionnalité empêche d'une part l'autorité
requérante de demander des mesures inutiles à son enquête et, d'autre
part,
l'autorité d'exécution d'aller au-delà de la mission qui lui est
confiée (ATF
121 II 241 consid. 3a). L'autorité suisse requise s'impose une grande
retenue
lorsqu'elle examine le respect de ce principe, faute de moyens qui lui
permettraient de se prononcer sur l'opportunité de l'administration
des
preuves. Le juge de l'entraide doit lui aussi se borner à examiner si
les
renseignements à transmettre présentent, prima facie, un rapport avec
les
faits motivant la demande d'entraide. Il ne doit exclure de la
transmission
que les documents n'ayant manifestement aucune utilité possible pour
les
enquêteurs étrangers (examen limité à l'utilité "potentielle", ATF
122 II 367
consid. 2c p. 371).
Le principe de la proportionnalité n'interdit pas à l'autorité
d'exécution
d'interpréter extensivement la requête d'entraide. Cela peut permettre
d'éviter le dépôt d'une demande d'entraide complémentaire, lorsqu'il
apparaît
d'emblée que l'autorité étrangère ne pourra pas se satisfaire des
renseignements recueillis (ATF 121 II 241 consid. 3a p. 242-243).

3.2 Tel est précisément le sens de la démarche du juge d'instruction.
L'autorité requérante expose en effet que des fonds public, investis
notamment dans les sociétés T.________, auraient été détournés à
grande
échelle. La mission décrite par l'autorité requérante apparaît étendue
puisqu'il s'agit non seulement d'obtenir des renseignements sur les
comptes
ayant fait l'objet de transactions litigieuses, mais aussi de
rechercher tous
autres comptes qui auraient pu être utilisés par les prévenus.
L'autorité
requérante désire, en définitive, connaître la destination finale des
fonds
détournés. Il apparaît dès lors évident que les comptes étant à
l'origine ou
à destination des fonds qui ont transité par les comptes mentionnés
dans la
demande intéressent également l'autorité requérante.
Le recourant ne saurait dès lors se prétendre hors de cause puisque
son
compte était destinataire d'un versement spécifiquement visé dans la
demande
d'entraide. Il ne saurait non plus soutenir que l'objet de l'entraide
est
limité à un versement déterminé. Comme le relève la Chambre
d'accusation -
sans être sérieusement contredite par le recourant sur ce point -,
l'opération litigieuse peut n'avoir été mentionnée qu'à titre
d'exemple.
S'agissant de détournements commis sur une grande échelle, l'autorité
requérante peut légitimement vouloir vérifier que le versement dont
elle a
connaissance n'a pas été précédé ou suivi d'autres transferts du même
type.

Il y a certes une légère extension par rapport à l'entraide requise,
puisque
les renseignements bancaires s'étendent au 23 septembre 1997, date de
clôture
du compte Y.________, alors que le magistrat étranger demande la
production
de la documentation jusqu'au jour de sa demande, soit le 30 juin
1997.
Manifestement, il a considéré qu'il ne pouvait obtenir de
renseignements
postérieurs à sa démarche, mais cette opinion est erronée. La
production de
toute la documentation bancaire permettra de contrôler la provenance
des
fonds, ainsi que leur destination ultérieure. Le recourant ne prétend
pas que
les documents portant sur cette période supplémentaire de deux mois
contiendraient des informations particulières qui devraient demeurer
secrètes. L'interprétation large de la demande, telle qu'opérée par
le juge
d'instruction, y compris le léger débordement quant aux dates
d'investigations, procède d'une bonne compréhension de la démarche de
l'autorité étrangère et n'est en rien critiquable.

3.3 Le principe de la proportionnalité impose aussi à l'autorité
d'exécution
d'effectuer un tri des documents à transmettre. En vertu de son droit
d'être
entendue, la personne touchée par la mesure d'entraide doit pouvoir
s'opposer
à la transmission de renseignements déterminés, soit qu'ils
apparaissent
manifestement sans rapport possible avec les faits évoqués dans la
demande,
soit qu'ils violent d'une autre manière le principe de la
proportionnalité
(ATF 116 Ib 190 consid. 5b et la jurisprudence citée). Cela n'impose
pas une
audition personnelle de l'intéressé, mais celui-ci doit disposer d'une
occasion suffisante pour faire valoir ses moyens d'opposition avant la
transmission (ATF 127 II 151 consid. 5b p. 159).
Contrairement à ce que soutient le recourant, c'est à lui qu'il
appartenait
d'indiquer quelles pièces ne devaient pas être transmises, et d'en
indiquer
les motifs. Même si le nombre de pièces saisies est important, le
recourant
en connaît mieux la teneur, ce qui justifie ce devoir de
collaboration (ATF
126 II 258 consid. 9b/aa). Le recourant a eu l'occasion de présenter
ses
objections dans le cadre de la procédure cantonale de recours, ce qui
satisfait à son droit d'être entendu. Rien ne l'empêchait d'indiquer
précisément quels renseignements bancaires portaient atteinte de
manière
disproportionnée à sa sphère privée. Or, que ce soit devant la cour
cantonale
ou devant le Tribunal fédéral, il n'entreprend pas une telle
démonstration,
alors que, comme cela est relevé ci-dessus, on peut raisonnablement
présumer
que l'ensemble des documents remis par la banque présente un intérêt
potentiel pour l'enquête menée dans l'Etat requérant.
Quant à l'imprécision dans l'inventaire des documents transmis, elle
ne porte
aucun préjudice au recourant, celui-ci ayant pu prendre connaissance
de
l'ensemble des pièces et faire valoir ses objections à ce propos. Le
grief
doit par conséquent être écarté, de même que les conclusions
subsidiaires
présentées sur ce point.

4.
Sur le vu de ce qui précède, le recours de droit administratif doit
être
rejeté, aux frais du recourant (art. 156 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 5000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant,
au Juge
d'instruction et à la Chambre d'accusation du canton de Genève, ainsi
qu'à
l'Office fédéral de la justice (B 107 164).

Lausanne, le 20 septembre 2002

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1A.146/2002
Date de la décision : 20/09/2002
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-09-20;1a.146.2002 ?
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