La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/09/2002 | SUISSE | N°4C.178/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 13 septembre 2002, 4C.178/2002


{T 0/2}
4C.178/2002 /ech

Arrêt du 13 septembre 2002
Ire Cour civile

Les juges fédéraux Walter, président de la Cour, Corboz, Klett,
Rottenberg
Liatowitsch et Favre.
Greffière Michellod

X.________ SA,
défenderesse et recourante,

contre

Y.________,
demandeur et intimé, représenté par Me Jacques Borowsky, avocat, rue
Ferdinand-Hodler 7, 1207 Genève.

contrat de travail; résiliation immédiate

(recours en réforme contre l'arrêt de la Cour d'appel des prud'hommes
du<

br> canton de Genève du 19 décembre 2001).

Faits:

A.
A.a Par contrat de travail signé le 4 janvier 1999, Y.________ a ét...

{T 0/2}
4C.178/2002 /ech

Arrêt du 13 septembre 2002
Ire Cour civile

Les juges fédéraux Walter, président de la Cour, Corboz, Klett,
Rottenberg
Liatowitsch et Favre.
Greffière Michellod

X.________ SA,
défenderesse et recourante,

contre

Y.________,
demandeur et intimé, représenté par Me Jacques Borowsky, avocat, rue
Ferdinand-Hodler 7, 1207 Genève.

contrat de travail; résiliation immédiate

(recours en réforme contre l'arrêt de la Cour d'appel des prud'hommes
du
canton de Genève du 19 décembre 2001).

Faits:

A.
A.a Par contrat de travail signé le 4 janvier 1999, Y.________ a été
engagé
par la société X.________ SA dès le 1er janvier 1999, en qualité de
directeur
commercial. Sa mission consistait à mettre sur le marché et à
promouvoir les
ventes d'un nouveau appareil médical. Le cahier des charges de
Y.________
indiquait qu'il avait la fonction de «directeur sales and marketing de
X.________ SA, responsable de tous les aspects commerciaux relatifs à
la
gamme de produits». Ses tâches consistaient notamment à amener les
produits
du stade recherche et développement et du stade de production sur le
marché,
pour en faire «un produit vendable et commercialisable». Le travail de
Y.________ consistait également à assurer le relais entre le marché
et les
collaborateurs de X.________ SA.

Le salaire mensuel brut de Y.________ a été fixé à 14'000 fr., versé
treize
fois l'an. Par ailleurs, le contrat prévoyait un intéressement sur le
chiffre
d'affaires et la mise à disposition d'une voiture de fonction.

A.b Y.________ a commencé à présenter l'appareil médical aux
utilisateurs
potentiels ainsi qu'à mettre en place un réseau de distribution au
niveau
européen en juin 1999, soit à une époque où l'appareil était encore
au stade
de prototype. Par la suite, X.________ SA, pressée par le temps, n'a
pas
voulu procéder à tous les essais qui doivent être usuellement
effectués lors
du lancement d'un nouveau produit dans le domaine médical et a
demandé à son
sous-traitant de produire rapidement les premiers appareils. Les 300
appareils livrés à la fin de l'année 1999 ont été remis aux
distributeurs
européens de X.________ SA à partir du début 2000. Au début du mois de
février 2000, le Dr. Z.________, de l'hôpital A.________, a décelé
plusieurs
graves défauts sur l'appareil médical. Il en a fait part à Y.________
et aux
ingénieurs du service technique de X.________ SA. Aucun d'eux n'en a
toutefois informé la direction de la recourante. A la fin du mois de
mars
2000, la recourante a appris par un distributeur français,
B.________, qu'un
défaut majeur affectait l'appareil: à deux reprises au moins, à la
première
utilisation, un fil métallique s'était cassé, perçant ainsi la gaine
de
protection de l'appareil médical. A la suite de cette découverte,
tous les
distributeurs ont cessé la présentation de l'appareil et ont retourné
les
pièces reçues. Entre le mois de février 2000 et la découverte du
défaut par
la direction de la recourante, 187 appareils lui ont été livrés par le
sous-traitant; tous défectueux, ils ont été détruits.

A.c Par courrier recommandé du 13 avril 2000, X.________ SA a résilié
le
contrat de travail de Y.________ avec effet immédiat, précisant qu'un
décompte de ses indemnités allait prochainement lui être communiqué.
Par
lettre de son conseil du 17 mai 2000, Y.________ a informé X.________
SA
qu'ayant été «profondément affecté par son licenciement abrupt», il se
trouvait en incapacité totale de travail depuis le 20 avril 2000. Il a
recouvré sa pleine capacité de travail dès le 1er juin 2000. Par
courrier du
2 juin 2000, Y.________, toujours par le biais de son conseil, a
notamment
réclamé à X.________ SA le paiement de son salaire jusqu'à l'échéance
du
contrat, le règlement de ses vacances pour 1999, le remboursement de
ses
frais pour les mois de mars et avril 2000, l'intéressement sur le
bénéfice de
l'entreprise, soit 63'000 fr., ainsi que le paiement d'une indemnité
pour
l'utilisation de son véhicule privé.

Par l'entremise de son avocat, X.________ SA a répondu le 9 juin 2000
qu'elle
contestait toutes les prétentions de Y.________, affirmant que ce
dernier lui
avait causé un important dommage dans le cadre de l'exécution de son
contrat
de travail en violant ses devoirs essentiels de diligence.

B.
B.aPar demande du 28 août 2000, Y.________ a assigné X.________ SA en
paiement de 114'922,65 fr. et de 84'000 fr. avec intérêts à 5% l'an
dès le 14
avril 2000. Il soutenait que son licenciement immédiat était en
réalité un
congé de représailles consécutif à ses réclamations concernant le
paiement
des prestations prévues dans son contrat de travail.

X. ________ SA a conclu au déboutement de Y.________. Elle lui a
reproché
plusieurs manquements dans son travail et lui a notamment fait grief
de ne
pas avoir procédé aux expérimentations de mise au point de l'appareil
médical
alors que telle était sa mission entre septembre 1999 et février
2000; il
avait ainsi commis une faute extrêmement lourde qui justifiait
pleinement à
elle seule un licenciement immédiat.

X. ________ SA a formulé une demande reconventionnelle, concluant au
paiement
par Y.________ de 132'750 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 1er mai
2000.
Elle basait ses prétentions sur le fait qu'en raison des négligences
de son
ex-employé, le défaut affectant l'appareil médical n'avait pas été
décelé, de
sorte que toutes les pièces fabriquées étaient inutilisables. Le
dommage
correspondait à une partie du coût de leur fabrication. Le fabricant
de
l'appareil devant supporter une partie de ce dommage, Y.________
devait être
tenu responsable de la moitié de celui-ci.

B.b Par jugement du 17 mai 2001, le Tribunal des Prud'hommes du
canton de
Genève a condamné X.________ SA à payer à Y.________ les sommes de
108'620,20
fr. brut et de 22'759 fr. net avec intérêts à 5% l'an dès le 14 avril
2000.

En substance, les premiers juges ont considéré que les conditions de
licenciement immédiat pour justes motifs n'étaient pas réalisées, car
le rôle
de Y.________ consistait à promouvoir le lancement de l'appareil et
non pas à
procéder à son expérimentation. Par ailleurs, la direction de
X.________ SA
avait insisté pour que les premiers appareils soient produits
rapidement, en
dépit des lettres que lui avait adressées le sous-traitant pour
l'informer
que la validation de la conception de l'appareil médical n'avait pas
été
faite. L'intimé n'avait donc pas violé son obligation de diligence.
Quant aux
autres griefs invoqués par X.________ SA, à savoir les absences
injustifiées,
l'attitude désinvolte et le non-paiement d'une facture d'hôtel par
Y.________, ils n'étaient pas graves au point de constituer un juste
motif de
licenciement immédiat. Faisant application de l'art. 337c al. 1 CO, le
Tribunal a admis que Y.________ avait droit, compte tenu de son
incapacité de
travail pour maladie, à son salaire jusqu'au 30 juillet 2000, au 13ème
salaire pro rata temporis et à une rémunération pour les vacances non
prises;
il avait également droit au remboursement des frais de déplacement
effectués
avec son propre véhicule et des frais de téléphone pour les mois de
mars et
d'avril 2000, ainsi qu'à une partie de l'intéressement prévu
contractuellement. Concernant l'indemnité due en cas de licenciement
abusif
en vertu de l'art. 337c al. 3 CO, les premiers juges ont estimé qu'il
se
justifiait d'allouer à Y.________ un mois de salaire.

S'agissant de la demande reconventionnelle de X.________ SA, le
Tribunal a
retenu que si cette société avait certes subi un dommage à cause des
appareils défectueux, ce préjudice n'avait toutefois pas été causé par
Y.________; faute d'existence d'un lien de causalité adéquate entre le
dommage subi par X.________ SA et le comportement de son ex-employé,
la
société ne pouvait être que déboutée de ses prétentions à cet égard.

B.c Sur appel de X.________ SA, la Cour d'appel de la juridiction des
Prud'hommes du canton de Genève a annulé le jugement de première
instance et,
statuant à nouveau, a condamné X.________ SA à payer à Y.________ les
sommes
de 108'620,20 fr. brut avec intérêts à 5% l'an dès le 14 avril 2000,
et de
4'959 fr. net avec intérêts à 5% l'an dès le 14 avril 2000.

La Cour d'appel a considéré que Y.________ n'avait pas violé ses
obligations
d'une manière si grave que la poursuite des rapports de travail ne
pouvait
être exigée de X.________ SA jusqu'à leur terme légal. A cela
s'ajoutait le
fait que la recourante avait attendu le 13 avril 2000 pour résilier
avec
effet immédiat le contrat de travail alors que le comportement qu'elle
reprochait à Y.________ datait du début du mois de février 2000.
X.________
SA avait donc congédié immédiatement Y.________ sans justes motifs.
La Cour
d'appel a confirmé la condamnation de X.________ SA à verser à son
ex-employé, sur la base de l'art. 337c al. 1 CO, le salaire jusqu'à
fin
juillet 2000, le 13ème salaire prévu contractuellement prorata
temporis
jusqu'à fin juillet 2000 et le salaire correspondant aux vacances non
prises
à cette date. S'agissant de l'indemnité prévue par l'art. 337c al. 3
CO, la
Cour d'appel a réduit son montant à 1'000 fr.

En ce qui concerne la demande reconventionnelle, la Cour d'appel a
condamné
Y.________ à payer à X.________ SA la somme de 22'918 fr. net avec
intérêts à
5% l'an dès le 1er mai 2000. Elle a estimé qu'il incombait à
Y.________
d'inclure dans les rapports destinés à X.________ SA les défauts dont
se
plaignaient les clients qui testaient l'appareil médical et dont il
avait
connaissance. Si l'intimé avait informé son employeur des graves
problèmes
découverts lors des essais effectués à l'hôpital A.________ au début
du mois
de février 2000, X.________ SA aurait pu stopper la fabrication des
appareils
en cours et éviter ainsi de supporter le coût des appareils défectueux
produits ultérieurement. La Cour d'appel a considéré que cette
absence de
communication de la part de Y.________ constituait une violation
fautive de
ses obligations contractuelles à l'égard de son employeur, compte
tenu des
tâches qui lui étaient assignées et de sa position cadre. Cependant,
le
service technique de X.________ SA n'avait pas non plus informé la
direction
de la société des problèmes apparus lors des tests effectués en
février 2000;
il portait donc aussi sa part de responsabilité dans le dommage subi.
Il en
allait de même de la direction de X.________ SA qui avait poussé à la
commercialisation de l'appareil sans attendre la fin de sa mise au
point.
Compte tenu de toutes les circonstances, la Cour d'appel a mis à la
charge de
l'intimé le quart du préjudice subi par X.________ SA, soit 22'918 fr.

C.
X.________ SA interjette un recours en réforme au Tribunal fédéral.
Elle
conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et à ce que le Tribunal
fédéral,
statuant à nouveau, constate la validité du congé pour justes motifs,
dise
que l'intéressement au chiffre d'affaires est supprimé, dise que
l'art. 336
CO (recte: 336c CO) ne s'applique pas, que par conséquent les
salaires des
mois de juin et juillet 2000 ne sont pas dus, et donne acte à la
recourante
qu'elle s'engage à payer les frais de téléphone de l'intimé à
concurrence de
3'959 fr. S'agissant de la demande reconventionnelle, X.________ SA
conclut
au paiement de 91'667 fr.

Invité à déposer une réponse, Y.________ conclut au rejet du recours
et à la
confirmation de l'arrêt attaqué.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
La recourante estime que la Cour d'appel a violé l'art. 337 CO en
niant
l'existence de justes motifs.

1.1 Selon l'art. 337 al. 1 1ère phrase CO, l'employeur et le
travailleur
peuvent résilier immédiatement le contrat en tout temps pour de justes
motifs. Doivent notamment être considérées comme tels toutes les
circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, ne permettent pas
d'exiger de celui qui a donné le congé la continuation des rapports de
travail (art. 337 al. 2 CO).
Mesure exceptionnelle, la résiliation immédiate pour justes motifs
doit être
admise de manière restrictive (cf. Brunner/Bühler/Waeber, Commentaire
du
contrat de travail, 2e éd., Lausanne 1996, art. 337c CO n. 1;
Streiff/von
Kaenel, Leitfaden zum Arbeitsvertragsrecht, 5e éd., Zurich 1992, art.
337 CO
n. 3 et les références citées). D'après la jurisprudence, les faits
invoqués
à l'appui d'un renvoi immédiat doivent avoir entraîné la perte du
rapport de
confiance qui constitue le fondement du contrat de travail (ATF 124
III 25
consid. 3c p. 29). Seul un manquement particulièrement grave du
travailleur
justifie son licenciement immédiat; si le manquement est moins grave,
il ne
peut entraîner une résiliation immédiate que s'il a été répété malgré
un
avertissement (ATF 127 III 153 consid. 1a). Par manquement du
travailleur, on
entend la violation d'une obligation découlant du contrat de travail,
comme
par exemple le devoir de fidélité (cf. art. 321a al. 1 CO).

Le juge apprécie librement s'il existe de justes motifs (art. 337 al.
3 CO).
Il applique les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC) et prendra
en
considération tous les éléments du cas particulier, notamment la
position et
la responsabilité du travailleur, le type et la durée des rapports
contractuels, ainsi que la nature et l'importance des manquements.


Le Tribunal fédéral ne revoit qu'avec réserve la décision d'équité
prise en
dernière instance cantonale. Il intervient lorsque celle-ci s'écarte
sans
raison des règles établies par la doctrine et la jurisprudence en
matière de
libre appréciation, ou lorsqu'elle s'appuie sur des faits qui, dans
le cas
particulier, ne devaient jouer aucun rôle, ou à l'inverse,
lorsqu'elle ne
tient pas compte d'éléments qui auraient absolument dû être pris en
considération; il sanctionnera en outre les décisions rendues en
vertu d'un
pouvoir d'appréciation lorsqu'elles aboutissent à un résultat
manifestement
injuste ou à une iniquité choquante (ATF 127 III 153 consid. 1a et
les arrêts
cités).

A raison de son obligation de fidélité, le travailleur est tenu de
sauvegarder les intérêts légitimes de son employeur (art. 321a al. 1
CO) et,
par conséquent, de s'abstenir de tout ce qui peut lui nuire. Le
comportement
des cadres doit être apprécié avec une rigueur accrue; en effet,
l'employeur
a un intérêt particulier à pouvoir se fier à la rectitude absolue du
travailleur lorsque celui-ci exerce une fonction à responsabilités où
il
devrait être à même d'agir seul, sans le contrôle de son employeur
(Staehelin/Vischer, Commentaire zurichois, art. 321a CO n. 8 et art.
337 n.
22; Streiff/von Kaenel, op. cit., art. 337 CO n. 8; Rehbinder,
Commentaire
bernois, art. 337 CO n. 8).

1.2 Devant le Tribunal fédéral, la recourante ne soutient plus que
l'intimé
aurait dû organiser des tests cliniques avant la mise sur le marché de
l'appareil médical. En revanche, elle affirme que celui-ci a commis
une faute
extrêmement grave en ne l'informant pas immédiatement de l'important
défaut
découvert et communiqué par le Dr. Z.________ au début du mois de
février
2000. Elle allègue que le défaut technique de l'appareil médical
était de
nature à mettre en danger la vie des patients et que les règles de
prudence
les plus élémentaires auraient consisté à faire un rapport et à l'en
aviser
pour qu'elle puisse prévenir un dommage éventuel à la santé des
patients.
Elle ajoute que l'intimé jouissait d'une fonction à responsabilités
de sorte
qu'il devait être à même d'agir seul sans le contrôle de son
employeur et
sans exposer celui-ci à un dommage. La nature de la mission de
l'intimé
impliquait également une collaboration étroite et un rapport de
confiance
particulier avec la direction de la société.

La recourante reproche à la Cour d'appel d'avoir violé le droit
fédéral en
considérant que la faute de l'intimé était de gravité moyenne,
puisque cette
faute aurait pu avoir des conséquences pénales pour la société et ses
dirigeants. Elle affirme que c'est sciemment et au mépris de la vie
d'autrui
que l'intimé a caché la découverte du défaut de l'appareil, acceptant
ainsi
que des tiers utilisent l'appareil médical défectueux. L'intimé
aurait fait
preuve d'un manque total de scrupules, ce qui permettrait de
qualifier son
silence de dol éventuel.

1.3 Certains éléments de fait sur lesquels s'appuie la recourante ne
peuvent
être pris en considération dans la mesure où ils ne figurent pas, même
implicitement, dans l'arrêt attaqué. Il en va ainsi du caractère
extrêmement
dangereux des défauts découverts en février 2000, de la mise en
danger des
patients qui en aurait résulté, du caractère délibéré du silence de
l'intimé
et de son manque de scrupules. De même, la réponse au recours
contient des
éléments de fait irrecevables, comme la connaissance par la direction
des
défauts de l'appareil médical à fin 1999 et le fait qu'elle ait
décidé de
poursuivre la vente de l'appareil malgré cela.

1.4 La question litigieuse est donc la suivante: en ne communiquant
pas
immédiatement à son employeur les importants défauts découverts par un
utilisateur en février 2000, l'intimé a-t-il commis un manquement si
grave
que la poursuite des relations contractuelles ne pouvait être exigée
de la
recourante ?

La Cour d'appel a considéré qu'il entrait dans les attributions de
l'intimé
de se tenir au courant des résultats des essais effectués par
certains futurs
utilisateurs étant donné les implications que cela pouvait avoir sur
la
commercialisation, voire même sur la production de l'appareil. Pour
cette
raison, l'intimé devait inclure dans les rapports destinés à son
employeur
les défauts dont se plaignaient les clients qui testaient l'appareil
médical
et dont il avait connaissance. Le silence reproché à l'intimé
constituait
donc une violation fautive de ses obligations contractuelles compte
tenu des
tâches qui lui étaient assignées et de sa position de cadre. La Cour
d'appel
a cependant estimé qu'il ne s'agissait pas d'un manquement
suffisamment grave
pour justifier un licenciement immédiat au sens de l'art. 337 CO.
D'une part,
il incombait également aux ingénieurs du service technique d'informer
la
direction du défaut découvert en février 2000; d'autre part, cette
dernière
avait sciemment renoncé aux essais préliminaires de
sorte que l'intimé avait continué à vendre des appareils qui
n'avaient pas
été expérimentés comme il le fallait; enfin, le contrat de travail de
l'intimé n'était pas particulièrement clair quant à ses obligations.

L'appréciation de la Cour d'appel ne peut être suivie pour plusieurs
raisons.
Tout d'abord, la découverte de graves défauts en février 2000 est
survenue
après la décision de la recourante de commercialiser l'appareil
médical sans
avoir procédé aux expérimentations usuelles. Il est donc erroné de
relativiser le manquement de l'intimé en fonction de la décision de la
recourante. Au contraire, l'absence d'expérimentations de mise au
point,
connue de l'intimé, devait amener ce dernier à être très attentif aux
remarques des premiers usagers de l'appareil médical. Par ailleurs,
le fait
que les ingénieurs du service technique aient eu également
l'obligation
d'informer la direction des graves défauts découverts n'allège pas de
beaucoup la faute de l'intimé; devant le silence de ses collègues, il
devait
veiller à informer lui-même son employeur.

Enfin, la Cour d'appel mentionne à décharge de l'intimé le peu de
clarté de
son contrat de travail sur la question du devoir d'information. Le
manquement
reproché à l'intimé relève cependant du devoir général de diligence
d'un
employé. La loi prévoit expressément que le travailleur doit exécuter
avec
soin le travail qui lui est confié et sauvegarder fidèlement les
intérêts
légitimes de son employeur (art. 321a al. 1 CO). Cette sauvegarde
implique
que lorsque le travailleur a connaissance d'un risque menaçant les
intérêts
légitimes de son employeur, il mette tout en oeuvre pour l'écarter.
Si le
risque peut être réduit ou annulé par l'intervention de l'employeur
lui-même,
le travailleur a donc l'obligation de l'en informer pour qu'il puisse
agir en
conséquence. Suivant la position occupée par l'employé, son degré de
connaissance du risque, la confiance que lui accorde son employeur et
l'importance du dommage pouvant survenir, l'omission d'informer
l'employeur
du risque encouru peut constituer un manquement si grave qu'il
justifie un
licenciement immédiat.

En l'espèce, l'intimé occupait une fonction directoriale impliquant un
rapport de confiance très important avec son employeur. Lorsqu'il a
appris
que de graves défauts affectaient l'appareil médical testé à l'hôpital
A.________, 300 appareils avaient déjà été livrés aux distributeurs
européens
et la production battait son plein (187 appareils livrés à la
recourante
entre début février et début avril 2000). Le médecin de l'hôpital
A.________
ayant constaté que plusieurs défauts rendaient l'appareil médical mal
adapté
à l'usage prévu, il existait un risque élevé que les appareils en
cours de
production soient également défectueux, ce d'autant plus que
l'appareil
n'avait pas fait l'objet d'expérimentations de mise au point. En tant
que
directeur commercial de la recourante, l'intimé ne pouvait ignorer le
risque
économique que courait la société si les défauts constatés
affectaient tous
les appareils. Ce risque était d'autant plus crucial pour la société
que
l'appareil médical était son seul produit. Dans ces circonstances, le
fait de
découvrir, pour la recourante, que son directeur commercial était au
courant
depuis deux mois de graves défauts affectant le produit qu'il était
chargé de
commercialiser et qu'il ne l'en avait pas informée, était de nature à
détruire les rapports de confiance qui sont à la base du contrat de
travail.
On ne pouvait donc de bonne foi exiger d'elle qu'elle poursuive les
relations
de travail avec l'intimé jusqu'à la fin du délai de congé légal.

En considérant que le comportement reproché à l'intimé ne constituait
pas un
juste motif de licenciement immédiat, la Cour d'appel a violé le droit
fédéral. Le recours sera donc admis sur ce point.

2.
La recourante fait grief à la Cour d'appel d'avoir également violé
l'art. 337
CO en qualifiant de tardive la résiliation du 13 avril 2000.

2.1 Selon la jurisprudence, l'employeur doit notifier le licenciement
immédiat dès qu'il a connaissance du juste motif dont il entend se
prévaloir
ou, au plus tard, après un bref délai de réflexion. La jurisprudence
n'accorde qu'un court délai à l'employeur parce que s'il attend trop,
il
donne à penser au salarié qu'il pardonne le comportement reproché ou
que,
même en l'absence de pardon, la continuation des rapports de travail
est
possible (ATF 127 III 310 consid. 4b p. 315 et les arrêts cités). La
durée
admissible de la période de réflexion dépend des circonstances
d'espèce.

En règle générale, l'employeur dispose de deux à trois jours de
réflexion
avant de signifier la résiliation immédiate du contrat; les week-ends
et les
jours fériés ne sont pas compris (ATF 93 II 18). Un tel laps de temps
suffit
en général à l'intéressé pour mûrir sa décision et réunir les
renseignements
juridiques utiles. Une prolongation de quelques jours ne se justifie
qu'à
titre exceptionnel, en particulier si elle est imposée par les
exigences de
la vie économique ordinaire (ATF 69 II 311; arrêt 4C.282/1994 du 21
juin
1995, consid. 3a, reproduit - sous la date erronée du 21 mai 1995 -
in JAR
1997, p. 208 et les références); il en va ainsi, par exemple,
lorsqu'au sein
d'une personne morale la décision de licenciement relève de la
compétence
d'un organe constitué de plusieurs membres. Il arrive également que
les faits
qui pourraient justifier un licenciement immédiat ne soient pas
entièrement
connus d'emblée; dans cette hypothèse, le délai ne commence à courir
que
lorsque l'employeur a une connaissance certaine du juste motif.
Cependant, en
présence d'un soupçon concret, l'employeur se doit de tirer les faits
au
clair sous peine de perdre son droit à la résiliation immédiate
(Staehelin/Vischer, op. cit., art. 337 CO n. 35 ; Rehbinder, op.
cit., art.
337 CO n. 16, point b).

2.2 En l'espèce, il a été constaté que le 31 mars 2000, la société
française
B.________ a adressé à X.________ SA, à l'attention de Y.________, un
fax
l'informant de divers problèmes rencontrés par des médecins lors
d'essais
avec l'appareil. Le 7 avril 2000, cette même société a adressé à
X.________
SA, à l'attention de Y.________ et d'un ingénieur du service
technique, un
second fax pour la remercier de son fax du 5 avril 2000 dans lequel
elle
avait fait part de ses intentions d'améliorer les appareils qui lui
avaient
été retournés. Par ailleurs, la société française indiquait qu'elle
avait
encore en sa possession deux appareils en mauvais état, dont l'un
présentait
un béquillage cassé avec un fil sortant de la gaine.

Ces constatations de fait ne permettent pas de déterminer à quelle
date la
direction de la recourante a appris l'existence des défauts
découverts par le
distributeur français, puisque les communications de ce dernier
étaient
adressées à l'intimé et au service technique. De même, on ignore à
quelle
date la direction de la recourante a appris que l'intimé connaissait
l'existence de graves défauts depuis le début du mois de février
2000. Or ces
deux dates sont capitales pour déterminer si la recourante a réagi
suffisamment rapidement, au regard de la jurisprudence susmentionnée,
en
licenciant l'intimé le 13 avril 2000.

Sur la base de l'état de fait cantonal, la Cour de céans n'est pas en
mesure
de juger si le droit fédéral a été appliqué correctement. En
application de
l'art. 64 al. 1 OJ, il convient dès lors de renvoyer la cause à la
cour
cantonale pour qu'elle complète ses constatations, en particulier
qu'elle
établisse quand l'employeur a eu, de manière sûre, connaissance des
éléments
propres à fonder une résiliation immédiate du contrat de travail.

2.3 La recourante affirme que la Cour d'appel a violé l'art. 8 CC en
retenant
qu'elle n'avait pas prouvé avoir résilié le contrat en temps utile.

Selon l'art. 8 CC, chaque partie doit, si la loi ne prescrit pas le
contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son
droit. Cette
règle s'applique à toute prétention fondée sur le droit civil
fédéral. Elle
répartit le fardeau de la preuve et détermine ainsi la partie qui doit
assumer les conséquences d'une absence de preuve (ATF 127 III 142
consid. 3c
p. 145). L'art. 8 CC ne dicte cependant pas au juge comment il doit
former sa
conviction; ainsi, lorsque l'appréciation des preuves le convainc de
la
réalité ou de l'inexistence
d'un fait, la question de la répartition
du
fardeau de la preuve ne se pose plus; seul le moyen tiré d'une
appréciation
arbitraire des preuves, à invoquer dans un recours de droit public,
est alors
recevable (ATF 119 II 114 consid. 4c p. 117).

En l'espèce, la Cour d'appel a constaté que le comportement litigieux
datait
du début du mois de février 2000 et que la recourante avait résilié le
contrat de travail le 13 avril 2000. Ce faisant, elle a apprécié les
preuves
à sa disposition, ce qui ne peut être revu dans le cadre d'un recours
en
réforme. Quant à la conclusion qu'elle en a tirée, à savoir que le
congé
avait été donné tardivement, il s'agit d'une question d'application
du droit
fédéral, qui a été examinée ci-dessus (consid. 2.2).

3.
La recourante soutient ensuite que l'art. 336c CO sur la résiliation
en temps
inopportun ne saurait trouver application en l'espèce.

Il a été constaté que l'intimé avait été incapable de travailler du
20 avril
au 1er juin 2000. Si la Cour d'appel, statuant à nouveau, considère
que la
résiliation donnée le 13 avril 2000 l'a été en temps utile, le
contrat de
travail a pris fin à cette date et il n'est pas nécessaire d'examiner
l'art.
336c CO. Dans le cas contraire, la Cour d'appel devra effectivement
appliquer
cette disposition pour statuer sur les conséquences de la résiliation
injustifiée (art. 337c al. 1 CO).

La recourante estime que la Cour d'appel a violé l'art. 8 CC en
retenant que
l'intimé avait prouvé son incapacité de travail. En effet, il avait
remis à
son employeur un certificat médical plus d'un mois après le début de
sa
maladie, ce qui n'était pas admissible.

Savoir si l'intimé a été malade et le cas échéant, durant combien de
temps,
est une question de fait qui ne peut être discutée dans le cadre d'un
recours
en réforme. La manière dont la Cour d'appel a apprécié le certificat
médical
ne peut donc être revue par la Cour de céans. En outre, on ne
distingue
aucune violation de l'art. 8 CC.

4.
La recourante fait grief à la Cour d'appel d'avoir violé l'art. 2 al.
2 CC en
allouant à l'intimé la somme de 63'000 fr. à titre de participation au
bénéfice de l'entreprise. Elle considère que l'intimé commet un abus
de droit
en sollicitant cette participation, alors qu'il a gravement violé ses
obligations contractuelles en adoptant un comportement dangereux et
volontairement dépourvu de scrupules.

Comme cela a été mentionné ci-dessus (consid. 1.3), la Cour d'appel
n'a pas
constaté que les défauts découverts en février 2000 étaient
potentiellement
dangereux pour la vie des patients, ni que l'intimé avait sciemment et
volontairement caché ces défauts à son employeur. Il ne pourra donc
être tenu
compte de ces allégations.

Le texte du contrat est le suivant: "Fixé pour deux ans sur
l'accomplissement
du chiffre d'affaires, l'intéressement sera après deux ans, dès la
signature
des présentes, fixé sur le bénéfice de l'entreprise à des conditions
qui
seront alors déterminées d'un commun accord avec le Conseil
d'administration.
Il n'excédera pas 84'000 fr. annuels. Le montant de l'intéressement
est fixé
à 84'000 fr. annuellement pendant deux ans si le chiffre d'affaires
suivant
est réalisé: chiffre d'affaires 1999 sur les appareils: 5'000'000 fr.;
chiffre d'affaires 2000 sur les appareils: 19'000'000 fr. La
réalisation
partielle de ce chiffre
donnera lieu à un intéressement proportionnel. Cependant, durant les
deux
premières années, 50 % de cet intéressement est garanti quel que soit
le
chiffre d'affaires et sera payé à la fin de l'exercice final".

Le contrat prévoit donc le versement de 42'000 fr. en 1999 et de la
même
somme en 2000, indépendamment des résultats effectifs de la société.
Dès lors
que le montant et l'échéance inconditionnels de cette rétribution
sont fixés
d'avance dans le contrat de travail de l'intimé, elle doit être
assimilée au
salaire et non à une gratification au sens de l'art. 322d CO (cf. ATF
109 II
447). L'employé qui réclame le paiement de son salaire jusqu'à la
date de son
licenciement ne commet aucun abus de droit, même si la résiliation
est fondée
sur de justes motifs. Le grief est par conséquent infondé.

5.
S'agissant de la demande reconventionnelle, la recourante invoque une
violation des art. 50 et 321e CO. Elle allègue que la responsabilité
de
l'intimé pour le dommage qu'elle a subi repose non seulement sur une
violation de ses obligations contractuelles mais également sur la
commission
d'un acte illicite. En taisant les défauts découverts sur l'appareil
médical,
l'intimé aurait accepté de mettre la vie de patients en danger. Comme
l'un
des ingénieurs du service technique devait également informer la
direction de
l'existence de ces défauts, la Cour d'appel aurait dû les tenir
solidairement
responsables au sens de l'art. 50 CO.

Le raisonnement de la recourante repose sur l'hypothèse que la
violation
contractuelle commise par l'intimé fonde également une responsabilité
acquilienne au sens de l'art. 41 CO. Or il n'a pas été constaté que
les
défauts découverts en février 2000 étaient susceptibles de mettre en
danger
la vie des patients. La construction que la recourante tente
d'échafauder sur
la base de l'art. 41 CO n'a dès lors pas d'assises et le grief doit
être
rejeté.

6.
La recourante se plaint enfin d'une violation de l'art. 43 al. 1 CO
(recte:
44 CO). L'art. 44 al. 1 CO, applicable à la responsabilité
contractuelle par
le biais de l'art. 99 al. 3 CO, prévoit que le juge peut réduire les
dommages-intérêts ou même ne point en allouer lorsque la partie lésée
a
consenti à la lésion ou lorsque des faits dont elle est responsable
ont
contribué à créer le dommage, à l'augmenter ou qu'ils ont aggravé la
situation du débiteur.

La recourante estime que la Cour d'appel ne pouvait lui reprocher de
ne pas
avoir exigé formellement de l'intimé un rapport sur la fiabilité des
appareils, puisque ce n'est pas par manquement à son devoir
d'information
général, mais par dol éventuel que l'intimé a caché les défauts à sa
direction.

La recourante se trompe de cible: la Cour d'appel a réduit les
dommages-intérêts dus par l'intimé au motif que le service technique
de la
recourante avait également manqué à son devoir d'information et que sa
direction avait poussé à la commercialisation de l'appareil sans
attendre la
fin de sa mise au point; la Cour d'appel n'a pas reproché à la
recourante,
dans ce contexte, de ne pas avoir exigé des rapports détaillés de la
part de
l'intimé. Le grief tombe donc à faux.

7.
Au vu de ce qui précède, le recours doit être partiellement admis,
l'arrêt
attaqué annulé et la cause retournée à l'autorité cantonale, en
application
de l'art. 64 al. 1 OJ, pour qu'elle complète l'état de fait et rende
une
nouvelle décision dans le sens des considérants.

La valeur litigieuse dépasse 30'000 fr. de sorte que la procédure
n'est pas
gratuite (art. 343 al. 3 CO). Comme aucune partie n'obtient
entièrement gain
de cause et que l'issue du procès est encore incertaine, il se
justifie de
partager les frais judiciaires par moitié entre la recourante et
l'intimé
(art. 156 al. 3 OJ); par ailleurs, chaque partie supportera ses
propres
dépens (art. 159 al. 3 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est partiellement admis, l'arrêt attaqué est annulé et la
cause
est renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le
sens des
considérants.

2.
Un émolument judiciaire de 5'000 fr. est mis pour moitié à la charge
de
chaque partie.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la Cour
d'appel des
prud'hommes du canton de Genève.

Lausanne, le 13 septembre 2002

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.178/2002
Date de la décision : 13/09/2002
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-09-13;4c.178.2002 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award